Jacques Pessis reçoit Marine Jacquemin : reporter de guerre, elle a couvert, les plus grands conflits. Elle a failli mourir plusieurs fois mais a bénéficié de son capital chance. Elle se raconte dans un livre « Mes guerres » (Éditions de l’Observatoire).
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-05-27##
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NewsTranscription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Les clés d'une vie, celles de mon invité.
00:05 Vous avez mené une vie de combat,
00:07 ce que la télévision a évoqué à travers vos 2000 reportages
00:11 et d'autres plus personnels
00:13 que vous racontez aujourd'hui dans un livre courageux.
00:15 Donc, à votre image, bonjour Marine Jacquemart.
00:18 Bonjour Jacques.
00:19 Alors, on vous connaît à travers la télévision et tous ses reportages depuis 30 ans
00:24 et vous y avez ajouté aujourd'hui un livre, "Mes guerres",
00:27 "Les confidences d'une grande reporter aux éditions de l'Observatoire",
00:31 qui est un livre passionnant qu'on va évoquer justement
00:33 et qui va permettre d'évoquer votre parcours de femme de télévision,
00:36 de femme de reporter de guerre.
00:39 Et ça, on le fait dans les clés d'une vie à travers des dates.
00:41 Et la première date que j'ai trouvée aujourd'hui,
00:43 et bien ce n'est pas une date de reporter de guerre,
00:46 c'est votre première télé.
00:47 Je crois que c'est le 4 avril 1981,
00:50 dans une émission qui s'appelle "Sur TF1", cette semaine,
00:53 vous faites un reportage sur une grande exposition Pizarro
00:57 et j'ai cru reconnaître votre voix.
00:59 Vous êtes au générique.
01:01 Et c'est un reportage à pontoise sur les impressionnistes.
01:05 Vous en souvenez ?
01:06 - Bien sûr. Oui, oui, je me souviens très bien.
01:09 Alors, c'était une émission sur les coulisses de la télé, il me semble,
01:13 qui était dirigée par Sophie Rac,
01:15 celle qui m'a fait rentrer à la télévision.
01:18 Je la salue.
01:19 Et oui, effectivement, moi, j'étais à l'époque assez attirée par la peinture.
01:25 Je n'étais absolument pas destinée à faire le métier que j'ai fait.
01:30 À l'époque, je voulais avoir des enfants, je voulais...
01:33 Voilà.
01:34 - Vous vouliez être juge d'enfant, d'ailleurs.
01:35 - Je voulais être juge pour enfant, oui, et j'avais fait du droit pour cela,
01:38 mais j'ai fait un stage et ça m'a paru un monde terrifiant
01:43 et je ne voyais pas comment j'allais pouvoir sauver les enfants dans ce monde-là.
01:47 - Alors, la télé, donc, ça commence avec des reportages où on apprend son métier.
01:51 Alors, j'ai regardé un petit peu les archives
01:53 et il y a un reportage sur le don de France, le Père Noël, la fête de l'humanité,
01:58 les départs en vacances sur l'autoroute.
02:00 Vous faisiez tout ça ?
02:01 - Oui, ça s'appelait...
02:04 Enfin, on appelait ça le monde des chiens écrasés, en gros.
02:09 Mais c'était très sympathique parce que, vraiment,
02:11 ça m'a permis de découvrir toutes les tonnes de mondes.
02:14 Moi, je suis curieuse à la base, donc très curieuse.
02:18 Et donc, quel que soit le sujet, je n'avais aucun a priori.
02:23 J'aimais tout.
02:24 Et alors, on m'envoyait, par exemple, sur le Tour de France.
02:27 Alors, là, c'était très, très amusant parce que je n'y connaissais rien.
02:30 Et tout d'un coup, il y a un type qui tombe devant notre voiture
02:33 et je vois qu'il a un maillot bleu, blanc, rouge, pas le même maillot que les autres.
02:37 Je dis à mon équipe, c'est qui, ça ?
02:40 "C'est le champion de France, Marine."
02:42 "Ah bon ?" Et alors, il avait un énorme cocard.
02:46 Et alors, c'était une sorte de scoop parce qu'on l'a eu en direct.
02:50 Et je rentre au journal le soir et Jeannin, je crois,
02:54 je ne sais plus comment il s'appelait mon patron de l'époque,
02:56 - François Jeannin, oui.
02:56 - François Jeannin, qui me dit, "Marine, c'est un bon commencement
03:00 parce que dans ce métier, quand on n'a pas de chance,
03:03 il vaut mieux en faire un autre.
03:05 Et là, c'est vraiment, t'as eu le pompon."
03:08 Voilà.
03:08 - Alors, il se trouve aussi qu'à l'époque, vous collaborez à une émission
03:11 qui s'appelle "C'est à vous" qui n'a rien à voir avec le "C'est à vous" d'aujourd'hui.
03:14 Vos reportages passent dans "C'est à vous" des années 80.
03:17 - Oui, encore une fois, ce sont les coulisses de la télé, il me semble.
03:21 - Exactement.
03:22 - Voilà, c'est ça.
03:24 Et moi, je rêvais, j'allais dans les studios,
03:27 je voulais être déjà reporter et je regardais tous ces grands hommes
03:31 parce que la plupart du temps, c'était des hommes.
03:34 Et je trouvais qu'il y avait très peu de femmes.
03:36 Et c'est là où j'ai rencontré une femme extraordinaire
03:39 dont je parle dans mon livre.
03:42 Comment s'appelait-elle ?
03:44 Enfin, ah oui, Jacqueline Dubois.
03:46 Elle s'appelait Jacqueline Dubois.
03:48 Et elle me dit "Ma petite fille, si tu veux faire ce métier,
03:52 t'as intérêt à t'accrocher parce que moi, tu vois,
03:54 mon père était ambassadeur, je parle cinq ou six langues
03:58 et on ne m'a jamais envoyée sur le terrain, je ne fais que des cabines,
04:02 c'est-à-dire que de recevoir les images des autres et de les commenter.
04:05 Alors qu'elle parlait quatre ou cinq langues.
04:08 Elle était bien plus puissante que tous ces hommes qui l'entouraient,
04:11 mais non, voilà, c'était une époque.
04:13 Et vous, la guerre vous passionnait depuis que vous aviez entendu
04:17 votre grand-père paternel parler de la bataille de Verdun.
04:20 Maternel.
04:22 Parler de la bataille de Verdun.
04:23 Oui, parce que quand je suis née, mon grand-père attendait avec impatience
04:27 un petit-fils et c'est une petite-fille qui lui a été donnée.
04:31 Il ne s'est pas dégonflé, il s'est dit "Ah, bref, il faut que je la mette dans la vraie vie".
04:37 Et alors, il m'a emmenée faire tout le parcours qu'il avait fait, lui, plus jeune,
04:42 puisqu'il avait fait la guerre de 14.
04:45 Et je suis allée aux espaces, je suis allée dans les forts de Vaud,
04:49 les forts de Douaumont, je voyais dans le sueur de Douaumont,
04:52 je voyais les crânes, les tranchées des baïonnettes.
04:56 Alors, il m'expliquait tout ça par le détail.
04:58 C'était incroyable pour moi.
05:01 C'était un monde totalement...
05:02 Et j'étais très, très jeune.
05:04 Et ça m'a marquée en bien parce que mon grand-père me racontait sa vie, ses histoires.
05:09 Il me donnait des lectures, mon frère, des lectures d'aventurier,
05:13 parce que lui était parti à cheval et c'est la guerre pour faire le tour du monde, à cheval.
05:19 Et la guerre l'accueillit comme ça à Verdun.
05:22 - Et la bataille de Verdun, d'ailleurs, il y a eu 53 millions de buts de tirés
05:27 et un quart n'a jamais explosé.
05:29 Et il y en a encore aujourd'hui, quelque part sous terre. C'est fou.
05:33 - Mais bien sûr. Et j'ai même une amie qui a sauté sur une de ces...
05:39 - De ces bombes, de ces obus.
05:41 - Alors, il se trouve que vous, vous avez mené une guerre très tôt,
05:44 mais à vos parents, avec des études où vous faisiez toutes les bêtises possibles et imaginables.
05:49 Marine Geng.
05:50 - Est-ce que c'était un peu à cause de mon grand-père que j'étais devenue un garçon manqué ?
05:56 Parce que ma grand-mère me faisait des tresses.
05:59 Enfin, elle m'habillait en soie, en velours, comme je le dis.
