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00:00 *Générique*
00:06 On s'est beaucoup intéressé aux électeurs du Rassemblement National.
00:10 Ceux-ci, comme vous le savez, ont été nombreux un peu moins aux femmes et aux hommes qui constituent le Rassemblement National.
00:18 Marine Le Pen, bien sûr, on la connaît.
00:20 Jordan Bardella est souvent sur les réseaux sociaux, à la télévision, mais on le connaît moins.
00:27 C'est pourquoi j'ai décidé de vous inviter, Pierre-Stéphane Faure. Bonjour.
00:31 Bonjour.
00:32 Vous êtes journaliste, vous avez publié une très bonne biographie de Jordan Bardella, le grand remplaçant aux éditions Studio Fact.
00:38 Il y a une sorte de mystère Bardella, une popularité phénoménale, sa grande jeunesse bien sûr,
00:45 le fait que Marine Le Pen l'adoube alors que, généralement, elle est plutôt méfiante.
00:51 Et puis, il y a quelques jours, j'ai entendu cet extrait qui tourne sur les réseaux sociaux.
00:59 C'est mon fils, mon fils de 17 ans, qui me l'a fait entendre. Je crois que le détail a son importance.
01:04 On écoute ce garçon.
01:06 "Sérieusement, ce jeu ne vous fait pas péter un câble ? On va en parler aujourd'hui.
01:13 On se retrouve pour une vidéo dans laquelle je vais vous faire parler un peu de mon point de vue et j'attends vos réponses en retour.
01:18 Donc, ce n'est pas un coup de gueule. Comme je le précise, il y en a certainement qui vont aller crier au plagiat.
01:24 "Ouais, ouais, tu copies, Diablo X9."
01:26 "Pourquoi, alors que le jeu est sorti il y a à peine deux mois, pourquoi on en a déjà marre ?"
01:32 Alors, si je vous dis ça, c'est que je pense que je ne suis pas le seul dans ce cas-là.
01:36 Pourquoi, en fait, on en a déjà marre ? Pourquoi on pète un câble dès qu'on y joue ?
01:40 Pourquoi on ne tient pas plus de 3 ou 4 parties sans s'énerver ?
01:44 C'est la voix de Jordan Bardella. Il y a 11 ans, il faisait partie d'un forum de jeux vidéo.
01:50 Et ce son est revenu sur les réseaux sociaux, ce qui, effectivement, lui donne une proximité avec les jeunes.
01:57 On peut le déplorer ou s'en féliciter, mais en tout cas, il faut le constater.
02:02 Pierre-Stéphane Faure, Jordan Bardella fut un jeune homme comme les autres.
02:07 Un jeune homme passionné de communication, très tôt finalement, puisqu'à 17 ans,
02:11 il anime notamment une chaîne YouTube où il essaye de commenter l'actualité, etc.
02:17 Je sais qu'il passe même des castings de voix off pour essayer de jouer dans des séries, etc.
02:23 Donc, en fait, il y a quand même cette notion très précoce de la communication chez Jordan Bardella,
02:28 du côté un peu acteur, qu'on retrouve aujourd'hui et tout au long de son parcours politique.
02:33 Et vous racontez dans cette biographie, "Le Grand Remplaçant", comment cet homme est devenu proche de Marine Le Pen.
02:43 Comment, en fait, elle a réussi à la doubler ? Comment se déroule l'histoire de Jordan Bardella,
02:49 qui a priori n'était pas prédestiné à faire de la politique ?
02:52 En fait, l'histoire de Jordan Bardella, l'histoire officielle, c'est en 2012, je vois Marine Le Pen à la télévision.
03:01 J'ai un coup de cœur pour elle et je décide de m'engager au Front National.
03:04 Il a 16 ans à l'époque, quand il prend sa carte au FN.
03:07 À l'époque, Jean-Marie Le Pen est toujours le président d'honneur.
03:10 Je montre d'ailleurs dans l'enquête que Jordan Bardella a été une groupie, un fan de Jean-Marie Le Pen,
03:16 très jeune, comme les autres militants FN qui avaient l'habitude d'appeler Jean-Marie Le Pen "papi".
03:22 Et en fait, assez vite, il va être remarqué par Marine Le Pen, puisqu'en fait,
03:27 il arrive à intégrer le deuxième cercle amical de Marine Le Pen, le clan Chatillon.
03:32 Frédéric Chatillon, c'est un pilier de l'extrême droite dure, antisémite, raciste, violente.
03:36 C'est le GUD, l'ancien chef du GUD.
03:39 Et Jordan Bardella était en couple avec la fille de Frédéric Chatillon,
03:43 qui elle-même est une militante assez radicale, pendant deux ans.
03:46 Et selon les témoignages que j'ai pu produire, c'est ainsi que Marine Le Pen le repère.
03:51 Et en fait, 12 jours après la rencontre entre Marine Le Pen, la fille Chatillon et Jordan Bardella,
03:57 M. Bardella est nommé porte-parole du Rassemblement National.
04:00 Ce qui est assez étonnant, parce que ce garçon n'a pas fait d'études poussées.
04:06 Il est a priori assez éloigné d'un savoir livresque ou théorique sur le Rassemblement National,
04:15 le Front National à l'époque, l'histoire politique, Pierre-Stéphane Faure.
04:19 Jordan Bardella, c'est un jeune homme de 28 ans qui a le baccalauréat,
04:24 qui n'a pas fait d'études supérieures, qui n'a jamais travaillé en entreprise de sa vie,
04:29 si ce n'est un mois dans l'entreprise de son père à 18 ans.
04:32 Donc c'est un jeune homme qui en fait est un apparat chic,
04:36 qui toute sa vie a gagné sa vie grâce à la politique.
04:39 Depuis qu'il a 19 ans, Jordan Bardella vit de la politique et de ses mandats au Front National.
04:44 Ça, ça me paraît intéressant.
04:47 Et justement, comment cela se fait-il qu'en 2019,
04:53 Marine Le Pen décide de lui faire conduire la campagne des Européennes ?
04:58 Alors, il y a plusieurs facteurs.
