Comment mettre à profit les compétences des seniors ? Comment éviter stigmatisation et placardisation ? Comment l’entreprise peut-elle se réinventer pour faire de la place aux collaborateurs expérimentés ?
- Gilles Gateau, directeur général de l’Apec
- Frédérique Jeske, dirigeante du cabinet de conseil et formation Uskoa, présidente de Senior for Good
- Caroline Sarrot-Lecarpentier, dirigeante d’ICI, cabinet de conseil spécialisé dans les dynamiques intergénérationnelles
- Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH, associé et directeur RH au Boston Consulting Group
- Gilles Gateau, directeur général de l’Apec
- Frédérique Jeske, dirigeante du cabinet de conseil et formation Uskoa, présidente de Senior for Good
- Caroline Sarrot-Lecarpentier, dirigeante d’ICI, cabinet de conseil spécialisé dans les dynamiques intergénérationnelles
- Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH, associé et directeur RH au Boston Consulting Group
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00:00 On va s'interroger sur la place de la génération X dans l'entreprise.
00:09 En compagnie de Gilles Gâteau, vous êtes directeur général de l'APEC.
00:13 Bonjour Gilles.
00:14 Je vais même vous trouver un micro.
00:15 Je crois qu'il nous en manque un, mais vous en passerez un de temps en temps.
00:20 À vos côtés, Frédéric Gesque, vous êtes dirigeant du camionnier de conseil et formation
00:26 USCOA et président de Senior for Good.
00:28 Vous nous expliquerez ce que c'est Senior for Good.
00:30 À vos côtés, Caroline Sarrot-Le Carpentier.
00:33 Bonjour Caroline.
00:34 Vous êtes dirigeante d'ici un cabinet de conseil spécialisé dans les dynamiques
00:37 intergénérationnelles.
00:39 Benoît Serre, tu es vice-président de l'ANDRH et partenaire au BCG.
00:45 Alors peut-être en introduction et pour poursuivre la réflexion lancée par Serge,
00:51 Gilles Gâteau, je crois que vous avez fait quelques études, quelques recherches.
00:56 Est-ce que vous pouvez nous faire peut-être un petit portrait robot d'un cadre senior
01:00 aujourd'hui ? Et puis après, vous me donnerez quelques chiffres sur le marché de l'emploi
01:04 aujourd'hui.
01:05 Oui, merci.
01:06 Bonjour à toutes et tous.
01:09 Il se trouve qu'on a publié il y a deux jours ce document qui s'appelle "Portrait
01:18 statistique des cadres seniors".
01:20 On a compilé finalement beaucoup de données sur les cadres de 55 ans et plus.
01:28 Il fallait mettre une borne.
01:31 On a choisi celle-là.
01:32 À 55 ans, moi j'ai coutume de dire on a encore pratiquement 10 ans de vie professionnelle
01:37 devant soi.
01:38 Donc pratiquement un quart de sa vie professionnelle devant soi à 55 ans.
01:42 Donc on parle là du dernier quart de la carrière si on veut dire les choses autrement.
01:49 Et donc, je ne vais évidemment pas vous...
01:52 Alors pour ceux qui veulent, il y a quelques exemplaires dehors.
01:55 Ne vous précipitez pas tout de suite, ils vous attendent.
01:57 Mais sur le portrait robot résumé.
01:58 Tout à fait.
01:59 Vous en avez des exemplaires dehors.
02:01 Vous le trouvez en ligne sur APEC.fr.
02:02 Et il y a beaucoup de données de toutes sortes sur la situation des cadres seniors.
02:09 Ils sont un peu plus de 700 000 en France et 100 000 sont inscrits à Pôle emploi.
02:18 C'est une proportion qui est évidemment nettement supérieure à celle de la moyenne
02:26 des cadres.
02:27 C'est un chiffre qui résume à lui seul finalement une partie du problème dont on va parler
02:32 de mise à l'écart finalement des seniors ou en tout cas de la grande difficulté dans
02:38 laquelle se trouvent beaucoup d'entre eux quand ils sont en recherche d'emploi.
02:45 Alors que le taux de chômage moyen des cadres en France est à 4,1%.
02:51 Donc on est quasiment au plein emploi si on parle des cadres.
02:55 Celui des cadres de 55 ans et plus est de 6,8%.
02:59 Pas très très loin de la moyenne du chômage en France qui est à 7,2% comme vous savez.
03:07 Donc on voit bien que quand on parle du chômage des cadres, en fait il n'existe quasiment
03:13 que pour les cadres seniors avec ce paradoxe qui vient d'être rappelé brillamment à
03:22 l'instant qu'on parle là d'une population de cadres expérimentés en bonne santé pour
03:32 le plus grand nombre d'entre eux, désireux de travailler, c'est aussi dans les clichés
03:37 ou les idées reçues des cadres seniors inscrits à Pôle emploi, il y a l'idée qu'ils sont
03:43 là en train d'attendre la retraite.
03:45 Alors c'est pas faux pour une partie d'entre eux.
03:47 Et s'il y a des dérages dans la salle, comme je l'ai été moi-même, vous devrez avouer
03:54 que vous avez signé des transactions souvent pour faire partir dans des ruptures conventionnelles
04:01 des cadres avec un portage par la surchômage jusqu'à l'âge de la retraite.
04:05 C'est une réalité, n'est-ce pas Benoît, qui existe et qui fait aussi partie du problème.
04:11 Mais en dehors de cela, la plupart des cadres qui sont en recherche d'emploi ont absolument
04:20 la motivation et souvent le besoin de travailler parce que la vie a changé aussi, parce que
04:27 même après 55 ans, on peut avoir des enfants jeunes qu'il faut accompagner dans leurs
04:32 études, on peut avoir absolument besoin de travailler ou de retravailler.
04:37 C'est le moment où la question provoque, Frédéric peut-être.
04:42 Est-ce que ce n'est pas de leur faute ? Est-ce que ce n'est pas un peu de leur faute, ces
04:45 seigneurs ? Alors non.
04:49 Non, non.
04:50 Alors c'est vrai que si changer de regard, ça concerne quand même tout le monde et
04:54 donc forcément aussi les seigneurs.
04:57 Mais il suffit d'écouter les chiffres pour voir que la situation est dramatique.
05:00 Donc finalement, à force de s'entendre dire qu'on est has been, on peut imaginer que certains
05:04 finissent par le croire.