06:03 Mais j'étais vraiment un garçon manqué.
06:05 Je faisais toutes les bêtises que je pouvais faire.
06:08 - Et vous étiez en pension et vous étiez collée tous les dimanches.
06:11 - Ah bah oui, tous les dimanches.
06:12 Parce que ma grand-mère disait à maman "qu'est-ce qu'on va faire de ta fille ?"
06:15 Et maman disait "laisse-la vivre".
06:18 Mais bon, on m'a mise dans tous les pensionnats possibles, imaginables.
06:23 Mes parents habitaient Boulogne.
06:26 J'étais à Saint-Joseph-du-Parchand.
06:29 Surtout chez Bonne-Sœur parce que j'étais arrivée...
06:32 Ma première année j'étais dans un lycée.
06:34 Évidemment, j'étais devenue la copine des pires mecs du lycée.
06:39 Pour moi, c'était pas possible de ne pas participer, de ne pas être un garçon.
06:44 - Et alors il se trouve qu'ensuite vous faites beaucoup de choses.
06:47 Et vous allez suivre des cours à Columbia, aux Etats-Unis.
06:52 Des cours de journalisme, Marine Geng.
06:54 - Oui. Alors j'étais en auditeur libre.
06:57 Et j'avais une amie qui était mannequin.
07:00 Une amie que j'avais rencontrée à Paris, qui était mannequin.
07:03 Pour la presse, pour les journaux féminins.
07:07 Et elle habitait dans un penthouse au-dessus du parc.
07:10 Et c'était absolument formidable.
07:12 Et bon, je faisais des études comme ça en poitillé.
07:16 Ça me faisait plaisir, ça m'apprenait l'anglais.
07:18 Mais enfin bon, je voyais beaucoup de français.
07:21 Et c'est vrai qu'il y avait une rigueur quand même dans cette université
07:25 qui m'a beaucoup servi certainement par la suite.
07:27 - Et le déclic, je crois, ça a été un voyage à Bangui, en Centrafrique.
07:31 Où vraiment vous avez découvert un monde.
07:34 - Oui. Alors une fois de plus, j'étais à l'université,
07:37 je faisais du droit et je tombe amoureuse.
07:39 Voilà. Et le garçon était un petit peu plus âgé que moi.
07:42 Et son père s'occupait de...
07:47 d'Afrique, enfin bref.
07:48 Et lui a décidé de faire son service militaire.
07:53 Il était bien sûr un peu piloté.
07:56 En Afrique, je me suis retrouvée à 20 ans avec Bokassa, en Centrafrique.
08:04 Et on a rencontré Bokassa.
08:06 Évidemment, Bokassa, il aimait les jeunes femmes blondes et tout.
08:09 Il nous avait invité.
08:10 Il n'y avait qu'une route à l'époque en République centrafricaine éclairée.
08:14 C'était celle qui menait du palais à la ferme de Bokassa.
08:18 Et cet homme était incroyable.
08:20 Alors je l'ai suivi après journalistiquement.
08:22 Au moment où il est devenu, il a été sacré empereur.
08:25 Il y a une anecdote dont je me souviens.
08:27 Il y avait un militaire qui venait d'être nommé ministre.
08:31 Et alors devant la caméra, il a dit "Alors vous êtes ministre de quoi ?"
08:36 Alors il dit "Je suis ministre, je suis ministre."
08:39 Il regardait tous les autres.
08:40 Il dit "Je suis ministre de quoi ?" à son voisin.
08:45 Mais c'était épique.
08:47 Tout ça m'a ouvert sur un monde et surtout sur le monde
08:52 de ces tribus incroyables qu'on appelle les pygmées.
08:55 – Exactement.
08:56 – Et là, les pygmées, c'est une vraie rencontre et un vrai choc.
08:59 Un premier choc, j'en ai eu quelques-uns dans ma vie.
09:02 Mais là, c'est un premier choc parce que ce sont des êtres qui naissent vieux.
09:09 Ils naissent tout ridés.
09:11 Et ils sont un peu comme ça mis à l'écart par les populations
09:14 parce qu'ils ne ressemblent pas à cette époque.
09:16 Je ne suis pas retournée les voir depuis longtemps.
09:19 Mais j'étais venue avec mon ami, les rencontrer.
09:22 Et puis je suis revenue quelques temps plus tard pour les retrouver,
09:25 pour passer un moment avec eux.
09:28 Et à un moment donné, j'ai ouvert ma jambe sur un tesson de bouteille.
09:32 Et alors ils se sont tous précipités dans la forêt.
09:34 Ils sont venus avec des herbes, des plantes.
09:37 Ils m'ont fait des cataplasmes.
09:39 Et c'est incroyable.
09:40 Ça a cicatrisé en quelques jours.
09:42 Et c'est là où j'ai découvert qu'ils étaient très célèbres
09:46 parmi les scientifiques internationaux justement pour leur côté pharmaceutique.
09:53 Et puis il y a quelqu'un qui, à votre retour en France, a compté dans votre vie.
09:56 Oui Bernard, vissez les émissions qui gagnent.
09:58 C'est tout à fait clair à comprendre.
09:59 Jean-Marie Cavada.
10:00 Qui vous a vraiment découvert.
10:04 Marine Jacquemin.
10:05 C'est vraiment lui.
10:07 J'étais avec Patrick Bois à l'époque dans cette émission "C'est à vous".
10:10 Et on faisait les coulisses de la télévision.
10:13 Et puis un jour, Jean-Marie Cavada nous dit
10:16 "Mais ça ne vous plairait pas de faire du reportage dans les journaux ?
10:21 Enfin de travailler avec moi ?"
10:22 Il était à l'époque le directeur de l'information.
10:25 Et Patrick et moi on se regarde en tombé des nues.
10:27 On ne rêvait que de ça.
10:29 Et c'est comme ça que nous sommes rentrés...
10:32 Alors lui est rentré très vite en politique étrangère.
10:34 Ce que je voulais moi aussi.
10:36 Mais c'était un homme.
10:37 Et moi je suis allée dans la rubrique des infogénés.
10:40 Pour apprendre votre métier.
10:42 Et je crois que l'un de vos premiers reportages quand même,
10:43 ça a été lorsque vous avez rencontré Hassane Deux au Maroc.
10:47 Qui voulait faire une chaîne privée.
10:49 Ah oui.
10:49 Alors ça c'était complètement une autre histoire.
10:52 Imaginez-vous que...
10:54 Moi j'aime bien les petits bouts de la lorgnette.
10:58 Et il s'avère que Thierry de Citiveau
11:01 qui rentrait d'un voyage au Mexique me dit
11:03 "Écoute, j'ai rencontré un club extraordinaire.
11:06 C'est pour toi."
11:07 Parce qu'il savait que j'adorais manger.
11:10 Et il me dit "C'est pour toi parce que c'est le club.
11:13 Des chefs cuisiniers, des chefs d'État,
11:15 rois et princes de ce monde."
11:17 Et à chaque fois, à chaque année,
11:20 tous les chefs de cuisine, des princes, des reines, etc.
11:24 partent en voyage VIP
11:27 pour rencontrer le chef de l'État et son chef de cuisine.
11:29 Et cette année-là, c'était le roi du Maroc.
11:31 Alors le roi du Maroc c'était formidable
11:33 parce qu'il nous avait fait inviter
11:35 par toutes les meilleures familles du royaume.
11:41 Des plats malheureux, extraordinaires
11:44 qui étaient faits pendant trois jours, etc. pour nous.
11:46 Et un soir, le dîner arrive, le dîner avec le roi.
11:50 Et j'étais placée à côté de lui.
11:53 Mon copain qui s'appelle Gilles Bragard
11:56 m'avait dit "Je te fais une surprise."
11:59 Ah ben voilà, la surprise.
12:00 Alors évidemment, on a pas mal dialogué avec le roi.
12:04 Et il donnait très peu d'interviews.
12:08 Et j'ai eu quand même cette primauté,
12:10 enfin bref, qu'il me...
12:13 sans caméra, je n'avais pas de caméra.
12:16 Sans caméra, qu'il me donne une interview.
12:20 Le début d'une autre carrière
12:21 qu'on va continuer à évoquer à travers une autre date,
12:24 le 22 mars 1985.
12:27 A tout de suite sur Sud Radio avec Marine Jacquemin.
12:30 Sud Radio, les clés d'une vie.
12:32 Jacques Pessis.
12:33 Sur Sud Radio, les clés d'une vie.
