Un monde où les humanoïdes deviennent les serviteurs des êtres humains ? C’est le décor dans lequel nous plonge Joël Pommerat à travers sa pièce Contes et légendes qui questionne les rapports de l’Homme avec l’IA. Retour sur un spectacle qui annonce ce qui pourrait arriver dans des pays occidentaux, vieillissants et dépourvus de main d'œuvre ou la machine pourrait s’avérer être un auxiliaire de vie accepté.
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00:00 *Générique*
00:06 On termine cette édition avec David Lacombe, l'aide le président du Think Tank, la villa de numérisme.
00:09 Bonjour David.
00:10 Bonjour Delphine.
00:11 Et aujourd'hui on part au théâtre, c'est super !
00:13 Vous nous emmenez voir "Contes et légendes" de Joël Pommerat qui met en scène des humanoïdes.
00:17 Exactement. La pièce s'est terminée il y a quelques jours avec un exercice d'anticipation.
00:24 Vous me direz, c'est l'art d'être en avance sur son temps.
00:27 Même si là on est sur un exercice d'anthropologie, à la rencontre d'humanoïdes,
00:32 ils sont qualifiés comme tels sur scène, qui ont la spécificité d'être des serviteurs,
00:38 des serviteurs des humains, qu'ils leur fassent les courses, qu'ils gardent leurs enfants.
00:43 Et d'ailleurs ils font un peu peur aux adolescents parce qu'ils sont étranges,
00:49 ils sont, à leur image aussi, moins réels et un peu plus stroboscopiques.
00:55 Je ne le tiens pas encore complètement, l'humanoïde.
00:57 C'est drôle, c'est émouvant, c'est bien dirigé, c'est bien joué.
01:01 Avec une pièce qui a été créée avant l'avènement des IA génératives
01:06 et qui a donc été remise au jour à cette aune-là.
01:10 Et effectivement c'est un bon spectacle.
01:12 Et alors quels enseignements en tirez-vous ?
01:15 C'est l'annonce en quelque sorte de ce qui pourrait arriver dans des pays occidentaux comme le nôtre,
01:21 des pays vieillissants avec de la main-d'œuvre qui va se faire rare,
01:27 et où finalement les machines pourraient devenir de parfaits auxiliaires de vie acceptés.
01:33 Regardez d'ailleurs ce qui se passe au Japon ces 30 ans d'avance,
01:36 sur ce qui pourrait très bien arriver en Europe.
01:40 Et ces robots ne sont jamais aussi bons que lorsqu'ils sont interprétés par des humains.
01:46 C'est le cas sur scène.
01:48 Et ça me rappelle d'ailleurs ces humanoïdes que l'on voyait dans la série "Real Human",
01:55 100% humain, qui avait été diffusée en 2012 sur Arte,
02:01 avec quelques biais, il faudrait avoir les cheveux longs, la mèche sur le côté,
02:08 et l'arrêt quand on est un robot.
02:10 Alors ça me rappelle un peu le Turc humain.
02:13 Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette machine, de cet automate.
02:18 L'automate est l'ancêtre du robot, qui jouait aux échecs,
02:24 et il y avait un humain caché en dessous.
02:27 Alors ça a été détruit dans un incendie, depuis il y a eu une réplique,
02:31 avec un logiciel qui cette fois-ci joue très bien aux échecs d'ailleurs.
02:37 Et on a vu depuis que les IA savaient faire des prouesses.
02:41 Souvenez-vous du match Gary Gasparov-Deep Blue, dans les années 90,
02:47 où le maître d'échecs avait gagné certes le match aller,
02:50 mais c'est bien la machine qui avait gagné le match retour.
02:54 Et des Turcs mécaniques, on en a vu quand même beaucoup en matière numérique,
02:58 songez d'ailleurs aux fermes Hacklik ou à Troll,
03:02 qui viennent s'appeler d'ailleurs l'opinion,
03:05 et truander en quelque sorte les audiences.
03:09 - Mais on a accepté cette partie d'intelligence logicielle,
03:12 on n'a pas encore basculé totalement dans un monde d'humanoïdes ?
03:15 - Non, parce que si Dieu a fait l'homme à son image,
03:19 l'homme et l'être humain qui est finalement le dieu du siècle numérique,
03:23 qui commence à peine, est en train de créer le robot à sa propre image,
03:29 avec là aussi quelques biais me semble-t-il.
03:31 - Quels biais, expliquez-nous ?
03:33 - Des biais d'automatisation, tiens, tiens,
03:36 qui font qu'on a plutôt tendance à avoir une confiance exagérée dans la machine.
03:42 On en a déjà parlé sur ce plateau.
03:45 On est un jour férié, je sais bien que le magasin au coin de la rue est fermé,
03:48 mais pourtant mon moteur de recherche me dit qu'il est ouvert,
03:51 et je vais quand même au magasin.
03:52 Alors ça peut prêter à sourire, il y a eu des exemples plus dramatiques
03:55 de personnes qui ont cru mordicus leur GPS,
03:59 et qui sont retrouvées dans des sables mouvant au milieu de plages.
04:04 Et effectivement il y a une certaine dépendance,
04:06 ne serait-ce qu'à nos téléphones mobiles, de véritables doudous numériques,
04:11 et qui nous offrent une image telle un miroir,
04:14 non pas de ce que l'on est, mais de ce qu'on aimerait y voir.
04:19 - Est-ce qu'on s'attache aux machines, David ?
04:21 - Oui, on s'attache, et c'est un peu troublant quand même.
04:24 Moi je me souviens d'enfants qui embrassaient leur nabastak,
04:27 qui étaient ces petits lapins dans les entrées des foyers.
04:31 Mais regardez vos promptes, comment vous leur parlez ?
04:34 Est-ce que vous les voyez, vous les tutoyez ? Est-ce que vous donnez des noms ?
04:38 Ok, Google, de rien, ça c'est pour ceux qui ont un appareil,
04:42 dites-moi comment je vous parle,
04:46 et je vous en dirai un peu plus sur le taux et le niveau d'humanité
04:49 que vous mettez dans votre machine.
04:53 Qui dit humanité, dit droit.
04:55 Et donc demain, est-ce qu'il va falloir créer un droit spécifique pour les robots ?
04:59 On a déjà des candidats à la présidentielle qui avaient bien voulu les taxer.
05:03 Mais effectivement, certainement demain, il y aura-t-il des droits associés à des robots,
05:09 comme de toute façon il y a déjà des droits associés aux entreprises, par exemple,
05:12 qui ont une personnalité morale indépendante de celle des humains.
05:15 - Merci beaucoup David Lacomblet de la Villa Numéris,
05:19 et puis merci à vous de nous suivre avec une grande fidélité sur Bsmart,
05:22 et également en podcast et en replay.
05:25 A très vite, vous souhaitez une excellente journée.
05:27 [Musique]