Attention, il y a un pièce.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
Category
🗞
NewsTranscription
00:00En toute subjectivité, Anne-Rose Ancher, vous revenez, Anne, ce matin sur la situation
00:05où nous nous trouvons, inédite dans la Vème République.
00:08Oui, et je pose la question, Nicolas, vivons-nous un moment politique ? Attention, il y a un
00:14piège à première vue ! La situation, son intensité, le flot d'analyse qu'elle charrie,
00:19nous semble éminemment politique, mais je crois au contraire que nous nageons en pleine
00:24dépolitisation, au sens où l'a défini le philosophe Marcel Gauchet, et que je
00:29m'en vais vous expliquer.
00:31Contrairement à ce qu'on pense souvent, la dépolitisation, ce n'est pas seulement
00:35la perte du désir citoyen et l'abstention qui va avec, c'est plus profond que cela.
00:40Pour le comprendre, il faut revenir aux principes de base de la vie politique en démocratie.
00:46Il est simple, c'est la perspective de conquérir le pouvoir pour mener une action
00:51transformatrice dont on détermine les grandes lignes à l'avance.
00:55Naguère, cela passait par des programmes politiques, ils avaient pour but de rencontrer
01:00les diagnostics et les aspirations de la majorité, et ils s'inscrivaient dans le temps long.
01:04A peu près tout l'inverse de ce à quoi nous assistons aujourd'hui.
01:08Plus personne ne croit aux programmes, et singulièrement plus les partis politiques,
01:13qui sont devenus des espèces d'amicales d'élus, tout entier tendus vers les destins
01:17électoraux particuliers et les calculs partisans.
01:20Quant à la puissance publique, elle se consacre de plus en plus à la gestion de court terme
01:25dictée par les urgences de l'opinion.
01:27Une conséquence, et pas des moindres, de cette dépolitisation, c'est le déclin
01:31du pays, désormais acté par 87% des Français selon la dernière enquête Ipsos.
01:37Et y a-t-il, Anne, d'autres conséquences à cette dépolitisation ?
01:41Oui, la disparition du but de la politique, c'est-à-dire ce projet de transformation
01:45sur le long terme, a un effet délétère sur les comportements.
01:49Et je vais cette fois citer Simone Veil, avec un W, la philosophe, elle écrit ceci
01:54« Quand il y a lutte autour d'un enjeu bien défini, chacun peut peser ensemble la
02:00valeur de cet enjeu, et décider jusqu'où cela vaudra la peine de pousser l'effort
02:04et les sacrifices.
02:05Il n'est même pas difficile de trouver un compromis.
02:09Mais quand une lutte n'a pas d'objectif, il n'y a plus de communes mesures, plus
02:13de proportions.
02:14Un compromis n'est même pas concevable. »
02:17Fin de citation.
02:18Alors oui, je pense que la dépolitisation conduit à l'ambiance de querelles, d'oucases
02:24et d'agressions sans fin dans laquelle est plongée notre vie publique.
02:28Désormais, seuls comptent les étiquettes et le théâtre.
02:31On s'interdit de discuter avec un tel parce qu'on est de gauche.
02:33On exclut de négocier tel texte parce qu'on est de droite.
02:36Sans que plus personne au reste ne prenne le temps de définir ce que signifie la gauche
02:41et la droite.
02:42Tout cela aboutit au marasme actuel et à la politique façon Canada Dry.
02:46Ça ressemble à de la politique, ça a le goût de la politique, mais ça n'est pas
02:50de la politique.
02:51Et vous savez quoi ? Je crois que tout le monde le voit.