• il y a 6 mois
Notre débat du jour : Jacques Attali, haut-fonctionnaire et écrivain ainsi que Jean-Marc Dumontet, producteur de spectacles.

Retrouvez le débat du 7/10 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10

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Transcription
00:00Débat ce matin alors que démarre la campagne des élections législatives sur le moment politique inédit
00:07que traverse la France depuis l'annonce par le Président de la République
00:11il y a huit jours de la dissolution de l'Assemblée Nationale.
00:15Quelles peuvent être les conséquences de la volonté exprimée par Emmanuel Macron
00:20de revenir aux urnes pour y obtenir une clarification ?
00:24Je pose ce matin la question à Jean-Marc Dumonté, directeur de Théâtre, Théâtre au pluriel, et producteur
00:31et à Jacques Attali, économiste, essayiste, co-auteur, pardon, pour citer le titre de votre dernier livre
00:38avec Pierre-Henri Salfati, de L'Unique et le Multiple.
00:43C'est donc paru début juin aux éditions Flammarion.
00:47Bonjour à tous les deux.
00:48Bonjour.
00:49Et merci d'être au micro d'Inter.
00:51Commençons par le commencement, avant de nous projeter ensemble dans les quinze jours qui viennent
00:57et plus que si affinités.
01:00Cette tribune, Jacques Attali, dans les échos jeudi dernier
01:04où vous avez fait part de votre colère
01:07et sur la décision de dissoudre
01:09et sur le moment choisi pour le faire.
01:12Décision suicidaire prise au pire moment, dites-vous.
01:16Expliquez-nous.
01:18Oui, enfin, le temps a passé depuis et les choses vont très vite.
01:22Je voudrais juste retenir, avant qu'on passe aux choses un peu plus sérieuses, si je peux me permettre,
01:26qui sont les enjeux de cette campagne,
01:29deux leçons de cette décision que je répète folle de mon point de vue.
01:35La première leçon, c'est que, contrairement à ce que pouvaient penser
01:39ceux qui ont poussé le Président à prendre cette décision,
01:42la gauche s'est unie pour une raison très simple.
01:45C'est qu'elle s'est souvenu de cette phrase de Clemenceau
01:49« Si vous voulez savoir où est la tête d'un homme politique, regardez où sont ses pieds. »
01:52C'est-à-dire que les obligations électorales,
01:56l'exigence de se faire élire, a fait que, tout naturellement, ils se sont unis.
02:00Et cette phrase de Clemenceau vaut évidemment aussi pour M. Ciotti.
02:05Ça, c'est la première leçon.
02:07La deuxième leçon, c'est qu'on arrive dans cette campagne électorale
02:11sans que personne n'ait réfléchi à un programme.
02:15Ce qui m'amène à l'essentiel pour moi,
02:17j'ai toujours expliqué, c'est ce que d'ailleurs je tente de faire
02:19avec le mouvement France Positive maintenant,
02:21comme je l'ai fait depuis de longues années,
02:23on doit faire passer les hommes après les programmes.
02:27La classe politique française est nulle dans son ensemble
02:30parce qu'elle ne réfléchit pas à des programmes,
02:32au point qu'aujourd'hui on a, pour faire court,
02:34trois programmes totalement improvisés, totalement irréalistes,
02:38totalement impossibles, totalement infinancés.
02:41Et ce qui m'amène d'allier au dernier, peut-être impensé de cette dissolution,
02:45c'est que la France est au bord de la faillite.
02:47Elle est en situation financière catastrophique
02:49et le gouvernement se préparait à présenter un budget 2025
02:54fait d'énormes économies.
02:56Est-ce que, je ne pense pas que ce soit la raison de la décision du Président,
02:59mais évidemment le budget 2025 allait être extrêmement populaire.
03:03Et évidemment le budget 2025 ne sera pas réaliste dans les trois cas
03:08puisqu'on voit qu'on est dans un concours de Père Noël depuis quatre jours.
03:12Jean-Marc Dumonté, le tableau fait par Jacques Attali n'est pas clair.