12:35 Mon invité Marine Jacquemin,
12:37 bien connue des téléspectateurs de TF1
12:39 par vos reportages de guerre.
12:41 Et vous publiez vos souvenirs,
12:42 les confidences d'un grand reporter,
12:44 mégaire, aux éditions de l'Observatoire.
12:46 Alors, on évoque des dates précises
12:48 et il y en a une dramatique
12:49 que vous évoquez dès le début du livre,
12:51 le 22 mars 1985,
12:54 qui a failli être votre dernier jour
12:55 parce que vous êtes au sud du Liban
12:57 et un char vous tire dessus.
12:59 Ouais, ouais.
13:01 J'étais...
13:02 Je ne pouvais pas avoir d'enfant
13:04 et j'étais une mère en deuil en permanence
13:06 et je vivais avec l'homme de ma vie,
13:08 Roch Pescader,
13:10 et je crois qu'il en a eu marre à un moment donné de cela
13:13 parce qu'on n'en a jamais...
13:14 On en a très peu parlé.
13:15 Et je l'ai rejoint par amour
13:17 où il était parti pour une année.
13:19 Il était aussi reporter de guerre à l'époque.
13:21 Après, il était signé à Soumarra.
13:23 Je suis allée le rejoindre au Liban.
13:25 Il m'a dit, surtout, tu ne sors pas de la chambre d'hôtel.
13:28 Je lui ai dit, écoute, je ne peux pas.
13:30 Je suis aussi journaliste.
13:32 Et il part pendant trois jours faire un reportage,
13:34 je ne sais plus, dans la BK ou quelque part par là.
13:37 Et j'en profite avec Alain Ménargues
13:39 qui était le spécialiste à l'époque du Liban.
13:43 Et à cette époque-là,
13:44 l'armée israélienne se retirait
13:48 et suppissait des pertes.
13:49 C'était la première fois que cette armée
13:52 dont on disait toujours qu'elle frappait juste
13:55 au bon moment, au bon endroit,
13:57 avait été totalement bousculée.
13:58 Il y avait eu Sabra et Châtila, etc.
14:00 Bref.
14:01 Et la veille,
14:04 une femme s'était faite exploser
14:07 près d'un char et avait tué
14:09 un ou deux soldats israéliens.
14:11 Et alors là, évidemment,
14:12 nous allons pour enquêter, pour voir.
14:16 L'endroit était complètement vide.
14:18 On avançait.
14:20 À un moment donné,
14:21 on est face à un char qui se trouve à peu près à
14:25 800-900 mètres.
14:27 Et là, le char nous mitraille,
14:31 nous mitraille.
14:33 Et donc, la voiture est percée de trous d'obus.
14:37 Le croissant arrive
14:42 et nous redescend.
14:45 Et à ce moment-là, avec le caméraman,
14:47 c'était CBS News qui m'avait demandé
14:51 de faire des interviews pour la chaîne,
14:53 une chaîne américaine.
14:55 Et à ce moment-là, alors que je suis en train
14:57 de montrer ce qui s'est passé,
14:58 d'expliquer que bon, voilà,
15:00 on ne comprend pas pourquoi le char a tiré et tout.
15:02 Et là, je sens un souffle.
15:09 Je ne sais pas, quelque chose que j'avais,
15:11 que je ne connaissais pas.
15:12 Et tout d'un coup, le caméraman
15:15 explose, le preneur du son est scalpé
15:19 et le chauffeur est aussi,
15:22 enfin, a aussi été atteint par un éclat d'obus.
15:25 Ce qui est très curieux,
15:28 c'est que la fille du caméraman en question,
15:34 jamais je n'avais eu de ces nouvelles.
15:35 Et ces temps-ci, elle a dû me voir sur les réseaux sociaux.
15:39 Elle m'a appelée il y a trois jours en me disant
15:42 "mais comme je suis heureuse que vous parliez de mon père".
15:45 Et c'est un peu ça l'histoire du livre.
15:49 C'est de faire vivre tous ces gens
15:51 que j'ai croisés à travers le monde
15:53 et qui ont été regardés entre la poire et le fromage
15:56 dans un journal télévisé,
15:58 et de reparler d'eux.
15:59 Vous voyez, ça me donne cette occasion-là.
16:01 Alors bien sûr, pour moi, c'est un désastre.
16:04 Mais ce qui suit,
16:06 m'a donné aussi une grande leçon.
16:08 C'est que, en rentrant à Beyrouth,
16:12 évidemment, mon chéri me donne une baffe en me disant
16:15 "j'aurais pu te renvoyer à ta mère,
16:17 à tes parents, fille unique, dans un cercueil".
16:21 Et ils partaient pour une fête.
16:23 Je lui dis "comment peux-tu partir pour une fête ?"
16:25 Il me dit "voilà, tu fais ton... voilà".
16:29 Et finalement, je le rejoins.
16:31 Et quand j'arrive, je vois des jeunes en train de rire,
16:34 aux éclats, en train de s'embrasser,
16:36 en train de flirter, en train de picoler.
16:39 Je me dis "c'est pas possible".
16:40 Et la maîtresse de maison, Amal Mogheisel,
16:42 qui deviendra une de mes amies,
16:44 elle arrive vers moi, elle me dit
16:45 "si tu fais cette gueule-là toute la soirée,
16:48 c'est pas la peine de rester.
16:49 La belle affaire, trois morts".
16:51 Et en fait, cette jeune femme de 22 ans
16:54 en avait déjà tellement vu les morts,
16:56 dont son fiancé qui avait été décapité sous ses yeux,
16:59 elle me dit "nous, face à ce que nous vivons,
17:03 on sombre en rigolant".
17:05 Moi je me souviens d'avoir fait un spectacle
17:07 à Beyrouth au casino,
17:09 il y avait les hélicoptères israéliens
17:12 qui passaient au-dessus,
17:13 et les gens riaient, s'amusaient,
17:15 faisaient comme s'il n'y avait rien.
17:16 Bien sûr, bien sûr.
17:17 Et c'est ça la parade à l'horreur,
17:20 la parade à la guerre.
17:21 C'est de garder toujours l'espoir pour tout
17:25 et de toujours sourire à la vie.
17:29 Le maximum que l'on puisse faire,
17:31 c'est pas toujours facile.
17:33 - Alors, vous avez vécu des moments plus heureux
17:35 dans vos reportages,
17:37 et il y a une chanson qui évoque justement
17:39 ce moment heureux.
17:40 - Quand tu chantes,
17:44 je chante avec toi.
17:48 - C'est Marie-Claude Rouilly qui a fait cette chanson
17:50 avec Pierre Delannoy et avec Claude Mell,
17:52 sans imaginer que cette chanson serait interprétée
17:56 devant le mur de Berlin
17:57 au moment où le mur est tombé.
17:59 Et le mur de Berlin, la chute,
18:00 vous l'avez vécue, Marine Jacquemin.
18:02 - Oui, ça c'est incroyable.
18:03 Moi, si vous voulez, comme personne ne voulait
18:05 que je sois aux Infogénés,
18:07 j'étais blonde, j'étais pulpeuse,
18:09 j'avais pas du tout...
18:11 J'étais pas le portrait du reporter de guerre.
18:14 Et on me prenait pour Matari
18:18 ou les autres pour Humbert Teresa.
18:20 Et là, c'est un coup de bol.
18:23 Je suis avec Dominique Bromberger
18:25 quand l'épivère commence à taper dans le mur.
18:28 Et Dominique Bromberger me dit
18:30 "Marine, il se passe quelque chose d'important là.
18:33 J'ai l'impression que le mur va tomber.
18:34 Il faut ramener toute la rédaction, etc."
18:37 Et nous partons dans la nuit
18:39 avec un avion qu'avait affrété pour nous
18:42 Martin Wig, et on arrive là.
18:45 Et c'est incroyable, la ville, la ville...
18:48 bruit de ces coups dans le mur, etc.
18:52 Et je regarde par un trou le "No Man's Land".
18:57 Je me dis "il ne se passe rien".
18:58 De l'autre côté, enfin bref, arrive
19:02 Miroslav Rostropovich
19:05 qui pose son violoncelle
19:08 et qui commence à jouer.
19:09 Et je me dis "mais c'est pas possible".
19:11 Je rêve, je suis en train de rêver là.
19:13 Le mur de Berlin va tomber.
19:15 Et on part avec mon équipe
19:18 voir au fameux "checkpoint" Charlie.
19:23 Et là, c'est une foule invraisemblable
19:26 qui arrive sur nous.
