L'INTÉGRALE - L'affaire du docteur Sheppard : les traces de sang mènent au meurtrier

  • il y a 6 mois
Il est l'homme qui a inspiré le personnage du docteur Richard Kimble dans la série et le film Le Fugitif. Dans la vraie vie, il était le docteur Sam Sheppard. Jamais en fuite, lui, mais accusé, à l'été 1954, dans une banlieue résidentielle de Cleveland, du meurtre épouvantable de son épouse. Affaire qui va devenir l'archétype de l'erreur criminelle. Comment la science a t-elle changé le décor de la scène de crime ?
Retrouvez tous les jours en podcast le décryptage d'un faits divers, d'un crime ou d'une énigme judiciaire par Jean-Alphonse Richard, entouré de spécialistes, et de témoins d'affaires criminelles.
Regardez L'heure du Crime du 29 mars 2024 avec Jean-Alphonse Richard.

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Transcript
00:00 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL.
00:05 Jean-Alphonse Richard.
00:07 C'est simple, la personne qui a tué Marilyn Shepard aurait dû être couverte de sang.
00:13 Et Sam Shepard n'avait aucune trace de sang sur lui.
00:16 Il a été condamné alors qu'il est innocent.
00:19 Bonjour, il est l'homme qui a inspiré le personnage du docteur Richard Kimball dans la série et le film "Le Fugitif".
00:27 Dans la vraie vie, il était le docteur Sam Shepard, jamais en fuite lui,
00:31 mais accusé à l'été 1954 du meurtre épouvantable de son épouse,
00:36 affaire qui va devenir l'archétype de l'erreur criminelle.
00:40 A l'époque, ce chirurgien de renom, playboy à la clientèle florissante,
00:45 va ainsi se changer en suspect numéro 1,
00:48 désigné par les enquêteurs et les journaux locaux comme le seul coupable possible de ce meurtre sauvage.
00:54 Il va être condamné à la perpétuité.
00:57 La marche pour la réhabilitation sera longue.
01:00 Au fil des années, des expertises et l'étude des taches de sang dans la maison vont livrer un tout autre scénario,
01:07 désigné un autre suspect sur lequel on aurait trop vite fermé les yeux.
01:11 Pourquoi fallait-il condamner à tout prix le médecin ?
01:14 Comment avec cette affaire la science a changé à jamais le décor des scènes de crime ?
01:19 Question posée aujourd'hui à nos invités.
01:22 L'affaire du docteur Shepard, les traces de sang mènent au meurtrier.
01:26 C'était un homme costaud, aux cheveux ébouriffés, on s'est battu, il m'a assommé.
01:30 Quand je suis revenu à moi, ma femme était morte.
01:34 L'enquête de l'heure du crime, la seule émission radio 100% fait d'hiver, à tout de suite sur RTL.
01:40 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL.
01:44 Jean-Alphonse Richard.
01:46 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL.
01:50 Jean-Alphonse Richard.
01:52 Dans l'heure du crime aujourd'hui, l'affaire du docteur Sam Shepard.
01:55 A l'été 1954, ce jeune neurochirurgien réputé va être présenté comme l'acteur principal d'un crime sauvage.
02:02 Son épouse assassinée en pleine nuit par un rôdeur, comme dit le médecin, ou par lui-même ?
02:09 Dimanche 4 juillet 1954, autour de 5h30 du matin,
02:14 Spencer Hook, le maire de Bay Village, une banlieue résidentielle de Cleveland,
02:20 est tiré de son lit par la sonnerie du téléphone.
02:23 Au bout du fil, il reconnaît la voix tremblante de l'un de ses voisins et amis, le docteur Sam Shepard.
02:29 « Je t'en supplie, Spence, viens vite, je crois qu'ils ont tué Marilyn. »
02:33 Spencer Hook et son épouse Esther arrivent tout de suite au 28 924 West Lake Road,
02:40 une grande et belle maison qui donne directement sur le lac Erier.
02:44 Le couple trouve Sam Shepard dans le salon, au rez-de-chaussée, prostré, appuyé contre un fauteuil.
02:50 Il porte des blessures au visage, comme des coupures.
02:53 Le chien de la maison erre dans la pièce.
02:56 Esther Hook file à l'étage en empruntant un escalier maculé de sang.
03:00 Dans une chambre, Marilyn Shepard, 31 ans, gît sur le dos, allongée, sur le lit double qui n'a pas été défait.
03:07 Le pantalon de son pyjama est baissé jusqu'aux chevilles, elle est couverte de sang, son visage est méconnaissable,
03:13 défiguré par les coups reçus.
03:15 Il y a beaucoup de sang sur les murs, sur le sol de la chambre.
03:19 Esther Hook prend le pouls de la victime, mais elle ne perçoit rien.
03:23 Dans une chambre voisine, elle trouve le petit garçon du couple, Sam Junior, 7 ans, sain et sauf.