03:17Le voyez-vous, l'acceptez-vous ?
03:20Je rappelle que vous êtes un proche d'Emmanuel Macron depuis de longues années maintenant.
03:25Il y a eu un moment de sidération autour de la dissolution.
03:30Mais la dissolution, elle appelle une vraie clarification.
03:33Vraie clarification, vrai dépassement des clivages.
03:39Et c'est aussi tenir compte quand même de ce tsunami électoral
03:42qu'ont été les résultats des élections européennes.
03:4440% pour l'extrême droite.
03:46Ça fait deux ans que ce gouvernement est accusé de gouverner de façon antidémocratique
03:51avec du 49-3.
03:53Quand aujourd'hui on redonne la parole au peuple, ça apparaît là aussi scandaleux.
03:57Au bout d'un moment, il faut que les Français prennent leur responsabilité.
04:01Il y a d'ailleurs 60% des Français qui sont d'accord avec cette dissolution.
04:04Au bout d'un moment, les Français doivent prendre leur responsabilité
04:09et décider comment ils doivent être gouvernés.
04:12Et on le voit d'ailleurs dans cette explosion de la classe politique.
04:15Et on le voit aussi avec des électeurs qui sont aujourd'hui déroutés
04:21mais qui doivent se reprendre en main une fois la sidération dépassée.
04:26Parce qu'au fond, c'est quoi l'enjeu ?
04:28Veut-on confier le pouvoir à LFI ?
04:30Veut-on confier le pouvoir au Rassemblement national ?
04:33Certainement pas.
04:34Et comme le dit Jacques Attali, c'est la faillite assurée.
04:38Parce qu'on est au bord du précipice.
04:40La seule solution, c'est la constitution de ce grand bloc central.
04:45Ce grand bloc central, c'est l'idée originelle et originale de 2017
04:57du dépassement des clivages.
04:58Et bien il faut qu'on y aille.
05:00Et quand j'entends des voix comme Cazeneuve, comme Gage,
05:04c'est avec eux qu'on doit élargir.
05:06Il faut élargir cette majorité.
05:08Il faut qu'il y ait un front républicain, un vrai front de gouvernement.
05:12Depuis les débuts du macronisme, comme le disait très bien M. Attali,
05:18chacun cherche à préserver ses sièges.
05:20C'est un réflexe humain, c'est naturel, il ne s'agit pas de les accabler la classe politique.
05:25Ils cherchent à préserver leurs sièges.
05:27Donc à partir de là, ces ouvertures n'ont jamais été effectuées.
05:30Nous sommes dans un moment de clarification,
05:32nous sommes dans un moment grave de notre société, de notre vie politique.
05:37Il faut savoir ce qu'on souhaite.
05:38Soit l'aventure, soit au contraire la constitution d'un bloc de modéré, de raisonnable,
05:45qui vont permettre de protéger le pouvoir d'achat, de protéger le pays
05:50et d'assurer une paix civile.
05:52C'est important la paix civile.
05:53Si les programmes des deux parties, le Front Républicain ou le Front Populaire
05:59et le Rassemblement National, sont mis en oeuvre entièrement,
06:03et naturellement aucun d'entre eux ne le fera,
06:05s'ils étaient mis en oeuvre immédiatement et entièrement,
06:08ce serait une sortie de la France de l'Union Européenne.
06:10C'est ça que ça veut dire.
06:11Donc c'est tromper les électeurs que de présenter des programmes de ce genre.
06:15Et la majorité, ou l'ex-majorité, qui n'est plus qu'à 14% des voix,
06:18donc on ne peut plus appeler à 6,
06:20est en train de faire pareil puisqu'elle accumule maintenant des promesses
06:23tout aussi illusoires.
06:24Donc on est dans une situation de mystification, je dirais,
06:28de mensonge à l'égard des électeurs.
06:30Tout le monde ment aux électeurs aujourd'hui.
06:32Et je trouve qu'il y a là un mépris à l'égard de nos citoyens
06:35de la part de tous les politiques, qui est insupportable.