19:28 Toutes ces petites trabanes,
19:29 je ne sais pas si vous vous rappelez,
19:30 ces petites voitures de l'Est.
19:33 Et bon, il s'avère que j'étais allée
19:35 deux ans auparavant là-bas
19:36 où tout était quand même encore très glauque.
19:39 Je me souviens dans l'hôtel,
19:40 il y avait la police secrète,
19:42 la Stasi qui nous surveillait.
19:44 Cette ville était restée
19:46 dans les années 50 Berlin-Est.
19:48 Et là, je vois tous ces gens
19:50 qui ouvrent des yeux,
19:52 qui n'en croient pas leurs yeux.
19:54 Il y a de la musique,
19:55 il y a des couleurs,
19:57 les boutiques regorgent de tout.
20:01 Tout ça, c'était pas possible pour eux.
20:04 Et alors, j'interviewe sur le mur
20:08 qui n'était pas encore tombé,
20:09 un homme qui dit "je peux mourir
20:12 car j'aurais enfin vu
20:13 cette saloperie de mur tomber".
20:16 Et je vais de l'autre côté
20:17 pour voir elle, pour faire le pendant.
20:20 Et là, j'ai une dame qui remonte
20:23 avec un sac avec trois bananes
20:25 ou je ne sais quoi.
20:26 Et je lui dis "ben alors,
20:27 vous ne faites pas la fête ?"
20:28 Et elle me dit "vous savez,
20:30 du jour au lendemain,
20:31 ce mur m'a entièrement coupée
20:33 de ma famille.
20:34 Je ne l'ai jamais pu retourner.
20:36 Je ne les ai jamais retrouvées
20:39 et je ne les retrouverai jamais
20:41 parce que toute cette vie
20:43 que l'on m'a volée,
20:44 je ne pourrai jamais la rattraper.
20:46 Ce n'est pas la peine que je cours après".
20:48 - Il se trouve que le mur, d'ailleurs,
20:49 il est tombé en 92 parce que,
20:51 petit à petit, il a fallu le démonter
20:53 et que vous avez tourné des images
20:54 qui n'ont jamais été diffusées.
20:55 - C'est incroyable ça.
20:57 On est arrivés là-bas,
20:58 donc évidemment, tous en urgence.
21:01 Et comme le monde entier
21:02 affluait à Berlin,
21:05 je ne sais pas ce qui s'est passé.
21:06 Le technicien n'a pas réservé
21:08 les créneaux, les réseaux, etc.
21:11 Et on a travaillé pendant des heures,
21:13 voire des nuits avec mon équipe
21:15 et d'autres, etc.
21:17 étaient arrivés sur place.
21:19 Michel Cotin,
21:21 tout le monde était là
21:23 et on ne pouvait pas diffuser.
21:25 Alors ça, ça a été
21:27 une bonne leçon à remarquer.
21:28 Parce que...
21:30 Et je crois même que ces bombes,
21:33 parce qu'on a essayé de les retrouver,
21:35 ces bombes n'ont jamais été retrouvées,
21:38 je crois.
21:39 Je ne sais pas, dans ma mémoire,
21:40 c'est comme ça.
21:42 D'autres souvenirs aussi
21:44 à travers une date
21:44 qui ne vous concerne pas directement,
21:46 mais qui est importante,
21:46 c'est celle du 10 mai 1981.
21:49 A tout de suite sur Sud Radio
21:50 avec Marine Jacquemin.
21:52 Sud Radio, les clés d'une vie.
21:54 Jacques Pessis.
21:55 Sud Radio, les clés d'une vie.
21:57 Mon invité Marine Jacquemin,
21:58 bien connu des téléspectateurs
22:00 pour vos grands reportages de guerre.
22:02 Vous publiez justement un livre
22:04 qui s'appelle "Mes guerres",
22:05 les confidences d'un grand reporter
22:07 aux éditions de l'Observatoire.
22:08 On a commencé à en parler
22:10 à travers des dates clés.
22:11 Alors le 10 mai 1981
22:13 est bien sûr une date
22:14 que personne n'a oubliée.
22:16 4, 3, 2, 1.
22:21 François Mitterrand est élu
22:23 président de la République.
22:24 Vous êtes à TF1 depuis un mois
22:26 et vous assistez à cette élection
22:27 en direct, pratiquement.
22:29 Sans imaginer qu'un jour ou l'autre,
22:31 vous allez rencontrer François Mitterrand.
22:32 Oui, alors là, c'était loin de moi.
22:34 Mon père était gaulliste
22:37 et un jour,
22:39 j'ai eu une de mes amies,
22:40 Danielle Burgubure,
22:41 qui me dit "tu sais,
22:42 monsieur le président,
22:44 j'aimerais bien te rencontrer
22:45 parce que tu parles d'un monde
22:47 qu'il ne connaît pas".
22:48 Et à l'époque,
22:49 j'avais passé trois mois
22:52 en Asie centrale,
22:54 dans toutes les républiques
22:55 d'Asie centrale, l'Ouzbékistan,
22:56 le Kazakhstan, le Tadjikistan, etc.
23:00 Et notamment, il y avait un reportage
23:02 qui l'avait beaucoup touché,
23:03 c'était Kurchatov,
23:05 du père de la bombe à soviétique.
23:09 Et c'était une ville,
23:11 il y avait les rails
23:12 et sur la carte de l'ex-Union soviétique,
23:15 cette ville n'existait pas.
23:17 En fait, c'était une ville
23:18 totalement secrète
23:20 où ils ont tiré l'équivalent
23:22 de 44 fois la bombe d'Hiroshima
23:25 en plein air.
23:27 Enfin, à un moment donné,
23:28 ils l'ont enterrée.
23:29 Alors, c'est quand même
23:30 un endroit assez exceptionnel.
23:32 Et puis, il m'a vue
23:34 avec le président Nazarbayev
23:37 au Kazakhstan, enfin,
23:39 il m'a vue un peu partout
23:40 dans toutes ces républiques
23:42 qui tombaient les unes après les autres.
23:43 Ça le passionnait.
23:44 Et il a dit à Daniel,
23:46 je veux rencontrer cette femme-là,
23:47 je veux qu'elle me parle.
23:48 Il était, c'était un homme
23:50 extrêmement curieux.
23:51 Alors moi, je l'ai rencontré
23:52 à une époque assez difficile de sa vie,
23:55 puisque il avait,
23:56 comme tout le monde l'a su,
23:59 un cancer,
24:02 un très grave cancer.
24:03 Et les cinq dernières années
24:04 n'ont pas été faciles.
24:07 Et pourtant, ça fait partie
24:09 de ces malades qui nous gouvernent.
24:10 Il avait toute sa tête.
24:12 Il était passionné,
24:13 passionné d'histoire,
24:14 passionné de géographie.
24:16 Et on a commencé.
24:18 Donc, Daniel Burgumuru m'invite.
24:21 Il est là.
24:22 Il me dit, ah, enfin,
24:23 je vous rencontre.
24:24 Et parce que moi,
24:25 mon père m'a dit, je te préviens,
24:27 si tu rencontres cet individu,
24:28 tu n'es plus ma fille.
24:30 Donc, le président
24:32 me prend par la main.
24:32 On s'assoit sur un tabouret
24:35 devant un feu de bois.
24:36 Je m'en rappellerai toujours.
24:37 Je ne les invitais pas à sa table.
24:38 Mais il était, il avait soif.
24:39 Il avait une espèce de gourmandise
24:41 de ce que je lui racontais.
24:43 Et ça a créé entre nous des liens,
24:46 je ne dirais pas d'amitié,
24:47 mais des liens, en tous les cas,
24:49 suffisamment intéressants et solides
24:52 pour qu'il me demande de revenir
24:55 ou de l'accompagner
24:56 dans quelques endroits où il allait.
24:58 Il avait une vie avec des cercles.
25:00 Je ne suis jamais rentrée
25:01 dans le cercle de Mazarine
25:03 et de Mme Pinjou,
25:05 mais je l'ai regretté
25:06 parce que c'était deux femmes exceptionnelles.
25:08 Et j'ai vu les lettres,
25:10 les lettres qu'il écrivait à Mme Pinjou.
25:13 Et non, moi, je suis rentrée
25:14 surtout dans le cercle,
25:16 le premier cercle familial,
25:17 celui de Daniel, des enfants,
25:20 des petits-enfants,
25:20 puisque à la demande de Guillaume Durand,
25:23 un été, je suis allée faire
25:25 ce qu'on appelle le dernier été
25:26 de François Mitterrand.
