Comment faire face à l'hyperviolence ? Au lendemain du rassemblement en hommage à Zakaria, cet adolescent tué mardi dernier en s'interposant dans une bagarre la maire de Romans-sur-Isère prend la parole sur RTL. Ecoutez l'interview de Marie-Hélène Thoraval.
Regardez L'invité de RTL du 15 avril 2024 avec Amandine Bégot.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Comme vous.
00:04 RTL matin.
00:06 RTL 7h43, que faire face à l'hyper-violence de nos ados une semaine après la mort de Zacharia, 15 ans, tuée à Romont-sur-Isère.
00:14 Amandine Bégaud, vous recevez donc la maire de la ville Marie-Hélène Thoraval.
00:18 Madame le maire, un rassemblement a eu lieu hier soir en hommage justement à
00:21 Zacharia, cet adolescent de 15 ans tué à coups de couteau la semaine dernière dans votre commune.
00:27 Quel est le sentiment qui domine ce matin ? L'émotion j'imagine, mais peut-être aussi la colère ?
00:33 Aujourd'hui c'est tout de même la colère qui domine sur notre territoire, mais c'est aussi une forme
00:40 d'incompréhension de la part de la population en général.
00:42 Un sentiment aussi partagé au niveau national, j'oserais le dire, puisque cette forme d'hyper-violence
00:49 touche toutes les villes, et non seulement les grandes villes, mais aussi les villes moyennes et les campagnes, puisque
00:55 nous en avons été malheureusement le théâtre il y a quelques semaines ou il y a quelques mois.
00:59 Voilà, vous pensez au drame de Crépole et à la mort de Thomas à la sortie de cette fête de village à Crépole.
01:07 Quand on vous entend et que vous parlez de cette incompréhension, il y a d'autres drames bien sûr
01:12 qu'on a vus ces derniers jours. Chez M.Sédine, 15 ans battu à mort
01:15 près de son collège à Viry-Châtillon par les grands frères d'une de ses camarades de classe, je pense aussi à Saint-Marin,
01:20 14 ans, qui elle a été rouée coup à quelques mètres de son collège à Montpellier.
01:24 Toutes ces histoires bien sûr elles sont différentes, mais il y a un point commun, au moins c'est le très jeune âge de ces victimes,
01:30 14-15 ans.
01:32 Bien sûr, c'est le très très jeune âge. D'ailleurs on le constate aussi dans les faits de délinquance au quotidien.
01:38 Et aujourd'hui l'âge est de plus en plus jeune. On retrouve des jeunes de 10-11 ans régulièrement qui sont impliqués
01:47 dans des faits qui sont qualifiés d'hyper-violence. Donc cette violence, elle touche de plus en plus jeunes.
01:55 Après la mort de Zakaria, 4 personnes, je le rappelle, ont été mises en examen et crouées. Un père de famille de 59 ans,
02:01 deux de ses fils et son gendre. Cet homme, le père de famille, a visiblement organisé une expédition
02:06 punitive pour venger un autre de ses fils, victime quelques jours plus tôt, dit-il, d'un différent violent et filmé.
02:13 Une expédition punitive après un différent filmé, on se dit qu'on marche sur la tête, non ?
02:20 Bien sûr, et je reprendrai une expression que l'on entend très souvent, c'est "dans quel pays vit-on ?"
02:26 Mais oui, dans quel pays vit-on ?
02:28 Voilà, donc c'est une question qui est largement partagée, c'est la stupéfaction aussi qui prédomine.
02:35 Et aujourd'hui, moi ce que je ressens aussi, c'est que le niveau d'acceptabilité par rapport à cette violence,
02:42 il est largement dépassé. D'ailleurs je ne sais pas comment on peut accepter de la violence.
02:47 Et d'autre part, comment comprendre qu'un père puisse organiser une expédition punitive ?
02:52 Donc si nous sommes dans un pays où on va faire justice soi-même, alors là je reprends l'expression "mais dans quel pays vit-on ?"
03:00 "Dans quel pays vit-on ?" c'est ce que se disent sans doute beaucoup de parents, et je vais être très sincère, moi hier quand j'ai vu,
03:06 la semaine dernière pardon, quand je voyais toutes ces victimes, 15 ans, 14 ans, je me disais "mais comment on en est arrivé là ?"
03:13 Ce n'est pas la première fois Marie-Hélène Toraval que vous prenez la parole, vous évoquiez le drame de Crépole,
03:18 et vous aviez demandé des choses très concrètes. Qu'est-ce que vous vous dites ce matin ?
03:22 Le gouvernement n'entend pas, fait l'autruche, quel est votre sentiment ?
03:26 Mon sentiment, je comprends que le gouvernement ait quand même plusieurs sujets sur la table actuellement,
03:31 donc vous en faites l'écho régulièrement.
03:34 Je me dis que le gouvernement n'a pas pris la pleine mesure de ce qu'est notre quotidien, le quotidien des Français de manière générale.
03:43 Ensuite, je dirais qu'il y a quand même un problème, c'est-à-dire qu'on gère ces quartiers et on les qualifie de populaires.
03:51 Certes, c'était des quartiers populaires il y a de nombreuses années,
03:55 notamment quand les grandes opérations de rénovation urbaine ont été enclenchées, lorsqu'on a initié aussi ce qu'on appelle aujourd'hui la politique de la ville,
04:05 avec une certaine forme de modélisation qui s'applique sur cette notion de populaire,
04:11 c'est-à-dire avec une certaine forme de mixité dans les quartiers,
04:17 mais avec des habitants qui finalement avaient des projets et allaient aussi sur un parcours résidentiel.
