Yoann Usaï - La laïcité, un concept trop faible face à l'extrémisme ?

  • il y a 5 mois

Aujourd'hui dans "Punchline", Yoann Usaï et ses invités reçoivent Fabrice Haccoun, auteur et entrepreneur, sur la question de la l'évolution de notre société.
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Transcript
00:00 On vous accueille à présent sur ce plateau Fabrice Hakoun.
00:02 Bonjour.
00:03 Soyez le bienvenu, on vous accueille pour votre livre
00:06 "Rallumons les Lumières pour sortir la France de l'obscurité"
00:10 publié aux éditions de l'Archipel.
00:13 La France dans l'obscurité, ma première question elle est simple,
00:16 qui a plongé la France dans cette obscurité, dans l'obscurantisme ?
00:19 Alors, je pense que ça s'est fait au fur et à mesure, au fil du temps malheureusement.
00:23 On a renoncé, il y a maintenant à peu près 30 ans,
00:27 à la philosophie qui est sous-tendue à la création de la démocratie française,
00:32 c'est-à-dire la philosophie des Lumières, en particulier l'égalité,
00:35 le respect de toutes les confessions, de tous les cultes,
00:39 le respect de la liberté de penser en fait,
00:42 et donc ça s'est étiolé au fur et à mesure.
00:44 Moi j'étais au lycée Voltaire en 1986,
00:46 il y avait une coexistence extraordinaire, on était de toute confession,
00:50 on avait des opinions politiques extrêmement différentes,
00:53 jamais il n'y a eu la moindre atteinte antisémite, la moindre insulte raciste,
00:57 on vivait ensemble en fait,
00:59 mes collègues du lycée de confession musulmane étaient laïcs,
01:04 et on se battait en fait ensemble, pour la même société,
01:07 contre à l'époque l'extrême droite.
01:09 Et en 2000, j'ai posé la graine de ce livre,
01:12 même si je l'ai fait bien plus tard, en 2000 j'ai vu un reportage
01:15 dans lequel des jeunes refusaient d'aller visiter le camp de Jvitts,
01:18 c'était un reportage dans la cour d'un lycée,
01:20 et là je me suis dit "mais c'est pas possible, je ne reconnais pas mon pays,
01:23 vous aviez des communautés qui se faisaient front au sein de cette cour d'école,
01:28 en l'an 2000, juste après la seconde intifada,
01:30 et là je me suis dit "il faut que je m'implique".
01:32 Et donc je me suis impliqué d'abord en faveur des jeunes issus des quartiers,
01:34 en faveur de l'emploi essentiellement,
01:36 pour recréer les ponts et les liens qui avaient été coupés.
01:39 Vous dites "la haine de la France, motivée par son histoire coloniale,
01:43 entretenue par la gauche, est encore plus dangereuse que le djihadisme,
01:46 qui en est la conséquence".
01:48 Exactement, en fait je pense que la gauche,
01:51 en particulier l'extrême gauche, mais la gauche a laissé faire quelque part,
01:54 a fécondé in vitro l'islam radical.
01:58 L'islam radical n'est qu'une conséquence,
02:00 c'est un système politique antagoniste au système politique que je défends,
02:03 qui est le système républicain,
02:05 et l'émergence de l'islam radical n'a pu être possible
02:08 que parce que la gauche l'a encapsulée,
02:10 parce qu'orpheline des grandes causes ouvrières,
02:12 elle s'est tournée vers d'autres causes,
02:14 elle a trouvé les derniers damnés de la Terre,
02:16 qui étaient selon elle les musulmans,
02:18 et donc elle a encapsulé, sauf qu'elle prend en otage
02:20 nos concitoyens musulmans qui n'ont rien à voir avec tout ça.
02:23 Vous parlez beaucoup de la gauche,
02:25 qui vous tenait responsable en très grande partie de la situation du pays,
02:28 vous dites également "pour survivre, la gauche,
02:30 qui ne prospère que dans le chaos et la bipolarisation,
02:33 a dû se rabattre en urgence sur la race, l'identité et le genre".
02:37 C'est toute la stratégie de Jean-Luc Mélenchon que vous décrivez là.
02:40 Bien sûr, absolument, vous l'avez bien lu.
02:42 C'est Pascal Bruchter qui défend ça à l'origine,
02:44 et je l'ai bien lu, et il a tout à fait raison là-dessus.
02:47 Il y a eu besoin de se raccrocher pour ne pas disparaître
02:49 après l'effondrement du mur de Berlin,
02:52 et finalement le fait que tous les pays du bloc socialiste
02:55 ont choisi l'économie de marché et plutôt le libéralisme,
02:57 il a fallu se raccrocher aux branches,
02:59 et ça a été la race, l'identité et le genre.