06:38Au point qu'on en revient à des choses de base,
06:41qui sont qui va être Premier Ministre.
06:43D'ailleurs, une des ambiguïtés de la gauche,
06:44c'est qu'elle est incapable de dire qui sera Premier Ministre
06:46puisque ça prouve qu'elle n'est absolument pas unie sur quoi que ce soit.
06:49Bon, donc on affronte cette situation.
06:52Pour moi, la priorité, c'est de regarder pour chacun de nos concitoyens
06:57qui va être candidat, puisqu'il n'y a qu'un candidat de chaque camp,
07:03dans chaque circonscription,
07:05et de juger en fonction du candidat.
07:07Il y a des candidats tous infréquentables,
07:10de mon point de vue, au Rassemblement National.
07:13Il y a des candidats totalement infréquentables dans le Front Populaire.
07:18Ce sont les candidats antisémites, explicites ou implicites
07:22qui s'y trouvent.
07:23Il y a ceux qui défendent des positions totalement antiréalistes.
07:26Et puis il y a évidemment des gens qui sont ralliés
07:28pour des raisons plus ou moins électorales.
07:30Moi, j'ai connu ça il y a très longtemps,
07:32quand nous étions alliés à un parti soviétique,
07:35qui était à l'époque le Parti Communiste.
07:37Mais nous étions dans une circonstance complètement différente.
07:40Il y avait un chef, il y avait une majorité,
07:42et le Parti Communiste de l'époque,
07:44qui n'est plus le très sympathique M. Roussel d'aujourd'hui,
07:50était évidemment affilié à Moscou.
07:53Pour autant, on l'a fait parce que nous savions qu'on l'avait maîtrisé.
07:58François Mitterrand m'avait dit, puis ensuite il l'a dit publiquement,
08:01je ne prendrai des communistes au gouvernement que si je n'ai pas besoin d'eux.
08:05On n'est pas dans cette circonstance-là aujourd'hui.
08:07On n'est pas dans une circonstance où,
08:10malgré le remarquable succès de Raphaël Gluckman aux européennes,
08:14la gauche de gouvernement, puisqu'on l'appelle comme ça,
08:17domine par rapport à la gauche iraniste, sans compter les antisémites explicites,
08:22les gens qui font des propos, ils savent parfaitement qu'elles ne tiennent pas la route,
08:26et qui ont, tant bien que mal, accepté un programme
08:31qui, sur beaucoup de côtés, d'un point de vue économique, est aussi fou que le programme...
08:36— Vous êtes inquiet pour le pays, Jacques Attali ?
08:38— Je suis très inquiet pour le pays.
08:39D'abord, je suis inquiet que les Jeux Olympiques,
08:42qui devaient ressembler à ceux de 1924,
08:43pourraient ressembler à ceux de 1936,
08:46avec un gouvernement et un Premier ministre,
08:48un ministre d'Intérieur du Rassemblement national.
08:51Je veux dire, c'est une folie particulière d'avoir choisi ce moment-là.
08:56Je suis inquiet pour le pays dans la durée,
08:57parce que nous sommes dans une situation de dettes intérieures,
09:02de dettes extérieures extrêmement graves.
09:05Et évidemment, je suis d'accord assez largement avec ce qu'a dit M. Jumonté,
09:11il y a aujourd'hui besoin d'une union de ceux qui sont raisonnables.
09:15Alors moi, je préfère une union sociale-démocrate, évidemment.
09:19C'est ma famille, c'est celle que François Mitterrand a incarnée,
09:21que Lionel Jospin a ensuite incarnée, comme on l'a vu tout à l'heure.
09:25C'est ça, pour moi, l'avenir du pays.
09:27Et j'espère qu'un jour, il y aura aussi une droite de gouvernement
09:30qui pourra remplacer le Rassemblement national.
09:34— Vous partagez cette inquiétude, Jean-Marc Jumonté ?
09:37— L'inquiétude, elle est réelle.
09:38L'inquiétude, elle est réelle.
