La vie cachée de la prairie (1_4) - Des bêtes et des sorcières _ ARTE Family
Les animaux sauvages sont entourés de légendes et de superstitions. Mêlant animations de John Howe, le directeur artistique du "Seigneur des anneaux", et observations sur le terrain, cette série documentaire en quatre volets renouvelle notre regard sur des espèces décriées. Dans ce volet : la vie cachée de la prairie.
Dans la prairie, la renarde élève ses petits, la chenille du sphinx à tête de mort se métamorphose en un papillon impressionnant et le lièvre se lance dans une course folle lors du bouquinage de printemps. Victimes de superstitions, ces espèces entretiennent des liens difficiles avec l’homme : les dents des moissonneuses-batteuses emportent les nichées, les herbicides menacent les couvées et le chasseur poursuit le renard jusque dans son terrier.
Dans la prairie, la renarde élève ses petits, la chenille du sphinx à tête de mort se métamorphose en un papillon impressionnant et le lièvre se lance dans une course folle lors du bouquinage de printemps. Victimes de superstitions, ces espèces entretiennent des liens difficiles avec l’homme : les dents des moissonneuses-batteuses emportent les nichées, les herbicides menacent les couvées et le chasseur poursuit le renard jusque dans son terrier.
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00:00 Les animaux sauvages gardent toujours à nos yeux une part de mystère.
00:13 Certains ont une réputation ponflateuse.
00:17 Magiciens et sorcières en ont fait des esprits maléfiques.
00:21 Mais la réalité contredit ces croyances.
00:25 Filmés en pleine nature, sans artifices,
00:30 ces animaux mal famés ou mal aimés sont simplement magnifiques.
00:36 Les animaux sauvages gardent toujours à nos yeux une part de mystère.
00:41 Certains ont une réputation ponflateuse.
00:45 Mais la réalité contredit ces croyances.
00:49 Films et animations enregistrés par les animaux sauvages
00:53 sont simplement magnifiques.
00:57 L'hiver
01:01 L'hiver revient surprendre ce coin de bocage.
01:17 La neige est annoncée pour l'après-midi.
01:22 La nuit
01:25 Nappée de blanc, la nature semble figée et réduite au silence.
01:34 Et le temps est comme suspendu.
01:38 Mais pour le renard au roue, le temps ne s'arrête jamais.
01:47 De jour, de nuit, qu'il pleuve ou qu'il neige,
01:51 il sillonne son territoire.
01:55 Toujours affairé, infatigable, il n'hiberne pas.
02:07 Paré contre le froid avec son épaisse fourrure,
02:12 il parcourt chaque jour des dizaines de kilomètres pour trouver à manger.
02:19 Quel proie va-t-il pouvoir débusquer dans ce désert blanc ?
02:30 Le campagnol
02:33 Ceux qu'il attrape le plus couramment, ce sont des campagnols.
02:51 En temps normal, sa vue perçante et son odorat très développé
02:56 lui suffisent pour les repérer.
03:00 Mais ces deux atouts ne valent rien avec une telle chape de neige.
03:09 Il lui reste cependant une carte maîtresse.
03:15 Il a deux grandes oreilles et les campagnols sont très bavards.
03:22 Ils émettent des ultrasons que le renard perçoit avec une remarquable acuité.
03:29 Et voilà, même sous la neige, les bavards sont localisés et capturés.
03:37 Un renard avale en moyenne chaque année 6000 souris, muleaux et campagnols.
03:49 En régulant les populations de rongeurs, il rend de précieux services à l'agriculture.
03:55 Pourtant, il n'arrive pas à se défaire de sa mauvaise réputation.
04:00 Surnommé Goupil au Moyen-Âge, il a été et est encore l'objet d'une animosité,
04:07 voire d'une cruauté sans borne.
04:10 Pourquoi tant de haine ?
04:15 Goupil a le tort d'habiter à proximité des humains et de s'intéresser aux broies convoitées par ces derniers.
04:23 Il les prend et les entasse dans son garde-manger à l'écart des villages.
04:29 Et figurez-vous que le jour où son stock est épuisé, sortant affamé de son terrier,
04:36 il n'hésite pas à se ruer sur le gibier réservé aux chasseurs.
04:42 Il est rusé en plus.
04:45 A la moindre alerte, il se tapit dans l'herbe, ou se débine et disparaît furtivement.
04:51 Suce au goupil ! Qu'on l'abatte ce voleur puant !