05:05 Moi, j'ai été personnellement confronté à ça.
05:09 En fait, il y a un moment maintenant, à une époque où je voulais quitter un poste d'EDG.
05:13 Et c'est vrai que quand le recruteur m'a dit que j'étais parfaite pour le job, mais
05:18 que le seul problème, en fait, c'est que j'étais trop vieille.
05:20 J'ai été quand même assez scotché et c'est là que j'ai pris conscience finalement de
05:26 ces représentations, de ces stéréotypes de l'âge et puis du coup de la discrimination
05:30 qui pouvait y avoir derrière.
05:32 Et c'est comme ça, d'ailleurs, que Senior for Good est né.
05:34 Puisque tout à l'heure, vous me disiez, vous nous présentez Senior for Good.
05:37 On a créé en fait cette association qui est une association de cadres, une association
05:41 citoyenne en se disant on va lutter contre cet agisme de façon positive en montrant
05:47 l'exemplarité et l'action.
05:48 Donc, c'est comme ça qu'on est parti pour pouvoir donner envie aux entreprises, aux
05:54 clients d'abord aussi de se dire que ces 10, 15 années de carrière professionnelle,
05:58 il fallait qu'elle soit belle, épanouissante parce que le talent n'a pas d'âge et l'expérience,
06:05 c'est une richesse.
06:06 Et donc, moi, je pense qu'il faut vraiment déconstruire les croyances et reconstruire
06:10 en fait la singularité de la valeur, de la valeur de la séniorité.
06:14 Et c'est en cela que je ne pense pas que les seniors ou les expérimentés, j'aime
06:18 bien les appeler expérimentés, ne sont pas responsables.
06:22 On peut avoir une attitude qui nous dessert parfois parce qu'on peut être un peu nostalgique
06:26 du passé.
06:27 Oui, quand on ne nous disait pas qu'on était trop vieux, par exemple, on peut avoir du
06:31 mal à faire son deuil d'un vécu professionnel pour s'ouvrir à d'autres voies.
06:36 C'est vrai qu'en France, on aime bien aussi les carrières ascendantes.
06:39 Donc, ce n'est pas toujours facile de prendre des chemins de traverse.
06:43 Mais franchement, les seniors, on ne peut pas dire qu'ils sont responsables de ce qui
06:47 leur arrive aujourd'hui parce que quand du jour au lendemain, vous vous retrouvez finalement
06:51 totalement dévalorisé quand vous envoyez des centaines de candidatures et puis que
06:56 vous n'avez pas de réponse.
06:57 Quand on entretient, en fait, on vous dit vous êtes sûr, vous allez pouvoir vous adapter
07:03 parce que l'équipe est jeune.
07:04 Quand vos compétences ne sont plus considérées et qu'en face, on voit des espèces de préjugés
07:11 hors sol, même quand vous êtes en poste, en fait, quand vous êtes salarié et que
07:15 finalement, vous n'avez plus ou très peu accès à la formation, parce que c'est une
07:19 réalité aussi, le taux d'accès à la formation baisse au fur et à mesure que les années
07:23 augmentent, que vous n'avez peut-être plus accès non plus aux promotions, que vous n'avez
07:28 plus que vous n'avez plus accès.
07:30 Peut-être vous êtes mis à l'écart de certains projets stratégiques.
07:33 On entend souvent ça chez nos adhérents.
07:34 Voilà les projets intéressants.
07:36 On ne les confie plus.
07:37 Oui, il y a un moment, on peut croire qu'il y a quelque chose qui cloche chez soi, mais
07:40 qu'en fait, en réalité, ce n'est pas chez le senior que ça cloche.
07:44 C'est plutôt ces stéréotypes, ces préjugés culturels qui sont terribles.
07:49 J'en donne qu'un exemple.
07:50 Dire qu'aujourd'hui, un cadre de 45, 50 ans ne comprend rien au digital, pour moi,
07:57 c'est inentendable, en fait, parce que généralement, c'est faux.
08:00 En tout cas, pas plus que les plus jeunes qui sont souvent très à l'aise avec le
08:04 téléphone portable, mais que quand vous mettez devant un PC, c'est beaucoup plus
08:08 difficile.
08:09 Donc finalement, chacun va avoir ses atouts et dire aussi qu'on est résistant au changement.
08:14 Ce n'est pas entendable non plus, parce qu'on est quand même une génération qui
08:17 a démarré avec le Minitel, qui a connu l'informatique, Internet, la mobilité.
08:22 On s'est adapté à tout.
08:23 Donc, on voit bien, en fait, ça ne peut pas être de la faute des seniors.
08:27 Benoît, c'est quoi ton message à destination des seniors ?
08:30 Peut-être une réaction déjà.
08:31 Et puis, qu'est-ce que tu dis aux seniors ?
08:34 Bonjour à tous déjà.
08:35 Donc, non, après, dans ce genre de truc, je préfère qu'on cherche des solutions
08:39 que des coupables.
08:40 Donc, on ne va pas s'étendre dessus.
08:41 Non, le sujet des seniors, c'est un sujet qu'avec la NDRH, on a pris dès 2018.
08:48 Parce que j'avais observé, comme l'a dit Serge tout à l'heure, que tout le monde
08:52 s'en foutait de ce truc-là.
08:53 C'est-à-dire que la France était un des pays les moins bien classés, je parle, c'est
08:56 ton contrôle, sois l'expert, en termes d'emploi des seniors.
09:00 Et en fait, on réformait les retraites, on faisait d'autres trucs, mais tout le monde
09:03 s'en foutait de la conséquence de tout ça.
09:05 Et je me souvenais que la raison pour laquelle on a pris le sujet en 2018, en proposant
09:11 le fameux index senior qui était volontairement provoquant, mais c'était pour que le sujet
09:16 vienne, ça a marché, au-delà de nos espérances.
09:18 C'était que j'avais entendu quand même une déclaration du président de la République
09:25 de l'époque, qui est le même qu'aujourd'hui, dire que ce ne serait pas raisonnable de réformer
09:30 les retraites sans s'occuper de l'emploi des seniors.
09:32 J'ai noté qu'ils avaient réformé les retraites sans s'occuper de l'emploi des seniors.
09:36 Donc, ça, c'est une première chose.