03:29 Il n'a rien entendu, il dort profondément.
03:32 La police de Bay Village et celle de Cleveland sont sur place.
03:36 Le légiste dénombre 25 blessures profondes au visage et sur les côtés de la tête de Marilyn.
03:42 Elle porte de nombreuses fractures, des lacérations, elle a succombé sous les coups, morte d'une hémorragie.
03:48 Les blessures du mari sont moins importantes.
03:51 Il indique s'être battu avec l'agresseur.
03:53 Le docteur Shepard raconte que la famille a dîné ce soir-là avec un couple d'amis sous la véranda face au lac.
04:00 Tout le monde a ensuite regardé un match de baseball, puis un film à la télé.
04:04 Les amis sont rentrés chez eux.
04:06 Shepard dit s'être assoupi dans le canapé du salon.
04:10 Il a été réveillé en sursaut à une heure, qu'il ne peut pas préciser, par les cris ou les pleurs de Marilyn.
04:16 Je me suis précipité à l'étage.
04:18 En entrant dans la chambre, j'ai reçu un coup violent à l'arrière du crâne.
04:21 J'étais groggy.
04:22 Puis j'ai entendu du bruit au rez-de-chaussée.
04:24 J'ai aperçu une silhouette, raconte le docteur.
04:27 C'était un homme blanc, costaud, les cheveux ébouriffés.
04:30 Shepard dit avoir poursuivi l'inconnu jusque sur la plage.
04:34 Ils se sont battus.
04:35 Il a été à nouveau assommé quand il a repris connaissance.
04:38 Il était allongé sur le sable.
04:40 Le légiste indique que Marilyn Shepard, enceinte de 4 mois, n'a pas été violée.
04:46 En dépit du pyjama arraché, la plage est ratissée.
04:49 Dans un buisson, on trouve la montre du docteur Shepard, tachée de sang,
04:53 une bague, une chaîne, des bijoux, perdus par le meurtrier.
04:56 Le vol serait donc le mobile, même si aucune trace d'effraction n'est relevée.
05:01 Jeudi 22 juillet, 18 jours après le drame, Sam Shepard est entendu pendant 3 jours par le coroner Samuel Gerber.
05:10 Le coroner, c'est le légiste qui dirige l'enquête.
05:13 Audition curieusement organisée dans un gymnase.
05:16 Et où les journalistes ont les bienvenus.
05:18 Le chef d'enquête a des doutes sur Shepard.
05:20 Il est questionné sur une liaison adultère qu'il entretient avec une infirmière, Suzanne Heiss.
05:27 Il dément, mais il ne dit pas la vérité.
05:30 La liaison va bientôt être rendue publique.
05:32 Les journaux vont alors se déchaîner sur ce médecin de 30 ans, bronzé, beau garçon qui plaît aux femmes,
05:38 et fait du skinotique sur le lac Erier.
05:40 Le couple qu'il formait avec Marilyn était des plus glamours.
05:44 Un bonheur parfait qui cache des secrets.
05:47 Va écrire un journal.
05:49 Sam Shepard attire toute l'attention.
05:52 On en oublie même le fameux suspect aux cheveux ébouriffés qui est introuvable.
05:56 L'étau va donc se resserrer sur ce brillant chirurgien qui, peut-être, pourquoi pas, avait des raisons de tuer sa femme.
06:02 On va voir cela dans la suite de l'heure du crime.
06:05 Pour l'instant, il faut aller à Bay Village, cette banlieue huppée de Cleveland.
06:10 Et on y va dans cette banlieue avec l'un de nos invités, c'est Philippe Coste.
06:14 Bonjour Philippe.
06:15 Bonjour.
06:16 Merci infiniment d'être avec nous en direct depuis les États-Unis où vous vivez.
06:20 Vous vivez à New York, vous êtes journaliste, évidemment, aux États-Unis.
06:23 Vous y habitez depuis de nombreuses années.
06:25 Tout le monde connaît l'affaire Sam Shepard.
06:27 C'est un grand classique des affaires criminelles, Sam Shepard.
06:31 Philippe Coste, je l'ai dit, il y a ce meurtre, cette scène de crime épouvantable dans un quartier chic.
06:37 Alors, ça fait tout de suite une des journaux locaux, puis nationaux.
06:42 Oui, il faut imaginer ce qu'est Bay Village.
06:45 D'ailleurs, Bay Village est toujours un de ces quartiers résidentiels absolument magnifiques de la région de Cleveland.
06:54 Ses habitants sont toujours des professions libérales.
06:58 L'élite, ce sont un peu des lords.
07:01 C'est la noblesse de Cleveland.
07:04 Il faut imaginer le contraste qui existe entre ce quartier et Cleveland lui-même,
07:09 une ville industrielle à l'époque, tellement polluée d'ailleurs qu'un jour la rivière locale prendra feu.