04:55 Le renard n'est jamais là où on l'attend.
04:59 Preuve qu'il est sournois et opportuniste.
05:03 Et il faut bien avouer qu'il est habile.
05:06 Plusieurs broies en même temps ne lui font pas peur.
05:10 Peu d'un coup de patte, retourner un hérisson sur le dos,
05:14 puis aussitôt lever une perderie en train de couver.
05:19 Et emporter le tout dans son antre.
05:22 Ses ennemis sont formels. C'est un insatiable glouton.
05:27 C'est bien pour cela qu'il vient piller nos poules aillées.
05:31 Cloué sur la porte, une étoile de mer imbibée de sang de renard conseillait les anciens.
05:38 Cela repousse les maléfices de cet ignoble animal.
05:43 Et oui, on associait même le renard au démon.
05:47 Eurynome, suppôt de Belzébuth, était vêtu de sa peau.
05:53 Goupil symbolise la démesure, l'invidité, la fourberie.
05:59 Les préjugés sont vivaces.
06:02 Le renard reste pour beaucoup un infâme voleur de poules
06:06 qu'aucun piège ne peut arrêter.
06:10 Heureusement, le renard a de plus en plus de défenseurs.
06:27 Frank Vigna travaille ardemment à sa réhabilitation.
06:33 C'est un animal qu'on a accusé de tous les maux.
06:37 Le voleur de poules, le vecteur de maladies...
06:41 Dans les années 70-80, il y a eu des problèmes avec la rage.
06:46 Mais ce n'est pas en allant tuer les renards qu'on a résolu le problème.
06:51 Il a fallu simplement les vacciner.
06:54 Il est plus utile que nuisible.
06:57 Il peut transmettre des maladies, mais il est aussi un rempart efficace.
07:02 Il joue pleinement son rôle d'auxiliaire agricole.
07:06 Il nettoie la nature en mangeant des carcasses.
07:10 Il est là, il a sa place.
07:13 C'est un prédateur indispensable au sein de nos écosystèmes.
07:17 Il est vrai que le renard vit à proximité des hommes
07:21 et va parfois se servir dans leur poulailler
07:24 si la porte n'a pas été bien fermée.
07:27 Il croque bien une ou deux poules à l'occasion, par facilité.
07:35 Mais c'est sans aucune commune mesure
07:38 avec le nombre de souris et de campagnols qui figurent à son tableau de chasse.
07:44 À cause de ses larcins, le renard a été catalogué comme bête à abattre.
07:51 Alors qu'il joue un rôle capital dans l'équilibre des écosystèmes.
07:56 Et sans lui, les rongeurs pulluleraient dans les cultures.
08:03 La nuit venue, d'autres habitants de la prairie apparaissent.
08:16 Pour les découvrir, Benoît dorme dans un grand drap blanc
08:21 éclairé par une lampe à vapeur de mercure.
08:25 Les papillons de nuit sont très sensibles au rayonnement UV.
08:34 Donc le principe, en fait, ça va être de positionner des lampes
08:38 qui sont émettrices du plus large spectre dans les UV
08:43 pour attirer et piéger tous ces papillons.
08:47 Donc là, on a une femelle qui s'est fait piéger par le drap.
08:58 Une belle femelle papillon sphinx tête de mort
09:03 avec un abdomen très large et très gros.
09:07 Les œufs qu'elle aura pondus, je vais pouvoir les élever.
09:11 Une partie, les garder en élevage et l'autre partie,
09:14 je vais pouvoir les relâcher directement dans la nature.
09:18 Dans son grenier, Benoît a installé son centre d'élevage
09:27 de sphinx à tête de mort.
09:29 Donc il est originaire d'Afrique.
09:32 Il est de passage chez nous à la période estivale.
09:36 En fait, c'est un lépidoptère qui est migrateur.
09:41 Il fuit la période de sécheresse d'Afrique
09:45 pour venir se reproduire chez nous.
09:48 C'est un papillon qui est génétiquement fait pour le voyage
09:54 et surtout le vol.
09:56 C'est un papillon qui est très robuste, qui est fuselé.
10:00 De toute façon, on le voit au niveau forme.
10:03 C'est un papillon qui va avoir la forme d'un avion,
10:07 plutôt un avion de chasse, qui va fendre l'air.
10:11 C'est un papillon qui va pouvoir, sans trop d'efforts,
10:16 sans trop résister au vent,
10:18 pouvoir parcourir de grandes distances
10:21 en dépensant le moins d'énergie possible.