09:39 Ce que je pense, c'est que d'abord, tout le travail que fait l'APEC est vraiment fondamental
09:46 parce que ça permet de comprendre, et Serge l'a dit tout à l'heure, que cette espèce
09:50 de truc qui est apparu en disant "à 45 ans, on est vieux", ça a été une bombe nucléaire.
09:56 Parce que dans la tête des gens, et dans la tête des managers, et dans la tête des
10:00 dirigeants, et dans la tête des RH, on a dit "bon, ok, c'est à 45 ans que les emmerdes
10:04 commencent, les emplois, les entretiens, machin, etc."
10:07 Et pour les gens, moi j'ai plein de gens qui m'ont dit "j'ai reçu la fameuse lettre,
10:11 maintenant on reçoit des lettres de santé avec, donc en fait c'est fini, j'ai plus
10:15 qu'à aller me coucher."
10:16 Et donc, ça, ça a été un truc, je trouve, dans la tête, ça a aggravé la situation
10:21 extrêmement violemment et personne ne l'a vu venir.
10:24 Alors qu'il n'y a aucun texte qui dit "on est senior à 45".
10:27 C'est juste qu'un cumul de trucs en fait qu'à 45, tout d'un coup, on est censé commencer
10:31 à se dégrader.
10:32 Bon.
10:33 Ça, c'est la première chose.
10:35 La seconde chose, c'est que je pense, enfin Gilles est plus expert que moi là-dessus,
10:39 que toute la phase de chômage de masse qu'on a vécue a coupé les emplois, enfin l'emploi,
10:47 à l'entrée du marché et à la sortie du marché.
10:49 Donc c'était le marché central qui fonctionnait bien.
10:52 Là, comme il y a eu des réactions politiques avec le fameux plan "un jeune, une solution",
10:57 "développement, apprentissage, alternance", et puis plein d'autres choses depuis tant
10:59 d'années, on a un peu résolu le problème du chômage des jeunes.
11:02 Rappelez-vous, on aurait pu faire cette table ronde il y a 10 ans sur le chômage des jeunes.
11:06 On était à peu près dans les mêmes proportions.
11:08 Et à l'autre bout, effectivement, les seniors.
11:11 Ce que j'observe aujourd'hui, c'est que les entreprises ont appris à les conserver.
11:17 Et apprennent de mieux en mieux à les conserver.
11:22 En revanche, tous les stéréotypes qui ont été évoqués par Frédéric, qui sont extrêmement
11:25 justes, font que les entreprises n'ont pas appris à les embaucher.
11:29 Et je crois, on avait suivi avec intérêt le débat sur les retraites, le fameux projet
11:36 de CDI senior, peut-être qu'on en parlera, je ne sais pas, qui était de dire qu'on
11:39 doit casser ou accélérer le fait de casser cette incapacité ou tous ces éléments qui
11:46 font qu'on se dit "recruter quelqu'un à 59 ans, je vais vous dire ce qui se passe
11:50 dans une boîte".
11:51 Ce n'est pas forcément le DRH, contrairement aux accusations.
11:53 Ça peut être le manager, peut-être n'importe qui.
11:56 Pour recruter quelqu'un à 59 ans, vous vous dites "bon, ok, je vais recruter à 59 ans,
12:01 si ça se trouve, je me le garde jusqu'à 70, qu'est-ce que je vais en faire ? Et par conséquent,
12:07 je ne le fais pas.
12:08 Je pense qu'il y a un vrai sujet là.
12:09 Et d'autre côté, nous avons, et je partage à 1000%, ce que tu disais notamment, qui
12:15 était de dire que les seniors, quels que soient leur âge, ont envie de travailler.
12:18 Je vais vous dire, à chaque fois que j'ai la chance ou la malchance de participer à
12:22 un événement sur les seniors, j'en ai fait quelques-uns avec Serge, et à un moment,
12:26 il y a quelqu'un qui me dit "oui, mais il y a le tutorat, le mentorat".
12:29 Et je dis "arrêtez, arrêtez".
12:31 Parce que plus vous dites ça, plus vous aggravez la situation.
12:35 Tout simplement parce que vous dites aux seniors "mais nous, on est prêts à en embaucher,
12:38 mais c'est des demi-salariés en fait.
12:40 On ne pense pas qu'ils vont pouvoir produire, on ne pense pas qu'ils vont pouvoir être
12:43 productifs, on pense qu'ils vont pouvoir mentorer".
12:45 D'abord, il y en a qui n'ont aucune envie de mentorer.
12:46 Entre autres, il y en a qui ne savent absolument pas le faire.
12:49 Et enfin, il y en a qui veulent juste être des salariés comme les autres.
12:52 Évalués comme les autres, reconnus comme les autres, sanctionnés comme les autres.
12:56 Donc c'est pour ça que je pense qu'il y a tout un discours qui doit être reconstruit.
13:00 Après, le dernier point, je souscrisais Frédéric sur le digital, moi ça me fait marrer parce
13:04 que j'ai des gens qui me disent "non, on te comprend, il a 58 ans, il ne connaît rien
13:07 au digital".
13:08 Moi ça fait 20 ans quand même qu'il est sur le coup.
13:10 Donc je pense qu'il a compris.
13:11 C'était peut-être vrai ça.
13:12 Je ne sais pas d'ailleurs.
13:13 C'était peut-être vrai il y a 20 ans, mais ça l'est de moins en moins aujourd'hui.
13:17 Après, sur un dernier point, c'est sur l'histoire de la formation.
13:20 Ça pour le coup, c'est vraiment une expérience d'entreprise.
13:23 Oui, l'accès à la formation baisse à partir de 50-55, mais sincèrement, ça c'est vraiment
13:29 l'expérience de terrain.
13:30 L'entreprise n'est pas indignement responsable.
13:33 Moi, j'ai quand même des armées de seniors qui m'ont toujours dit "non, je m'en fous".
13:37 On en parle dans une demi-heure Benoît, je t'arrête parce que ce sera le sujet de la
13:41 séquence d'après.
13:42 Donc on en débattra dans une demi-heure.
13:44 Caroline, peut-être une réaction.
13:47 L'intergénérationnel, est-ce que ça veut dire du tutorat ? En réponse directe à ce
13:51 que veut dire Benoît, c'est quoi la piste de l'intergénérationnel ?
13:55 En fait, il faut être deux pour faire le tango.
13:58 Pour danser, il faut être deux.
14:02 Et en fait, je nuancerais un tout petit peu.
14:04 Je suis assez d'accord, l'entreprise n'est pas responsable de tout.
