• l’année dernière

Frédérique Jeske, cofondatrice de l'association Senior for Good, répond aux questions d'Alexandre Le Mer.
Retrouvez "L'invité éco" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-eco

Category

🗞
News
Transcription
00:00 L'invité Echo avec Banque Populaire, engagé aux côtés de ceux qui entreprennent.
00:04 Il est 6h41 sur Europe 1.
00:07 Quelle est donc la place des plus de 50 ans dans le monde du travail et surtout, quelle devrait-elle être ?
00:13 Les partenaires sociaux peinent à trouver un accord pour ce qu'on appelle un nouveau pacte de vie au travail.
00:19 Les négociations, elles auraient dû se conclure hier, finalement elles reprennent ce matin.
00:23 Comment garder les seniors en entreprise ? C'est là l'un des coeurs du sujet.
00:27 On en parle avec mon invité ce matin. Bonjour Frédérique Gesque.
00:31 Bonjour.
00:32 Confondatrice de l'association Senior for Good.
00:35 Vous avez été pour votre part dirigeante pendant 30 ans.
00:39 Senior for Good, une jeune association que vous avez créée pour défendre la place des seniors au travail.
00:47 La défendre pourquoi ?
00:49 Parce qu'en fait, quand on regarde l'enjeu majeur de l'emploi des seniors,
00:53 et puis les constats, les chiffres de la situation en France qui sont assez édifiants,
00:57 en fait, on s'est dit qu'il manquait une parole, il manquait une voix, il manquait la voix des citoyens,
01:02 la voix des professionnels expérimentés.
01:04 Et on a eu envie de porter cette voix de façon positive, parce qu'on est très nombreux à avoir plus de 45, 50 ans, 55,
01:12 et avoir envie de continuer à contribuer à notre société, avoir de l'impact, c'est le for good,
01:17 et puis surtout avoir de l'énergie pour travailler, pour s'engager.
01:20 Alors, for good, comment vous le traduisez au quotidien cet impact au sein de votre association ?
01:25 Quels sont vos moyens d'action ?
01:27 Eh bien, en fait, nos moyens d'action, alors ils sont à la fois simples et pas faciles à mettre en œuvre,
01:32 puisque à la fois, en fait, notre objectif déjà, c'est de mettre en lumière le sujet,
01:35 donc merci de m'accueillir ce matin, de porter une voix qui est positive,
01:39 c'est-à-dire de montrer des rôles modèles, de montrer aux entreprises et à toute la société
01:43 qu'à 50 ans, en fait, on n'a pas de date de péremption, qu'on est toujours là.
01:47 Vous parlez de date de péremption, Frédéric Jesk ?
01:49 Oui, je parle parfois de date de péremption, effectivement,
01:52 parce que c'est un petit peu l'impact brutal, en fait, de ce qui arrive aux seniors à partir de 45-50 ans.
01:58 C'est comme ça que c'est ressenti ?
01:59 En fait, du jour au lendemain, vos expériences, vos compétences, on a l'impression qu'elles n'ont plus de valeur.
02:05 Donc ça, c'est assez terrifiant.
02:07 Et donc, on essaye aussi, on est une communauté aussi de professionnels,
02:10 et on essaye aussi de s'entraider, donc on échange,
02:13 on a expérimenté aussi un bootcamp pour accompagner les personnes qui sont en recherche d'emploi et qui sont en difficulté.
02:21 Alors, vous rassemblez plusieurs centaines de seniors au sein de votre association.
02:25 Que vous disent-ils ? C'est ça le sentiment qui est partagé ?
02:29 C'est qu'on devient, à partir d'un certain âge, un salarié jetable, si vous parlez de date de péremption ?
02:35 Il y a un petit peu de ça, malheureusement, et c'est ça qui est extrêmement choquant,
02:39 d'autant plus qu'il n'y a pas de réalité, il n'y a pas de raison factuelle à cela derrière.
02:44 On est vraiment face à des stéréotypes et des préjugés négatifs de notre société.
02:49 Et c'est vrai que ce qui est assez terrible, c'est que vous pouvez avoir énormément de valeur pendant beaucoup d'années,
02:53 notamment quand vous avez des profils de cadre avec des beaux parcours.
02:57 Et effectivement, du jour au lendemain, vous allez perdre cette valeur,
03:01 puisque soit quand vous êtes dans l'entreprise, vous avez de moins en moins accès à la formation,
03:08 à la mobilité professionnelle, aux promotions, aux amortisations individuelles.
03:12 Et oui, c'est un énorme gâchis, bien sûr, c'est un énorme gâchis.
03:15 Vous en avez fait vous-même l'expérience, je crois, dans votre carrière, Frédérique Ghesque,
03:19 puisque un employeur a refusé simplement de vous recevoir au motif que vous étiez trop âgée ?