10:28 Les femelles ont absolument besoin d'avoir le ventre plein
10:34 pour pouvoir être performantes à la ponte.
10:37 Donc le plus gros défi, ça va être de l'alimenter de façon manuelle.
10:42 Donc on va venir chercher la trompe du sphinx
10:46 pour la plonger directement dans la solution miellée.
10:50 En s'alimentant, le papillon va faire chauffer ses ailes
10:57 pour le départ.
10:59 Dès qu'il aura fini de s'alimenter,
11:02 comme ça, il est opérationnel pour repartir directement.
11:07 (bruit de chasse)
11:10 Dans la nature, le sphinx se nourrit de miel
11:31 qu'il va pomper dans les ruches.
11:33 Mais ce soir, ce n'est pas la nourriture qui l'intéresse.
11:37 Il a traversé la Méditerranée d'une seule traite
11:43 avalant 500 km sans s'arrêter.
11:47 Il ne prend pas le temps de se reposer,
11:52 obnubilé par la mission qu'il a amenée jusqu'ici,
11:56 se reproduire.
12:01 Guidé par les phéromones et les ultrasons qu'aimait cette femelle,
12:05 il s'acquitte de sa tâche dans les plus brefs délais.
12:09 Le motif en forme de tête de mort qui orne son dos
12:15 et son goût effréné pour le miel des ruches,
12:18 on suffit à faire de lui un papillon maudit.
12:21 Les légendes le présentant comme un messager de mauvaise augure
12:26 sont tenaces et bien sûr, injustifiées.
12:31 *bruit de chien*
12:38 L'intrus surgit de la nuit, silencieux,
12:45 affublé de son masque lugubre et muni d'une trompe
12:49 pour voler le miel des abeilles.
12:52 Le sphinx est glouton, mais c'est là son moindre défaut.
12:57 Acheroncia Atropos.
13:00 Son nom seul évoque le fleuve des enfers.
13:04 Il incarne l'âme des défunts qui s'envolent vers l'au-delà.
13:08 On a pu l'épingler pour enquêter sur lui.
13:11 Son dossier est chargé.
13:13 Jugé plutôt, à l'état de chenille, il dévore les feuilles de plantes
13:18 aussi maléfiques que la datura ou la belladonne.
13:22 Comment s'étonner que le diable,
13:24 lorsqu'il veut convoquer les sorcières, l'envoie comme messager ?
13:29 Il charge de murmurer à leur oreille le nom de ceux qui vont mourir.
13:34 Les plus méchantes langues disent même qu'il apporte la mort,
13:39 même si en vérité, c'est la vie qu'il sème dans la nature.
13:43 Un mythe raconte que Psyché, princesse devenue déesse,
13:48 est remontée des ténèbres en empruntant les ailes d'un papillon.
13:51 Comme elle, le sphinx est descendu dans les profondeurs de la terre
13:56 pour en renaître plus beau.
13:58 Les superstitieux lui prêtent encore un sinistre pouvoir,
14:02 celui d'insuffler de terribles cauchemars dans le cerveau des dormeurs.
14:07 Voir apparaître ce sombre messager au clair de lune
14:12 ne présage rien de bon,
14:14 surtout si on l'entend pousser son cri plaintif.
14:19 C'est le début du printemps dans la prairie.
14:22 Les tracteurs et les faux ne sont pas encore passés,
14:28 la nature s'épanouit librement.
14:31 Les hautes herbes cachent encore le petit peu de l'eau.
14:43 Les hautes herbes cachent encore le petit peuple discret
14:48 qui habite ces grands espaces.
14:51 La buse a pris de la hauteur pour observer son terrain de chasse.
15:09 Aucun mouvement n'échappe à son regard perçant.
15:14 Voilà une bonne nouvelle pour les rapaces, les levraux sont nés.
15:23 Même âgés de quelques jours, leurs grandes oreilles les trahissent.
15:28 Plutôt que de creuser intérier, le lièvre gîte à même le sol dans un simple creux,
15:35 vite fait mais facilement repérable par les prédateurs de toutes espèces.
15:41 Sa vue n'est pas très bonne,
15:46 heureusement que ses impressionnantes oreilles orientables à volonté
15:50 l'informent de tout ce qui se passe.
15:53 Il est toujours sur le qui-vive.