25:28 Oui, et vous l'avez vu à Natchez
25:30 où il était très fatigué.
25:31 Mais il y a une chose qui était particulière.
25:33 Il y avait beaucoup d'humour,
25:34 François Mitterrand.
25:35 Énormément d'humour.
25:36 Je crois qu'il regardait
25:38 le Bebel Show tous les soirs.
25:40 Exact. Il en a parlé.
25:42 Vous avez un document là-dessus ?
25:44 Non, non, non, j'ai pas de document,
25:46 mais je sais qu'il le regardait.
25:47 Je sais aussi que le soir
25:48 où Thierry Leluron a chanté
25:50 L'Emberdance et la Rose
25:51 chez Michel Drucker,
25:52 Drucker a eu la peur de sa vie
25:54 en disant "je suivirai demain".
25:55 Et Mitterrand l'a appelé en disant
25:56 "j'ai regardé, ça m'a beaucoup fait rire".
25:58 Ça m'a beaucoup fait rire.
25:59 Non, non, mais c'était amusant
26:01 parce qu'il avait décidé
26:05 durant cette semaine
26:07 où je l'interviewais,
26:09 il avait décidé que j'irais
26:11 prendre mon petit déjeuner
26:12 tous les matins avec lui dans sa grange.
26:13 Et j'étais très gênée.
26:16 Je disais à Danielle
26:16 "ça ne vous dérange pas ?"
26:17 Elle me dit "écoutez, c'est bien,
26:20 ça me fait des vacances".
26:21 Alors il vous téléphonait régulièrement
26:23 Marine Jacquemin, François Mitterrand,
26:25 et il disait "c'est M. Laurent au téléphone".
26:27 Oui, alors ça c'était marrant
26:28 parce que Roch Pescader,
26:29 donc qui vivait avec moi,
26:32 tous les matins, c'est lui qui dit,
26:34 enfin tous les matins,
26:35 ce n'était pas tous les matins,
26:36 mais à chaque fois qu'il téléphonait,
26:37 c'était Roch qui répondait.
26:39 Et alors à chaque fois, invariablement,
26:41 "bonjour, ici M. Laurent".
26:44 Alors Roch me disait
26:45 "M. Laurent, pour toi".
26:47 À chaque fois on était pliés
26:49 parce que c'était tellement sympathique.
26:51 Et en fait, le jour de ces obsèques,
26:53 parce qu'on se demandait tous
26:54 pourquoi M. Laurent ?
26:56 Et le jour de ces obsèques,
26:58 je suis devant la tombe
26:59 où il va être enterré
27:01 et je vois François Mitterrand
27:04 né de Jeanne-Laurent.
27:06 D'accord.
27:07 Et ça c'était incroyable.
27:08 Je disais "ah, alors il s'est servi
27:10 de sa filiation pour se faire discret".
27:13 Mais sa voix était tellement marquante
27:15 qu'on ne pouvait pas ne pas la reconnaître.
27:17 Donc c'était un amusement pour lui-même.
27:20 Alors il se trouve que
27:21 l'un des moments clés des présidences
27:23 de François Mitterrand,
27:23 c'est la guerre du Koweït.
27:25 Et vous, vous avez appris
27:26 que la guerre du Koweït
27:27 allait être déclarée avant tout le monde,
27:28 Marine Jacquemin.
27:29 Ah oui ?
27:30 Vous avez su par des informateurs
27:33 qu'elle allait se déclarer ?
27:35 Ah oui, oui, peut-être.
27:36 En fait, j'allais beaucoup
27:38 à cette époque en Irak.
27:39 Et puis, j'avais créé des liens
27:43 avec les Irakiens,
27:45 l'ambassade d'Irak
27:46 qui était avec Oudei,
27:48 qui était le porte-parole de l'ambassade.
27:51 Et effectivement, c'est-à-dire...
27:53 En fait, j'essayais d'être juste
27:56 dans tous mes reportages.
27:58 Moi, je n'aime pas le parti pris.
28:00 Ce n'est pas fait.
28:01 Moi, je suis les faits, les faits,
28:02 rien que les faits.
28:03 Et je pense que c'est ça
28:04 qui m'a permis d'avoir mon visa
28:07 régulièrement pour aller
28:09 dans cette première,
28:11 cette deuxième,
28:12 cette troisième guerre du Golfe.
28:13 Enfin, c'était sans fin.
28:15 Et ça, ça a été très marquant
28:20 pour moi, ce qui s'est passé,
28:21 parce qu'il y a quand même eu,
28:22 au fur et à mesure des années,
28:24 un mensonge d'État
28:26 et beaucoup de morts sur...
28:27 – Oui, et vous le racontez
28:28 avec précision dans ce livre,
28:29 ce mensonge d'État,
28:30 il a existé pendant des années.
28:31 – Non, ben, ce mensonge d'État, oui,
28:33 parce que le père, George Bush,
28:39 n'était pas allé jusqu'à Bagdad.
28:41 Pourquoi ?
28:42 Parce qu'à ce moment-là,
28:44 Saddam Hussein sortait d'une guerre
28:46 avec l'Iran.
28:46 Et pour les Américains,
28:48 l'Irak était un rempart.
28:53 Mais il était quand même
28:55 sorti très appauvri.
28:57 Et cet embargo qui a suivi
29:01 cette première guerre
29:02 a été un embargo.
29:04 Comment est-ce qu'on peut dire
29:05 qu'un embargo n'est pas un acte de guerre,
29:08 que ce sont des sanctions ?
29:10 Moi, j'ai vu ce pays,
29:12 qui était quand même une sorte de phare
29:13 au Moyen-Orient avant,
29:15 et se dégradait à devenir
29:17 un pays misérable
29:19 suite à cet embargo,
29:20 qui ne profitait à personne,
29:23 sauf à ceux qui dirigeaient encore le pays,
29:26 c'est-à-dire Saddam et ses enfants.
29:28 Et ça clique, quoi.
29:30 Et donc ça, ça m'a vraiment beaucoup choquée.
29:33 Il y a eu entre 500 000 et 1 500 morts.
29:37 Je ne dis pas que tout est dû à l'embargo,
29:39 mais une grande partie, les enfants,
29:41 par exemple, les petits cancéreux,
29:42 je suis allée dans le pavillon des cancéreux,
29:44 ils ne pouvaient pas être opérés.
29:45 Ils ne pouvaient pas être soignés.
29:47 Et là-dessus,
29:50 Georges Bouchfis,
29:52 suite au 11 septembre,
29:54 en rajoute encore une tonne
29:56 et crée de toute pièce,
29:59 avec ses faucons,
30:01 un mensonge d'État.
30:02 Et moi, je connaissais très bien
30:04 le type de Lundskomm qui s'appelait Scott Ritter
30:06 et qui était le patron de Lundskomm,
30:08 c'est-à-dire ces gens qui ont,
30:10 jusque dans les chiottes des Irakiens,
30:13 sont allés chercher les armes de destruction massif
30:16 pendant sept ans.
30:17 Ils n'ont rien trouvé.
30:19 Et cet homme, quand il est rentré dans son pays
30:21 et qu'il a dit qu'il n'avait rien trouvé
30:22 et que cette guerre était inutile,
30:24 on l'a massacré partout,
30:27 dans toutes les chaînes de télévision.
30:29 Et voilà comment ce mensonge d'État,
30:32 qui était à la une
30:34 des journaux New York Times, Washington Post,
30:37 quand même.
30:38 Et c'est quand même incroyable ce qui s'est passé.
30:45 C'est difficile de penser que ces gens
30:48 ne vont pas un jour être jugés
30:50 pour ces centaines de millions de morts
30:53 et plus que cette guerre inutile à créer.
30:56 – Vous le racontez très bien dans ce livre,
30:58 vous évoquez aussi le successeur de François Mitterrand,
31:01 Marine Jacquemin, Jacques Chirac,
31:02 qui a demandé que vous l'interviewez
31:05 un jour à l'Élysée.
31:06 – Ah non, alors ça, c'est pas ça.
31:08 Jacques Chirac n'a rien demandé.
31:10 Et alors je vais vous dire,
31:12 le fait d'avoir été choisie la seule femme
31:15 parmi 32 000 journalistes,
31:17 je n'ai pas eu que des amis "i" et des amis "ie".
31:21 Du reste, l'une a dit,
31:23 on sait pourquoi Marine Jacquemin a été choisie
31:25 par Jacques Chirac,
31:26 évidemment, elle l'a séduit.
