Il y a sur le site de la SNCF un onglet qui permet de connaître les meilleurs temps de parcours des trains de 1920 à aujourd’hui.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
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00:00 7h21 en toute subjectivité avec la directrice déléguée de la rédaction de l'Express, Anne Rosancher, bonjour !
00:07 Bonjour Nicolas, bonjour à tous !
00:08 Ce matin, Anne, vous nous parlez d'un sujet qui est, selon vous, au cœur du malaise français, j'ai nommé les transports !
00:15 Oui, il y a sur le site de la SNCF un onglet qui permet de connaître les meilleurs temps de parcours des trains de 1920 à aujourd'hui.
00:22 C'est assez spectaculaire ! 14h23 pour un Paris-Marseille en 1920, contre 3h et des poussières aujourd'hui,
00:29 autre exemple plus récent, il fallait encore 2h20 pour joindre Dijon et Paris en 1980,
00:36 donc il n'y a pas si longtemps, contre seulement 1h30 aujourd'hui, je ne fais pas toute la carte du TGV,
00:41 on a compris qu'on n'arrête pas le progrès !
00:43 Enfin, ça dépend, car l'histoire est pleine de paradoxes, voire de cruelles ironies.
00:48 Et si le progrès technique a bien raccourci les longues distances, le temps passé dans les trajets du quotidien, lui,
00:54 n'a cessé de s'allonger ces 40 dernières années.
00:57 Les Français passent désormais en moyenne 1h20 par jour dans les transports, soit 15% de plus qu'en 1982.
01:04 Et comment s'explique cet allongement Anne ?
01:06 Et bien comme d'habitude, je le crains, avec la désindustrialisation, une partie du territoire s'est asséchée en emploi,
01:13 entraînant un besoin de se déplacer plus loin pour travailler.
01:16 L'INSEE nous apprend qu'en 20 ans, la distance moyenne entre le domicile et le travail a augmenté de moitié pour les habitants de la France rurale.
01:25 Autre statistique, et après j'arrête avec les chiffres, mais elle est édifiante.
01:30 Selon une enquête de l'IFOP pour l'Institut Terram, le budget moyen pour les transports d'un jeune rural s'élève aujourd'hui à 528 euros par mois.
01:39 528 euros contre 210 euros, c'est-à-dire 210 euros de plus que pour les jeunes urbains.
01:45 Enfin Nicolas, ajoutez à cela un autre effet de la métropolisation, c'est qu'avec l'explosion du prix du mètre carré dans les grandes villes,
01:52 beaucoup de Français ont été contraints de ne plus y vivre, mais doivent quand même continuer d'y travailler, ce qui, là encore, crée un besoin de transport.
02:00 Et tout cela Anne, se traduit très concrètement au quotidien.
02:04 Oui, train de banlieue saturé, TER aléatoire, embouteillage monstre, il faut écouter les témoignages de certains citoyens à bout pour comprendre l'ampleur de la crise de nerfs.
02:15 Je crois même que les transports sont au cœur du malaise français, comme la lettre volée était sous les yeux des enquêteurs dans la fameuse nouvelle d'Edgar Poe.
02:24 Souvenons-vous, c'était déjà l'une des doléances principales des Gilets jaunes.
02:28 Depuis 5 ans au passé, on a organisé des assises de la mobilité, un chef-d'œuvre de langage techno, comme l'avait pointé ici même l'avocat François Surault.
02:38 Mais malgré cela, les choses ne se sont pas améliorées. C'est que bien sûr, il faudrait investir.
02:43 Et que bien sûr, le niveau de la dette asphyxie désormais nos marges de manœuvre.
02:47 Pourtant, le taux de prélèvement obligatoire de la France, le plus élevé de l'OCDE, devrait servir à corriger ces iniquités.
02:54 Vraiment, il y a quelque chose qui ne tourne plus rond dans l'équation du modèle français.
02:59 Nicolas Demorand : Anne Rosancher, merci et à jeudi prochain.