Tous les samedis et dimanches soir, Pierre de Vilno reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 18h30 à 19h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend
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00:00 "On s'est à covoiturer."
00:01 Europe 1 soir week-end, Pierre de Villeneuve.
00:04 Panorama jusqu'à 19h sur Europe 1,
00:06 Gabriel Attal veut mettre les jeunes en interna, en maison de redressement.
00:09 Est-ce donc ça la solution miracle à la violence des jeunes ?
00:12 Et l'excuse de minorité alors, faut-il la remettre en cause ?
00:15 Et d'une manière générale, comment faire taire
00:18 ce que Jean-Pierre Chevènement appelait à l'époque les sauvageons ?
00:21 Deux grands témoins pour en parler,
00:23 l'avocat pénaliste Jean-Yves Le Bon,
00:25 bonsoir Jean-Yves.
00:26 Bonsoir.
00:27 Et le préfet Michel Auboin,
00:28 bonsoir monsieur le préfet.
00:29 Bonsoir.
00:30 Messieurs, on vous questionne dans un instant,
00:33 mais d'abord quelques points.
00:35 Avec Capucine Patouillet, bonsoir Capucine.
00:37 Bonsoir Pierre.
00:38 Revenons avec vous sur une de ses annonces,
00:41 la question des places d'interna
00:42 pour permettre aux jeunes à la dérive de retrouver un cadre,
00:45 plutôt que de, je cite,
00:48 "sombrer dans la spirale de la délinquance et parfois du crime".
00:52 Mais qu'est-ce que l'interna justement en France aujourd'hui ?
00:54 Alors selon le ministère de l'Éducation nationale,
00:57 l'interna a vocation à accueillir, héberger et nourrir les élèves
01:00 n'ayant pas de conditions optimales de réussite scolaire à domicile,
01:04 c'est leur définition,
01:05 pour plusieurs critères sociaux, géographiques, familiaux ou encore scolaires.
01:09 Une rupture par rapport à leur but initial,
01:11 dès leur création au XIXe siècle,
01:13 l'idée était à l'époque de fournir aux élèves de classes aisées,
01:16 destinées à une scolarité dans des établissements prestigieux,
01:18 de pouvoir se loger,
01:19 une règle qui a prévalu jusque dans les années 70.
01:22 Lors de l'année scolaire 2020 de 2023,
01:25 il y avait un peu plus de 175 000 places d'internats occupées,
01:28 sur les près de 230 000 qui étaient recensées
01:31 dans un peu plus de 1600 établissements en France.
01:34 Et donc l'objectif, ce sont ces internats,
01:37 mais attention parce qu'il y a les internats
01:39 et puis il y a les maisons de correction.
01:40 Oui, c'est une confusion logique qu'a voulu d'ailleurs écarter
01:43 le Premier ministre lors de son discours jeudi,
01:45 en soulignant que l'interna ne doit pas, je cite,
01:47 "être uniquement vu comme un objet répressif".
01:50 Les maisons de correction, elles, ou alors, à l'époque,
01:53 colonies agricoles pénitentiaires,
01:55 ont été créées en avril 1869.
01:57 Ça remonte un petit peu.
01:58 L'objectif était par le travail agricole, je cite,
02:01 "d'amener les mineurs au bien, de les rendre honnêtes,
02:04 reconnaissants, religieux,
02:05 les soumettre à la persuasion de la discipline la plus sévère
02:08 et aux travaux les plus rudes,
02:09 sans recourir à la force armée ou à la force brutale".
02:13 Depuis 2002 et la loi Perben 1,
02:15 on parle de centres éducatifs fermés.
02:17 Ils accueillent chacun 8 à 12 mineurs multirécidivistes
02:19 ou multiréitérants,
02:21 placés par un magistrat compétent
02:23 à la suite d'actes délitueux ou criminels.
02:25 Au 1er janvier 2022,
02:27 on recensait 54 centres en France
02:29 pour 455 mineurs placés.
02:31 - Ah ben voilà, ça c'est intéressant.
02:33 54 centres en France
02:35 pour 455 mineurs placés.
02:37 Alors j'ai fait ma petite calculette, là.
02:39 Il y aurait 55 000 places vacantes à peu près.
02:42 Voilà, alors que là, il y a 455 mineurs placés.
