• il y a 6 mois

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00:00Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle vidéo. Je suis Marine Hilario, journaliste
00:18à l'étudiant et aujourd'hui, nous allons corriger ensemble l'épreuve de philosophie
00:21du bac pour la filière générale. Et pour cela, j'accueille Laurent Payet-Chevalier.
00:26Bonjour.
00:27Bonjour.
00:28Vous êtes professeur au lycée Notre-Dame-du-Grand-Champ à Versailles et voyons ensemble les sujets
00:33qui étaient proposés. On avait deux sujets de dissertation. Le premier sujet, le bonheur
00:38est-il affaire de raison ? Et le deuxième sujet, vouloir la paix, est-ce vouloir la
00:42justice ? Et une explication de texte de Lévi-Strauss, la pensée sauvage. Est-ce qu'il y avait des
00:48pièges selon vous à éviter ?
00:50Non, les sujets étaient assez classiques.
00:52Assez classiques. On va commencer tout de suite avec peut-être le premier sujet de
00:57dissertation. Le bonheur est-il affaire de raison ? Est-ce que là, il y avait une difficulté
01:01particulière selon vous ?
01:03Une toute petite lexicographique, c'est affaire d'eux. Parce qu'en réalité, ce n'est pas
01:08un terme du vocabulaire technique. Ce n'est pas non plus une expression logique, affaire
01:12d'eux. On dit en français courant, c'est de l'affaire de quelques instants, c'est
01:15de l'affaire de deux minutes. Alors, l'expression signifie ou indique une forme de simplicité.
01:21Ça ne va pas prendre longtemps, c'est naturel, ne t'inquiète pas, etc. Donc, si je relis
01:26le sujet à l'aune de cette définition, le bonheur est-il affaire de raison, ça signifie
01:31tout simplement qu'il y a quelque chose de simple, d'user de la raison pour atteindre
01:35le bonheur. Et cette simplicité, peut-être qu'on la retrouve dans les maximes traditionnels
01:40de Montaigne, la brouillère, ou sous des petites phrases populaires, on nous indique
01:46ce qu'il faut faire pour être heureux. Mais il y a deux présupposés à cette thèse.
01:52La première, c'est que c'est par la réflexion que l'on est capable de bien agir. C'est-à-dire
01:58que je vais devoir penser mon action avant de le poser. Mais une pensée qui présuppose
02:02là encore que le bien est atteignable, qu'il est visible, que je peux saisir par une forme
02:07de contemplation, disent les grecs, le bien que je dois atteindre. Donc, d'un premier
02:13moment, j'aurais travaillé ce sujet comme cela.
02:18Dans une première partie.
02:19Dans une première partie. Mais en fait, cela implique un lien de nécessité entre
02:24la raison et le bonheur. Mais si je pose la raison comme principe, la raison c'est ce
02:31qui se détermine d'elle-même. Elle n'a besoin d'être déterminée par rien d'autre.
02:35Le bonheur ne peut donc pas être la condition de la raison. Et donc, à ce moment-là, on
02:41inverse finalement le raisonnement, on montre que le sujet ne fait peut-être pas sens,
02:47puisque la raison n'a pas besoin du bonheur. Et donc, pour bien agir, il faut chercher
02:56ce qu'est le bien. C'est moi qui le cherche. Chacun dira que c'est l'autodétermination
02:59du bien. Mais il ne faut pas pour autant associer le bien, le bon et le beau.
03:04« Tu dois parce que tu dois », dit Kant. « Je dois le faire parce que je dois le
03:08faire. Je ne dois pas chercher le bonheur. Je dois le faire simplement parce que je dois
03:11le faire. Et peut-être finalement que dans ces maximes populaires, il ne faudrait peut-être
03:15pas les suivre spontanément et il faudrait peut-être chercher à les universaliser,
03:20chercher ce qui en elles permet d'atteindre l'universel, ce qui serait applicable pour
03:25tout homme raisonnable. Donc en fait, on a un problème. C'est que d'une part, le
03:29bonheur est affaire de raison, puisque spontanément, simplement, de façon évidente, la raison
03:34nous permet de guider vers le bonheur. Mais en même temps, si on prend au sérieux le
03:38travail de la raison, le bonheur ne peut pas conditionner la raison.