14:08 En effet, l'accès à la formation, etc.
14:09 Oui, on n'a pas forcément envie quand on est senior.
14:12 À quoi bon ?
14:14 Mais en fait, quand on réalise, quand t'as 45 ans, tout ce qui s'est passé depuis
14:17 qu'on est né.
14:18 Vous avez appris à marcher, vous avez appris à parler, vous êtes allé à l'école pour
14:24 la première fois, vous avez eu un job pour la première fois, vous êtes tombé amoureux
14:27 pour la première fois, vous êtes marié, vous avez un enfant.
14:29 Ou pas.
14:30 Vous avez eu votre premier appart, votre première prime, votre première engueulade, etc.
14:35 45 ans, la vache, il en reste 45.
14:38 Et 45, il faut qu'elle soit aussi excitante et aussi dingue que les 15 premières.
14:42 Donc, en fait, il y a de l'énergie, il faut avoir de l'énergie pour ça.
14:48 Donc, il faut être bandé.
14:49 Mais parfois, on est le regard.
14:50 Et c'est pour ça que je regardais hier soir, je me disais le principe de trio.
14:54 J'aime bien l'idée de trois.
14:56 On parle des trois mousquetaires, des trois petits cochons, les trois fées qui sont penchées.
15:00 Trois.
15:01 Je pense qu'il y a trois responsables dans l'histoire.
15:02 Un, l'entreprise est responsable.
15:04 Deux, le salarié est responsable.
15:05 Et trois, les collaborateurs sont responsables.
15:08 La solution alors ?
15:10 La solution, enfin, je pense qu'on ne peut pas utiliser les seniors sans considérer
15:15 le reste de l'entreprise.
15:16 Et le principe des collaborateurs, c'est aussi quand on prend en considération les
15:20 juniors, toutes les personnes qui consolident l'entreprise.
15:24 C'est un principe de systémie dans l'entreprise, en fait.
15:26 C'est un principe de win-win.
15:28 Si je travaille avec des seniors, je ne vais pas m'occuper que des seniors.
15:31 Ça n'a pas de sens, en fait.
15:33 Parce qu'ils ont un rôle vis-à-vis de la jeune génération, comme la jeune génération
15:37 a un rôle vis-à-vis des plus âgés.
15:38 Il y a un espèce de bénéfice de réciprocité permanente.
15:44 Comme Benoît, je ne suis pas complètement… Mentorat, bien sûr, ça a toujours fonctionné,
15:48 ça fonctionnera encore.
15:49 Ça marche très bien.
15:50 Mais c'est vrai que dans le mot, il y a une certaine notion de descendance.
15:53 Donc le senior est dans une posture de « je sais, je vais t'apprendre petit padawan »,
15:57 comme dit un de mes amis fleurians ici dans cette salle.
15:59 Le senior n'a pas forcément une longue barbe blanche.
16:03 Non, il a encore en capacité d'innover.
16:04 Il a des idées parce qu'il a aussi de l'expérience.
16:07 Parce qu'il a du recul en fait et parce qu'il a tellement d'envie.
16:12 « Mais regardez-vous, regardez-moi, j'en ai 48, vous croyez que je suis prêt à transmettre
16:16 ? » Mais oui, d'accord, je peux transmettre.
16:18 Je peux apprendre vachement de choses.
16:19 Mais j'ai tellement à donner, mais tellement à donner à une entreprise.
16:23 Alors aujourd'hui, je ne la donne pas pour une boîte, je la donne à plein de boîtes
16:26 parce que l'intergénérationnel pour moi est un des leviers clés de la dynamique
16:31 des organisations.
16:33 Si on travaille correctement avec ça, c'est-à-dire si on travaille sur cette combinaison générationnelle,
16:38 sur cette coalition vers un projet commun, tout le monde est gagnant.
16:42 On fait gagner les juniors qui gagnent en expérience en regardant les plus expérimentés
16:47 travailler et les seniors sont boostés en même temps parce qu'on collabore.
16:51 Je mène des projets aujourd'hui, c'est hallucinant le bénéfice que ça peut avoir.
16:56 J'ai une réaction, je vous voyais.
17:02 Je suis complètement d'accord et c'est très important qu'on se le dise bien que dans le
17:09 monde du travail, la communauté de travail, elle est intergénérationnelle et c'est ça
17:15 qui peut faire fonctionner et gagner l'entreprise comme chacune de ses composantes.
17:20 C'est tout le paradoxe de la situation où on va catégoriser.
17:26 C'est pour ça que les contrats avec des seuils d'âge, c'est toujours un peu risqué pour
17:33 cette raison-là aussi.
17:34 Ça peut paraître aussi un peu stigmatisant.
17:37 Dans le fond, c'est pas si mal qu'il y ait une espèce de halo sur ce qu'on appelle senior.
17:42 C'est 45, c'est 50, c'est 55.
17:45 Ça évite d'avoir comme ça, de créer des éléments couperés.
17:49 Après, je reviens sur ce que disait Benoît, je pense qu'on paye encore aujourd'hui.
17:57 On n'a pas complètement tourné la page dans les esprits, aussi bien du côté de l'entreprise
18:05 que du côté des salariés, des seniors eux-mêmes, de ce qu'on a vécu quand même pendant ces
18:12 longues années de chômage de masse dans lesquelles l'ajustement sur l'emploi se faisait sur
18:19 les seniors et ça se faisait dans un consensus finalement entre le management des entreprises,
18:27 les directions de ressources humaines et les seniors eux-mêmes et les organisations syndicales.
18:33 Regardez n'importe quel plan PSE aujourd'hui, la mesure la moins douloureuse et la plus
18:41 mise en avant dans l'enthousiasme général, c'est des mesures d'anticipation de l'âge
18:47 de départ.
18:48 Petit à petit, on a commencé à fermer des robinets autour de ça.
18:55 Autrefois, il y avait les pré-retraites FNE pour les anciens qui s'en souviennent.
18:58 Alors là, c'était le guichet ouvert et l'État qui payait.
19:01 C'est une époque révolue que même les anciens ont oublié.
19:05 Mais il y a toujours aujourd'hui, et moi je suis frappé quand je vois des entreprises,
19:11 des grandes entreprises qui travaillent sur des plans seniors, il y a des choses très
19:15 intéressantes sur comment j'ouvre un peu plus mon recrutement, comment je forme davantage.