03:01 Et ce qui est incroyable aujourd'hui,
03:03 c'est qu'on a l'impression de régresser au lieu de progresser.
03:06 Voulant des progressistes, c'est surprenant.
03:08 C'est une stratégie qui est évidemment dangereuse,
03:11 la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, j'entends,
03:13 et vous allez même, vous, jusqu'à dire
03:15 que cette stratégie de Jean-Luc Mélenchon,
03:17 elle peut inciter certains carrément à passer à l'acte.
03:20 Ah bah oui, bien entendu.
03:22 Les mots précèdent toujours les actes.
03:24 Je veux dire, au 19e siècle,
03:26 on a eu des grands propos antisémites,
03:28 les grandes rhétoriques antisémites avec l'affaire Dreyfus,
03:30 et puis par la suite, la droite qui avait cette antisémite,
03:33 ça a permis au nazisme et à la collaboration.
03:40 Et puis après, si on prend d'autres exemples ailleurs,
03:42 en Afrique par exemple, la radio des Mille Collines,
03:44 qui avait ces propos racistes permanents envers les Tutsis,
03:48 qui ont mené au passage à l'acte.
03:49 Le mot précède toujours l'acte.
03:51 Alors pour réagir à vos propos, Sabrina Medjéber.
03:54 Oui, je voulais vous poser une question.
03:55 Votre ouvrage, je ne l'ai pas lu, mais il a l'air très intéressant
03:58 puisqu'il est au cœur de ce dont on parlait précédemment,
04:01 c'est-à-dire les chapelles communautaires
04:02 qui se constituent d'année en année dans notre pays.
04:05 Comment faire pour créer à nouveau des structures
04:07 de socialisation dans ces quartiers, monsieur,
04:10 sachant que la plupart sont clairement ou abandonnés
04:13 par les pouvoirs publics, ou alors constitués
04:16 en petits narco-états ou en petits territoires, malheureusement,
04:20 on va dire islamo-souverains, sans essentielliser évidemment
04:24 les personnes de confession musulmane.
04:26 Comment faire pour arrêter la machine clientéliste
04:29 qui finance des associations ?
04:30 Je complète la question parce que vous, vous dites effectivement
04:33 qu'il faut revenir aux fondamentaux.
04:34 Si on veut sauver la France, il faut revenir aux fondamentaux.
04:36 Quels sont ces fondamentaux, selon vous ?
04:38 En fait, je pense qu'il y a une nécessité de rétablir
04:40 l'ordre public sur tout le territoire.
04:42 Il n'y a pas de coexistence possible sans vivre ensemble
04:47 et sans partager en fait le même espace.
04:50 Et or, aujourd'hui, on a des ghettos qui se sont constitués
04:52 parce que l'Etat ayant renoncé à l'ordre public,
04:56 ceux qui avaient le choix sont partis
04:58 et ont finalement laissé entre eux des communautés.
05:01 Je vais vous prendre un exemple, Sarcelles.
05:03 Moi, je connaissais très, très bien Sarcelles il y a 40 ans.
05:06 Je partais en week-end, j'habitais en plein Paris.
05:08 J'allais en week-end à Sarcelles chez mes cousins
05:10 parce que c'était un endroit qui était absolument formidable,
05:13 dans lequel on rencontrait tout le monde.
05:14 Le lycée Jean-Jacques Rousseau était un lieu de vie commune
05:17 et dans lequel les gens se connaissaient.
05:19 Et donc, si vous prenez une personne de Sarcelles aujourd'hui
05:22 qui a 50-60 ans et que vous lui dites
05:24 "Qu'est-ce que vous pensez des Juifs ? Est-ce que tous les Juifs sont riches ?
05:27 Ou est-ce que tous les Juifs dominent le monde ?"
05:28 Il va vous rirener parce qu'ils vivaient ensemble.
05:30 Aujourd'hui, allez voir des jeunes à Sarcelles,
05:32 des jeunes de 20 ans, et dites-leur ce qu'ils pensent des Juifs.
05:34 Vous allez voir.
05:35 Gabriella Cruzel.
05:36 Oui, j'écoute avec intérêt tout ce que vous dites,
05:39 mais vous avez raison, ça vient de loin, tous ces phénomènes.
05:41 Mais néanmoins, je mettrais un petit bémol,
05:43 c'est que dans les années 80, c'est des années SOS racisme
05:47 qui ont fait de l'immigré une figure quasi-christique
05:52 qu'on n'avait pas le droit de critiquer.
05:55 Et ça, vous le dénoncez dans votre bouquin d'ailleurs.
05:56 Donc si vous voulez, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous
05:59 sur ce constat d'années 80 formidables,
06:03 puisque nous étions déjà le processus avancé doucement,
06:07 ça a tout à fait stérilisé la parole sur ce sujet.