03:43Peut-être que pour sauver l'énoncé, rapidement, on pourrait se dire que le bonheur
03:47est affaire de raison, affaire de signifie implique peut-être la raison, mais pas de
03:53façon absolue. Et dans ce cas-là, le bonheur est-il affaire de raison signifierait qu'on
03:58a quand même besoin de la raison pour atteindre le bonheur, même s'il n'y a pas que la
04:01raison. Et ça, c'est le cas notamment chez Hobbes, où il faut dépasser nos égoïsmes
04:05particuliers pour atteindre un bonheur qui serait plus collectif. C'est le cas encore
04:11chez Adam Smith, où par la sympathie, il faudrait correspondre aux attentes sociales.
04:15C'est peut-être encore le cas chez Hume, où finalement, si on ne correspond pas aux
04:19vertus sociales, il y a une sanction, on est retiré de l'activité économique.
04:23C'est très clair. Donc effectivement, à part cette petite difficulté d'expression,
04:30on va dire, le sujet est relativement… Relativement simple et pas de grande difficulté
04:35me semble-t-il. Très bien. Alors passons au sujet numéro 2,
04:39la paix, est-ce vouloir la justice ? Une difficulté majeure, il y a deux fois
04:45le verbe « vouloir » avec un « est-ce que » au milieu. Spontanément, on peut
04:50simplement se demander s'il y a une équivalence. Est-ce que vouloir la justice, c'est vouloir
04:55la paix ? Est-ce que c'est la même chose ? On a envie de répondre qu'effectivement,
04:58il semble que ce soit la même chose, puisque vouloir la justice, c'est vouloir éviter
05:02les conflits. Et donc, s'il n'y a pas de conflits, il y a la paix. Quel est le rôle
05:06de la justice ? Éviter les conflits, régler les litiges, ça s'argumente facilement.
05:10Mais logiquement, il y a un problème, parce que « vouloir la paix » ne peut pas être
05:15du même niveau de principe que « vouloir la justice », puisque la paix est une conséquence
05:21de la justice. Donc là, ça ne fonctionne pas. Et si on réexamine même l'expression
05:26« la justice », son but n'est pas de vouloir la paix, qu'est-ce que c'est
05:29que la justice ? Kelsen dit que la justice est une requalification a posteriori des
05:34actes. La justice, c'est simplement appliquer le code civil, le code pénal. Et en cela,
05:38ce n'est pas vouloir une paix, ce n'est pas vouloir la paix. Donc en cela, le sujet
05:45pose problème. Alors comment résoudre ce problème dans un troisième temps ? Travailler
05:51de nouveau le verbe « vouloir ». Parce que vouloir la justice, c'est peut-être
05:55aussi chercher la concorde des volontés, vouloir ensemble la justice. Hegel dit ça
05:59dans les Propédotiques philosophiques. C'est chercher ensemble la justice pour atteindre
06:04la paix. La paix comme la possibilité de vivre ou d'exprimer ma liberté. Dans ce
06:09cas-là, dit Hegel, et la chose mérite d'être notée, c'est que même le criminel, celui
06:14qui en fera la loi, on respecte sa liberté, puisque le maître en prison peut faire ce
06:19qu'il a voulu. Et donc j'aurais terminé moi sur ce petit mot d'Hegel. Un petit peu
06:25piquant. Et alors un troisième sujet, une explication de texte. Est-ce que c'était
06:34un texte complexe ? Est-ce que ça faisait appel à quelle notion ? Le texte n'est pas
06:41difficile. On est là bien sûr sur la question de l'art, un peu au sens large, l'art,
06:46la technique. Donc le texte n'est pas difficile. Si ce n'est qu'il prend un revers une
06:52croyance. On croit spontanément que pour faire quelque chose, pour bâtir quelque
06:57chose, il faut impérativement maîtriser, savoir, penser. Il y a des expressions courantes
07:03que ce qu'on soit bien s'énonce clairement, les mots pour le dire arrivent aisément.
