• il y a 5 mois

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00:00Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle vidéo.
00:17Je suis Marine Hilario, journaliste à l'étudiant et aujourd'hui, nous allons corriger ensemble
00:21l'épreuve de philosophie de la filière technologique au Bac et pour cela, j'accueille
00:28Laurent Payet-Chevalier.
00:29Bonjour.
00:30Bonjour.
00:31Alors, vous êtes professeur au lycée Notre-Dame-du-Grand-Champ à Versailles.
00:33C'est ça.
00:34Alors, voyons ensemble un petit peu les sujets qui étaient proposés ce matin.
00:38Donc, on a deux sujets de dissertation au choix, donc « L'art nous apprend-il quelque
00:45chose ? » et « Transformer la nature, est-ce gagné en liberté ? » et également une
00:49explication de texte d'Adam Smith, « Théorie des sentiments moraux ».
00:54Alors, est-ce que, de manière un peu générale, est-ce qu'il y avait des pièges à éviter
00:58sur ces sujets ?
00:59Alors, non.
01:00Les sujets, déjà, sont extrêmement classiques, il n'y a pas de pièges à priori.
01:04Pas de pièges particuliers.
01:05Alors, commençons tout de suite avec le premier sujet de dissertation, « L'art nous apprend-il
01:09quelque chose ? ». Alors, vous me disiez que peut-être la petite difficulté, c'était
01:13sur le « quelque chose ».
01:14Ben oui.
01:15Apprendre quelque chose, on apprend toujours quelque chose au sens précis du terme, mais
01:20là, l'expression est vague.
01:21J'apprends une information, etc.
01:23Est-ce que l'art peut nous transmettre quelque chose, comme un contenu de connaissances ? Et
01:27bien, en réalité, oui.
01:29Puisque, dans la peinture, pensons aux allégories, par exemple, l'art nous transmet l'idée
01:35de la vérité.
01:36Pensons en Memento Mori, « Souviens-toi que tu vas mourir », l'art nous transmet
01:40cette vérité.
01:41L'art, peut-être, nous permet de saisir l'essence des choses, nous permet de saisir
01:46la réalité de l'existence.
01:47Donc oui, en ce sens, en tout cas, l'art nous apprend quelque chose.
01:51Mais, en même temps, pour pouvoir apprendre quelque chose, il faut que la chose que nous
01:56apprenons soit vraie.
01:57Donc, cela dépend d'un jugement de vrai, un jugement de vérité.
02:02Or, l'art ne dépend pas d'un jugement de vérité, mais d'un jugement de valeur
02:07et de beau, plus exactement.
02:09Le tableau est beau, le tableau est grandiose, ce dessin est sublime, cette musique est fantastique,
02:16etc.
02:17Et donc, le problème, c'est comment l'art, pris au sens de faire du beau, peut-il nous
02:25apprendre quelque chose ? Puisqu'après en parler, il n'y a pas de jugement de connaissance.
02:31Kant dira là-dessus que le beau plaît universellement son concept, c'est-à-dire que le beau n'a
02:38pas de vérité.
02:39Kant dira aussi, il nous montrera, qu'il faut distinguer les jugements du beau des
02:44jugements du vrai.
02:45Le danger, c'est l'inverse.
02:46Si je crois, dit Kant, que toute vérité que je reçois peut me faire vibrer, mais
02:53alors, dit Kant, c'est du fanatisme.
02:55Parce que je prends cette vibration intérieure comme le critère de la vérité.
03:00Et ça ne fonctionne pas, dit Kant.
03:03Kant dit que devant une œuvre d'art, nos catégories de l'entendement ne sont pas
03:07capables de déterminer, ce n'est pas un jugement déterminant, pas capable de déterminer
03:10ce que c'est.
03:11Mais les catégories de l'entendement s'harmonisent, et finalement, je suis un vivant, un vibrant
03:17devant, et c'est l'esthétique, et dans ce cas-là, l'art ne nous apprend rien,
03:23si ce n'est.
03:24Donc, pas un jugement de connaissance au sens d'un jugement de vérité, que je suis
03:28un être vivant devant l'œuvre d'art.
03:30Et donc, en cela, il y aurait un problème, me semble-t-il, sur l'énoncé, c'est
03:34que d'une part, l'art nous apprend des choses de l'existence, peut-être des
03:38réalités, nous rappelle des réalités que Notre-Dieu nous fait oublier, Memento mori,
03:43etc.