02:45 Qu'est-ce que vous en pensez, monsieur l'avocat Jean-Yves Le Born ?
02:49 - Je crois qu'il ne faut pas tout confondre.
02:51 Les centres éducatifs fermés
02:53 interviennent généralement
02:55 après le constat
02:57 d'une faute pénale.
02:59 Et là, dans l'hypothèse de l'internat
03:02 que le Premier ministre a évoqué,
03:04 idée qui me paraît tout à fait intéressante,
03:07 on serait plutôt dans une décision
03:10 à caractère préventif.
03:13 Et en réalité, le vrai problème,
03:15 il est dans la prévention.
03:17 Je crois que l'hypothèse de l'excuse de minorité
03:21 dont certains pensent qu'elle
03:23 paralyse en quelque sorte l'action judiciaire,
03:26 n'est pas le plus important.
03:28 D'abord, elle est facultative, l'excuse de minorité.
03:30 Le juge peut la lever,
03:32 je l'ai vu au cours de ma carrière,
03:34 dans certains cas particulièrement graves.
03:36 Et puis, disons-le, quand on est confronté
03:38 au délit commis,
03:40 ou au crime, pis encore, commis,
03:42 ben, c'est fait.
03:44 Et donc, le problème face à cette jeunesse
03:46 qui semble ne pas comprendre
03:49 les critères élémentaires d'un humanisme basique,
03:52 c'est la carence éducative.
03:54 Et la référence à l'internat,
03:57 c'est une sorte de substitution
04:00 à une éducation qui fait défaut.
04:03 Voyez-vous, moi je pense qu'on pourrait même
04:06 penser à un encadrement militaire.
04:09 L'armée connaît la discipline,
04:11 connaît les principes,
04:13 et à force d'avoir le respect...
04:15 - Ils ne veulent pas du SNU les militaires.
04:17 Ils ont dit "on ne va pas s'occuper..."
04:19 - Non, je vais vous dire, j'ai eu des contacts...
04:21 - Alors s'ils ne veulent pas du SNU,
04:23 ils ne vont pas faire les centres éducatifs fermés.
04:25 - Je n'en suis pas sûr, j'ai eu quelques contacts
04:27 avec des officiers de haut rang,
04:29 qui me disaient qu'ils étaient toujours prêts
04:31 à assumer un certain nombre de fonctions
04:33 si la nation le leur demandait,
04:35 mais qu'évidemment, il faudrait leur en donner
04:37 les moyens matériels.
04:39 - Michel Auboin, votre avis là-dessus ?
04:41 - Ce qu'il faut bien comprendre,
04:43 c'est qu'il faut parfois isoler
04:45 des jeunes qui sont à la dérive,
04:47 quelles qu'en soient les raisons,
04:49 de leur milieu familial
04:51 et de leur milieu
04:53 de sociabilité immédiate,
04:55 c'est-à-dire la bande de copains.
04:57 Et ça, c'est quand même très important,
04:59 et c'est même assez important
05:01 de le faire assez en amont,
05:03 parce que je suis totalement d'accord avec vous, Maître,
05:05 la question, c'est une question de prévention,
05:07 on n'est pas dans la punition.
05:09 D'ailleurs, quand on arrive à la punition,
05:11 on arrive trop tard, et objectivement,
05:13 vu la façon dont la justice fonctionne,
05:15 quand la punition intervient, de toute façon,
05:17 le jeune n'a pas compris du tout ce qui lui était arrivé.
05:19 Donc, on est vraiment dans la prévention.
05:21 Après, la question, et donc, il y a plusieurs façons
05:23 d'isoler ces jeunes...
05:25 - Déjà, bonne idée, parce que ça enlève
05:27 l'influence des copains,
05:29 du grand frère, des cousins...
05:31 - Oui, parce que, on a...
05:33 Moi, j'estime qu'on a à peu près
05:35 150 000 jeunes dans les quartiers
05:37 qui posent de vrais problèmes.
05:39 Ça fait à peu près
05:41 une centaine de jeunes
05:43 sur 1 500 quartiers
05:45 dont on sait qu'ils sont les plus sensibles en France.
05:47 Et ça correspond au chiffre
05:49 des élèves qui sont déscolarisés au collège,
05:51 des jeunes qui ont été exclus du collège
05:53 et qui ne se rescolarisent pas.