31:28 Alors que l'histoire est totalement autre,
31:31 et là je tiens à le dire,
31:33 c'était Jacques Pilan qui était à l'époque
31:36 le grand communicant de l'Élysée,
31:37 moi je ne le connaissais pas,
31:39 et une douzaine d'hommes et une femme
31:41 qui s'appelait Claude Chirac.
31:43 Et ils ont débattu un long moment sur qui allait faire,
31:46 parce que c'était la première fois
31:47 que Jacques Chirac s'exprimait,
31:49 donc il y avait quatre hommes et une femme.
31:51 Et moi j'étais la femme,
31:52 et c'est Claude Chirac qui a dit,
31:53 ce sera Marine Jacquemin,
31:55 parce qu'il y avait eu un attentat
31:56 quelques jours auparavant à Port Royal,
31:59 et que moi j'étais chargée d'interroger le président
32:02 sur la violence, sur le terrorisme, etc.
32:06 puisque c'était mon domaine.
32:08 Et vous avez découvert les coulisses
32:09 de la préparation à l'Élysée,
32:11 et vous n'êtes arrivée absolument pas coiffée à l'Élysée.
32:13 Ah, ça vous amusait ça ?
32:16 Parce que moi je voulais être originale
32:18 par rapport à toutes ces femmes magnifiques,
32:21 je ne sais pas, les Catherine Nel, les Michel Cotta,
32:24 mes amis Guylaine Oettenheimer et autres,
32:26 qui étaient vraiment des filles
32:28 qui étaient spécialistes de la présidence de la République
32:31 et de ce genre d'interview.
32:33 Je me suis dit comment faire ?
32:35 Et j'ai un sociologue qui travaillait dans les banlieues
32:40 qui m'a dit, écoute, si ça ne te fait pas peur,
32:43 tu viens avec moi passer quatre jours,
32:45 et là tu vas comprendre ce qui se passe au bout du RER.
32:49 Et je suis allée dans les banlieues pendant quatre jours,
32:52 et au départ les types ne voulaient pas me voir rentrer.
32:54 Et grâce à ce sociologue, j'ai pu rentrer.
32:58 Comme elle a fait des guerres,
33:01 il m'a vendue comme un paquet de lessive,
33:04 et ça a marché.
33:05 Et je me suis aperçue qu'on pouvait vraiment dialoguer
33:08 avec ces gosses qui malheureusement,
33:13 dans ces banlieues, perdurent.
33:15 J'avais écrit une lettre au président de la République
33:18 en lui disant "au bout du RER, monsieur le président,
33:20 un autre monde".
33:23 Et très sincèrement, je racontais tout ce qui se passe
33:26 encore aujourd'hui, que bien sûr il y a eu beaucoup d'argent
33:29 mis dans toutes ces banlieues, bien sûr que ça va quand même
33:32 un peu mieux, mais malgré tout, la drogue a tout engraîné,
33:38 les histoires des autres pays sont venues s'installer
33:42 dans les banlieues.
33:42 Et c'est un peu dommage parce qu'on a tout à faire ensemble.
33:49 Je voudrais dire à ces jeunes, essayer de réfléchir,
33:54 essayer le dialogue.
33:56 Je vois encore ces jeunes gens de Sciences Po,
34:00 qui se sont laissés vraiment influencés par les vieilles lunes,
34:05 par ces vieux politiciens, qu'ils soient d'extrême gauche
34:07 ou d'extrême droite, ou qu'ils soient de quelques bords
34:10 qu'ils soient, parce que moi je n'ai pas de bord.
34:13 J'ai envie de dire à ces jeunes, je suis très respectueux
34:17 de vos batailles, mais quand je vous entends
34:22 avec les mêmes slogans que j'entendais,
34:24 moi j'étais toute petite, enfin plus jeune, dans mes 68,
34:28 mais changez au moins de slogans, bon sang.
34:31 Et puis, essayez de ne pas refaire ce que vos aînés font.
34:36 Ça fait ce conflit israélo-palestinien, ça fait 76 ans.
34:41 Moi je compte sur vous les jeunes pour changer la donne,
34:44 dialoguer.
34:45 Vous savez que les populations israéliennes
34:48 comme les populations palestiniennes,
34:50 peut-être sont avec vous.
34:52 Moi j'ai des amis dans les deux camps,
34:55 ils n'ont pas voulu du Hamas, ils n'ont pas voulu de Netanyahou,
34:58 ils n'ont pas voulu de cette guerre qui va les détruire
35:02 les uns comme les autres.
35:04 Et j'ai envie de leur dire, mais changez de registre, bon sang.
35:09 On est en 2021, ne perpétuez pas ce monde au pied d'argile.
35:15 Essayez au moins de nous apprendre autre chose
35:17 de la vie et du monde.
35:19 En tout cas, vous, on apprend beaucoup de choses
35:21 de la vie et du monde dans ce livre,
35:22 qu'on va évoquer à travers la date de sa sortie,
35:24 le 17 avril 2024.
35:26 A tout de suite sur Sud Radio avec Marine Jacquemin.
35:28 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
35:32 Sud Radio, les clés d'une vie,
35:34 mon invité Marine Jacquemin.
35:36 Donc, le 17 avril 2024 est sorti votre livre "Mes guerres",
35:40 "Confidences d'un grand reporter" aux éditions de l'Observatoire.
35:44 Vous avez hésité à écrire ce livre et puis finalement,
35:47 ce sont des lettres et puis des rencontres qui vous y ont poussé.
35:50 Assez simple, c'est grâce à deux femmes que j'ai écrit ce livre.
35:53 C'est vrai que je n'avais pas très envie.
35:56 Je n'ai pas un égo surdimensionné.
35:59 Je n'avais pas envie de faire ce retour sur ma vie.
36:02 Ça y est, j'étais passé.
36:05 J'étais presque passé à autre chose,
36:07 puisque je me suis arrêté de travailler,
36:09 en tous les cas sur le terrain, il y a un an.
36:13 Et un jour, je reçois une lettre d'une prof de français à Cologne.
36:20 Et elle me dit, Mélanie Freinet, elle me dit "Bonjour madame,
36:23 moi, je travaille dans un lycée et je serais très intéressée.
36:26 Je vous ai suivi une grande partie de ma vie quand j'étais en France.
36:29 Maintenant, j'habite à Cologne et j'aimerais bien que votre parcours
36:32 soit raconté à mes enfants dans le cadre du lycée."
36:37 Et elle vient chez moi, parce que son courrier m'intrigue
36:41 et elle est très persuasive.
36:44 Et puis, je passe un an, deux ans, trois ans,
36:48 et le Covid est là pendant deux ans.
36:50 Et elle me rappelle, donc quatre ans plus tard,
36:52 et elle me dit "Alors, madame Jacquemin, où en êtes-vous ?
36:55 Est-ce que vous allez venir voir mes élèves ?
36:58 Est-ce que vous allez l'écrire ce livre ?
37:01 Au passage, je vous signale que pendant tout le Covid,
37:03 j'ai travaillé pour vous, j'ai exhumé 2000 de vos reportages sur l'INA.
37:07 Et là, les bras m'en tombent.
37:10 Je ne comprends pas.
37:11 Je lui dis "Non, mais vous êtes folle."
37:12 Elle me dit "Oui, certainement, mais je suis surtout intéressée par ce parcours."
37:17 Et elle vient, on sympathise.
37:20 Et puis un jour où je descends dans ma cave,
37:22 parce que ma maman vient de partir,
37:24 elle me dit "Je descends avec vous, vous aider parce que j'aime beaucoup les caves.
37:28 C'est bourré de trésors."
37:30 Je la prends pour une dingue.
37:32 Et elle regarde ma cave, je lui dis "Il y a surtout beaucoup de bordel."
37:35 Et elle me dit "Regardez ce carton."
37:37 Je lui dis "Oui, c'est un carton de maman."
37:39 Elle me dit "Vous voyez ce qui est écrit dessus ?
37:40 Maman pour Marine."
37:43 Et elle remonte ce carton, mais presque comme une gourmande,
37:45 et elle fouille, elle fouille là-dedans, et elle retrouve.
37:49 Des lettres de téléspectateurs auxquelles je n'ai pas répondu.
37:52 Des photos que je cherchais depuis longtemps parce que mon appartement avait brûlé.
37:57 Des coupures de journaux.
37:59 Et puis un petit mot de maman qui en gros me disait
38:03 "Tu n'as jamais voulu être dans la lumière.
