• il y a 6 mois
Avec Isabelle Delréal, qui a voyagé de la Bretagne à l'Iran à vélo.

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😹
Amusant
Transcription
00:00 Si vous aussi vous étouffez, dans vos voitures tout compressées,
00:11 pour retrouver la liberté, vous aussi venez pédaler.
00:16 Partons tous avec nos vélos, dans les jardins loin des métros.
00:21 Partons tous avec nos vélos, de Kathmandou à Borneo.
00:26 Partons tous avec nos vélos, dans les jardins loin des métros.
00:31 Partons tous avec nos vélos, pour voir comme le monde il est beau.
00:36 - Dominique Dimé, bonjour Isabelle Delréal. - Bonjour.
00:40 - En février 2021, alors que sonnait la fin du reconfinement,
00:43 et que tout le monde sortait gentiment la tête de chez lui,
00:45 vous avez, vous, entrepris un long périple à vélo,
00:48 depuis votre village breton de Plouer-sur-Rance,
00:51 je félicite votre village breton pour ce beau prénom,
00:53 jusqu'à la ville de Téhéran, en Iran.
00:56 Plouéran, c'est le nom de la bande dessinée qui raconte ce voyage dont on va parler aujourd'hui.
01:00 On comprend en vous lisant qu'après vos études,
01:02 vous aviez envie de partir en quête de rencontres, de paysages.
01:05 Qu'est-ce que ça a été votre itinéraire jusqu'en Iran et pourquoi ?
01:08 Je crois qu'à l'origine vous projettiez d'y aller à pied,
01:10 mais ça c'était en fait un peu trop long.
01:12 Vous avez dit ça va prendre trop de temps. - Effectivement.
01:14 - Voilà, Plouéran à pied, trop long.
01:16 - Effectivement, en fait je rêvais de partir par voie maritime,
01:19 mais c'était encore une autre organisation, j'étais très désorganisée,
01:22 donc comme c'était pas la mer, il me restait les montagnes.
01:24 Et donc j'ai essayé de trouver une route qui passerait par le plus de montagnes possibles en Europe.
01:28 Et en jonglant entre les confinements,
01:30 donc dès qu'un pays se fermait, j'essayais de passer dans un autre.
01:33 Donc j'ai eu la chance de passer par l'Espagne, l'Italie,
01:35 et puis ensuite les Balkans, traverser la Turquie,
01:37 et arriver en Iran par Georgie-Larmine.
01:39 - Vous dites prendre le plus de montagnes possibles,
01:41 il faut savoir que vous ne faisiez pas de vélo à la base.
01:43 Parce que vous êtes partie en vélo quand même.
01:45 - Oui, je suis partie en vélo parce que c'était trop lent à pied.
01:48 Ça n'allait pas assez vite.
01:50 Et puis je me disais que c'était aussi un rythme qui n'était pas non plus trop rapide,
01:54 comme ça on peut rencontrer des gens, parler avec eux.
01:56 Vous disiez aussi "je vais prendre des montagnes pour que ce soit vraiment plus difficile,
01:59 et prendre moins de plaisir si c'est possible".
02:02 J'ai beaucoup apprécié la solitude dans les montagnes, les paysages.
02:06 - Isabelle Del Real vous expliquait au début de la BD
02:10 qu'une question a jalonné toutes les premières semaines,
02:12 c'était "qu'est-ce que je fous là ?"
02:14 et qu'à un moment elle est tout simplement sortie de votre tête,
02:16 cette question, c'est parce que vous avez trouvé la réponse
02:18 ou parce que ça ne sert à rien de se demander ?
02:20 - Je pense qu'au contraire, ça sert vraiment à quelque chose
02:22 de se poser cette question tout le temps, où qu'on soit.
02:24 "Qu'est-ce que je fous là ? Pourquoi je suis là où je suis ?
02:26 Et qu'est-ce que je fais ?"
02:27 Et essayer de comprendre son rapport aux choses qui nous entourent.
02:30 Mais effectivement, quand on a autant de temps devant soi,
02:32 seule sur un vélo, ou seule dans la montagne,
02:36 on a le temps d'y réfléchir.
02:38 Et oui, elle a fini par disparaître,
02:40 parce que j'ai fini par me sentir très bien sur la route,
02:42 mais aussi parce que j'ai trouvé quelque chose qui m'animait.
02:44 Et c'était peut-être la volonté de raconter des histoires,
02:47 comme vous disiez aussi tout à l'heure.
02:49 Et ça, ça a pris beaucoup de place dans mon esprit.
02:52 - Donc là, vous vous êtes mise à noter les histoires des gens...
02:54 - Exactement, au lieu de me demander ce que je faisais là,
02:56 ça a pris de l'espace.