05:01 Il y a le fait que Jordan Bardella fait partie de son entourage désormais en 2019,
05:05 puisqu'il est membre du clan Chatillon.
05:07 Il y a aussi le fait que Jordan Bardella à l'époque a 23 ans.
05:12 Et en fait, Marine Le Pen décide très tôt de miser sur son storytelling.
05:17 Elle comprend l'intérêt de Jordan Bardella pour son mouvement politique.
05:20 Marine Le Pen, c'est la quinquagénaire avocate héritière.
05:23 Jordan Bardella, c'est le tout jeune homme issu de Seine-Saint-Denis,
05:27 d'un quartier modeste, d'une famille relativement modeste.
05:30 Même s'il faut faire la différence entre le storytelling de Jordan Bardella,
05:34 self-made man, qui a connu une enfance un peu à la causette.
05:38 Ça, c'est le marketing politique.
05:40 En fait, la réalité est nettement plus nuancée.
05:43 Sa mère était effectivement dans une situation modeste.
05:46 Son père fait partie de la bourgeoisie.
05:48 Il est chef d'entreprise.
05:50 Donc voilà, il a grandi avec un pied dans deux milieux.
05:53 Mais Marine Le Pen tout de suite comprend l'intérêt politique
05:56 qu'elle peut tirer de son histoire, de son prénom.
05:59 Jordan Bardella, c'est un petit peu la revanche de tous les Jordanes de France.
06:03 C'est un prénom qui est connoté milieu populaire des années 90.
06:07 Donc, elle mise sur lui.
06:09 Elle va investir beaucoup d'argent pour le faire former en média training.
06:12 - C'est-à-dire ?
06:13 - Elle va lui désigner un coach média qui s'appelle Pascal Humeau,
06:17 qui est un ancien journaliste, qui s'est recyclé dans le média training,
06:20 qui va le former pendant quatre ans.
06:22 - Comment on forme quelqu'un ?
06:24 - On le met devant une caméra, déjà.
06:26 Ce que je vous raconte, c'est Pascal Humeau qui le raconte.
06:28 Je donne tous les détails dans le livre.
06:30 On le met devant une caméra et déjà, on lui apprend à sourire.
06:33 Parce que le but premier de Pascal Humeau,
06:36 et c'est lui qui le dit, ce sont ses mots,
06:38 c'est de faire de Jordan Bardella un facho sympa.
06:41 - Parce qu'au début, il n'était pas sympathique ?
06:43 - Il est un peu raide quand on voit les archives avant le média training.
06:46 Il a 20, 21 ans et peut-être, pour masquer un petit peu ce qu'il considère comme un handicap,
06:51 sa jeunesse, il a une allure très sénatoriale.
06:54 Il est raide.
06:55 Il est un petit peu sur la défensive dans les médias.
06:58 Pascal Humeau me dit que ça n'allait pas du tout.
07:00 Je l'ai pris en main et je l'ai rendu sympa, souriant.
07:03 Pourquoi ? Parce que les gens,
07:07 quand ils voient un élu du Rassemblement National,
07:10 ils ne vont peut-être pas spontanément l'écouter,
07:12 parce qu'ils ne vont pas se reconnaître dans cette famille politique.
07:14 Mais si le jeune homme est souriant et séduisant,
07:17 ils vont lui donner une chance.
07:19 - Ce qui veut dire que les détails sont très étudiés.
07:21 Quand vous l'avez rencontré pour la première fois,
07:23 il avait un sweat à capuche,
07:25 ce qui est un vêtement assez courant, un sweat à capuche.
07:29 Sauf qu'on vous a expliqué après, Pierre-Stéphane Faure,
07:32 que même cela relevait d'une forme de calcul.
07:36 - C'est un caméléon, Bardella.
07:39 Il sait parfaitement s'adapter à l'environnement,
07:42 à l'auditoire présent.
07:44 Et donc, en l'occurrence, quand je le rencontre la première fois,
07:46 je rentre dans son bureau et je suis très étonné,
07:48 parce qu'en fait, je découvre devant moi un jeune homme
07:50 en sweat à capuche blanc neuf, manifestement,
07:52 qui brille de neuf, en jean et en basket.
07:55 Et moi, je m'attendais à l'image du gomina et costume.
08:00 Et j'en parle avec un rubricard qui suit le RN depuis des années.
08:04 En sortant de son bureau, je passe une heure avec Jordan Bardella
08:06 au siège du Rassemblement National pour une interview.
08:09 Et je m'en étonne auprès du rubricard.
08:11 Il me dit "mais il t'a fait le coup du sweat à capuche".
08:13 Quand il reçoit un journaliste qui l'estime être de gauche,
08:16 il s'habille en conséquence pour tenter de créer une sympathie
08:21 ou en tout cas une proximité.
08:23 - Ce qui veut dire que c'est un jeune homme extrêmement cadré
08:26 qui a songé ou pour qui on a songé à une multitude de détails.
08:32 - En fait, Jordan Bardella, en matière de communication,
08:36 il laisse jamais rien au hasard.
08:38 Son fond de commerce, ce sont quand même les journalistes.
08:41 C'est comme ça qu'il a fait carrière, notamment.
08:45 Et donc, oui, il est dans la séduction permanente avec les journalistes.
08:49 C'est clair.
08:50 On pourrait en discuter avec Marilou Magal,
08:52 qui a l'habitude de suivre Jordan Bardella.
08:54 Mais tous les rubricards, tous les journalistes
08:56 qui le côtoient régulièrement le disent.
08:58 - Sur le plan intellectuel, sur le plan idéologie,
09:02 comment classer Jordan Bardella au sein du Rassemblement national ?
09:06 Puisque aujourd'hui, le parti donne une image d'unité.
09:09 C'est souvent le cas lorsque un parti est placé de manière favorable
09:15 dans les intentions de vote.
09:16 Mais en réalité, il y a différentes familles qui ne s'apprécient guère.
09:19 - En fait, Jordan Bardella, au cours de son parcours,
09:22 il a été gérouette, il a beaucoup changé.
09:25 Il a fait preuve d'un opportunisme chronique.
09:28 C'est factuel.
09:30 Il a commencé avec Florent Philippot sur une ligne nationaliste sociale.