07:06Ou encore dit Kant, nous ne sommes pas nous comme une abeille qui nous devons penser avant
07:11d'agir, etc. Est-ce que c'est vrai ? Faut-il nécessairement penser avant d'agir ? Le
07:16texte ici de Lévi-Strauss oppose deux figures. Le bricoleur d'une part, l'ingénieur
07:22conçoit, il pense, il mesure. Et toutes les étapes de son projet sont mesurées, déterminées,
07:28calculées. Le bricoleur, quant à lui, ce n'est pas le cas. Il dit qu'il vit dans
07:33un monde, un univers instrumental qui est clos. Mais qu'est-ce que signifie cette clôture
07:39? Cette clôture, c'est simplement que ce n'est pas ouvert sur le calcul, ce n'est
07:42pas ouvert sur la découverte de procédés nouveaux. Comment ce monde est-il clos ? Il
07:47le dit de deux manières. D'une part, par des outils finis et d'autre part, par des
07:51matériaux. Pourquoi par des outils finis ? Parce que l'outil qu'utilise le bricoleur
07:56est un outil qu'il connaît, un outil qu'il maîtrise, dont il a l'habitude d'utiliser.
08:01Il ne va donc pas chercher des techniques nouvelles. Il ne va même pas chercher quel
08:05est le bon outil. Il va utiliser l'outil qu'il connaît. Et ces matériaux, contrairement
08:10à l'ingénieur qui calcule la portance, la densité, etc., sont ceux qui sont à portée
08:15de main, sont ceux qu'il a accumulés. Et contrairement en art où les objets sont
08:19mis au rebut, il y a bien sûr cet espace chez le bricoleur où les matériaux sont
08:24stockés. Et c'est parce que ces matériaux sont stockés qu'ils sont en attente d'être
08:30utilisés. Autrement dit, et c'est le deuxième moment du texte, ces matériaux sont pensés
08:35dans leur instrumentalité, ça peut toujours servir, leur potentialité d'usage. Autrement
08:42dit, le bricoleur ce n'est pas l'ingénieur. Il ne pense pas le projet en amont. C'est
08:47l'objet qui devient l'occasion de faire quelque chose. Et la fin du texte lui dit
08:51clairement, il ne voit pas la poutre par exemple, du point de vue de sa portance, mais c'est
08:56une poutre. Ce n'est pas un caillou, ce n'est pas un tas de terre, c'est une poutre.
09:00C'est déjà quelque chose de technique, mais il ne le voit pas dans toute sa dimension
09:03technique. Mais il va l'utiliser, ou plutôt le détourner, ou plutôt là-dessus utiliser
09:08son imagination, et non pas sa capacité de calcul, pour pouvoir réaliser quelque
09:14chose. Et alors l'expression oxymorique à la fin qui fallait je pense relever, c'est
09:18en vue d'opération quelconque. Une opération est toujours ce qui est pensé, le quelconque
09:23est toujours le banal, ce qui va vite. Et donc une opération quelconque, le bricoleur
09:29est celui qui, à l'occasion d'un objet, d'une matière, va construire quelque chose.
09:37Mais est-ce qu'il n'y a pas quand même une réflexion qui est amenée par le bricoleur ?
09:42Elle est peut-être minime, mais elle n'est pas un calcul, au sens où elle n'est pas
09:47un projet que l'on fait. L'ingénieur dit, Lévi-Strauss, c'est celui qui fait un projet
09:52sur le long terme. Je vais construire un pont, j'ai besoin de ciment de telle ensité,
09:56etc. Le bricoleur n'a de projet, en quelque sorte, qu'à raison de l'objet. C'est dans
10:01le sens inverse. Ce n'est pas les matériaux qui sont convoqués pour un projet, c'est
10:07ce que j'ai sous la main en stock qui fait naître le projet. Et donc on passe du calcul
10:13de l'ingénieur à l'imagination pratique du bricoleur.
10:16Et ça, du coup, vous l'auriez fait en trois parties aussi ?
10:20En trois parties, c'est-à-dire dans un premier moment cette distinction entre ingénieur
10:25et bricoleur, le second moment autour du concept d'instrumentalité, et le troisième moment
10:30sur cette réalité de l'objet stocké qui est finalement déchu de son grade d'objet
10:37technique, ce qui n'est pas la poutre de l'ingénieur. Mais en même temps, ce n'est pas quelque
10:43chose de simplement rebut entre les deux, qui est objet ou possibilité pour le bricoleur
10:47d'user de son imagination.
10:48Merci beaucoup en tout cas pour tous ces éléments de réponse. Je vous rappelle que le corrigé
10:56écrit de l'épreuve de philosophie est aussi disponible sur le site de l'étudiant.fr.
11:00Et puis merci à tous de nous avoir suivis. Je vous donne rendez-vous très bientôt pour
11:05une nouvelle vidéo.

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