19:21 Il y a aussi toujours quelque chose sur comment je permets de partir plus tôt avec des CET,
19:27 des boosted, etc.
19:28 On n'a pas tourné la page d'une partie de la solution qui consiste à aider les gens
19:34 à partir plus tôt parce qu'il y a une demande pour ça et parce qu'y compris du côté
19:38 syndical, il peut y avoir une demande relayée pour ça.
19:43 Donc ça pour moi, c'est encore un sujet qui n'est pas complètement derrière nous.
19:48 La question de savoir comment est-ce qu'on est finalement ambigu les uns et les autres
19:56 sur l'idée qu'il faut effectivement que les seniors trouvent et gardent leur place
20:02 dans l'entreprise parce que comme l'a dit, c'est le futur de notre démographie tout
20:07 simplement et que sinon on n'y arrivera pas.
20:10 Je ne parle même pas de l'équilibre des régimes de retraite et qu'en même temps,
20:14 chaque fois qu'on trouve une solution pour faire partir quelqu'un plus tôt, c'est
20:17 quand même pas mal.
20:18 Gilles, si on sort de ces solutions pour partir, quels sont vos conseils au DRH qui nous écoutent
20:24 très concrètement ? Qu'est-ce qu'il faut faire pour être dans la progression ?
20:26 Alors, ça a été dit et pour moi c'est fondamental, ce qu'attendent les seniors
20:34 qui sont aujourd'hui en emploi ou ceux qui y reviennent dans des mobilités, c'est
20:39 plutôt d'être effectivement considéré comme des salariés comme les autres avec
20:44 les mêmes opportunités de mobilité, de prendre des projets intéressants, d'être augmenté
20:49 salarialement parce que là aussi, notre étude le montre, on arrête sa progression salariale
20:55 ou en tout cas elle est nettement freinée après un certain âge.
20:59 Ça veut dire qu'un senior ça coûte pas forcément plus cher qu'un autre ?
21:04 Forcément si, mais prenez le salaire médian des 55 ans et plus cadre, il est pratiquement
21:14 au même niveau que le salaire médian des 45-55 ans.
21:17 Le salaire moyen est un peu plus élevé mais le salaire médian est à peu près celui-là.
21:20 Donc ça veut dire que les écarts peuvent se creuser.
21:22 Ce que je veux dire par là c'est que s'il y a un conseil à donner à l'entreprise,
21:26 c'est d'investir dans ses salariés comme elle investit dans tous ses salariés.
21:31 Pas forcément plus mais pas moins.
21:34 Or aujourd'hui on investit moins, parfois les salariés eux-mêmes sont peut-être plus
21:42 réticents sur des sujets de formation mais quand on a 10 ans de vie professionnelle devant
21:46 soi, c'est pas vrai qu'on peut s'en sortir sans mettre à jour ses compétences.
21:50 Je sens que vous voulez tous les trois réagir, alors on va faire de Frédéric, tous les
21:54 trois vous allez réagir.
21:55 Frédéric.
21:56 Juste simplement pour rebondir sur ce que disait Caroline tout à l'heure, moi je le
21:59 vois aussi dans les boîtes que j'accompagne aujourd'hui, le sujet il est quand même
22:02 d'intégrer cette situation dans la culture interne et managériale aussi de l'entreprise
22:09 en termes d'action, de solution.
22:11 Je pense que c'est important un, d'apporter des preuves aux entreprises qui font ce choix
22:15 de l'intergénérationnel, que ça apporte de la productivité, de la performance.
22:19 Donc il faut pouvoir mesurer la performance en fait, ça c'est quelque chose, c'est
22:23 un projet sur lequel on travaille chez Senior for Good et on a déjà des preuves, il y
22:28 a beaucoup d'études qui ont été faites, c'est un élément de performance, l'inclusion
22:34 intergénérationnelle, l'inclusion tout court d'ailleurs, c'est quand même un pilier
22:36 majeur aussi des critères ESG et d'une RSE performante aussi, donc en termes de preuves
22:45 à donner à l'entreprise.
22:46 Et donc il faut absolument aussi que les entreprises, dans leur responsabilité à maintenir l'employabilité
22:52 des salariés et donc leur motivation, puissent sensibiliser tous les salariés aux stéréotypes
22:58 et aux biais qu'on peut avoir, puissent former les managers qui sont en première ligne,
23:03 parce que finalement travailler en intergénérationnel quand on a des biais et si en tant que manager
23:08 on n'en est pas conscient, on ne peut pas non plus accompagner ces équipes à mieux
23:12 bosser ensemble.
23:13 Et donc en termes d'action, moi je parlerais plutôt d'une action très opérationnelle,
23:18 finalement très concrète au quotidien, qui doit être incarnée aussi par les dirigeants
23:22 parce qu'à chaque fois l'exemplarité quand même elle vient de la tête entre guillemets,
23:26 donc c'est comme pour l'égalité femmes-hommes, pour d'autres types d'inclusion, de porter
23:30 en fait cette responsabilité de l'entreprise qui est aussi une responsabilité sociale
23:35 sociétale.
23:36 Caroline, votre réaction ?
23:37 Je vous parlais, parce que tout à l'heure je me suis un peu garé, parfois je suis en
23:41 train de réfléchir, mais pourquoi je parlais du tango, pourquoi je parlais des trois en
23:45 fait ? Tout ça est responsable, les trois, mais on parle d'agisme, Frédéric parlait
23:51 de l'agisme, l'agisme, vous savez, tout le monde sait ce que c'est l'agisme ?
23:54 Allez, on veut une définition Caroline.
23:56 D'accord, ok, mais l'agisme c'est le mépris de l'âge, donc c'est regarder quelqu'un
24:01 avec un "ouf, encore une idée à con, ça va pas quoi, ça va pas".
24:09 Mais tous ces petits regards, tous ces petits commentaires etc, il y a un résultat, il
24:13 y a une conséquence, c'est que ça fait baisser de 44% la performance de la personne
24:17 que vous regardez, parce qu'elle a moins confiance, parce qu'elle va moins parler,
24:21 parce qu'elle va moins oser.
24:22 Et ça veut dire qu'on accède moins aux formations, parce qu'à quoi ça sert en
24:28 fait ? Et puis un jour, il y a un directeur qui va vous voir, qui va vous tapoter sur
24:31 l'épaule, il dit "bon, je crois qu'on est arrivé au bout du chemin".