09:35 Puis, quand l'étoile de Philippot a commencé à pallier,
09:38 il est passé chez les identitaires avec Philippe Olivier, etc.
09:41 - Les identitaires, peut-être.
09:44 Quelques mots pour nous dire quelles sont ces différentes familles.
09:47 - Les identitaires, c'est la xénophobie.
09:51 C'est ce courant de pensée qui estime que tout ce qui n'est pas blanc et catholique
09:55 est un danger pour la France.
09:56 En gros, pour résumer.
09:58 Il a souvent changé de famille au gré du vent.
10:02 Beaucoup de témoins que j'ai pu rencontrer m'ont dit
10:05 qu'il sent le vent tourner et il a toujours un coup d'avance.
10:08 Ce n'est pas un idéologue, Bardella.
10:11 Mais par contre, c'est un stratège.
10:13 - Aujourd'hui, dans le Rassemblement National,
10:16 où est le centre de gravité qui constitue l'essentiel
10:20 des troupes autour de Marine Le Pen ?
10:23 - Je me souviens avoir posé la question à Marine Le Pen.
10:28 Je l'ai eue en interview.
10:29 Je lui ai dit "Madame Le Pen, est-ce que le bardellisme, ça existe ?"
10:32 Elle m'a regardé et elle a souri de manière ironique.
10:35 Elle m'a dit "Tiens, je ne me suis jamais posé cette question,
10:38 mais ça existera un jour, vous verrez."
10:40 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, Bardella,
10:42 il est complètement dans la roue de Marine Le Pen.
10:44 Il fait ce que Marine Le Pen lui demande.
10:47 Il n'a pas de latitude réelle pour imposer une ligne politique différente.
10:50 - Pourtant, il a un mot impertinent face à vous,
10:53 au sujet de Marine Le Pen.
10:55 Il l'appelle "maman".
10:57 On sait que chaque garçon a vocation à jour à quitter sa maman.
11:01 - Oui, il me dit ça avec même un brin.
11:03 Il me parlait de la campagne de 2019.
11:05 Il me dit "Ah, ça c'est l'époque où je faisais campagne avec maman,
11:07 avec un brin d'Edin.
11:09 Comprenez, j'ai grandi.
11:11 Je ne suis plus le petit garçon de 23 ans.
11:13 Je ne suis plus la marionnette de Marine Le Pen.
11:15 Désormais, c'est moi le président du parti".
11:17 Ce qui est assez intéressant,
11:19 c'est que je le rencontre en février 2023.
11:21 C'est vraiment la période, quelques mois après avoir pris la présidence du RN,
11:25 où il mène une sorte de fronde contre Marine Le Pen.
11:28 Il tente d'exister, d'imposer son statut tout en haut de la chaîne alimentaire du parti.
11:33 Notamment sur le conflit russo-ukrainien,
11:35 puis sur l'Union des droites.
11:37 Il va un petit peu défier Marine Le Pen en donnant des interviews.
11:40 - Pourquoi ?
11:41 Est-ce qu'il se distingue légèrement de Marine Le Pen sur ses points ?
11:45 - Je pense plutôt que c'est stratégique.
11:47 Encore une fois, c'est vraiment ce qui définit M. Bardella.
11:50 C'est la stratégie permanente.
11:52 Je pense que ce n'est pas du tout une question de fond politique ni d'idéologie.
11:56 En défiant Marine Le Pen et l'entourage de Marine Le Pen,
11:59 je pense notamment à Philippe Olivier,
12:01 qui est le beau-frère de Marine Le Pen et son principal conseiller,
12:03 qui est pro-russe.
12:05 Clairement, il dit "moi, j'ai le pouvoir de le faire.
12:09 Je suis désormais le président du RN".
12:11 - Pierre-Stéphane Faure, le grand remplaçant,
12:14 c'est votre biographie de Jordane Bardella.
12:17 Et c'est aux éditions Studio Fact.
12:19 On se retrouve dans une vingtaine de minutes.
12:21 Vous serez rejoint par Marie-Lou Magal,
12:24 qui est journaliste à L'Express,
12:26 qui elle, suit l'extrême droite
12:29 et a publié "L'extrême droite, nouvelle génération" aux éditions de Noël.
12:36 - 6h39, les matins de France Culture.
12:39 Guillaume Erner.
12:41 - Avec un retour sur le succès électoral du RN
12:44 et ses femmes, ses hommes qui composent le RN.
12:48 Nous sommes avec Pierre-Stéphane Faure.
12:50 Vous êtes journaliste.
12:51 Vous avez publié la biographie de Jordane Bardella
12:54 intitulée "Le grand remplaçant".
12:56 C'est aux éditions Studio Fact.
12:58 Vous nous avez expliqué comment ce jeune homme,
13:00 avec beaucoup d'opportunisme politique,
13:02 mais aussi avec un certain sens de la communication,
13:05 une pratique des réseaux sociaux,
13:08 a évolué à la vitesse de l'éclair au sein du RN,
13:12 en réussissant à aller d'une famille à l'autre,
13:14 sans trop se soucier finalement d'étiquettes politiques
13:18 ou de programmes idéologiques trop pesants.
13:21 Et comment Marine Le Pen l'a mis en orbite.
13:25 Nous accueillons Marie-Lou Magal.
13:28 Bonjour.
13:29 - Bonjour.
13:30 - Vous êtes journaliste à L'Express.
13:31 Alors vous aussi, vous vous êtes intéressée
13:33 en compagnie de votre co-auteur Nicolas Massol,
13:36 de ce personnel qui fait l'extrême droite
13:39 et plus précisément de cette nouvelle génération
13:41 en quête au cœur de la jeunesse identitaire.
13:43 C'est le livre que vous avez publié aux éditions de Noël.
13:46 Une réaction à ce que vient de dire
13:48 mon camarade Jean Lemary sur la vitesse,
13:52 puisqu'aujourd'hui il s'agit de faire vite
13:54 pour tous les partis politiques.
13:56 Mais d'abord pour le favori, pour le RN,
13:58 ça se passe comment ?
13:59 - En réalité le RN a un peu été pris de court.