05:55 Et ça correspond aussi au chiffre
05:57 de ceux qui sortent de l'école sans diplôme.
05:59 Donc, on a une frange, là,
06:01 de populations violentes,
06:03 pour beaucoup... - Ils sont déscolarisés,
06:05 et ils ne veulent absolument pas retourner à l'école.
06:07 - Ah non, non, non, ils se déscolarisent.
06:09 Et l'école les déscolarise
06:11 d'une certaine façon, parce qu'elle les a exclus,
06:13 elle ne va pas les rechercher non plus.
06:15 C'est là où la République
06:17 manque un peu à sa fonction.
06:19 - En même temps, mettez-vous à leur place.
06:21 - Bien sûr,
06:23 mais le fait de les mettre,
06:25 de les exclure, pour pouvoir les reprendre
06:27 en charge, dans une perspective éducative,
06:29 pas punitive, éducative, c'est une bonne chose.
06:31 Après, la question, c'est où
06:33 les internats ? C'est quoi les internats ?
06:35 Est-ce qu'il faut les mettre avec
06:37 des élèves de bon niveau ?
06:39 etc.
06:41 Vous voyez bien que
06:43 la réponse est trop basique pour être
06:45 sérieuse. - C'est ça.
06:47 - On est bien d'accord. Quand vous
06:49 parlez des internats et des places qui sont
06:51 disponibles, c'est des internats qu'on connaît.
06:53 C'est-à-dire que ce sont des écoles, des collèges,
06:55 comme les autres, avec des jeunes gens
06:57 qui ne sont pas des cas sociaux,
06:59 qui ne posent pas de problème
07:01 pour l'énorme majorité d'entre eux.
07:03 Alors, je dirais même,
07:05 même si je trouve que
07:07 l'inspiration du Premier ministre
07:09 est la bonne, néanmoins,
07:11 quand je l'entends dire
07:13 "on va proposer aux parents
07:15 de placer des enfants
07:17 qui fileraient un mauvais coton
07:19 dans des internats", moi, c'est
07:21 pas du tout comme ça que je vois la chose.
07:23 Je pense que c'est le juge des
07:25 enfants. Vous citiez, M. le Préfet,
07:27 ces jeunes gens qui sont
07:29 déscolarisés, qui ne veulent pas retourner
07:31 à l'école, qui, je dirais, sont
07:33 voués tout naturellement à la délinquance.
07:35 C'est donc que le juge
07:37 doit intervenir. Alors, il s'agit
07:39 pas d'une punition,
07:41 il s'agit pas d'un enfermement,
07:43 il s'agit d'un... créer
07:45 un environnement éducatif
07:47 qui permette
07:49 de comprendre, qui permette
07:51 aux jeunes de comprendre. Vous disiez
07:53 cette sorte de désaffection
07:55 totale pour l'école.
07:57 C'est ces jeunes gens qui vont
07:59 faire le gros bataillon de ceux qui n'auront pas
08:01 le moindre diplôme. Mais,
08:03 c'est précisément ça. On fait des
08:05 marginaux, et au nom de la liberté,
08:07 on respecterait cette
08:09 marginalité qui est contraire à l'ordre
08:11 social et contraire à l'intérêt
08:13 de ceux qui le franchissent.
08:15 - Mais comment est-ce qu'on peut quantifier
08:17 le taux de réussite,
08:19 la chance de réussite, de retourner,
08:21 j'allais dire, ces enfants
08:23 dans le droit chemin ?
08:25 C'est quand même assez hasardeux.
08:27 - Moi je suis plutôt pessimiste, mais peut-être que j'ai tort.
08:29 - Je pense que vous avez tort, parce que
08:31 si on est pessimiste, on ne fait rien.
08:33 Et je pense qu'il ne faut pas l'être.
08:35 Il y a quelques expériences, il n'y en a pas beaucoup,
08:37 qui montrent par exemple que des élèves
08:39 déscolarisés, repris en charge
08:41 par des structures, sont capables
08:43 d'être mis dans le circuit et de reprendre leurs études.
08:45 Donc ça, ça existe. Par ailleurs,
08:47 on a d'autres pays qui fonctionnent
08:49 de façon plus intelligente, avec des
08:51 SASS évolutifs, dont vous commencez
08:53 par une structure assez dure,
08:55 avec un encadrement militaire comme on l'a vu tout à l'heure.