24:33 Bah oui, on est arrivé au bout du chemin, oui, forcément.
24:35 Il a été tellement bien dammé par les autres.
24:38 Donc c'est pour ça, vous êtes, chacun dans la salle, un peu responsable aussi.
24:43 Donc le regard que vous portez à vos collaborateurs, le regard que vous portez aux plus anciens,
24:49 aux gens qui sont toujours plus vieux que soi, est important.
24:51 Et ça commencera par vous, le principe des micro-changements, des micro-mouvements, un
24:55 petit pas, puis un autre.
24:57 Donc les dirigeants sont responsables, principe d'exemplarité, la vision, l'envie de changer
25:02 et d'imposer dans son entreprise des modes de travail différents, moins silotés, beaucoup
25:08 plus transversal, en y incluant de l'intergénérationnel, pour que les cadres de référence puissent
25:15 se compléter, parce que le cadre de référence d'un jeune de 25 ans n'est pas le même
25:19 que le mien et ne sera pas le même que quelqu'un qui en a 56.
25:22 Pas du tout.
25:24 Et ça passe aussi par la sensibilisation, la formation des autres collaborateurs dans
25:29 l'entreprise.
25:30 Attention au quotidien, attention dans vos manières d'être, attention dans la manière
25:33 de vous comporter.
25:34 Et aller redynamiser aussi le collaborateur qui a 45 et plus.
25:38 Tu peux faire quelque chose.
25:40 Le premier responsable avant tout, c'est toi.
25:43 Et bouge.
25:44 Benoît, ta réaction et puis des bonnes pratiques que tu vois.
25:48 Oui, plutôt.
25:49 Alors d'abord, j'ai eu pas mal d'expériences sur comment gérer l'emploi des seniors
25:56 dans les entreprises où j'étais.
25:57 Alors c'est vrai que j'ai l'air rappelé, je l'ai fait comme n'importe quel DRH.
26:00 On a fait des plans de départ.
26:03 Comme j'ai eu la chance ou la malchance, je ne sais pas, dans de très grandes entreprises,
26:07 on a des plans de départ qui étaient méga protecteurs.
26:09 Tout le monde était ravi quand même.
26:11 Il ne faut pas non plus se mentir.
26:12 Le senior était super content.
26:14 Donc le record, c'est les congés de fin de carrière.
26:16 C'est le bonheur.
26:17 Et donc voilà.
26:18 Mais malheureusement, ça ne peut pas faire une politique senior.
26:21 J'ai eu deux expériences très différentes.
26:23 Il y a eu un moment de ma vie où j'étais le DRH de Laurent Merlin.
26:26 Puis un autre très récent, où j'étais le DRH de L'Oréal en France.
26:29 Donc c'est vraiment des populations qui n'ont rien à voir.
26:31 La première chose, c'est que je n'ai jamais observé de conflits intergénérationnels.
26:35 Excuse-moi, Cécile, mais ça, c'est un truc de journaliste.
26:37 Ça n'existe pas dans les boîtes.
26:39 Vous avez un problème de cohabitation.
26:41 Il y en a plein qui en ont parlé tout le temps.
26:43 Il y a un problème de cohabitation générationnelle,
26:45 qui on vient très bien de décrire,
26:46 mais il n'y a pas de conflits intergénérationnels.
26:48 Ce n'est pas vrai.
26:49 Moi, je ne l'ai jamais vu.
26:50 J'ai fait quelques machins.
26:51 J'ai fait Laurent Merlin, j'ai fait La Massif.
26:53 Ils n'étaient pas tous tout jeunes.
26:54 Et j'ai fait L'Oréal.
26:56 Là, ils sont honnêtement plus jeunes.
26:57 Enfin, pas tous d'ailleurs.
26:58 Laurent Merlin et L'Oréal, c'était deux choses très différentes.
27:01 Laurent Merlin, c'était quelques années.
27:03 En fait, on avait identifié que parmi nos clients,
27:07 on avait beaucoup de gens qui venaient acheter
27:10 des produits de bricolage parce qu'ils étaient à la retraite.
27:13 Et donc, ils se mettaient à bricoler leur maison,
27:16 leurs trucs, le marché.
27:17 Et donc, on s'est dit sur certains rayons,
27:19 ça s'appelle le rayon du lourd,
27:20 je ne sais pas si vous êtes des clients de Laurent Merlin,
27:22 mais le rayon du lourd,
27:24 ou les rayons super techniques, le clou comme ça, le truc.
27:27 Moi, je n'ai jamais compris.
27:28 C'est pour ça que j'étais dérache là-bas.
27:29 Mais j'ai...
27:30 En fait, on a dit, mais en fait,
27:32 il faut mettre des vendeurs qui ressemblent aux clients.
27:35 Et donc, on a été voir tout un tas de vendeurs
27:38 qui avaient 50 machins et qui étaient sur d'autres rayons.
27:41 Et on leur a dit, voilà, on a constaté,
27:43 tu sais, c'est un peu comme j'ai des câtelons,
27:46 les vendeurs sur Laurent Merlin, c'est des passionnés,
27:48 c'est des mecs qui savent tout faire.
27:49 C'est des poseurs, ils savent tout faire.
27:51 Et du coup, tout d'un coup, on s'est rendu compte
27:53 que ça avait une vertu énorme à l'intérieur de l'entreprise
27:56 vis-à-vis des jeunes et moins jeunes de tout le monde.
27:58 C'est que ça reconnaissait,
28:00 vous l'avez dit Frédéric tout à l'heure,
28:02 une valeur d'expertise liée à l'expérience
28:06 et à l'âge de ces trucs.
28:08 Et ça a vachement bien marché en fait.
28:09 Donc ça, c'était une première partie de politique senior
28:12 qui n'était pas présentée comme une politique senior.
28:14 Et c'est là où je veux en venir.
28:15 C'est-à-dire que c'était présenté comme une politique
28:18 dont on avait besoin au profit de nos clients
28:20 et pour notre business.
28:21 Et il s'avère que c'est devenu une politique
28:23 qui était au bénéfice des plus âgés dans l'entreprise.
28:25 Et ça, ça marche encore.
28:27 Si vous allez dans les magasins Laurent Merlin,
28:28 vous verrez que sur certains rayons,
28:30 vous avez une majorité de vendeurs un peu plus âgés.