14:02 Ça fait des mois qu'ils ont annoncé
14:04 qu'ils demanderaient cette dissolution
14:05 en cas de victoire aux élections européennes.
14:07 Mais c'est un peu le syndrome de ceux qui crient au loup
14:09 quand ça arrive vraiment.
14:11 Ils ne savent pas trop comment faire.
14:13 Donc ils répètent qu'ils sont prêts, etc.
14:15 Ils tiennent des réunions depuis presque deux jours maintenant,
14:19 à huis clos, pour s'organiser.
14:21 Parce que pour eux il s'agit de remporter
14:23 ces législatives à venir.
14:25 Et donc de nouer des alliances, comme vous le disiez,
14:27 avec les Républicains, mais aussi au-delà,
14:29 avec Reconquête, avec Nicolas Dupont-Aignan, etc.
14:32 Donc tenter de rassembler le plus largement possible.
14:34 - Alors d'abord ça veut dire avoir des candidats
14:37 dans presque toutes les circonscriptions
14:39 et des candidats qui soient présentables ?
14:44 - Absolument.
14:45 Eux disent que ça fait depuis la réforme des retraites
14:49 qu'ils ont activé le plan Matignon.
14:52 C'est-à-dire un plan clé en main
14:54 avec des candidats dans chaque circonscription
14:56 et qu'ils sont prêts en cas de législatives anticipées.
14:59 Donc là, la Commission nationale d'investiture est en cours
15:02 et on devra en savoir plus dans les jours à venir.
15:05 - Et a priori, est-ce qu'il y a un sentiment
15:08 de responsabilité, de gravité au sein du RN ?
15:13 Puisque si l'on vous suit, la dissolution faisait partie
15:16 des scénarios possibles, mais ça n'était pas
15:19 nécessairement le plus probable.
15:21 Tout le monde a été surpris.
15:23 L'idée de pouvoir, éventuellement, devoir même,
15:28 fournir un personnel politique
15:31 qui pourrait participer à un gouvernement,
15:33 est-ce que ça c'est quelque chose d'aisé
15:36 pour le Rassemblement national aujourd'hui ?
15:39 - En tout cas, c'est une source d'angoisse
15:41 et on sent dans les discours que certains commencent
15:43 à se distancier d'un éventuel bilan,
15:45 en disant "on n'aura pas toutes les manettes, attention".
15:48 Notamment le projet phare du RN,
15:50 qui est le fameux référendum sur l'immigration,
15:52 ne pourra pas être mis en oeuvre.
15:54 Donc, ils commencent un petit peu à prévenir
15:57 que tout ne pourra pas être fait,
15:59 et que ça risque d'être un exercice compliqué
16:02 dans le cas où ils arriveraient à une majorité absolue.
16:05 - Jean Lemarie, est-ce que la qualité, la nature
16:09 des candidats qui seront effectivement présents
16:12 pour le premier tour des législatives
16:15 dans trois semaines maintenant, est si importante que ça ?
16:18 On a souvent dit que des candidats RN,
16:21 à partir du moment où ils affichaient
16:24 le logo du RN, ou le visage de Marine Le Pen,
16:27 ou le visage de Jordane Bardella,
16:29 avaient de toute façon une prime considérable.
16:32 Est-ce qu'ils ont besoin d'être particulièrement implantés ?
16:34 Certains le sont, beaucoup, je pense,
16:36 aux nombreux députés RN élus en 2022,
16:39 et qui ont fait un gros travail d'implantation
16:41 ces derniers mois, ces dernières années.
16:44 - Beaucoup le sont. Sur les 88,
16:46 certains sont devenus des figures du parti,
16:48 mais il y a encore beaucoup de députés anonymes
16:50 qui n'ont pas percé, qu'on ne connaît pas forcément,
16:52 des gens qui, en 2022, ne s'attendaient pas à être élus.
16:55 Donc, effectivement, il y a une prime à l'étiquette
16:58 pour les candidats RN, et peut-être plus encore
17:01 aujourd'hui qu'en 2022, dans la mesure où la campagne
17:04 c'est pour faire de Bardella le Premier ministre.
17:06 - Je vous pose la question autrement.
17:08 Est-ce que la greffe a pris partout,
17:10 dans toutes les circonscriptions où des candidats RN
17:13 sont devenus députés en 2022 ?
17:16 - En tout cas, lors des dernières élections européennes,
17:20 on a vu que quasiment aucun territoire n'avait été épargné
17:23 par l'ascension du vote RN.
17:26 - Ce qu'on peut voir également à l'Assemblée...
17:28 - Pierre-Stéphane Faure.
17:29 - Ce qu'on peut voir à l'Assemblée nationale,
17:30 c'est qu'en fait, il y a 5-6 têtes d'affiches
17:33 qui ont le droit de parler, et les autres n'ont pas le droit.
17:36 C'est-à-dire qu'ils ont interdiction, les députés RN,
17:39 la grande majorité des députés RN a interdiction
17:41 de parler à la presse. Voilà. Ils n'ont pas le droit de parler.
17:44 - Alors c'est un parti où il y a différentes familles,
17:47 on l'a vu tout à l'heure, mais il y a de la discipline.
17:50 - Ah ben ça, il y a de la discipline, c'est le propre de l'extrême-droite,
17:54 le culte du chef. Donc oui, il y a de la discipline.
17:57 Et encore une fois, il y a quoi ? 4-5 figures,
18:00 Thomas Ménager, Lavalette, M. Tanguy, Chenu...
18:04 Et au-delà de ça, il n'y a pas grand-chose
18:07 sur les 88 députés RN à l'Assemblée nationale.
18:11 - On parlait de l'expression d'extrême-droite,
18:13 puisqu'elle est remise en cause par le parti
18:16 qui la considère comme étant péjorative.
18:19 Il se trouve que le personnel politique du RN aujourd'hui
18:23 vient essentiellement de l'extrême-droite traditionnelle.
18:27 On en a parlé tout à l'heure avec les identitaires.
18:30 De la droite, il y a de moins en moins de transfuges
18:33 issus de la gauche, sauf peut-être l'attaché de presse
18:37 de Jordan Bardella, qui est largement mis en avant,
18:41 Pierre-Stéphane Faure.