03:44Mais qu'en même temps, il n'y a pas de contenu de connaissance, il n'y a pas de
03:46vérité.
03:47Je suis un être vivant, vibrant devant, c'est un jugement réfléchissant, c'est
03:50la vie même de celui qui regarde, qui réagit devant l'œuvre d'art.
03:54Du coup, on ne pouvait citer que Kant, par exemple, sur ce…
03:57En deux, oui, alors c'est mon petit dada à Kant, je m'excuse, mais dans le grand
04:02temps, on aurait très bien pu traiter Hume, stand of taste, de la norme du goût, pour
04:06montrer que l'art peut nous apprendre quelque chose, apprendre quelque chose de l'inculture,
04:09apprendre à goûter.
04:10Hume dit du vin, mais apprendre à goûter du vin, c'est la même chose qu'apprendre
04:14à regarder un tableau.
04:15Ça demande en fait de l'habitude, un va-et-vient constant vers l'œuvre d'art, et dit Hume,
04:20il y a des experts, ceux dont le goût est assez affiné, pour pouvoir saisir la petite
04:26chose qu'il y a derrière qu'on ne voit pas bien, et qui ont une grande culture.
04:29Donc oui, j'aurais peut-être fait le premier moment avec Hume.
04:33Mais alors, comme solution à tel problème, comment est-ce qu'on peut s'en sortir ?
04:37Le verbe apprendre, je pense que le verbe apprendre, il faut aussi peut-être l'entendre
04:45de sens réflexif, ça m'a appris quelque chose.
04:47Quand on est dans une situation ordinaire, on dit ça m'a appris quelque chose, mais
04:52qu'est-ce que ça m'a appris ? Ça m'a donné le sens, la signification.
04:57Et peut-être que l'art est ce qui est capable de nous donner la vraie signification des
05:04choses.
05:05Heidegger dit que dans ce monde où les significations sont préexistantes, ce monde dans lequel nous
05:10sommes en déval, au sens de dévaler dans les significations qui existent déjà, le
05:14poète et le philosophe sont ceux qui sont capables de ne pas admettre ces significations-là,
05:18de les retravailler et d'en chercher d'autres, de redonner des significations.
05:23Et on pense à un auteur comme Milan Kundera dans La soutenable légèreté de l'être,
05:28qui travaille l'insignifiance même de nos existences, d'ailleurs son dernier roman
05:32s'appelle Le sens de l'insignifiance, qui travaille même l'insignifiance de nos existences
05:36au point de montrer que dans cette insignifiance est le sens.
05:39Donc en trois, on pourrait très bien montrer que l'art nous apprend quelque chose, mais
05:43c'est qu'elle nous dévoile le sens des choses, le sens de notre existence, le sens
05:48à la fois comme orientation et à la fois comme signification.
05:51Très bien.
05:52On passe au sujet 2 ? Passons au sujet 2, qui est tout aussi passionnant.
05:57Effectivement.
05:58Transformer la nature, est-ce gagner en liberté ? Alors là, est-ce qu'il y avait une difficulté
06:03un peu spécifique sur ce sujet-là ? Alors si j'étais taquin, je dirais la virgule.
06:07La virgule.
06:08Je ne serai pas taquin aujourd'hui, mais effectivement la virgule pose problème.
06:12Est-ce qu'il s'agit d'une conséquence logique, etc. ? Dans le sujet, je pense que
06:18la porte d'entrée la plus simple, c'est transformer, transformer, changer de forme.
06:23Et changer de forme, c'est rendre les choses conformes à mon vouloir et non pas à ce
06:27qu'elles sont.
06:28C'est ce que dit Hegel à la fin de l'esthétique, projeter dans le monde les déterminations
06:33de notre conscience pour ôter à ce monde son caractère farouchement étranger.
06:36Et donc, je vais transformer le monde pour le rendre conforme à mon esprit, et là je
06:40vais gagner en liberté.
06:41Un exemple typique que donne Hegel à la fin de l'esthétique, c'est le tatouage.
06:44Qu'est-ce que c'est que le tatouage si ce n'est quelque part transformer son corps
06:49pour lui donner la signification que je voudrais lui donner.
06:52Mais là, il y a un petit problème logique.
06:55Parce que si je transforme la nature, c'est que la nature est malléable, c'est que
07:01la nature est transformable.
07:02Je dis simplement, c'est qu'il y a une propriété de la chose telle qu'il m'est
07:06possible de la transformer.