02:57 - Vous êtes sortie de vous-même, en fait, tout simplement.
02:58 - Exactement.
02:59 - Pour aller plutôt vers les autres.
03:00 Annick Cogent, quand vous étiez jeune,
03:01 c'était quoi le truc qui exerçait un attrait absolument irrésistible
03:04 auquel vous n'avez pas pu dire non ?
03:05 Quel horizon, comme pour Isabelle Del Real, vous avez tiré comme ça ?
03:08 - Je voulais partir faire le tour du monde.
03:10 Je l'ai fait à 22 ans, dès que j'ai pu.
03:12 Moi, après mes études aussi, je suis partie faire un tour du monde.
03:15 J'étais obsédée par ça.
03:16 Je voulais partir, je voulais aller plus loin, toujours plus loin,
03:18 toujours plus loin.
03:19 Alors, il fallait de l'argent pour ça.
03:20 Moi, je n'avais pas eu le courage de partir en vélo.
03:22 Je l'ai fait en avion, complètement au tour du monde,
03:25 en faisant des étapes, en faisant du stop dans différents endroits,
03:28 notamment en Australie, en Nouvelle-Zélande.
03:30 Mais c'est vrai que j'avais cette...
03:32 Il y avait une émission à la télévision qui s'appelait à ce moment-là
03:35 "La course au tour du monde", qui était animée par Yves Courrières,
03:37 que j'ai après retrouvée au prix Albert Londres,
03:39 et qui était lui-même héritier de Kessel, etc.
03:42 Cette émission me rendait dingue.
03:44 J'avais 15 ans, je demandais le silence dans la maison.
03:47 Mais j'en aurais pleuré.
03:49 Je n'étais pourtant pas une fille qui pleurait facilement, ni une capricieuse.
03:51 Mais j'en étais malade.
03:53 On l'a loupé de 5 minutes.
03:55 Donc, dans mon petit village breton, comme vous,
03:57 effectivement, je voulais aller au clair-lien.
03:59 - Je me demande pourquoi elle a resulté prise de la présidence du jury.
04:02 - Non mais, ce que vous racontez, Isabelle Delrial,
04:04 c'est qu'au-delà de votre exploit sportif à vélo,
04:06 on m'a fait dire, déjà, si j'essaye de corriger une erreur grammaticale,
04:11 en faisant une autre erreur grammaticale, ça va pas,
04:13 mais on m'a dit qu'on devait dire "à vélo".
04:15 C'est surtout, en fait, ce que vous racontez,
04:17 ce sont des vraies histoires de rencontres, avec les locaux, certes,
04:19 mais surtout avec d'autres voyageurs,
04:20 alors que, dans la vraie vie, a priori, vous êtes quand même plutôt timide.
04:22 Vous dites d'ailleurs que c'est une BD sur les amitiés.
04:25 Quelles rencontres vous ont le plus surprise ?
04:27 - Les rencontres qui m'ont le plus surprise, c'est vraiment plein de rencontres, effectivement.
04:31 C'est particulièrement la bienveillance des gens,
04:33 qui, quand on les rencontre, ne nous demandent pas du tout ce qu'on fait sur la route.
04:37 On trouve ça absolument naturel de nous trouver, là, tout sale, plein de poussière sur un chemin,
04:41 et nous disent, le plus naturellement du monde, "Venez rentrer chez nous, manger..."
04:45 Et en fait, que ça se fasse avec autant de naturel...
04:47 - Dans tous les pays que vous avez traversé ?
04:49 - Dans tous les pays que j'ai traversé, absolument. Tous. Sans exception.
04:51 - Même en France ? - Même en France.
04:52 On m'a fait rentrer chez des gens pour un café.
04:54 Alors là, c'est extraordinaire, parce qu'on rentre chez les gens,
04:56 on voit comment c'est chez eux, on voit tellement de choses.
04:59 - Est-ce qu'après, vous vouliez absolument rentrer chez les gens, justement, pour voir un intérieur ?
05:02 - Non, je ne suis pas à ce point.
05:04 Quand il pleut et qu'on me propose un café, c'est toujours avec plaisir.
05:06 Mais c'était effectivement une chance.
05:08 Je voulais absolument essayer, dans cette bande dessinée, d'utiliser cette histoire et ce trajet comme une excuse,
05:12 pour parler de ces rencontres, pour parler de la nature des conversations qu'on a avec les gens,
05:16 et des échanges, pour essayer de rendre un peu ce sentiment d'être sur une route, d'avancer car un cas.
05:21 - Et alors, on parle souvent, justement, de la difficulté, parfois, pour les femmes, de voyager seules.
05:25 Est-ce que ça a été un sujet pour vous, le fait d'être une femme seule pendant ce voyage ?