18:43 - Déjà, ça me paraît important de rappeler
18:45 que l'extrême-droite, ce n'est pas une expression
18:47 de journaliste. C'est le Conseil d'État
18:49 qui a statué en septembre, puis en mars dernier,
18:52 et qui a confirmé la classification du RN
18:55 à l'extrême-droite. C'est le Conseil d'État,
18:57 le pilier de l'État de droit et de notre démocratie,
19:00 qui l'a dit. Ce n'est pas une expression
19:02 de journaliste. Je me permets de le rappeler,
19:04 parce que c'est la défense préférée des cadres du RN.
19:08 "Vous dites qu'on est d'extrême-droite,
19:10 mais vous êtes un journaliste partisan."
19:11 Pas du tout. En fait, on dit simplement
19:13 les faits, la vérité.
19:15 - Sur le personnel politique et son trajet idéologique.
19:20 - C'est vrai que la ligne mariniste aujourd'hui,
19:26 elle est un petit peu nationale et sociale.
19:30 Mais il y a peu de transfuges de gauche.
19:33 Je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de transfuges
19:35 de gauche en vue des législatives.
19:38 Je demande à voir si vraiment des républicains,
19:42 démocrates passeront au RN.
19:46 Je sais qu'il y a quelques rumeurs
19:48 qui ont été lancées dans l'entourage de M. Bardella.
19:50 On est assaillis de demandes de députés LR.
19:53 Je demande à voir.
19:55 - Qu'est-ce que vous observez, vous,
19:57 sur le terrain, Marine Aumagal ?
19:59 - Pour ce qui s'agissait de LR, on sait,
20:01 en tout cas à l'Assemblée, qu'il y a des contacts
20:03 qui se font entre le groupe LR et le groupe RN,
20:05 que certains députés ont déjà voté,
20:07 mais qui n'ont pas en réalité voté avec le RN.
20:09 Notamment la motion de censure,
20:11 je pense à Maxime Minot ou Fabien Diffilippo.
20:13 Ça reste une minorité, mais ça existe effectivement.
20:16 Donc il n'est pas impossible, voire il est très probable
20:19 que le RN arrive quand même à grappiller certains LULR.
20:23 En revanche, s'agissant de la gauche,
20:25 leur grand rêve, évidemment, c'est d'arriver
20:28 à une alliance de ce qu'ils appellent les Patriotes,
20:30 allant d'Arnaud Montebourg, ils répètent souvent son nom,
20:33 et des chevennementistes.
20:34 Mais pour l'instant, ça n'a pas été le cas.
20:36 Que ce sera le cas, on verra.
20:38 - Jean-Yves Marie.
20:39 - Je reviens à la question des LR des Républicains.
20:42 On verra effectivement combien de députés LR franchissent le pas,
20:46 mais il y a une autre question.
20:47 Il y a tous ceux qui les entourent,
20:49 je pense à des collaborateurs parlementaires
20:51 ou simplement à des sympathisants, à des militants des Républicains.
20:54 Ces dernières années, beaucoup d'entre eux ont franchi le pas,
20:56 ont rejoint le Rassemblement National.
20:58 Pour eux, c'était aussi parfois l'occasion de faire carrière,
21:00 d'émerger dans ce parti en ascension.
21:02 Est-ce qu'il y a encore une dynamique de ce côté-là
21:04 pour des gens qui sont de droite, qui se sentent de droite,
21:06 et qui voient que le grand parti de la droite,
21:08 aujourd'hui, s'appelle Rassemblement National ?
21:10 - Marino Magal.
21:11 - Absolument.
21:12 C'est effectivement une des...
21:13 Vous avez tout à fait raison en disant qu'il y a quelques années,
21:16 l'endroit qui permettait aux jeunes de faire carrière,
21:18 d'obtenir des postes d'assistants parlementaires, etc.,
21:21 c'était les partis de droite.
21:23 Aujourd'hui, quand on veut faire carrière,
21:25 et qu'on est de droite radicale et d'extrême droite,
21:28 ça se passe au Rassemblement National.
21:30 C'est cette transition qui fait que c'est à la fois
21:32 un parti qui attire parce qu'il est en pleine ascension électorale
21:37 et parce qu'il est en mesure de fournir des postes
21:39 à des jeunes militants ambitieux.
21:41 - Et des jeunes qui maîtrisent les réseaux sociaux.
21:44 Marie Toussaint, la candidate écologiste,
21:46 a été moquée pour avoir dit qu'on avait sous-estimé TikTok,
21:50 mais un homme comme Jordan Bardella
21:52 a beaucoup d'abonnés sur TikTok.
21:53 Il en a 1,3 million.
21:55 - Ah bah lui, Jordan Bardella, il n'a pas sous-estimé TikTok,
21:58 ça c'est clair.
21:59 Il l'a même très largement investi.
22:00 Il a axé toute sa communication, en fait,
22:04 elle est ciblée sur les jeunes via les réseaux sociaux.
22:06 Il y a une entreprise qui s'appelle ePolitik derrière
22:09 qui monte des petits clips
22:10 qui sont ensuite diffusés sur les réseaux sociaux.
22:12 - Qu'est-ce qu'on y voit sur ces petits clips ?
22:13 - Ah bah on y voit Jordan Bardella
22:16 déclarant ses punchlines,
22:18 mouchant un journaliste ou un politique.
22:21 On y voit Jordan Bardella
22:23 prononçant de grands discours enflammés
22:25 au Parlement européen, dans l'hémicycle,
22:26 avec un cadre flatteur.
22:28 Ça, c'est pour la communication.
22:30 Et je me suis attaché dans le livre à fact-checker, en fait,
22:33 à comparer ce qu'il dit et ce qu'il fait.
22:35 Et en fait, on se rend compte qu'il dit blanc
22:37 et puis il fait noir.
22:38 - Par exemple ?
22:39 - Au Parlement européen, il vote très souvent
22:41 le contraire de ce qu'il déclare sur TikTok
22:42 ou dans les médias français.
22:44 Par exemple, sur les droits des femmes,
22:46 il fait de grands discours dans lesquels
22:48 il célèbre les droits des femmes, etc.