06:10 Alors, il y a eu une instrumentalisation, c'est ce que je dénonce.
06:12 Je dénonce justement SOS racisme et l'instrumentalisation de l'antiracisme
06:16 avec finalement cette tenaille dans laquelle la gauche a pris la France,
06:21 victimisation d'un côté, culpabilisation d'autre.
06:23 Et alors là, c'est un étau dont il est très difficile de se sortir.
06:26 Tatiana Renard-Brasac.
06:28 Est-ce qu'on ne peut pas un peu nuancer en disant,
06:30 Johan expliquait en fait que c'était la gauche qui avait mené la situation, etc.
06:34 Dire que d'un côté, il y a du pur électoralisme, je pense, à l'extrême-gauche,
06:38 et de l'autre côté, une gauche plus traditionnelle républicaine,
06:41 plus centre-gauche, on va dire, qui elle, était plus dans le déni,
06:44 c'est-à-dire qui n'a jamais osé nommer les choses, par peur, par déni, etc.
06:48 Du coup, comment on fait pour arriver d'abord à remettre des mots sur ces mots, M-A-U-X,
06:53 et surtout comment on lutte, comment on fait face à ce repli communautaire
06:56 dans nombreux quartiers, ce que vous évoquez,
06:58 comment on refait société, comment on recrée du lien ?
07:01 Est-ce que c'est une histoire seulement de religion ? Je ne pense pas.
07:04 Loin de là, comment on fait pour lutter contre ce repli communautaire ?
07:07 De deux manières. Une partie, vous le faites.
07:09 C'est-à-dire qu'en fait, on a aujourd'hui une presse qui est beaucoup plus plurielle
07:11 qu'elle ne l'était il y a 20 ou 30 ans, ça, c'est une réalité.
07:14 Et la deuxième chose, c'est qu'il faut aller au contact.
07:16 Moi, je vais régulièrement à Bondy, je vais dans le 10e arrondissement de Paris,
07:21 dans le 19e, un peu partout, dans les lycées, je vais à la rencontre des jeunes.
07:24 Et je peux vous dire que c'est beaucoup plus pluriel qu'on ne l'imagine.
07:27 C'est-à-dire qu'on n'entend que les activistes,
07:29 on n'entend que ceux qui veulent faire du bruit et semer le chaos,
07:33 mais on ne voit pas tous ceux qui veulent réussir et qui ne demandent qu'à ce qu'on cesse
07:37 de les essentialiser, en fait, et de les considérer comme des victimes.
07:40 Personne n'a envie d'embaucher une victime, personne n'a envie de louer son appartement à une victime.
07:44 Donc, ils demandent simplement qu'on cesse de les essentialiser et de les instrumentaliser.
07:48 Et c'est une réalité. Moi, j'y vais, je dirige un groupe de services informatiques,
07:51 en tout cas, à l'époque, quand je faisais ça, je dirigeais un groupe de services informatiques.
07:54 Maintenant, j'ai un peu d'autres fonctions. Et quand j'y allais, la plupart des jeunes
07:57 avaient été renseignés sur le cours de bourse de la boîte que je dirigeais,
08:00 sur ces activités, et il m'est arrivé de devoir rester une demi-heure ou une heure de plus
08:04 avec des jeunes qui ne voulaient pas me lâcher parce qu'ils avaient trouvé une porte de sortie.
08:08 J'étais comme une espèce de porte de sortie pour eux,
08:10 pour sortir effectivement de la nasse dans laquelle on essaye de les enfermer.
08:14 Ce que vous me dites, c'est de recréer du mage territorial,
08:16 c'est ça, des associations, de la posée de proximité, c'est ça, au contact,
08:19 aller au cœur des quartiers, recréer du dialogue.
08:22 Vous avez 10 secondes pour répondre.
08:24 C'est simplement de la proximité directe,
08:26 arrêter avec les strates intermédiaires, les associations.
08:28 Oui, surtout pas.
08:29 Merci beaucoup Fabrice Hakoun d'être venu ce soir sur le plateau de CNews et d'Europe 1.
08:34 Je vous remercie. Merci Tatiana Renard-Barzak,
08:36 merci à Louis Deragnelle, à Sabrina Medjeber et à Gabriel Cluzel.
08:40 Merci à vous de nous avoir suivis.
08:42 Dans un instant, vous avez rendez-vous sur CNews avec Christine Kelly, face à l'info,
08:46 et puis Hélène Zenani sur Europe 1 pour Europe 1 soir.
08:49 Quant à moi, je vous retrouverai demain à la même heure avec un très grand plaisir.
08:53 Très belle soirée à tous sur nos deux antennes.
08:55
09:05 18h-19h sur CNews et Europe 1.
09:08 Punchline.

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