Retrouvez « En toute subjectivité » avec Anne Rosencher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
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00:00En toute subjectivité avec madame la directrice déléguée de la rédaction de L'Express,
00:05Anne Rosancher.
00:06Anne, ce matin, vous nous parlez d'un vertige.
00:09Oui Nicolas, car il y a quelque chose de vertigineux quand on regarde la situation actuelle en
00:13France.
00:14C'est de constater à quel point notre politique intérieure, dans le moment historique que
00:19nous vivons, semble terriblement dérisoire.
00:22Les polémiques, les oukazes, les lignes rouges, les accords de non-censure et les batailles
00:27pour les présidences de partis rythment notre actualité, mais chaque Français sent
00:31bien qu'il n'y a rien, là-dedans, qui relève du souffle de la politique.
00:36En vérité, plus rien ne se décide ou presque.
00:38Rappelons qu'il aura fallu 4 mois de marathon parlementaire pour adopter le dernier budget
00:43et nous ne sommes plus en ordre de bataille.
00:46La France est comme figée par les gaz incapacitants d'une assemblée sans majorité et d'un président
00:51à l'autorité affaiblie, figée aussi par le mauvais théâtre des oppositions et par
00:57l'absence généralisée de discours de vérité.
01:00Cette paralysie, Nicolas, c'est précisément ce que cherchait à éviter la Vème République.
01:05Quand les constituants s'y sont penchés, dans les années 50, ils avaient en tête les
01:09errements de la IVème République où la force de gouverner était sans cesse empêchée
01:15par les calculs de partis politiques rigides et opposés.
01:19Afin d'en sortir, De Gaulle avait fixé une ligne claire en quelques mots que je vous
01:24lis.
01:25« Pour marcher droit vers un but, il faut que la nation soit guidée par un État cohérent,
01:30ordonné, concentré, capable de choisir et d'appliquer les mesures commandées par
01:34le salut public ». Voilà, l'idée de notre Constitution, si l'on devait résumer le
01:39résumé du général, c'est qu'une démocratie doit être toujours gouvernée.
01:44Toujours.
01:45Sinon, elle est fragile, vulnérable aux tempêtes intérieures, extérieures, économiques ou
01:51géopolitiques.
01:52Le moins qu'on puisse dire à Anne, c'est qu'en ce moment, les vents soufflent fort.
01:56Oui Nicolas, sacrément même, les prises de position de Donald Trump ces derniers jours
02:00et notamment concernant l'Ukraine, acte la fin du nerf, l'OTAN entre dans une crise
02:06existentielle inédite, l'Europe n'est pas prête, dépendante des Etats-Unis militairement
02:12et géopolitiquement, quant à la France, malgré le ton martial employé hier par le
02:16Président, elle est enquistée et donc vulnérable.
02:20Cette année, l'historien Marc Bloch va rentrer au Panthéon et nous aurions bien besoin,
02:25en vérité, de réécrire quelque chose comme « L'étrange défaite », son formidable
02:29livre.
02:30Nous ne sommes bien sûr pas du tout en 1940, mais il nous faudrait le même examen de conscience,
02:35le même audit de nos dysfonctionnements et des responsabilités de chacun.
02:39Alors seulement, nous pourrions refaire de la politique.
02:43C'est urgent, car les autres, et notamment Donald Trump, en font, de façon brutale, aventureuse
02:49et dangereuse, certes, mais ils en font.