16:03 Et si un danger survient, ses longues pattes antérieures
16:07 le propulseront vers les forêts à plus de 60 km/h.
16:12 Le lièvre d'Europe est un habitué de nos cultures,
16:17 pourtant on le connaît assez mal.
16:20 Il a quelques secrets que Jean-Sébastien Guiton et Ninon Denis voudraient percer à jour.
16:31 Le lièvre a peur parce que le monde extérieur ne lui veut pas que du bien.
16:37 Il a besoin de se cacher pour survivre.
16:41 C'est un défi pour toutes les espèces et pour le lièvre en particulier.
16:46 C'est la particularité du lièvre, il a plusieurs cordes à son arc
16:54 pour protéger les espèces.
16:57 Soit il se cache, soit il fuit rapidement.
17:02 Il a aussi une morphologie qui lui permet de disparaître rapidement en fuyant.
17:08 Dans les plaines de Picardie, les chercheurs placent des pièges.
17:17 Inutile de cacher la cage ou d'y mettre des appâts.
17:21 Le lièvre est toujours à la recherche.
17:24 Le lièvre est tellement curieux qu'il ne peut s'empêcher de visiter cet objet insolite posé à même le sol.
17:32 Pour ne pas stresser le lièvre, mieux vaut faire le noir dans la cage.
17:44 Ils vont lui poser un collier émetteur.
17:51 Le seul moyen de suivre les lièvres dans leur déplacement.
17:55 L'examen de routine ira enrichir les données sur la population.
18:05 Mais le collier émetteur devrait révéler des détails plus précis sur la vie du lièvre.
18:17 Une étude qui permet d'estimer le taux de survie des animaux, des jeunes animaux en particulier.
18:23 De savoir quelles sont les causes de mortalité de ces jeunes animaux.
18:27 Et de voir comment ils utilisent leur environnement, dans quel type de culture ils vivent, le jour, la nuit.
18:34 Comment ils sélectionnent leur lieu de vie, leur lieu de gîte, leur lieu d'activité, d'alimentation, etc.
18:42 Cela permet de mieux comprendre ce qui est important pour la population, pour les lièvres.
18:49 Et de faire des recommandations dans la gestion des populations.
18:54 D'identifier des causes de mort qui auraient pris une importance plus forte qu'avant.
19:00 [Bruits de pas]
19:22 Sa curiosité lui a valu une aventure vraiment insolite.
19:26 Et donné une furieuse envie de retourner se cacher.
19:30 [Bruits de pas]
19:38 Un animal qui se dissimule à tout bout de champ a forcément des secrets inavouables à protéger.
19:45 Le lièvre est trop rusé pour être honnête. Il doit fricoter avec les sorcières.
19:55 Au Japon, on a retenu que sa fécondité, les nuits de pleine lune, un lièvre dit-on, descend du ciel, court jusqu'à la mer et joue dans les vagues avant de se reproduire.
20:08 Abondamment.
20:10 Dans d'autres cultures, on a dit le lièvre capable de se transformer en sorcière.
20:18 Et il était montré du doigt à cause de son habitude de forniquer à tout va, taxé de dépraver et de destructeur de moissons.
20:26 Jadis, les sorcières changées en lièvres déjouaient le sortilège par cette incantation.
20:42 Lièvre, lièvre, que Dieu ait soin de toi. Je suis maintenant sous la forme d'un lièvre, mais je serai femme à l'instant.
20:55 Maudit ici, il est exemplaire ailleurs.
20:59 Les indiens racontent qu'un lièvre s'était laissé manger par un vieillard affamé qui n'était autre que le roi des dieux.
21:07 Celui-ci déposa les restes du lièvre sur la lune afin que son sacrifice reste visible.
21:14 Dans nos campagnes, il ne fallait surtout pas croiser le lièvre sur son chemin, cela portait malheur.
21:21 Différents organes du lièvre entraient dans la pharmacopée moyenne âgeuse et les grimoires des sorcières.
21:28 Son fiel pour les plaides et les preux, sa cervelle pour faire sortir plus vite les dents des bébés, son sang pour aider les femmes en couche.
21:38 D'autres organes encore donnaient les meilleurs filtres d'amour, breuvages aphrodisiaques et potions stimulant la fécondité.
21:48 Une lune qui veille au cycle des morts et des renaissances a protégé le lièvre. Grâce à elle, son prochain bon le conduira vers la lumière du jour.