22:50 dans l'Union européenne.
22:52 Et dans le même temps, il vote systématiquement
22:54 contre l'interdiction de l'IVG en Pologne.
22:56 C'est-à-dire qu'il ne s'oppose pas à l'interdiction
22:58 de l'IVG en Pologne.
22:59 Il refuse de s'y opposer.
23:01 Idem sur l'égalité salariale entre hommes et femmes,
23:03 il préfère s'abstenir.
23:05 Et je peux continuer comme ça.
23:06 Sur l'environnement, c'est l'un des champions.
23:08 Enfin, sur les réseaux sociaux,
23:10 c'est l'un des champions de la lutte
23:12 contre le réchauffement climatique.
23:13 La vérité, c'est qu'il n'a jamais voté
23:15 un texte majeur au Parlement européen
23:17 en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.
23:19 Il y a quand même un fonds de démagogie
23:21 qui est très facile à constater.
23:23 Il suffit de comparer.
23:24 Il a beaucoup travaillé au Parlement européen,
23:26 Jordan Bardella ?
23:27 Il a beaucoup travaillé son image, sa communication.
23:29 Je peux dire de manière factuelle,
23:32 puisque je l'analyse dans le livre,
23:33 et j'y consacre un chapitre entier,
23:35 le mandat de Jordan Bardella au Parlement européen,
23:38 c'est d'abord à son profit.
23:40 Il a produit très peu d'amendements,
23:44 environ 70,
23:45 quand les autres ténors de la politique française
23:47 en ont produit des milliers.
23:48 Il est membre d'une seule commission,
23:50 qui est la commission des pétitions.
23:52 La commission des pétitions au Parlement européen,
23:55 elle est surnommée la commission des planquets.
23:57 C'est en gros,
23:58 vous recevez les pétitions des citoyens européens,
24:00 vous les lisez,
24:01 puis vous les reroutez vers d'autres commissions.
24:03 Ça ne demande pas beaucoup de travail,
24:04 et même là,
24:05 il affiche un taux de 70% d'absentéisme.
24:07 Donc en fait,
24:08 vraiment,
24:09 le bilan qu'on peut tirer du mandat
24:12 de M. Bardella au Parlement européen,
24:14 c'est qu'il a d'abord travaillé pour lui-même.
24:16 Marilou Magal,
24:17 c'est un parti où on travaille beaucoup,
24:19 le RN ?
24:20 C'est un parti qui,
24:22 de toute façon,
24:23 ils le disent,
24:24 récemment a du mal à produire des idées,
24:27 qui évolue essentiellement en fonction
24:30 de l'opinion publique,
24:33 et qui louvoie selon les intentions du moment
24:39 pour essayer de devenir un attrape-tout,
24:41 une surface de projection.
24:43 Et ça leur réussit plutôt,
24:44 parce qu'un des exemples qu'on peut citer là-dessus,
24:47 c'est un papier du Monde,
24:50 je crois,
24:51 qui interrogeait les prochaines échéances idéologiques,
24:54 etc.,
24:55 pour grammatique,
24:56 et on leur répondait,
24:57 c'est savoir ce qu'on va répondre demain dans le débat.
25:00 Donc ça,
25:01 c'est une vision à court terme
25:02 qui consiste à savoir quoi répondre aux journalistes,
25:05 vraiment sur la surface,
25:07 et ça fonctionne pour l'instant.
25:08 Jean-Les-Marie ?
25:09 Est-ce le cas aussi à l'Assemblée nationale ?
25:11 Je pense encore une fois à ces néo-députés RN de 2022.
25:14 Certains se sont engagés dans des dossiers,
25:16 ils ont travaillé en commission.
25:18 Il y en a, oui, bien sûr, en commission,
25:20 certains s'engagent,
25:21 même y compris au sein du parti.
25:23 Je pense à Jean-Philippe Tanguy,
25:25 on n'en a toujours pas vu la couleur,
25:27 mais qui aurait produit un dossier complet
25:31 sur le programme économique du RN.
25:33 Il y a quand même effectivement des gens qui travaillent,
25:35 mais je veux dire, dans la globalité,
25:37 y compris s'agissant du parti,
25:39 du parti et du programme,
25:42 c'est plutôt une logique d'adaptabilité.
25:45 Certains disent que c'est la logique du lutter huile
25:50 et ne pas avoir de point d'accroche.
25:52 On ne peut pas savoir par où ses adversaires
25:55 pourraient attaquer le RN.
25:57 Ça veut dire que finalement,
25:59 le fond de fosse idéologique est essentiellement,
26:02 en Pierre-Stéphane Faure,
26:04 autour de la question de l'immigration,
26:07 autour de la question de l'islam,
26:09 avec à la fois une manière de pointer du doigt
26:14 ou de trouver l'origine d'un certain nombre des problèmes de la France
26:18 sans donner de solutions véritablement concrètes
26:21 pour résoudre ce malaise social ?
26:25 Le fond de sauce, il est quand même xénophobe.
26:29 La mesure phare que veulent prendre le RN,
26:33 enfin Marine Le Pen et M.Bardella,
26:34 s'ils venaient au pouvoir,
26:35 c'est la préférence nationale,
26:37 qui est anticonstitutionnelle
26:39 et qui reviendrait à discriminer les gens
26:43 présents sur le territoire français
26:45 en n'accordant pas les mêmes droits aux étrangers
26:48 en situation régulière et aux citoyens français,
26:50 en les empêchant d'avoir accès à du logement social,
26:53 d'avoir accès à des aides médicales,
26:55 en les empêchant de pouvoir travailler,
26:57 en pénalisant les chefs d'entreprise
26:59 qui oseraient embaucher des étrangers.
27:01 Ça, c'est vraiment le marqueur aujourd'hui,
27:05 le plus d'extrême droite du parti
27:07 et c'est une mesure qu'ils défendent
27:09 depuis Jean-Marie Le Pen, depuis 30 ans.
27:11 Le reste, parce qu'il y a eu différentes époques
27:15 dans le RN et auparavant dans le Front National,
27:18 Marie-Lou Magal, il y a eu la question,
27:20 tout d'abord, les questions de Meurs,
27:22 avec la manif pour tous, on en est où à cet égard ?