38:06 Peut-être que ce que je te laisse en héritage te fera réfléchir."
38:10 Ou vous voyez un mot comme ça.
38:12 Je me suis dit "Ca alors, si ce n'est pas un appel."
38:15 Surtout que moi, je ne peux pas dire que je sois très religieuse.
38:20 J'ai une croyance, mais je parle à mon père et à ma mère depuis qu'ils sont partis
38:25 parce que j'ai beaucoup de spiritualité.
38:27 Et ils sont, vous voyez, je suis venue aujourd'hui vous voir,
38:31 j'ai parlé avec eux ce matin.
38:33 J'étais avec les avant, j'ai parlé avec eux ce matin.
38:36 Et ça, voilà, je ne pouvais pas rater ce moment de ma vie
38:39 entre cette rencontre avec Mélanie et maman.
38:42 - Alors quand on lit votre livre et tout ce que vous avez vécu,
38:44 et vous le dites vous-même Marine Jacquemin,
38:47 vous avez eu beaucoup de chance.
38:49 Vous avez épuisé votre capital chance.
38:52 - J'espère que non.
38:53 - Non mais par sur le terrain.
38:55 - Oui, c'est pour ça, il ne faut pas faire la guerre de trop.
38:58 Alors vous pensez à quoi ?
38:59 - Parce que c'est vrai, tout ce que vous avez vécu...
39:02 - Oui, par exemple le putsch de Moscou.
39:04 - Le putsch de Moscou ?
39:04 - Parlons-en parce que c'est une dinde terrible pour moi.
39:07 Et c'est Patrick Bourat qui était mon frère,
39:11 donc mon frère d'armes, puisqu'on avait commencé ensemble.
39:14 Et je le remplaçais régulièrement.
39:16 En fait, je remplaçais beaucoup, comme je n'avais pas d'enfant.
39:19 Pendant les vacances, je remplaçais beaucoup de correspondants
39:22 à Jérusalem ou à Moscou, etc.
39:25 Et là, il me dit "écoute, il se passe quelque chose,
39:28 je pense qu'on va vivre une petite révolution",
39:30 mais il le disait presque en riant.
39:32 Et il m'avait envoyé, parce qu'il avait un colloque
39:37 au bord de la mer Noire, enfin bref,
39:39 et il me dit "tu prends le train direct pour Moscou et tu débarques".
39:44 Je débarque et évidemment, en pleine révolution,
39:46 les gens sont dans la rue, enfin autour de la Maison Blanche,
39:49 qui est le Parlement russe,
39:52 Patrick les a suivis, il est à l'intérieur.
39:54 Moi, j'avais une équipe qui m'attendait, je regarde
39:57 et tout d'un coup, j'entends des explosions.
39:59 La Maison Blanche devient pour partie noire
40:02 et je vois les gens qui sortent pour se protéger de la fumée.
40:06 Et tout le monde part évidemment vers la télévision d'État,
40:10 puisque tous les coups d'État,
40:12 c'était un coup d'État de Rutz-Koil sur Yeltsin,
40:15 finissent toujours comme ça par aller prendre le pouvoir
40:18 de la radio, de la communication, de la télévision.
40:21 Et moi, j'avais fait, il s'avère, avec Catherine Gentil,
40:23 un stage de guérilla urbaine, peu de temps auparavant.
40:26 Et on m'avait toujours dit, dans ce stage,
40:29 "surtout faites attention, ne soyez jamais face aux armes
40:34 ou face aux attaquants.
40:36 Essayez de vous protéger le plus possible".
40:38 Et je vois mon Patrick et Yvan Skopan, notre caméraman magnifique,
40:44 qui partait la fleur au fusil et qui était face à ces gens
40:49 en armes qu'on appelle les Oumoun et qui sont les forces spéciales.
40:54 Et mon caméraman me dit, "Marine, il y avait un camion
40:56 qui essayait d'enfoncer la porte".
40:58 Et mon caméraman me dit, "Marine, surtout tu ne bouges pas
41:01 parce qu'ils vont tirer.
41:03 J'ai peur pour ceux qui sont face à eux".
41:05 Et tout à coup, ça s'est bien rafalé.
41:08 Et malheureusement, Yvan Skopan, qui était un ami très cher,
41:12 a filmé sa mort, d'une certaine manière.
41:16 Et il est d'abord touché à l'épaule.
41:18 Et puis après, je vous passe le reste, c'était tellement terrifiant.
41:22 Et Patrick est touché d'une balle.
41:24 Et tout autour de moi, tout le monde tombe.
41:27 Enfin, je ne sais plus, 12, 13 morts.
41:29 Dont un copain qui s'appelait Rory Peck, qui était un journaliste formidable
41:33 et qui se baladait à travers le monde avec un long manteau
41:37 et une petite caméra et qui faisait des reportages extraordinaires.
41:40 Et j'ai cru qu'il était blessé.
41:42 En fait, il était mort.
41:43 Et après, avec Martine, la femme de Patrick et Marie-Valentine,
41:49 on l'a cherchée toute la nuit jusqu'à ce que l'ambassade
41:53 ait cherché Patrick et Yvan, qui est parti dans les hôpitaux.
41:57 Et Yvan va décéder dans l'ambiance qu'ils ramènent en France.
42:02 Un moment dramatique.
42:03 Alors, quand je parle de la chance que vous avez eue, Marine Jacquemin,
42:07 il y a aussi une chance pour rencontrer les gens.
42:09 Vous avez réussi à rencontrer le juge Falcon,
42:12 ce qui était totalement mission impossible, puisque c'est le juge anti-mafia.
42:16 Alors là, je dois dire qu'en Italie, la blondeur, ça sert à quelque chose.
42:22 Parce que figurez-vous que je suis assez distraite et je pars,
42:26 je quitte mon hôtel, j'attendais mon équipe qui arrivait le lendemain.
42:29 Je me dis tiens, je vais aller voir.
42:31 Je n'avais pas...
42:32 C'était la première fois que je faisais un reportage comme ça face à la mafia.
42:37 Évidemment, j'avais étudié mon dossier et je savais que ce juge existait.
42:42 Et je vais, j'arrive devant le palais de justice.
42:47 Et là, il y a une bande de mecs qui me regardent et qui me sifflent.
42:51 La blonde d'art, etc. Enfin, l'Italie quoi.
42:54 Et j'arrive et je prends mon air très sérieux.
42:57 J'avais 30 ans et je leur dis bonjour.
43:00 Je ne parlais pas très peu italien.
43:03 Bonjour, je voudrais rencontrer le juge Falcon.
43:04 Et il y a un grand mec qui me regarde, qui éclate de rire et qui me dit
43:08 "Ah toi, tu veux rencontrer le juge Falcon ?"
43:12 Je dis oui, je veux rencontrer le juge Falcon, je suis journaliste, etc.
43:16 "Ah, t'es journaliste. Bon, alors, viens, rentre tes papiers."
43:21 Je dis, j'ai oublié ma carte de presse, j'ai tout oublié.
43:24 "Ah bon, alors, viens, on prend un café."
43:26 C'était incroyable parce que ce n'était pas les mêmes conditions.
43:29 Bien que le juge Falcon était gardé comme la Banque of America.
43:35 Mais on prend un café et on essaie de se parler parce que moi,
43:39 je parlais peu italien et lui, pas du tout français.
43:41 Et il me dit "aspetto momento".
43:44 Alors ça, j'ai connu, tu me dis, t'as un moment.
43:47 Il revient et c'est long, c'est long.
43:49 Et je me dis mais qu'est-ce qui se passe ici ?
43:51 Enfin bref, j'imagine bien que ce n'était pas facile.
43:54 Il revient un quart d'heure plus tard et il me dit "Tu veux voir le juge Falcon ?"
43:58 Je lui dis "Oui, je veux voir le juge Falcon."
44:00 "Alors suis-moi."
44:01 Et pour moi, ça me semblait totalement normal ça.
44:05 J'avais pas de papier, un truc de dingue.
44:09 Après, on a beaucoup rigolé avec l'équipe parce que
44:12 cet homme en question était le chauffeur de Giovanni Falcon
44:15 qui est devenu notre ami tout au cours de ce reportage
44:18 et qui raconte à mon équipe qui était morte de rire comment j'étais rentrée.
44:23 Et j'arrive, alors on parle, on passe un premier barrage,
44:27 un deuxième barrage, un troisième barrage.
44:29 Et finalement, on arrive dans une toute petite pièce.