08:57 - C'est les Etats-Unis ?
08:59 - Non, en Europe... - Jusqu'aux Etats-Unis, ça marche plutôt bien, justement.
09:01 - Oui, je connais mal les Etats-Unis
09:03 de ce point de vue-là, donc je ne peux pas...
09:05 Mais en Europe, même, ça fonctionne.
09:07 Et puis, si
09:09 le jeune,
09:11 l'enfant, l'adolescent,
09:13 se remet doucement dans le droit chemin,
09:15 à ce moment-là, on lui donne... Il va dans un autre centre,
09:17 avec plus de liberté, et petit à petit,
09:19 il revient. Donc on ne sauvera
09:21 pas tous. On ne les sauvera pas tous.
09:23 Parce que certains sont
09:25 dans des milieux
09:27 qui sont
09:29 tellement difficiles,
09:31 et qui les ont tellement
09:33 déstructurés qu'on ne va pas les sauver.
09:35 - Mais la question, c'est qui paye ? Je ne parle pas de vos
09:37 honoraires, Jean-Yves Lebrun, mais
09:39 qui paye ? - Vous les surestimez.
09:41 - Oui, oui. - Beaucoup, beaucoup.
09:43 - Mais qui paye ? La question,
09:45 c'est qui paye ? - Oui, parce que les internats,
09:47 en l'occurrence, Capucine a parlé des
09:49 internats, alors 55 000 places, moi je veux bien,
09:51 je ne sais pas si c'est des... Je ne connais pas le nom des pensions,
09:53 j'allais dire de luxe,
09:55 en France, mais c'est des trucs
09:57 à 25, 30, 35, 50 000 euros l'année.
09:59 - Ce qui est vrai, c'est que ça coûte beaucoup
10:01 trop cher. D'ailleurs, les centres éducatifs
10:03 fermés dont on parlait tout à l'heure, pourquoi on
10:05 n'en fait pas ? Parce que ça coûte beaucoup trop cher.
10:07 Alors, interrogeons-nous,
10:09 pourquoi les centres de rétention
10:11 administrative coûtent si cher ? Pourquoi
10:13 les crânes coûtent si cher ? Pourquoi les oeufs
10:15 coûtent si cher ? - Les oeufs ? - Les oeufs, c'est
10:17 l'aide sociale à l'enfance, pardon.
10:19 Pourquoi tout ça ? Pourquoi
10:21 est-ce que tout ce type d'organisation
10:23 coûte aussi cher ?
10:25 Quand vous voyez qu'un étranger
10:27 qu'on met en centre de rétention administrative
10:29 coûte plus cher qu'un hôtel
10:31 trois étoiles à Paris, on a un problème
10:33 qui n'est pas lié au coût, qui est lié
10:35 au fonctionnement. Et je pense
10:37 qu'on peut s'interroger, j'ai quelques idées sur la
10:39 question, mais je pense qu'on peut s'interroger.
10:41 Mais sur le coût,
10:43 il faut le mettre en balance avec
10:45 le coût, par exemple, des violences urbaines.
10:47 Les violences urbaines
10:49 de mai-juin
10:51 2023, elles ont coûté à la nation
10:53 un milliard d'euros
10:55 minimum. Les comptes sont pas
10:57 totalement terminés, mais on a à peu près
10:59 un milliard d'euros.
11:01 Le coût de la politique de la ville
11:03 dont l'efficacité n'est pas
11:05 totalement démontrée cette année,
11:07 c'est 640 millions d'euros.
11:09 Donc, mettons en balance
11:11 les coûts qui sont
11:13 prévisibles avec les dépenses qu'on
11:15 pourrait faire par ailleurs.
11:17 - Je voulais aussi m'évoquer
11:19 ce qui traîne dans les esprits
11:21 depuis longtemps, c'est les sanctions
11:23 à l'égard des parents démissionnaires.
11:25 Certes,
11:27 il y a des parents démissionnaires,
11:29 mais je ne crois pas que
11:31 ça résolve quoi que ce soit.