03:26 Exactement, c'est ce qui a provoqué et généré la création de l'association Senior for Good,
03:33 puisque quand j'ai découvert ça, début 2022, j'avais 56 ans,
03:37 je voulais quitter mes fonctions à l'époque parce que j'avais envie d'un nouveau challenge.
03:42 Et effectivement, un chasseur de tête me contacte, il était emballé par mon profil
03:46 et l'employeur n'a pas voulu me recevoir parce que j'étais trop vieille.
03:50 Et selon lui, je n'allais pas rester suffisamment longtemps en poste.
03:53 Alors évidemment, il me restait 10 ans minimum à travailler,
03:56 donc ça semble quand même assez ubuesque, regarder si les plus jeunes restent en poste 10 ans, non.
04:01 Ce qui revient souvent, c'est ce que coûte ou alors ce que coûterait un cadre senior à son entreprise.
04:07 Ça, je crois que ça a le don de vous énerver, Frédéric Jeske.
04:11 Un peu, entre autres, parce que ça fait partie quand même aussi de ces stéréotypes.
04:15 D'abord, un, ce n'est pas tout à fait vrai, puisque je sais que la PEC avait fait quelques calculs
04:20 qui démontraient que finalement, les cinquantenaires n'étaient pas forcément plus chers en coût médian
04:26 que les catégories d'âge inférieure.
04:29 Et puis en plus, comme je dis toujours, il faudrait peut-être qu'on arrête de calculer en coût,
04:34 mais qu'on se mette à calculer en bénéfice et en valeur.
04:36 Parce que bien évidemment, que l'expérience, la compétence, la loyauté, la fidélité, l'engagement, etc.,
04:42 toutes les qualités de la séniorité, ce sont des qualités qui ont de la valeur
04:45 et qui sont totalement opérationnelles dans l'entreprise au service de la performance.
04:50 56% de taux d'emploi pour les plus de 56 ans en France, c'est-à-dire, appelle plus d'un sur deux.
04:55 On met l'Allemagne en regard, c'est 70% en Allemagne.
04:59 Pourquoi on est si mauvais élève la France dans ce domaine ?
05:02 Alors c'est vrai qu'on est les derniers d'Europe sur le sujet, ça c'est clair.
05:06 On est assez en retard peut-être.
05:09 Et même si évidemment, on a la retraite qui est parfois un peu plus tôt que dans les autres pays,
05:12 ce qui peut expliquer en partie cette différence de taux, il y a quand même un écart énorme.
05:16 Peut-être que ce qui s'est passé, c'est que depuis les années 80,
05:19 on a quand même eu des politiques publiques de l'emploi
05:21 qui ont eu plutôt tendance à favoriser le départ des 55+ pour faire entrer les jeunes dans l'emploi.
05:27 Et ce qui s'est passé, c'est que certainement, certaines entreprises,
05:30 notamment les grandes entreprises, ont intégré cette croyance, cette opposition jeunes-vieux.
05:35 Et c'est ça qu'il faut changer aujourd'hui, évidemment, impérativement.
05:38 Alors le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, on l'a entendu depuis l'automne,
05:42 dit vouloir aligner la durée d'anonymisation des plus de 55 ans sur celle des autres demandeurs d'emploi.
05:46 Vous lui répondez quoi ? Qu'il se trompe de cible là, sur ce sujet ?
05:50 Bah oui, comme je dis toujours, alors encore une fois, on est une association citoyenne à politique.
05:54 Moi-même, je ne fais pas de politique, je ne suis pas partenaire sociale,
05:57 ce n'est pas à moi de décider des dispositifs.
05:59 Mais pour moi, en tant que citoyenne, je pense effectivement qu'on se trompe de cible.
06:04 Parce que qu'est-ce qui va se passer ?
06:05 Tout simplement, on va accélérer la mise en précarité de quand même quelques centaines de milliers de personnes.
06:10 N'oublions pas qu'il y a 900 000 aujourd'hui personnes de plus de 50 ans qui sont inscrites à Pôle emploi,
06:15 dont un grand nombre en fait en situation de risque financier, voire de précarité.
06:19 Et puis je me dis que même sur le volet de l'économie budgétaire,
06:23 finalement, on va avoir arrivé davantage, par exemple, de problèmes de santé.
06:27 Parce qu'on sait très bien que quand on est éloigné de l'emploi, et bien, et qu'on va vers la précarité,
06:31 ça a un impact aussi sur la santé.
06:33 Donc même l'économie, malheureusement, on va la retrouver dans d'autres dépenses de santé publique.
06:37 Bon, et on attend toujours l'aboutissement peut-être aujourd'hui de ces négociations entre partenaires sociaux,
06:42 voilà, sur ce pacte de vie au travail et la place des seniors dans l'entreprise.
06:47 Effectivement. Merci Frédéric Jesk, cofondatrice, je le rappelle, de l'association Senior Forgo.

Recommandations