27:25 Alors avec la manif pour tous,
27:27 aujourd'hui, les questions sociétales,
27:29 c'est vraiment quelque chose qui divise le RN,
27:31 en interne, ils ont du mal à trouver une ligne là-dessus.
27:34 Et d'ailleurs, Marine Le Pen,
27:35 pour se débarrasser de cette question,
27:37 a dit "on réglera tout ça par référendum".
27:39 Il n'y a pas de ligne en interne au parti
27:41 sur les questions sociétales,
27:43 pour tout ce qui touche à l'intime,
27:45 on passera par le référendum.
27:46 Ça lui évite de trancher,
27:47 ça lui évite de devoir donner une ligne claire
27:49 sur ces questions-là.
27:50 Donc, on se retrouve aujourd'hui
27:52 avec des chapelles différentes en interne,
27:54 qui sont la chapelle, pour caricaturer,
27:56 plutôt progressiste,
27:58 incarnée par des personnalités
28:00 comme Jean-Philippe Tanguy,
28:02 notamment, on l'a vu sur la question de la fin de vie,
28:04 lui est favorable à la loi sur la fin de vie,
28:06 et d'autres avec une dimension plus conservatrice,
28:10 plus catholique,
28:11 qui sont attachés à une vision traditionnelle
28:13 et conservatrice de la société.
28:15 - Mais est-ce qu'on peut dire que Marine Le Pen
28:17 a beaucoup contribué à marginaliser
28:19 la portion des "catho-tradis",
28:21 comme on les appelait auparavant ?
28:23 - Oui, Marine Le Pen,
28:24 elle a une histoire compliquée avec les catho-tradis,
28:26 c'est-à-dire qu'ils lui ont toujours mis
28:28 des bâtons dans les roues
28:29 pour son accession au pouvoir en 2011,
28:31 au moment où elle prend le parti,
28:33 donc elle ne les porte pas forcément dans son cœur,
28:35 mais quoi qu'il en soit,
28:36 au RN, c'est une histoire compliquée,
28:39 et à l'extrême droite, avec cette famille-là,
28:41 et on doit composer avec elle,
28:42 on doit faire avec les catho-tradis,
28:44 même si elle ne les aime pas,
28:45 ils sont là, et il faut faire avec.
28:47 - Alors l'autre point important,
28:48 c'est la question du souverainisme,
28:50 souverainisme qu'il faut articuler
28:52 avec des prises de position,
28:54 parfois pas du tout souverainistes,
28:56 comme vis-à-vis, par exemple, de la Russie.
28:58 - La Russie, c'est vraiment l'épine
29:01 dans le pied de Marine Le Pen
29:02 et du Rassemblement National,
29:03 depuis des années,
29:04 depuis des nombreuses déclarations pro-Poutine,
29:08 le Pré-Russe contracté
29:10 auprès de cette banque russe,
29:12 cette fameuse banque russe,
29:13 qu'ils ont remboursée,
29:14 donc là, ils essayent de tout faire
29:15 pour se distancier de ça,
29:16 et c'est la même chose au RN,
29:18 c'est toujours un pas en avant,
29:19 deux pas en arrière,
29:20 parce que publiquement,
29:21 il y a des déclarations
29:22 où on essaye de se dissocier
29:24 de deux positions pro-russes,
29:25 dans le même temps,
29:26 on garde Thierry Mariani,
29:28 qui est un eurodéputé
29:29 connu pour ses accointances
29:31 et ses positions pro-Poutine,
29:32 on le garde sur la liste du Parlement européen,
29:34 on l'envoie même débattre
29:35 à la place de Jordan Bardella,
29:36 donc il s'agit de composer
29:37 avec ses différentes chapelles
29:38 et d'essayer de nettoyer son image publique.
29:41 - Encore une fois, je pense que,
29:42 pour y voir clair,
29:43 souvent en politique,
29:44 il faut s'attacher aux faits,
29:45 parce que, bon, les paroles,
29:47 ce qui compte, c'est les faits,
29:48 c'est ce qu'ils font,
29:49 ce qu'ils font,
29:50 j'ai épluché tous les résultats de vote
29:52 sur la question russo-ukrainienne
29:53 au Parlement européen,
29:54 systématiquement,
29:55 ils soutiennent le régime
29:56 de Vladimir Poutine
29:57 ou ils refusent de le condamner,
29:59 systématiquement,
30:00 ils préfèrent s'abstenir
30:01 quand il s'agit de,
30:02 ou quasi systématiquement,
30:03 de soutenir l'Ukraine,
30:04 ils ont refusé, par exemple,
30:06 de condamner les conditions
30:07 de détention de feu
30:08 à Alexei Navalny,
30:09 ils ont refusé,
30:11 les députés du Rassemblement national
30:13 incluant Jordan Bardella,
30:14 ont refusé de condamner
30:16 le régime de terreur
30:17 en ce moment en Biélorussie
30:18 où les opposants sont enlevés dans la rue
30:20 par les services secrets,
30:21 enfin voilà,
30:22 à un moment, c'est bien,
30:24 les grands discours, c'est bien,
30:26 sur TikTok,
30:27 ce qui compte, c'est ce qu'ils votent,
30:28 c'est ça la politique.
30:29 - Toujours sur la politique internationale,
30:31 soutien à Israël,
30:35 un soutien extrêmement radical
30:38 de la part de Jordan Bardella ?
30:40 - Vous savez,
30:42 il y a beaucoup de contradictions
30:44 au Rassemblement national
30:45 et l'une des contradictions
30:46 qui m'est apparue dans l'enquête,
30:47 c'est, effectivement,
30:48 ils soutiennent Israël
30:51 après les massacres du 7 octobre
30:54 et en même temps, par exemple,
30:55 quelques jours avant la grande manifestation
30:57 du mois de novembre
30:58 contre l'antisémitisme à Paris,
31:00 Jordan Bardella, chez BFM TV,
31:02 explique de manière assez spontanée
31:04 que Jean-Marie Le Pen n'était pas antisémite.
31:06 Enfin, on s'y perd un petit peu,
31:08 c'est-à-dire que,
31:09 voilà, il a dit qu'il regrettait ce propos...