07:08Or, s'il y a une propriété de la nature telle qu'elle rend possible les transformations,
07:13je ne suis pas libre, je ne gagne rien, puisque je ne fais que jouer avec les possibilités
07:19matérielles et naturelles.
07:21Je suis limité par la réalité de la chose.
07:26Très bien, je prends l'exemple d'une clé.
07:28Une clé ne peut pas être en mousse, une clé ne peut pas être en pâte à modeler,
07:32et donc je ne peux pas transformer n'importe quoi en n'importe quoi.
07:35Je suis limité par la réalité de la chose.
07:37Donc le sujet perd de son sens puisque, et ça c'est Aristote dans les métaphysiques,
07:44puisque d'une part, je peux transformer la nature, c'est-à-dire imprimer mon vouloir
07:49sur la nature pour faire de la nature ce que je voudrais qu'elle soit, imprimer ma volonté
07:54dans le monde, et le monde qui nous entoure le montre assez aisément, mais en même temps
07:58je peux transformer la nature que parce que la nature est transformable, c'est-à-dire
08:02qu'elle a cette possibilité d'être modelée, et donc je ne gagne pas du tout en liberté,
08:06je ne fais que jouer dans un cycle clos qui est celui de la nature.
08:09Alors pour dépasser ce problème, peut-être qu'il faut redéfinir le mot nature.
08:14Nature, pour Aristote, se dit en deux sens.
08:16La nature des choses, la nature du bois c'est d'être dur, la nature de l'eau est de mouiller, etc.
08:21Mais il y a ma nature, donc moi qui appartiens au mot sapiens-sapiens, moi j'essaie d'être
08:29un peu sapiens, mais il y a donc une nature commune, mais dans cette nature commune il
08:34y a ma nature, je suis colérique, je suis angoissé, etc.
08:37Et s'il s'agissait de cela, et si on lisait le sujet de cette manière que l'on pourrait
08:43dire, transformer la nature au sens de ma nature pour gagner en liberté, mais ma nature
08:50c'est la possibilité d'être modelée, transformée par moi-même, afin d'atteindre
08:55un bien que je pourrais voir, mais dans ce cas-là, gagner la liberté ou gagner en liberté
09:01est une disposition, est une disposition animée, est une disposition de l'âme en vue de trouver
09:08cette liberté.
09:09Et donc je réalise ce que je suis en me transformant moi-même pour atteindre cette liberté.
09:13Et là, on en écoute toute la thèse stoïcienne qui consiste justement à prendre possession
09:19de ce qui dépend de nous de l'activité spirituelle pour pouvoir orienter la vie conformément
09:25à ce qui est dit.
09:26Et puis tête dans son manuel, au principe directeur.
09:28Très bien, merci beaucoup.
09:31Et maintenant, l'explication de texte ?
09:34L'explication de texte.
09:35Alors, vous me disiez que c'était un peu complexe comme texte.
09:40Disons que le texte est un peu technique, dans la mesure où ce qui est en jeu dans
09:45le texte, il faut vraiment aller le chercher.
09:47Et il fallait faire attention, je crois, au texte d'abord, au temps des verbes, parce
09:53que, déjà la ligne première, il est un degré de négligence qui paraîtrait.
09:57Donc attention, paraîtrait, ce n'est pas qui paraît, donc ce n'est pas la thèse
10:03que soutient l'auteur.
10:04Et donc le texte est assez subtil.
10:05Il émet une supposition.
10:06Il émet une supposition, commence par une hypothèse.
10:09Et donc, déjà, quel est le problème général du texte ? La question dans le texte, c'est
10:14celle de la sanction juridique, et pour être clair, la sanction pénale.
10:19La question, qui est une question classique en théorie du droit, en philosophie du droit,
10:24est-ce que dans l'acte est contenue la sanction ? Pourquoi ? Parce qu'il y a, dans ce cadre-là
10:32du texte, un acte qui est fait par négligence.
10:35Est-ce que l'acte par négligence contient la sanction ? Parce que l'acte par négligence
10:40peut avoir des conséquences.
10:41Est-ce qu'il est sanctionnable ?
10:42Est-ce qu'il est sanctionnable, sans même qu'il y ait eu des conséquences, puisqu'il
10:48porte en germe, ou dirait-on, il pourrait porter en germe des conséquences graves ?
10:53Le début du texte commence donc par cette supposition.