21:59 Solidement installé désormais, le printemps a rendu à la nature ses attraits les plus harmonieux.
22:17 De retour d'Afrique, la pigrie hachée corcheur retrouve son perchoir, d'où elle peut embrasser du regard la merveilleuse transformation.
22:26 L'apparition des fleurs des champs qui rivalisent d'élégance pour attirer les insectes, le verre si appétissant de l'herbe toute neuve.
22:36 Oreilles courtes, queues blanches, c'est un lapin de garenne. Il creuse son terrier dans la prairie.
22:53 On ne peut pas le confondre avec le lièvre qui a de longues oreilles ourlées de noir.
23:02 Même s'il passe ses jours et ses nuits dehors, le lièvre au matin n'a pas une goutte de rosée sur son pelage.
23:11 Lui aussi fait quotidiennement sa toilette pour éliminer les pus, steignes, tiques et autres vermines qui logent dans son pelage.
23:30 Dans leurs déplacements, les lièvres sont attentifs aux odeurs laissées sur le sol.
23:35 Ils évitent prudemment les traces musquées du renard qui n'aime pas trop rencontrer.
23:44 Mais curieusement, il arrive que les deux espèces cohabitent dans une même prairie.
23:50 Le renard de toute façon n'aurait pas la prétention de chasser un lièvre, connaissant sa vélocité.
23:57 [Bruits de pas]
23:59 Pour le lièvre, le danger vient généralement du ciel.
24:14 La buse repère ses proies à plus de 100 mètres de distance.
24:22 Son acuité visuelle est exceptionnelle.
24:25 [Bruits de pas]
24:27 La plus sûre parade pour le lièvre est de se fondre dans ce décor assorti à son pelage.
24:34 [Bruits de pas]
24:37 Les oreilles couchées, ils restent immobiles le temps que le danger soit passé.
24:43 [Bruits de pas]
24:47 [Musique]
24:49 Il est rare qu'une buse prenne un lièvre.
25:05 Elle se jette le plus souvent sur des petits rongeurs,
25:08 ce qui en fait une précieuse alliée des agriculteurs, au même titre que le renard.
25:14 [Bruits de pas]
25:16 Les lièvres vivent presque toute l'année dans la solitude,
25:21 sauf au moment du bouquinage,
25:24 la période du rut qui les rassemble une fois par an dans la prairie.
25:28 [Musique]
25:31 Les mâles, les bouquins, vont se disputer les faveurs d'une ase,
25:43 la première femelle en chaleur qui les rejoindra dans la reine.
25:47 D'ordinaire si paisible, les lièvres sortent de leur réserve
25:56 pour s'affronter dans un bugila spectaculaire.
25:59 L'enjeu est clair, il s'agit de remporter le privilège exclusif
26:11 de s'accoupler avec la ase.
26:14 En s'exposant ainsi, ils oublient leur sacro-sainte règle de prudence,
26:24 mais c'est pour la bonne cause, le maintien de l'espèce.
26:28 Courses de vitesse, coups de patte, morsures,
26:35 le bouquinage commence par une épreuve éliminatoire.
26:38 L'objectif est d'évincer les mâles les plus faibles
26:41 pour qu'il n'en reste qu'un.
26:43 Le vainqueur redouble de pugnacité envers les derniers prétendants.
26:59 [Bruit de vent]
27:01 Il reste seul en piste pour son tête à tête avec l'ase.
27:24 [Musique]
27:27 Si le bouquinage peut durer des heures,
27:50 son dénouement est des plus expéditifs.
27:54 L'affaire est réglée en deux temps, trois mouvements.
27:57 Sous les feuilles d'un troène, au bord de la prairie,
28:06 sont apparues de petites perles blanches.
28:09 La femelle du sphinx à tête de mort a pondu des œufs minuscules,
28:15 un millimètre et demi de diamètre.
28:21 Au bout d'une semaine, l'enveloppe est découpée par une robuste mâchoire,
28:25 celle d'une chenille mesurant 5 à 6 millimètres.
28:29 Cette membrane est pleine de nutriments.
28:38 Le premier réflexe de la chenille est de la dévorer pour prendre des forces.
28:49 Cette chenille porte une drôle de corne à l'extrémité de l'abdomen,
28:53 comme un éperon dressé vers le ciel, mais absolument inoffensif.
28:57 Alors à quoi sert-il ?
28:59 Peut-être simplement à dissuader les prédateurs de l'attaquer.