05:29 On peut notamment penser, avec des a priori, que voyager seule en Iran, ce n'est pas évident pour une femme.
05:34 - Je suis partie très, très naïve, en fait, en me disant, pas du tout que j'étais une femme,
05:38 mais que j'étais une personne sur un vélo, à ce point-là.
05:41 Et je n'ai pas déchanté, mais je me suis rendue compte, à certains endroits, qu'effectivement, j'étais une femme,
05:47 et ça a presque toujours été à mon avantage.
05:49 Parce qu'effectivement, je suscite moins la méfiance, on a envie de m'aider.
05:52 Et puis, j'étais une femme, aussi, assez jeune, j'ai peut-être un peu des traits encore...
05:55 Enfin, peut-être à l'époque, encore enfançant.
05:58 - Mais si !
05:59 - C'est les jours un peu ronds.
06:01 Et les gens étaient très, très bienveillants avec moi, et gentils, et particulièrement en Iran, en fait, je dois dire.
06:06 Particulièrement en Iran, où c'est un statut extraordinaire d'être un touriste,
06:09 parce qu'il y a peu de touristes qui y vont, encore moins à vélo.
06:12 Et donc, oui, une chance.
06:14 Beaucoup de personnes viennent et nous racontent des choses.
06:17 - Et beaucoup de femmes, aussi ?
06:18 - Beaucoup de femmes, mais plutôt les hommes, en Iran, mais beaucoup de femmes, aussi.
06:21 - Pareil pour vous, Annick Cogent, qui est de grandes reportères dans les zones de guerre.
06:24 J'ai un souvenir de Martine Laroche-Boujouber, qui disait la même chose que vous, Isabelle El Real,
06:28 qui disait que pour elle, au final, parfois, c'était mieux d'être une femme.
06:31 Elle inspirait moins de méfiance. C'est quelque chose auquel vous souscrivez ?
06:33 - Je pense que dans la plupart des pays du monde, c'est mieux d'être une femme.
06:37 C'est incroyable, mais c'est vrai.
06:39 Il y a une partie, en tout cas, des pays dans lesquels les hommes ne peuvent pas enquêter.
06:44 Au départ, quand je suis partie en Libye, notamment,
06:47 j'étais très frappée que mes copains garçons n'avaient jamais fait un papier sur les femmes libyennes
06:54 qui vivaient un enfer, sous Kadhafi, par exemple.
06:57 Et je me disais, mais c'est incroyable, combien de fois je demandais à un de mes potes,
07:00 "Michel, tu es allé en Libye, et pas une seule dépêche sur les femmes ?"
07:05 Et j'ai mis du temps à comprendre qu'en fait, ils n'avaient pas accès.
07:09 D'abord, la plupart des garçons n'y pensaient pas.
07:11 La plupart du temps, ils allaient voir les militaires, ils vont voir les ministres, etc.
07:14 Ils ne pensent même pas que dans la société civile, il y a des femmes et que c'est la moitié de l'humanité.
07:18 Mais même quand ils ont l'envie, ils n'ont pas la possibilité.
07:21 En Afghanistan, en Iran, etc., un garçon ne voit pas les femmes.
07:25 - Isabelle Del Real, c'est exactement la même chose que disait Martine Larroche, Hubert.
07:29 Quel conseil vous donnez à ceux et celles qui rêvent de partir, mais qui n'osent pas ?
07:32 Vous avez fini par le faire. Il faut bien se préparer, ou au contraire, comme vous,
07:35 il faut partir en naïveté, en se disant, "Je suis une personne sur un vélo,
07:38 je n'en ai jamais fait, je prends la montagne et j'avance."
07:41 - Ça dépend. Je pense qu'on est toujours motivé à l'envie.
07:43 Il faut avoir très très envie pour grimper dans les montagnes, pour passer des jours sous la pluie.
07:47 Il y a des gens pour qui il faut être très préparé, il y a des gens pour qui il ne faut pas du tout être préparé.
07:51 C'est ce que vous disiez aussi tout à l'heure, c'est une quête de l'horizon.
07:53 On a tout le temps envie d'aller plus loin.
07:55 Il y a une espèce d'addiction aussi de voir ce qu'il va y avoir derrière le prochain col,
07:57 comment va être la prochaine montagne.
07:59 On devient obsédé par la route et le fait d'avancer.
08:02 Et ça, c'est très fort et ça nous tire.
08:05 - Voilà, poursuivez vos obsessions.
08:06 Merci beaucoup Isabelle Del Real de nous avoir emmené dans quelques étapes de votre voyage plouérant.
08:11 C'est le nom de votre BD et c'est aux éditions Delcourt-Anchrage.
08:14 Merci encore.
08:15 - Merci beaucoup.
08:16 *Générique*

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