11:33 Pour la raison simple, c'est que nous
11:35 savons qu'un bon nombre des
11:37 enfants qui font problème sont
11:39 des enfants de familles monoparentales
11:41 où une femme fait ce qu'elle
11:43 peut pour élever ses enfants,
11:45 les nourrir, travailler avec un père
11:47 qui a disparu dans la nature et qui ne s'occupe
11:49 de rien. Donc, ça ne me paraît pas
11:51 être la solution. Et j'insiste
11:53 sur un point qui est fondamental,
11:55 c'est qu'il ne s'agit
11:57 pas de sanctionner
11:59 par avance des jeunes gens
12:01 qui ne nous plairaient pas pour une raison
12:03 ou par une autre. Il s'agit de leur
12:05 donner la connaissance
12:07 et s'il se peut, l'amour et l'adhésion
12:09 à un certain nombre de principes.
12:11 Je ne crois pas à l'en-sauvagement.
12:13 Je crois,
12:15 je ne suis pas très rousseauiste, je ne suis pas
12:17 sûr que l'homme soit bon par définition
12:19 - Il serait mentiste.
12:21 - Mais je pense qu'en réalité,
12:23 il y a une sorte de
12:25 volonté de "moi d'abord".
12:27 L'autre n'existe pas. Il faut
12:29 apprendre à ces jeunes gens
12:31 que l'autre existe. Mais c'est le fondement
12:33 de nos sociétés. - Mais bien sûr,
12:35 vous parliez de sanctions, là en l'occurrence
12:37 pour les parents, mais je vous signale que dans l'arsenal du
12:39 Premier ministre qui a été présenté à Viry-Châtillon,
12:41 il y a aussi les sanctions sur les diplômes.
12:43 - Alors ça, ça, alors là...
12:45 - Vous marquez au fer rouge
12:47 des gens qui disent...
12:49 - C'est très étrange.
12:51 - Je connais un peu le Premier ministre,
12:53 je lui dis respectueusement et amicalement
12:55 que c'est une très mauvaise idée.
12:57 Déjà, à mon avis,
12:59 ces jeunes gens vont avoir du mal
13:01 à décrocher des diplômes compte tenu
13:03 de leur assiduité
13:05 dans la suite des cours.
13:07 - Et si tant est qu'il le décroche
13:09 et qu'il mette... - Une violence urbaine
13:11 ou je ne sais pas de quoi.
13:13 - L'aide suppose
13:15 l'encadrement. Et l'encadrement
13:17 comme l'éducation est quelque chose
13:19 qui est une contrainte. Il y a ce mot
13:21 de Freud qui est extraordinaire.
13:23 "Il n'y a pas d'autre mesure éducative
13:25 que la contrainte."
13:27 Alors bien sûr, c'est une contrainte.
13:29 Mais la liberté ne suppose pas
13:31 l'abandon de l'enseignement
13:33 des principes fondamentaux.
13:35 - Michel Amboise.
13:37 - Effectivement, il manque un autre aspect
13:39 au sujet. C'est ce qu'on appelle
13:41 la parentalité, c'est-à-dire l'aide
13:43 aux parents déficients.
13:45 Parce qu'il y a toutes sortes de déficiences.
13:47 Il y a des parents qui sont en difficulté,
13:49 il y a des parents qui sont vraiment déficients.
13:51 Dans les quartiers, il y a des gens qui disent...
13:53 On a la génération... Les enfants qu'on a
13:55 aujourd'hui dans les collèges sont des enfants
13:57 de la génération précédente
13:59 qui a participé aux émeutes et qu'on appelle
14:01 dans les quartiers les parents qui fument.
14:03 C'est-à-dire des parents qui eux-mêmes étaient déviants
14:05 et qui ont fait des enfants déviants.
14:07 Donc ça, c'est plus compliqué à prendre en charge.
14:09 Mais il est
14:11 évident qu'il manque
14:13 la parentalité, l'aide à la parentalité.
14:15 Pourquoi ? Parce qu'il n'y a plus personne
14:17 dans les familles. Les assistantes
14:19 sociales n'y vont plus.
14:21 Les éducateurs
14:23 qui étaient spécialisés etc. n'y vont plus non plus.
14:25 Donc aujourd'hui, les parents sont seuls.
14:27 Quand un parent dévie, effectivement,
14:29 quelle aide il peut trouver ?
14:31 Qui va aller
14:33 le voir dans son appartement ?
14:35 Et c'est là où on a un dispositif
14:37 social qui s'est délité,
14:39 qui a disparu. - Est-ce qu'on ne perdrait
14:41 pas un peu notre temps si on voulait
14:43 aussi éduquer les parents ?