28:34 Chez L'Oréal, j'en ai pour deux secondes,
28:36 chez L'Oréal, c'était tout à fait autre chose
28:38 parce que j'avais un changement de modèle.
28:40 C'est-à-dire que le Covid, etc. a fait exploser le e-commerce
28:42 et donc j'avais plein de vendeurs de terrain
28:45 qui étaient des gens super bien,
28:47 mais qui avaient des années d'ancienneté.
28:49 Mais honnêtement, le business était en train de se shifter
28:52 entre le classique Carastase-Elsev
28:56 et de l'autre relation en commerce.
28:58 Donc là, on a lancé un autre programme
29:01 et c'est exactement dans le sens que vous avez dit tout à l'heure,
29:03 avec Caroline et Caroline Caroline.
29:05 On a un autre programme qui s'appelle Evo Le Vau.
29:06 C'est-à-dire qu'on a cartographié,
29:07 et j'ai toujours été frappé par quelque chose comme DRH
29:10 et j'en ai été moi-même acteur,
29:12 donc j'ai un peu changé ma manière de vivre.
29:14 C'est que quand on parle à quelqu'un,
29:15 quel que soit son âge, de changement de métier,
29:17 on commence par lui expliquer tout ce qu'il ne sait pas faire
29:21 et on oublie tout ce qu'il sait faire.
29:23 Et donc, on a dit on va prendre le sujet différemment.
29:25 On va partir de la sédimentation des compétences
29:28 acquises par les gens.
29:29 Et donc, on a été voir notamment
29:30 certains vendeurs de terrain assez âgés
29:33 et on leur a dit, attends, on va regarder déjà
29:34 ce que tu sais faire avant de commencer à te parler
29:36 de ce que tu ne sais pas faire.
29:38 Je peux vous dire, pour l'avoir testé sur des centaines de gens,
29:40 ça a tout changé.
29:42 Ça a tout changé parce qu'on est parti de la sédimentation.
29:45 Et après, on a l'autre aspect,
29:48 c'est qu'on a reconstruit les aires de mobilité,
29:50 c'est-à-dire avec les métiers connexes qu'ils faisaient, etc.
29:54 Moi, je pense que dans les politiques d'entreprise,
29:56 notamment des entreprises qui sont assez successives,
29:59 il ne faut pas confondre les employés et les emplois.
30:01 Vous pouvez changer les emplois,
30:02 mais vous ne pouvez pas virer les employés pour autant.
30:04 Il faut éviter.
30:05 Et donc, je sais que tu es impatient,
30:06 mais il faut que je finisse.
30:07 Donc, ce qu'on a fait, c'est qu'on a recréé des parcours,
30:14 des parcours de carrière jusqu'en haut.
30:17 Et on les a montrés aux gens.
30:18 Parce que ce qui est très important,
30:19 c'est de dire à un senior, OK, la phase 1, c'est lui dire,
30:22 voilà, ta dernière partie de carrière, tu vas la faire là.
30:24 Mais si on lui dit, ta dernière partie de carrière,
30:26 tu vas la faire là.
30:27 Et puis de toute façon, après, tu es mort.
30:30 C'est exactement ce qu'il dit à Caroline.
30:31 Personne ne dit, OK, en fait, on va coller dans un truc.
30:34 Et un jour, on va oublier.
30:35 On s'est attaché par ce programme Evolevo, etc.
30:38 à leur remontrer que, alors même qu'ils avaient 56, 57,
30:43 ils avaient potentiellement toujours un parcours ascendant
30:47 ou horizontal, même si eux, comme nous,
30:51 on savait très bien que la chance de changer de fonction
30:54 était faible.
30:55 Mais ce n'est pas grave.
30:56 C'était le principe était possible.
30:58 Et d'ailleurs, dans certains cas, ça a marché.
31:00 Ça, c'est extrêmement important.
31:02 C'est ce que j'appelle les considérés, tous les âges d'ailleurs,
31:05 comme des salariés, comme les autres.
31:08 Et je suis absolument convaincu que, oui,
31:09 tous les parcours ne sont pas possibles quand on a 60 ans.
31:12 Mais ça ne veut pas dire qu'aucun parcours n'est possible.
31:14 Et ça, c'est de la volonté d'entreprise.
31:16 C'est de la conviction de dirigeants.
31:18 Si les dirigeants ne portent pas ça, c'est mort.
31:21 Parce que vous avez l'effet de Noria,
31:23 parce que les patrons parutionnels vous disent,
31:24 "Bon, enfin, quand même, tu es en train de me fourguer un vieux
31:27 qui coûte 20% plus cher qu'un jeune.
31:29 Et après, tu vas m'emmerder sur mes résultats."
31:31 Donc, c'est une affaire de conviction, en fait.
31:33 Et c'est une affaire, vous avez cité l'ESG,
31:35 c'est une affaire de responsabilité.
31:37 C'était le cas chez L'Oral, c'était le cas chez L'Oral,
31:38 c'était un peu le cas à la Massif, qui est de dire,
31:40 moi, j'ai la conviction très simple, et je finis par là,
31:42 que cette affaire des seigneurs, ce n'est pas une affaire politique,
31:45 ce n'est pas une affaire économique, c'est une affaire sociétale.
31:49 Tout simplement, je ne comprends pas comment on peut légiférer
31:52 sur les aidants et ignorer que quelqu'un qui paume son emploi
31:56 soit temps, c'est une catastrophe pour trois générations.
31:59 La sienne, évidemment, celle de ses enfants,
32:02 parce que souvent, il les aide pour se loger,
32:04 ou alors il y a encore, comme la digile,
32:06 il y a des deuxièmes parties de vie, donc il faut payer des études,
32:08 enfin, il y a tout un tas de trucs quand ils aident leurs enfants.
32:10 Et c'est une catastrophe pour ses parents,
32:11 parce qu'en fait, généralement, il est aidant.
32:14 Non, mais c'est vrai. Donc, je trouve que ce qui m'agace
32:17 un tout petit peu, comme vous devez le sentir,
32:18 c'est que les entreprises ont leur part, honnêtement,
32:25 les pouvoirs publics, j'attends toujours,
32:27 et on l'attend toujours, une politique seigneur,
32:29 parce que c'est un problème sociétal.
32:31 Et comme le disait Serge, et je finis comme ça,
32:33 on y va tout droit, c'est de la démographie,
32:34 c'est de la mathématiques, on peut raconter ce qu'on veut,
32:36 on y va tout droit. Donc, il va falloir y penser,
32:38 parce qu'on est infoutus de faire la cinquième branche
32:40 de la sécurité sociale.