29:17 La chenillette se déplace dans toutes les positions.
29:20 Ses pattes musclées adhèrent aux feuilles comme des ventouses.
29:25 Et maintenant, ses mondibules entrent en action.
29:31 Elle doit manger, manger, manger sans relâche,
29:36 pour grandir le plus rapidement possible.
29:40 Dans son arbuste nourricier, la chenille circule à sa guise,
29:45 mais parfois, au risque de glisser sur ses feuilles lustrées,
29:49 un faux pas et elle dévisse.
30:08 Par chance, elle dispose d'une corde de rappel.
30:11 Non seulement ce fil de soie lui a évité une chute fatale,
30:15 mais il lui sert d'échelle pour gagner son garde-manger.
30:19 À force de se gaver, la chenille du sphinx à tête de mort
30:30 commence à se sentir à l'étroit dans sa combinaison.
30:35 Trois jours après son éclosion, elle a déjà doublé de volume
30:39 et entame sa première mue.
30:42 Bien sûr, elle garde sa corne dressée comme une antenne de radio.
30:49 Sa dépouille contient des protéines nécessaires à sa croissance.
30:55 Comme grandir reste son seul et unique objectif,
30:58 la chenille la grignote.
31:02 (Grognement)
31:04 (Grognement)
31:11 (Grognement)
31:13 (Grognement)
31:19 (Grognement)
31:26 (Grognement)
31:28 Il y a eu d'autres naissances dans la prairie.
31:46 Des renardeaux sont arrivés dans cette tanière.
31:52 (Musique)
31:54 Une renarde met au monde 4 à 6 renardeaux en moyenne,
32:08 suivant la quantité de proies disponibles sur son territoire.
32:18 Les petits restent le plus souvent à l'entrée du terrier,
32:22 prêts à s'y réfugier en cas de danger.
32:25 La prairie, pour l'instant, c'est l'inconnu.
32:36 Un espace où il est tentant, mais risqué de s'aventurer.
32:41 (Musique)
32:43 La chenille du sphinx à tête de mort
33:06 ne connaît pas non plus tous les recoins de son territoire.
33:10 Pour elle, qui ne mesure que 20 millimètres,
33:14 ce trouet n'est aussi vaste qu'une forêt.
33:17 S'il lui arrive de rencontrer une sœur ou une cousine,
33:29 elle ne s'efface pas pour la laisser passer.
33:33 (Musique)
33:35 Chacune défendant obstinément son précaré,
33:39 cela ne peut finir que par une bagarre.
33:42 On peut sourire de voir des chenilles se crêper le chignon,
33:57 mais dans leur univers, rien n'est plus sérieux
34:00 que la défense d'une feuille de trouenne.
34:03 L'une d'elles, enfin, capitule et rebroue ce chemin.
34:28 (Bruits de chenilles)
34:30 L'été venu, de nouveaux dangers guettent les habitués de la prairie.
34:56 Ce prédateur-là ne surgit pas du ciel, comme l'abuse,
35:00 et son arme laisse peu de chance de salut.
35:03 Il y a aussi d'effrayants engins dont les mâchoires,
35:21 broient parfois les levreaux qui se sont laissés surprendre.
35:25 Il y a enfin une troisième menace, impossible à fuir,
35:32 les pesticides et leur impact désastreux sur les populations animales.
35:37 Le lièvre est fragile,
35:44 comme chaque maillon de la biodiversité des prairies.
35:48 (Bruits de chenilles)
35:50 La renarde entre dans cette anière.
36:02 Ses petits l'attendaient pour la têter.
36:09 Elle les alaide encore, mais commence aussi à partager ses proies avec eux.
36:14 (Bruits de chenilles)
36:16 Elle fait des réserves pour elle et pour ses renardeaux,
36:24 par prévoyance et non pas par avidité, comme le croient certains.
36:28 Pendant toute la période de croissance de ses petits,
36:35 la renarde chasse du matin au soir.
36:39 (Bruits de chenilles)
36:41 S'appuyant sur son expertise,
36:53 elle s'en tient aux micro-mammifères, muleaux, souris, campagnols.
36:58 (Bruits de chenilles)
37:03 (Bruits de chenilles)
37:05 Ce n'est pas un animal spécialisé dans la capture des micro-mammifères,
37:18 mais il a un don pour ça.
37:20 Il les chasse généralement à l'ouïe.
37:23 Ils n'ont pas la même perception que nous.