04:23 Nombre de ces habitants aussi ont quitté ces quartiers au regard de l'évolution qui a été la leur,
04:29 mais aujourd'hui ces quartiers populaires n'existent plus depuis bien longtemps.
04:32 Aujourd'hui, nous sommes sur des quartiers communautaires qui sont organisés sous une certaine forme d'influence,
04:39 suivant des clans, et aujourd'hui les politiques de la ville qui sont définies ne correspondent pas à la réalité qui est celle de ces quartiers dissensibles.
04:51 Et ce sont ces clans qui dirigent ces quartiers ?
04:54 Bien sûr, il y a certaines formes de clans, mais ils peuvent prendre différentes formes.
04:59 Ils peuvent être conduits par exemple par la religion, l'impact et l'influence de la religion sur une certaine partie.
05:09 Ils peuvent être conduits aussi par les trafiquants, les trafiquants de drogue, le deal qui impose,
05:17 par la violence aussi et la capacité à soumettre les autres.
05:24 Donc vous voyez, il y a différentes formes de clans qui finalement sèment une certaine forme de terreur sur ces quartiers,
05:34 qui fait qu'aujourd'hui vous pouvez appliquer la politique de la ville que vous voulez,
05:39 et bien la majorité silencieuse, parce que je rappelle aussi que ça ne concerne qu'une poignée,
05:44 pour autant vous avez une forme de majorité silencieuse qui est soumise au didacte de ces formes de leads.
05:52 Marie-Hélène Toraval, ce que vous nous dites est très grave, vous nous dites ça assez calmement,
05:57 mais c'est un terrible aveu d'échec, aveu d'échec des politiques j'ai envie de vous dire,
06:01 aveu d'échec aussi de la République ?
06:05 Oui, j'assume complètement mes propos, je pense que le dire calmement est la première des règles,
06:12 si on veut travailler ensemble c'est mettre autour de la table.
06:15 C'est vrai que j'ai toujours parlé calmement sur ces sujets,
06:18 j'estime que je le dis aussi avec la retenue qui s'impose,
06:24 c'est-à-dire que lorsque l'on est impliqué comme moi je le suis, comme nombre de maires le sont,
06:29 je pense que c'est vraiment la première des règles,
06:34 si on veut travailler ensemble de manière objective, mais accepter aussi de voir la réalité.
06:40 Mais sauf que ça fait des mois que vous dites ça Marie-Hélène Toraval,
06:43 et vous le dites vous-même, le gouvernement n'a pas pris la mesure, qu'est-ce qu'il pourrait faire ?
06:47 Je ne sais pas, il faut combien d'enfants victimes qui se font tuer à coups de couteau
06:51 pour que le gouvernement prenne la mesure ?
06:53 J'oserais dire que je partage votre réflexion malheureusement,
06:58 mais je reste déterminée, je me dis qu'à un moment donné il va certainement y avoir un sursaut,
07:04 je crains aussi que les prochaines échéances électorales finalement ne soient pas orientées sur
07:12 l'objectif qui est le leur, c'est-à-dire l'objectif de ces élections, à savoir les élections européennes,
07:16 et je crains que les Français se manifestent par un ressenti sur l'ambiance nationale,
07:23 l'ambiance qui règne et sur les politiques qui sont celles qui s'appliquent
07:28 notamment au niveau du quotidien des gens et qui vont être complètement décalées de l'objet de cette élection.
07:33 Il y a quelques jours vous avez dit "à le bol des bovots de je ne sais quoi",
07:36 qu'est-ce que vous dites ce matin à Gabriel Attal, le Premier ministre ?
07:41 Je vais garder, je pense que je suis déçue, je suis très déçue parce que quand le Premier ministre
07:51 était ministre de l'Éducation nationale, le peu de temps qu'il l'a été, il semblait vouloir manifester
07:57 une certaine forme d'autorité qui est attendue, qui est souhaitée, et finalement je trouve que tout cela a été vite oublié.
08:06 C'est vrai que nous avons la seule réponse à chaque fois qu'il y a des actes comme ça qui se manifestent sur nos territoires.
08:14 La seule réponse est un bovot et des bovots on n'en peut plus, maintenant on veut autre chose.
08:20 Autre chose c'est quoi ?
08:21 Autre chose c'est-à-dire qu'on soit considéré, nous en tant qu'élus locaux,
08:25 la première des choses ce serait de nous mettre autour de la table, de regarder aussi la situation qu'elle est nôtre,
08:31 la situation aussi qui est la responsabilité, ce qui relève de l'État, ce qui relève aussi des élus.
08:38 Moi j'assume tout à fait les responsabilités qui sont les miennes.
08:42 Aujourd'hui on est sur le bovot des polices municipales.
08:46 Je vais juste vous dire une chose, c'est très certainement anecdotique pour vous,
08:50 mais ce qui est traité aujourd'hui sur le bovot des polices municipales,
08:55 j'avais envoyé un courrier dans ce sens avec 10 propositions au président Hollande il y a un petit peu plus de 10 ans.
09:01 Donc vous voyez, il ne s'est rien passé en 10 ans.
09:04 Rien passé en 10 ans, ça fait des mois que vous interpellez le gouvernement, les pouvoirs publics,
09:11 qu'on vous reçoit, nous ici à RTL mais aussi dans d'autres médias,
09:15 rien n'a bougé, nous dites-vous ce matin.
09:17 Merci beaucoup Marie-Hélène Thoraval pour...
09:19 [SILENCE]