32:41 Merci Benoît. On va tout droit à la fin de notre table ronde.
32:43 Je vais vous demander à chacun, et Caroline,
32:45 j'ai vu que vous vouliez intervenir,
32:47 qu'on doit retenir, ce qui est vraiment important
32:50 de cette table ronde.
32:52 Je vais prendre un exemple qui va parler à tout le monde.
32:55 Vous voyez qui est Zinedine Zidane ?
32:56 Peu près.
32:59 Donc, Zinedine Zidane, il a été,
33:01 alors moi, je ne connais pas grand chose,
33:02 je connais ce garçon-là, il a été footballeur professionnel,
33:07 un génie, etc. Bon, un jour, il a pris sa retraite.
33:10 Il est parti faire quoi ?
33:11 Élever des lèvres dans le Larzac ?
33:13 Un, deux, trois, quatre.
33:15 Pas élever des chèvres dans le Larzac.
33:16 Est-il parti élever des chèvres dans le Larzac ?
33:19 Non, il est devenu entraîneur.
33:22 C'est-à-dire que quand on est en dirigeant,
33:24 n'a-t-on qu'une option possible,
33:26 le jour où un senior est considéré comme vieux ?
33:29 Soit il sort, soit il sort ?
33:32 Ou est-ce que le contrat de travail est-il la fin de la relation ?
33:37 Ou est-ce qu'on ne peut pas envisager une autre relation
33:39 avec la personne qu'on souhaite voir partir ?
33:42 Parce qu'en fait, plus on grimpe dans la pyramide
33:44 aussi des responsabilités, moins il y a de jobs.
33:46 Dans le principe des chaises musicales,
33:48 est-ce que cette personne ne peut pas être transformée en coach,
33:50 en business accompagnateur ?
33:51 Qu'est-ce qu'on lui offre d'autre pour...
33:53 Et je suis, mais je valide à 500 %,
33:56 il... regardons ce qu'il sait encore faire,
33:59 ce qu'il connaît de l'entreprise,
34:01 ce qu'il connaît des mythes fondateurs, de la culture,
34:03 plutôt que de regarder ce qu'il ne sait plus faire.
34:06 Frédéric, votre mot de la fin.
34:08 L'urgence, l'urgence à agir.
34:10 Il faut que ça change, tout simplement.
34:12 Et puis le fait qu'on est tous responsables, finalement,
34:15 responsables de donner des preuves à l'entreprise
34:18 de la performance et puis, surtout, de démontrer, en fait,
34:22 qu'aujourd'hui, on a besoin, tout simplement,
34:24 de toutes les forces vives dans l'entreprise
34:26 pour adresser toutes les transformations
34:28 et les transitions environnementales et sociales
34:31 qui sont devant nous.
34:32 Et peut-être juste un point,
34:34 comme je suis aussi administratrice,
34:36 j'avais envie de dire que ce serait bien,
34:38 il y a peut-être des administrateurs,
34:39 des membres de conseil dans la salle,
34:41 aussi, que les gouvernances de toutes les entreprises
34:43 s'emparent du sujet, en fait,
34:45 au titre de la responsabilité sociale, sociétale
34:48 de l'entreprise,
34:50 tant les directions exécutives
34:51 que les conseils d'administration, me semble-t-il,
34:53 sont en responsabilité aussi là-dessus
34:57 et devraient être ambassadeurs
34:59 de cette entreprise plus inclusive, plus responsable,
35:01 dont on a besoin, tout simplement, pour, encore une fois,
35:04 on a des urgences vitales devant nous,
35:07 écologiques, sociales, etc.
35:09 Et c'est quand même dommage de se priver
35:12 d'un tiers de la population active pour les adresser.
35:15 Gilles, qu'est-ce qu'on doit retenir de nos échanges ?
35:21 À l'évidence, il y a plusieurs leviers
35:24 sur lesquels il faut agir.
35:27 Nous, on vient de terminer à Paris, il y a quelques jours,
35:29 une série d'événements qu'on a appelé "Elan Senior",
35:32 qu'on a mené en région.
35:33 On a des ateliers qui mélangeaient des entreprises,
35:37 des seniors, des experts, des acteurs de l'écosystème emploi.
35:41 On a identifié toute une série de pistes
35:43 qu'on veut mettre au débat, puisque, vous le savez,
35:46 il va y avoir, dans quelques semaines,
35:48 une négociation interprofessionnelle
35:52 sur la question de l'emploi des seniors,
35:54 qui ensuite donnera lieu à une loi,
35:56 puisque toute la composante emploi des seniors,
35:59 de la réforme des retraites, je vous rappelle,
36:01 a été censurée par le Conseil constitutionnel.
36:04 Et donc, pour l'instant, on a un grand vide.
36:06 Pour remplir ce vide, le gouvernement a dit
36:08 aux partenaires sociaux de prendre la main,
36:10 ils vont négocier, derrière, il y aura une loi.
36:12 Ces sujets-là, c'est le moment de pousser
36:16 des propositions, des idées, des leviers.
36:18 Et j'en retiens juste un,
36:21 parce que je rebondis sur le terme de questions sociétales.
36:25 Oui, une partie du sujet
36:28 nous renvoie à des représentations,
36:31 à des stéréotypes, à des préjugés.
36:34 Et ça, on sait que c'est le plus compliqué à changer,
36:39 parce que ça, ça ne se règle pas par un décret, une loi,
36:42 un mécanisme ou un index, etc.
36:44 On l'a vécu et on le vit encore
36:46 sur l'égalité professionnelle à l'homme.
36:48 Enfin, on voit tout le chemin qu'il a fallu faire
36:51 et qui reste encore à faire pour changer des représentations.
36:54 Et voilà, je pense qu'il faut aussi agir sur ce terrain-là,
36:58 en mettant un peu les pieds dans le plat
37:01 et en disant oui, l'agisme, ça existe et ça n'est pas acceptable.
37:05 Et c'est suicidaire à long terme pour notre société,
37:09 pour notre marché du travail et pour notre cohésion sociale.
37:12 Merci beaucoup à tous les quatre.
37:14 Comme annoncé, on va maintenant parler formation.
37:16 Je pense qu'on peut vous applaudir.
37:19 [Applaudissements]
37:21 [Musique]