37:26 On y capte des sons que nous, on n'entend pas.
37:29 Il capte le bruit du micro-mammifère qui se déplace sous terre.
37:33 Il fouine, il marche, il se déplace sans cesse.
37:36 Dès qu'il a localisé les ultrasons de ces petits animaux,
37:40 il s'arrête net, les oreilles se lèvent et il fait un bond.
37:44 On appelle ça le mule otage.
37:46 Il saute sur sa proie, il l'attrape et il la crame.
37:49 (Bruits de chenilles)
37:51 (Bruits de chenilles)
37:53 Au terrier, les renardeaux commencent à trouver le temps long.
38:15 La faim les rend impatients.
38:18 (Bruits de chenilles)
38:21 Pourtant, leur maman ne ménage pas ses efforts.
38:24 Une buse semble lui envier cette proie.
38:34 Mais la renarde ne la lâchera pas.
38:37 Sur le chemin du retour,
38:43 elle prend le temps de retracer les limites de son territoire
38:47 avec des balises olfactives.
38:49 Autant de panneaux de sens interdits à l'attention des autres renards.
38:54 La tanière est vide. Où sont passés les renardeaux ?
39:02 Leur jeu les avait entraînés un peu plus loin que d'habitude.
39:18 (Bruits de chenilles)
39:20 Avant l'âge de 2 mois,
39:33 les renardeaux se hasardent dans la prairie et même au-delà.
39:46 (Bruits de chenilles)
39:48 En vagabondant, ils s'approchent naïvement de leur principal prédateur.
39:55 Les humains, ils apprendront vite à s'en méfier.
40:07 (Bruits de chenilles)
40:09 Les jeunes renards passent plusieurs mois dans cette joyeuse insouciance,
40:34 curieux de tout.
40:36 (Bruits de chenilles)
40:38 Rien ne leur fait peur.
40:46 Enfin, rien c'est vite dit.
40:49 Ils s'entraînent au mulottage,
40:57 sans parvenir pour l'instant à prendre quoi que ce soit.
41:04 Et surtout, ils jouent en perdre haleine du matin au soir.
41:08 Le seul moyen d'acquérir les réflexes est l'agilité d'un bon chasseur.
41:14 (Musique douce)
41:16 (Bruit de chenilles)
41:39 (Bruit de chenilles)
41:41 En plein cœur de l'été, on entre dans la période des fenaisons.
42:01 (Bruit de chenilles)
42:05 (Bruit de chenilles)
42:07 L'agriculteur récolte le fourrage qui nourrira son bétail pendant l'hiver.
42:14 Pour les mulots et autres petits rongeurs, c'est un véritable cataclysme.
42:24 Ils sont totalement déboussolés, et les prédateurs savent en profiter.
42:29 (Bruit de chenilles)
42:34 (Musique douce)
42:36 Les buses et les renards localisent leurs proies sans aucune difficulté.
42:50 La prairie devient table ouverte, il n'y a qu'à se servir.
42:54 (Bruit de chenilles)
42:59 (Musique douce)
43:01 Parce qu'il ne chasse que de petites proies, et doit arpenter son territoire pour en trouver beaucoup,
43:11 le renard passe pour un détestable rôdeur, sauf aux yeux de ses défenseurs.
43:16 On voit que c'est un animal qui est chassé, piégé, déterré toute l'année,
43:20 pour des raisons qui ne sont pas forcément justifiées,
43:23 et j'ai envie de me faire un peu l'avocat du diable, si vraiment c'est le diable.
43:28 J'ai envie de le défendre, et je le trouve passionnant.
43:33 Je pourrais regarder des heures à chasser, à évoluer entre des boîtes de paille,
43:38 avec cette eau d'herbe, d'herbe coupée.
43:40 Moi je suis aux anges, je suis fasciné par cette bestiole-là.
43:44 C'est un animal qui peut vivre absolument partout, il vit dans tous les milieux.
43:49 Il peut vivre en forêt, il peut vivre dans les monocultures, il peut vivre en ville,
43:53 il vit dans les déserts aussi.
43:55 C'est un animal qui s'adapte à tout très bien et très vite.
43:58 C'est d'ailleurs pour ça que malgré l'acharnement qu'il subit, il est encore là, et bien représenté.
44:14 Loin du tumulte, perchée dans son refuge, la chenille du sphinx à tête de mort a continué de grandir.