09:39On est effectivement au bord du précipice.
09:42C'est pour ça que c'est important d'alerter les électeurs de Raphaël Guzman,
09:47qui a fait une formidable percée et qui a soulevé un espoir,
09:51de les alerter sur la signification de leur vote.
09:54Parce qu'effectivement, cette alliance contre-nature avec LFI,
09:58au programme totalement irréaliste, nous conduit dans le mur.
10:01On est au bord du précipice.
10:03On peut critiquer la décision du président.
10:05Elle est là.
10:06Elle est là.
10:07On a encore les moyens d'agir.
10:09La seule façon d'agir, c'est la volonté farouche,
10:12la volonté farouche de sauver notre pays
10:17en fédérant tous les gens raisonnables,
10:19en fédérant ce qu'on appelle les partis de gouvernement.
10:22— On ne peut pas le faire aujourd'hui.
10:23Ça, ce n'est pas possible.
10:24C'est impossible.
10:25C'est impossible parce que, encore une fois,
10:28la phrase de Clemenceau l'a emportée,
10:31il y a des alliances.
10:33Bon.
10:35Ceux qui se trouvent dans des circonscriptions
10:39où il y a un électeur non-explicitement antisémite
10:43et non-porteur de mesures folles
10:46peuvent sans difficulté voter pour ces gens.
10:48Tout le monde peut voter pour qui il veut.
10:49D'ailleurs, je n'ai pas de concile de vote à donner à qui que ce soit.
10:51Mais on peut imaginer demain,
10:55c'est-à-dire dans un mois,
10:58que si le Rassemblement national indionoplaise
11:01n'a pas la majorité absolue
11:03qui conduirait le pays au chaos et au Brexit ou au Frexit,
11:06à tous les coups, s'ils appliquent leur programme,
11:07à tous les coups, en dehors des questions morales qu'ils importent,
11:13on peut imaginer que s'allient ceux qui y feront,
11:18diront, au Parlement,
11:19tout sauf le Rassemblement national au pouvoir.
11:22On peut imaginer une telle alliance.
11:23À ce moment-là, ça recréerait quelque chose de neuf.
11:25— Ça vous semble crédible en un mois ?
11:27— Oui, ça me semble crédible.
11:28Et c'est important de dire qu'il y a encore un espoir.
11:31Il y a encore un espoir.
11:32Le pire n'est pas là.
11:33C'est aux Français de se ressaisir.
11:35On peut gagner.
11:38On peut gagner.
11:39On voit d'ailleurs des mouvements.
11:41Valérie Réaillet avait fait 14%.
11:43Là, le clan macroniste est à 20%.
11:46On peut encore gagner.
11:47Je ne parle pas des macronistes.
11:48Je parle des gens raisonnables.
11:49On a envie de continuer à protéger les Français.
11:52Et ça ne passe pas par la grande illusion.
11:55L'illusion de l'extrême-gauche, l'illusion de l'extrême-droite.
11:58— Un mot, Jacques Attali.
11:59— Il y a une question qui a toujours été pour moi déterminante dans les sondages.
12:02C'est pas pour qui allez-vous voter, mais qui souhaitez-vous voir gagner ?
12:05Or, s'il y a une minuscule lueur d'espoir aujourd'hui,
12:09c'est qu'à la question « qui souhaitez-vous voir gagner ? »,
12:11qui n'est pas formulée en ces termes pour l'instant à ma connaissance,
12:14il n'y a que 30% des Français qui souhaitent que le RN gagne.
12:19Si tel est le cas, les Français étant incroyablement sages,
12:22incroyablement rationnels, votant toujours au laser,
12:25ils ne donneront pas la majorité au RN.
12:27— Merci à tous les deux.
12:28Jean-Marc Dumonté, directeur de théâtre, producteur,
12:32proche historique d'Emmanuel Macron.
12:35Jacques Attali, essayiste, économiste, coauteur avec Pierre-Henri Salfati
12:39de « L'unique et le multiple » chez Flammarion.

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