31:11 - On s'y perd,
31:12 ou alors on ne s'y perd pas,
31:14 ce que je veux dire,
31:15 c'est qu'on considère peut-être
31:17 qu'il y a une tentative
31:18 de se dédiaboliser
31:20 qui n'est pas menée jusqu'au bout ?
31:23 - C'est clairement le stade
31:24 un petit peu ultime
31:25 de la dédiabolisation.
31:26 Déjà, le fait qu'il puisse manifester
31:28 dans une marche contre l'antisémitisme,
31:30 c'était inimaginable il y a encore 10 ans.
31:33 Le stade ultime de la dédiabolisation,
31:35 pour eux, ce serait sans doute
31:36 un voyage officiel en Israël,
31:37 ce qui n'est pas du tout
31:38 à l'ordre du jour pour l'instant.
31:40 Et ce que je voudrais dire,
31:41 c'est que ça, c'est côté pile,
31:42 et côté face,
31:43 les contrats et l'argent
31:45 continuent de couler à flot
31:47 envers Frédéric Châtillon,
31:49 les entreprises de Frédéric Châtillon,
31:50 qui est quand même une figure,
31:52 la figure de l'extrême droite
31:54 antisémite et violente.
31:56 Il l'a été dans le passé,
31:57 il a été le chef du GUD,
31:58 il n'a jamais renié ses engagements,
32:00 il est ami avec Alain Soral,
32:01 il a fait Alain Soral,
32:02 il a beaucoup contribué
32:03 à l'émergence d'Alain Soral,
32:04 un antisémite notoire.
32:06 Il a soutenu les négationnistes
32:08 de tout poil.
32:10 Et ces relations continuent.
32:12 Il y a des relations affectives,
32:13 amicales entre Jordan Bardalla
32:14 et Frédéric Châtillon,
32:15 et surtout, il y a aussi
32:16 des relations économiques
32:17 qui continuent aujourd'hui.
32:18 - Marilou Magal.
32:19 - Et je voudrais ajouter à ça
32:20 qu'il y a aussi, je pense,
32:21 une transition générationnelle
32:23 c'est-à-dire que pour la nouvelle génération,
32:25 y compris la nouvelle génération
32:26 d'extrême droite ORN,
32:28 l'antisémitisme est moins fondamental
32:31 parce que la matrice aujourd'hui,
32:33 c'est plus l'islamophobie et l'ennemi
32:35 et plus l'islam.
32:37 Et ça c'est quelque chose aussi
32:38 que Marine Le Pen a impulsé,
32:40 c'est-à-dire qu'elle a réuni,
32:42 à partir du moment où elle prend le parti,
32:44 en 2011, ses proches lui disent
32:46 "ce qui empêche aujourd'hui
32:47 la dédiabolisation,
32:48 c'est l'antisémitisme".
32:50 Donc on va travailler là-dessus
32:51 et tout le monde s'est mis d'accord
32:52 pour dire que désormais
32:53 l'antisémitisme, c'était terminé.
32:55 En revanche, que le nouvel ennemi
32:56 était l'islam et que c'était là-dessus
32:57 qu'on devait s'employer et s'unir
32:59 pour essayer de lutter contre l'islam.
33:01 Mais là aussi, c'est toujours compliqué
33:04 de répondre à cela, Marine Loumagal,
33:06 mais est-ce que ce sont des thèmes
33:09 de communication, des éléments de langage
33:11 ou bien cela correspond à une véritable
33:13 mue idéologique du parti ?
33:16 Je pense qu'il y a un peu des deux.
33:18 Comme disait Pierre-Stéphane, c'est vrai,
33:20 il y a toute l'arrière-boutique qui reste,
33:23 il reste ce fond, il reste la vitrine
33:25 et l'arrière-boutique avec Hippolytique,
33:26 avec les anciens du GUD, etc.
33:28 Aujourd'hui, chez les jeunes,
33:30 et c'est ce qu'on montre avec Nicolas Massol
33:32 dans notre livre, il y a une porosité
33:35 qui est toujours, toujours là
33:37 entre les jeunes de partis traditionnels
33:39 et les groupuscules, entre le GUD
33:41 qui est un groupuscule antisémite,
33:43 entre générations identitaires
33:44 qui dissuent aujourd'hui,
33:45 mais dont les émanations sont toujours
33:47 des groupuscules très radicaux, etc.
33:49 Il y a une continuité en réalité
33:50 entre cette jeunesse radicale et les partis.
33:52 Un bout de conclusion, Pierre-Stéphane ?
33:54 Simplement pour desserrer un peu la focale,
33:56 admettons que Jordan Bardella
33:58 prenne Matignon dans trois semaines,
34:00 il faut quand même être conscient
34:02 que Jordan Bardella, c'est un petit peu
34:03 l'arbre qui cache la forêt,
34:04 c'est la vitrine en fait.
34:05 Mais derrière lui, toutes ces chapelles
34:07 de l'extrême droite dont on vient de parler,
34:09 islamophobes, antisémites, etc.,
34:11 seront dans le sillage de M. Bardella
34:13 et de Mme Le Pen.
34:14 Ils seront là, ils occuperont des postes de pouvoir.
34:16 Il faudra nommer des ministres,
34:18 des ministres de l'Intérieur,
34:19 des ministres de la Justice.
34:21 Ils seront issus de ces familles-là,
34:22 de ces chapelles-là.
34:23 Comment on gérera un événement
34:25 comme la mort du jeune Nahel
34:27 avec un ministre de l'Intérieur d'extrême droite ?
34:29 Pour le savoir, vous tentez d'avoir une réponse.
34:33 Par exemple, on peut lire
34:35 Pierre-Stéphane Faure,
34:37 votre biographie de Jordan Bardella,
34:39 Le Grand Remplaçant, c'est aux éditions
34:41 Studio Fact.
34:42 Le livre, Marie-Lou Magal,
34:44 que vous avez signé avec Nicolas Massol,
34:46 Extrême droite, nouvelle génération,
34:48 enquête au cœur de la jeunesse identitaire
34:50 et c'est aux éditions de Noël.