10:57Il est un degré de négligence qui paraît mériter une punition, quoique cette négligence
11:02n'occasionne aucun dommage à personne.
11:04C'est l'hypothèse de départ.
11:05Elle prend un cas, je pense le cas le plus grotesque qui puisse y arriver, le plus scandaleux,
11:09le plus évident, c'est quelqu'un qui lance une pierre.
11:11C'est un cas que tout le monde peut comprendre.
11:13Si je lance une pierre d'un toit sans crier garde, je prends le risque de blesser quelqu'un.
11:17Et n'importe qui dira, mais qu'on arrête cet idiot, il va blesser quelqu'un, immédiatement
11:21qu'on arrête.
11:22Dans l'idée de blesser quelqu'un, Adam Smith précise, c'est la sécurité des autres
11:26et le bonheur.
11:27Attention, il met les deux, parce que le bonheur, dans la théorie de Smith, est collectif,
11:32la sécurité des autres, j'en suis responsable par mon comportement, puisque je vis en société,
11:37etc.
11:38Donc il semble que, dès le début, cet acte enfreint moralement et légalement tous les
11:42principes.
11:43Je vais atteindre le bonheur de l'autre, je vais atteindre la sécurité de l'autre.
11:48Mais là, il va chercher la logique, immédiatement, d'une telle action.
11:53Il dit, aucun homme de bon sens ne voudrait risquer cela, du sens de ce qui est dû à
11:58ses semblables, l'équivalent d'un dessein malveillant, etc.
12:01La thèse, la logique juridique qu'il en sort, c'est que tout acte malveillant, ou
12:06plutôt toute conséquence, a sa racine dans un acte malveillant.
12:09C'est-à-dire que, si je fais un acte mauvais, c'est malveillant, mais cette malveillance
12:15peut être aussi faite par négligence.
12:17Donc, il semble qu'on ait une logique juridique.
12:21Mais que dire de cette logique juridique ? Cette logique juridique peut-elle s'appliquer
12:28réellement ? Pour parler comme un mathématicien, peut-on faire la réciproque ? Si dans un
12:35acte qui cause un accident, je peux remonter à la volonté qui en est la cause, est-ce
12:39que je peux condamner la volonté mauvaise avant même qu'il y ait un acte ?
12:44Et alors là, voilà ce qu'il dit à la fin, et il montre en fait la contradiction
12:48de ce principe.
12:49Bien que ce soit sans nul doute excessivement sévère, ce n'est pas du tout contraire
12:53à nos sentiments naturels, c'est-à-dire d'arrêter la personne qui aurait causé
12:57un accident suite au fait d'avoir lancé une pierre.
13:00Mais l'inverse n'est pas possible.
13:03C'est-à-dire que l'inverse n'est pas possible même si la volonté peut causer
13:07un dommage, on ne peut pas finalement antécédemment la sanctionner.
13:11Ce qui renvoie au simple principe juridique que le droit ne peut avoir lieu qu'au moment
13:18où il y a eu réellement un délit, réellement un accident, et que la simple acte de négligence
13:25et de mainveillance ne peut pas être sanctionnée, attention, à la hauteur de l'accident
13:30puisqu'ici il y a les questions de peine de mort dans cette vieille loi de l'Ecosse.
13:35Mais ça ne veut pas dire que la chose n'est pas sanctionnable.
13:38Ça veut donc dire que le texte présuppose probablement un degré de justice et que si
13:45on ne peut pas sanctionner tout acte à la hauteur des conséquences possibles, ça ne
13:49veut pas dire que tout acte est neutre sur un point de vue social, juridique et légal.
13:55Et c'est déjà le cas de toute façon aujourd'hui, ça vient aggraver s'il devait y avoir conséquences.
14:03Exactement, ce que vous dites est juste, si dans un accident de la route un individu
14:08était alcoolisé, l'alcool serait une circonstance aggravante de l'accident.
14:13Mais quelqu'un qui boit sur la route, qui ne provoque pas d'accident, sera arrêté
14:18pour ivresse publique, une sanction à la hauteur de son comportement et non pas une
14:22sanction à la hauteur des conséquences possibles de son comportement.
14:26Merci beaucoup Laurent pour tous ces éléments de correction.
14:31Je vous rappelle que le corrigé écrit de l'épreuve de philosophie est aussi disponible
14:36sur le site de l'étudiant.fr.
14:38Merci à tous de nous avoir suivis et je vous dis à très bientôt dans une nouvelle vidéo.
14:52Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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