44:21 Grignotant sans répit ses feuilles de troène,
44:28 elle a dû muer quatre fois pour se débarrasser de son fourreau devenu trop étroit.
44:40 La voici maintenant dans sa plus belle tenue, elle a vingt jours et mesure presque douze centimètres.
44:47 Elle n'est pas rassasiée, n'a pas encore emmagasiné assez d'énergie pour l'épreuve qui l'attend.
44:58 Le troène commence à souffrir de son furieux appétit.
45:02 Ses feuilles disparaissent une à une.
45:04 Si la chenille continue de se gaver à ce rythme, elle sera bientôt totalement dépouillée.
45:10 Le chenille est désormais en pleine forme.
45:20 Il ne peut plus se débrouiller, il ne peut plus se débrouiller.
45:24 Il ne peut plus se débrouiller, il ne peut plus se débrouiller.
45:27 Elle s'accorde tout de même quelques pauses pour digérer.
45:39 Elle adopte alors une drôle de position comparable à celle du sphinx,
45:44 d'où le nom du papillon qu'elle va devenir.
45:47 Après ses siestes de courte durée, les mandibules se remettent au travail.
45:53 Mais cette mastication intensive va bientôt cesser.
46:06 La chenille abandonne la plante nourricière et se débrouille.
46:11 Elle a atteint sa taille maximale.
46:17 Pour la prochaine étape de son évolution, elle descend sous terre.
46:21 C'est là qu'aura lieu sa métamorphose.
46:25 Une créature rampante qui s'enterre pour changer de forme, n'est-ce pas un peu de la sorcellerie ?
46:33 Oublions les légendes qui présentent le sphinx à tête de mort comme un monstre,
46:39 et adhémerons plutôt l'extraordinaire processus qui conduit à sa naissance,
46:44 un de ces tours de passe-passe dont la nature a le secret.
46:59 La chenille du sphinx a creusé une galerie, telle une taupe,
47:05 au fond de laquelle elle se fabrique une chambre de nymphose
47:09 en cimentant la terre qui l'entoure avec des sécrétions liquides.
47:15 Pendant un temps, elle semble aussi inerte qu'une momie.
47:23 Mais on l'appelle une nymphe.
47:27 Et en réalité, elle est bien vivante.
47:39 La nymphe se transforme.
47:42 De cette cuirasse va sortir, comme par enchantement,
47:46 une créature bien différente de celle qui s'est entourée.
47:50 Une créature bien différente de celle qui s'est enterrée il y a cinq semaines.
47:56 L'imago, le papillon adulte, émerge lentement.
48:07 Un sphinx tête de mort vient au monde.
48:16 Il mobilise un maximum d'énergie pour s'extraire de cette gangue.
48:39 Une fois libre de ses mouvements, son premier réflexe est de sortir à l'air libre.
48:46 Le plus urgent maintenant est de déployer ses ailes avant qu'elles ne sèchent.
49:02 Tout le temps que le sphinx reste suspendu,
49:06 le sang sous pression pénètre lentement dans les nervures des ailes,
49:10 comme pour leur insuffler la vie.
49:14 Le papillon laisse ses ailes se gonfler,
49:26 puis il les ouvre complètement.
49:31 Le corps fuselé, aile flexible permettant des vols acrobatiques,
49:36 carlingue ornée d'une tête de mort,
49:40 cet avion de chasse à 13 centimètres d'envergure.
49:45 Il reste à choisir.
49:57 Il reste à chauffer le moteur.
50:01 Les ailes du sphinx bourdonnent longtemps et bruyamment avant son premier envol.
50:22 Son carnet de vol le renverra bientôt vers le sud,
50:26 pour fuir l'hiver de nos contrées.
50:29 Puis il reviendra convoléir ici même, où il a vu le jour.
50:36 La prairie n'est pas seulement un espace naturel
50:40 que les hommes exploitent par nécessité.
50:44 Elle cache aussi dans ses hautes herbes, ses fourrés, ses bosquets,
50:48 ses arbres et ses arbres.
50:52 La prairie est un espace naturel,
50:56 un espace où les hommes peuvent s'exploiter.
51:00 Elle cache aussi dans ses hautes herbes, ses fourrés, ses bosquets,
51:05 des animaux qui jouent un rôle crucial dans cet écosystème.
51:10 Surprenant, fascinant, inoffensif, quoi qu'on en dise,
51:15 il gagne à être connu et respecté.
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51:23 Musique intrigante
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