14:45 Considérons que ceux qui sont incapables
14:47 d'éduquer leurs enfants, c'est la génération
14:49 perdue. Attachons-nous aux jeunes.
14:51 Expliquons-leur que leur avenir,
14:53 la qualité de leur vie
14:55 dépend aussi du respect
14:57 d'un certain nombre de principes.
14:59 Parce que cette marginalité
15:01 d'aujourd'hui qui en fait de petits délinquants
15:03 qui sont en quelque sorte
15:05 négatifs pour la société,
15:07 c'est la description
15:09 d'un avenir personnel pour eux
15:11 qui sera un avenir de vie.
15:13 - Ce que vous dites est louable Jean-Yves Leborne,
15:15 mais là on a l'impression que vous êtes en pleine omélie
15:17 sur la place Saint-Pierre.
15:19 Pardonnez-moi, mais comment est-ce que vous voulez faire ?
15:21 Je vais vous emmener au mureau,
15:23 au milieu d'une tessie comme on dit,
15:25 et puis vous allez dire la même chose. Vous allez voir,
15:27 vous allez repartir en courant et à poil.
15:29 - Écoutez mon frère, puisque nous parlons d'omélie,
15:31 en réalité, je ne parle pas
15:33 dans le désert,
15:35 j'espère, de manière abstraite.
15:37 Je considère qu'il faut
15:39 renforcer l'éducation de base,
15:41 que le problème n'est pas
15:43 un non-respect du...
15:45 - Est-ce qu'on n'essaye pas de le faire ?
15:47 - Mais non, on ne le fait pas.
15:49 - Vous dites ça à tous les...
15:51 - Les parents sont démissionnaires.
15:53 - Tous les profs de France qui vous écoutent,
15:55 d'abord ils font ce qu'ils peuvent,
15:57 et un certain nombre d'entre eux qui ont peut-être essayé
15:59 de faire un peu mieux, ont fini exécutés.
16:01 - Tout le monde fait ce qu'il peut.
16:03 Là, on a dit que Gabriel Attal arrive,
16:05 il a un discours sécuritaire. Il arrive à
16:07 virer Chatillon, où accessoirement, il y a un type de 15 ans
16:09 qui s'est fait désinguer et qui était abandonné
16:11 dans une ruelle. Il arrive, il dit
16:13 "des centres éducatifs qu'il faudra
16:15 rouvrir ou aménager, je ne sais pas encore
16:17 comment, il y a un calendrier, il le dira,
16:19 ça sera précisé." Il dit "des sanctions". On a dit que c'était
16:21 une mauvaise idée, une sanction sur
16:23 les parents.
16:25 "Des sanctions sur les diplômes",
16:27 très mauvaise idée également. Très bien, mais alors
16:29 si on ne peut pas faire la répression,
16:31 si on ne peut pas discuter de l'excuse de minorité,
16:33 tout le monde fait ce qu'il peut
16:35 au commencement, à la genèse
16:37 de la vie de ces enfants-là.
16:39 Qu'est-ce que vous voulez faire ?
16:41 - Je vous le disais tout à l'heure, que le juge
16:43 des enfants tranche, et qu'on
16:45 confie ceux qui sont
16:47 des dangers pour la société,
16:49 et des dangers pour eux-mêmes, à
16:51 une éducation un peu stricte,
16:53 à caractère, pourquoi pas, militaire.
16:55 - Donc dans des centres.
16:57 - Dans des casernes.
16:59 - Michel Auboin. - Oui, non,
17:01 il faut quand même réintroduire la responsabilité
17:03 des parents, malgré tout, parce que
17:05 on a des familles qui
17:07 sont défaillantes, parce qu'elles ont
17:09 des difficultés, moi j'en suis
17:11 quelques-unes et je vois bien, mais on a
17:13 aussi des familles qui
17:15 sont
17:17 volontairement défaillantes. C'est-à-dire des familles
17:19 qui de toute façon ne s'occupent pas de leur môme,
17:21 ou qui font tout autre chose
17:23 que de la parentalité.
17:25 Pour ces familles-là, il faut quand même
17:27 un principe de sanction, parce que la responsabilité
17:29 c'est aussi la sanction des parents. - Est-ce que ça marche ?
17:31 - Ça pourrait marcher.