44:32 En contrebas, il y avait cet homme.
44:33 Il y avait le dossier qui lui arrivait jusqu'à ses lunettes.
44:36 Il me regarde et il éclate de rire.
44:39 Il regarde son chauffeur, je ne savais pas à l'époque.
44:43 Je me dis "Il se passe quelque chose qui n'est pas normal."
44:46 Et donc il parlait un peu anglais.
44:47 Donc il me dit "Bon..."
44:49 Et puis ils n'arrêtaient pas de se regarder et de sourire.
44:52 Bon bref, il me reçoit, je crois à cinq minutes ou dix minutes, je ne sais plus.
44:58 Alors je ressors de là et je ne comprends toujours pas ce qui s'est passé.
45:04 Et quelques temps plus tard, quand je deviendrai amie avec le chauffeur,
45:10 Paolo, il s'appelait Paolo, il est toujours en vie
45:14 parce que le juge a bien sûr sauté sur une bombe.
45:18 Il le voulait, il voulait sa peau et ça il me l'avait dit avec sa femme qui était aussi juge.
45:24 Et il me dit "Tu sais ce matin-là, tu as vu comment ça se passe dans la ville ?"
45:30 Alors je dis "Oui j'ai vu."
45:32 Tous les matins et tous les soirs, ça résonne du juge
45:35 parce qu'il y a deux voitures, sa voiture et deux voitures et encore des motards.
45:40 Bref, c'est impressionnant et c'est très très bruyant
45:44 parce qu'il y a les pinpons dans tous les sens.
45:46 Quand il arrive, il y a des hommes en armes.
45:49 Cet homme, je vous dis, était gardé vraiment comme la Banque of America.
45:53 Et il me dit "Ce matin-là, le juge me dit
45:57 "Tu sais Paolo, sais-tu j'ai fait un rêve ?
46:00 "Tu vois cette femme, cette femme au Vatican qui rejoint un homme les bras,
46:06 "c'est une blonde très pulpeuse, elle rejoint comme ça la main de son amour."
46:14 Il dit "J'ai rêvé de ça, c'est incroyable que je puisse rêver de ça."
46:19 J'en ai parlé avec ma femme, elle était morte de rire.
46:22 Et Paolo va dans le bureau et dit
46:26 "Monsieur le juge, vous voulez que je vous dise votre rêve ?"
46:30 Il est au café, il prend un café et il m'a demandé s'il pouvait vous rencontrer.
46:37 - C'est extraordinaire. - C'est une histoire incroyable, non ?
46:40 - Incroyable. Alors aussi ce qui est incroyable, ce que j'apprends dans votre livre,
46:43 il y a aujourd'hui un hôpital à Kaboul pour enfants et il vous doit tout.
46:48 Et à vous et à Muriel Robin, et vous le révélez parce qu'on n'en parlait jamais ça Marine Jacmin.
46:53 - Oui, très peu, très peu. Parce que moi j'ai voulu un hôpital
46:57 parce que je voulais adopter un enfant qui a sauté sur une mine
47:00 et aussi mon traducteur qui était chirurgien.
47:01 Il m'a emmené devant les hospices de Lyon,
47:04 à un hôpital qui avait été construit dans les années que sais-je, 70.
47:07 Et il m'a dit, il était en ruine, il m'a dit "Il faut le reconstruire Marine, il faut le reconstruire."
47:12 Et l'un a sauté sur une mine, l'autre a été vendu par les talibans.
47:18 Et le jour où Muriel Robin, que je ne connaissais pas, m'appelle,
47:23 après avoir vu un reportage où des enfants fabriquent des briques
47:27 et où une petite fille va mourir de la tillure de briques, elle va mourir étouffée.
47:34 Et elle m'appelle et elle me dit, elle regarde la caméra et elle me dit "Il n'y a pas de lumière dans cette ville là."
47:39 Et Muriel Robin rencontre Claire Chazal, elle m'appelle et elle me dit
47:43 "C'est pas possible qu'une enfant de cet âge là dise une chose pareille. Qu'est-ce qu'on peut faire Marine ?"
47:47 Et tout de suite je dis "Un hôpital."
47:50 Et après tout est allé très vite parce que j'avais la chance d'avoir un patron qui s'appelle Martin Buick
47:55 qui a tout de suite cru en moi, je l'ai appelé.
47:58 Et avec Muriel on a soulevé des montagnes parce que cette femme est extraordinaire.
48:03 C'est un ange sur la terre, elle peut être aussi un démon, attention, elle me dit.
48:09 Mais elle s'est donné corps et âme, elle est restée avec moi, comme elle le dit, pendant 9 mois, le temps d'une gestation.
48:17 Et après, toutes les radios, toutes les télés s'étaient mises autour de ce projet.
48:21 C'est un projet qui ne pourrait pas avoir lieu aujourd'hui.
48:24 Il s'est passé tant de choses depuis.
48:26 Mais les politiques étaient avec nous.
48:29 Ensuite j'ai rencontré la chaîne de l'espoir avec Muriel.
48:34 Et parce que Alain Deloche était un formidable chirurgien du cœur
48:40 et qu'il y avait une maladie terrible dans ce pays qui était la maladie bleue
48:44 qui nécessitait qu'on opérait sous éther à l'époque.
48:47 Et maintenant, il y a une grande salle de réveil, il y a une maternité.
48:55 Maintenant l'hôpital fait plus de 30 000 m².
48:57 Et figurez-vous que tout le monde me pose la question "mais que devient l'hôpital avec le retour des talibans ?"
49:03 Alors moi, pour la petite histoire, pendant la construction de l'hôpital,
49:07 j'étais quand même allée voir les talibans qui n'étaient plus au pouvoir.
49:11 Et j'avais pu rencontrer, grâce à un copain irakien,
49:15 j'ai pu rencontrer un des mollahs qui m'a reçu
49:19 et qui pour la première fois me regardait dans les yeux et je lui ai dit "vous savez,
49:23 votre pays est en pleine détresse et surtout les enfants.
49:27 Et nous allons construire la France, enfin en tous les cas.
49:30 Pour l'instant, une équipe de privés français, nous allons construire votre hôpital.
49:36 Mais il ne faut pas l'attaquer parce qu'ils attaquaient,
49:38 il y avait beaucoup d'attentats etc. qui nous faisaient peur.
49:43 Il ne m'a jamais dit "oui, mais l'hôpital, je touche du bois, n'a jamais été attaqué".
49:47 Et cette année-là, il y a quelques semaines, pas longtemps,
49:52 les talibans sont arrivés dans l'hôpital et ça a fait peur à tout le monde.
49:55 Parce qu'il y a encore des femmes qui travaillent, les rares femmes qui travaillent sont encore dans cet hôpital.
50:00 Et on opère, un de mes copains est cette semaine, Julien Gaher de Londres,
50:06 il est cette semaine avec une équipe en train d'opérer à cœur ouvert.
50:10 Et les talibans voulaient en quelque sorte prendre un peu, mettre la main sur cet hôpital, le gérer.
50:18 Et là, il y avait une fille formidable qui dirige l'hôpital de Kaboul,
50:21 une française qui s'appelle Sonia Khotin, qui était à l'hôpital depuis 4 ans.
50:25 Elle vient de partir malheureusement et elle leur a dit "mais enfin réfléchissez,
50:31 si cet hôpital n'existe plus, on ne peut plus soigner les enfants, on ne peut plus soigner les femmes,
50:37 il n'y a plus de maternité et c'est vous qui en serez les premiers responsables et aussi c'est vous qui en pâtirez".
50:45 Et donc ils ont laissé l'hôpital, les femmes travaillaient.
50:49 Malheureusement, les jeunes femmes ne vont plus à l'école et ça c'est encore une autre histoire à traiter avec eux.
50:55 Mais aujourd'hui cet hôpital fonctionne, il fonctionne toujours et c'est un phare de la France dans ce pays bien au-delà,
51:04 dont Muriel et moi sommes très fiers.
51:06 Nous on est fiers aussi de tout ce que vous faites et de ce livre "Mes guerres",
51:10 et fiers de vous avoir reçu. Je recommande ce livre à celles et ceux qui nous écoutent,
51:14 ces auditions de l'Observatoire, parce que c'est un livre de courage et de passion.
51:18 Merci d'avoir écrit Marine Jacquemin.
51:20 Merci, merci Jacques.
51:22 Les Clés du Viste est terminée pour aujourd'hui, on se retrouve bientôt.
51:25 Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.