17:33 - Je connaissais plus que tout le monde
17:35 l'administration, on va envoyer une lettre,
17:37 puis une deuxième, puis un recommandé, puis un truc,
17:39 puis deux ans plus tard...
17:41 - C'est pour ça que je dis, il ne faut pas...
17:43 En fait, la responsabilité, l'autorité, ça s'exerce
17:45 à titre individuel. Il faut
17:47 établir des figures d'autorité.
17:49 Dans les collèges,
17:51 les conseils de discipline collectif,
17:53 où vous avez y compris des représentants, des élèves,
17:55 ça ne marche pas. Ça marchait
17:57 très bien quand on avait un conseiller principal
17:59 d'éducation, un surjet,
18:01 comme on l'appelait à mon âge,
18:03 qui était dans les cours et qui dit
18:05 "maintenant, c'est puni".
18:07 - Mais vous savez, je crois que
18:09 cette autorité-là, elle est importante,
18:11 mais pour que l'autorité
18:13 incarnée... - Vous parliez du surveillant général
18:15 au lycée, on l'a tous connu dans
18:17 une certaine génération. Mais pour que
18:19 son mot, son discours
18:21 porte, il faut que quelque part
18:23 l'élève qui le reçoit
18:25 sache, sente que ce
18:27 qu'il prône, c'est la vérité.
18:29 - Oui, oui. - Or, je crois
18:31 que le vrai problème, c'est que
18:33 cette référence n'existe pas.
18:35 Voyez-vous, moi, quand je défendais
18:37 des délinquants au début de ma carrière,
18:39 il y a hélas déjà longtemps, ils avaient
18:41 le sentiment de franchir
18:43 un interdit. Aujourd'hui, j'ai le sentiment
18:45 qu'un bon nombre des mêmes
18:47 d'une autre génération
18:49 agissent sans même se rendre compte
18:51 qu'ils franchissent un interdit, parce que
18:53 c'est un cas tout autiste. - C'est même plus grave
18:55 que ça, parce que, on l'a vu
18:57 ces derniers temps, et Maurice Berger
18:59 le dit très bien, le pédopsychiatre
19:01 spécialisé dans l'adolescence,
19:03 il tue sans
19:05 se rendre compte. Et même,
19:07 quelques années plus tard, quand ils sont interrogés,
19:09 ils ne se sont toujours
19:11 pas rendus compte qu'ils avaient
19:13 ôté la vie à l'un de leurs camarades.
19:15 Donc, ils sont devenus dangereux.
19:17 Objectivement, ils sont devenus dangereux.
19:19 Mais c'est pour ça que le système de sanctions
19:21 doit quand même exister, et les parents
19:23 ont quand même une place dans ce système.
19:25 L'impunité
19:27 aussi joue beaucoup
19:29 sur eux, parce que si
19:31 ils ne comprennent pas la règle, au moins, ils pourraient
19:33 la respecter,
19:35 par peur de la sanction. - Je ne vous dis pas
19:37 qu'il faut abandonner
19:39 les parents à leur démission,
19:41 en leur disant que c'est très bien.
19:43 Je vous dis simplement que je ne crois pas trop
19:45 que celui qui n'a pas le sens
19:47 du devoir, tout à coup, prenne
19:49 la voie du respect
19:51 des principes, parce qu'il aura été
19:53 sanctionné par un juge ou par une amie.
19:55 - Je sens que vous allez revenir, parce que c'est
19:57 un sujet qui va vous faire parler
19:59 dans une autre émission. Malheureusement,
20:01 messieurs, merci beaucoup, Michel Aucoin,
20:03 merci Jean-Yves Le Born, je vous signale également
20:05 que demain, vous retrouverez Frédéric Taddeï
20:07 pour cet arrivée demain, de 9h à 10h
20:09 sur Europe 1. Il recevra
20:11 l'économiste Jean-Marc Daniel,
20:13 et notamment pour parler du salaire de
20:15 Carlos Tavares, et puis le docteur
20:17 Laurent Alexandre, pour son livre "Chat, j'y pitié",
20:19 va nous rendre immortels chez
20:21 Jean-Claude Lattès, dans un instant,
20:23 le journal de 19h.
20:25 Et juste après, Laurie Chaleva
20:27 pour "Clap", très bonne soirée sur Europe 1.