07:16 Il y a un contraste dans l'imaginaire américain entre...
07:20 Il y a presque une lutte des classes, je dirais, qui est inscrite dans cette architecture magnifique de Bay Village.
07:27 Un mot encore, Philippe Coste.
07:29 Les Shepards, ils sont jeunes et beaux tous les deux.
07:33 Ils sont brosés.
07:34 On est vraiment une photo, une carte postale presque de l'Amérique des fifties.
07:38 Oui, c'est la réussite.
07:41 C'est l'image même de la réussite.
07:43 C'est l'image aussi du "old money", de l'argent ancien,
07:47 de cette bourgeoisie de l'establishment, presque, je dirais, dans l'imaginaire américain, presque aristocratique,
07:55 un peu intouchable, vivant en marge dans un monde assez idyllique.
08:00 L'Amérique est en train de changer à cette époque.
08:02 Et effectivement, on regarde avec attention, avec envie, avec fascination,
08:10 ce milieu social tellement détaché de l'univers un peu prolétaire de Cleveland.
08:16 Et effectivement, ce Dr Shepard, il attire tellement l'attention que toute la lumière est sur lui.
08:20 Et très vite, on le montre aux journalistes et puis on le questionne sans arrêt.
08:25 Et ce, dès le début.
08:26 Bonjour Céline Niclou.
08:27 Bonjour.
08:28 Merci infiniment d'être avec nous aujourd'hui dans le studio de l'heure du crime.
08:32 Vous êtes morpho-analyste des traces de sang au sein de l'IRCGN,
08:36 c'est l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale.
08:39 Vous êtes la seule femme experte d'ailleurs en morpho-analyse en France
08:43 et co-auteur avec Peggy Haliman du livre "Crime, psychocriminologie"
08:53 et "Morpho-analyse des traces de sang" qui est publié aux éditions Darkside.
08:57 Alors, si vous voulez tout connaître sur cette technique de la morpho-analyse des traces de sang,
09:01 parce qu'on voit beaucoup en parler dans cette émission,
09:03 il faut lire ce livre qui est tout à fait passionnant.
09:06 Alors, on va revenir, effectivement c'est à cette époque que va surgir cette technique,
09:10 on va y revenir.
09:11 Je voudrais savoir, il y a beaucoup de traces de sang dans cette maison,
09:15 dans la chambre, dans l'escalier.
09:17 Est-ce que dès lors, on peut établir un itinéraire à partir de ces traces de sang ?
09:22 Alors, pour avoir regardé à nouveau les photos de 1954 qui étaient en noir et blanc,
09:27 il y a toute une partie de la maison où ce n'est pas évident,
09:31 parce qu'on est sur de la moquette qui est assez sombre et on a du noir sur du noir.
09:35 C'est difficile de savoir qu'est-ce qu'il y a des traces de sang du mobilier et de la décoration.
09:42 En revanche, ce n'est plus possible d'examiner les traces dans la chambre,
09:46 puisqu'on est sur des murs qui sont blancs, avec des traces sur les murs.
09:50 Donc là, c'est beaucoup plus évident d'observer les projections.
09:53 Et donc, dans la chambre, on voit qu'on a toute une série de projections
09:56 qui vont nous indiquer des coups portés sur une source sanglante.
10:01 Des coups portés par un élément contendant, ce qui n'était pas le cas à l'époque.
10:06 Et dans le cheminement, on voit des traces qui sont indiquées dans les escaliers
10:12 et sur la moquette du salon, sans pouvoir déterminer s'il s'agit de traces de transfert
10:17 ou des traces qui sont tombées.
10:19 Et déjà, il y a un parcours, une ambiance, etc.
10:21 On voit un peu la violence qu'il y a pu y avoir dans cette chambre.
10:24 C'est important.
10:25 Et vous parliez, c'est très important, l'arme du crime.
10:28 A l'époque, ça va très vite.
10:31 On dit que c'est sûrement un couteau ou même un scalpel, puisqu'il est chirurgien chez Pardon.
10:35 Ça tombe bien.
10:36 Ce n'est pas tout à fait ça.
10:38 Non, on regarde les traces de sang, on voit bien qu'il s'agit plutôt d'utilisation d'un objet contendant.
10:43 Un peu ronde, de forme ronde.
10:44 En tout cas, un objet plutôt lourd qui va venir avoir une surface d'impact avec une source de sang.
10:50 Donc, on est plutôt sur ce type d'objet.
10:52 Il y a quelque chose d'étonnant quand on lit les rapports de l'époque et l'enquête et le dossier.
10:56 C'est que l'enquête attribue tout de suite ce sang à celui de l'épouse et puis au mari.
11:02 Mais on n'analyse pas.
11:03 On se dit, il y a du sang.
11:05 C'est fatalement celui de la victime.
11:07 Oui, mais on est en 1954.
11:09 À cette époque, on n'avait pas encore l'ADN.
11:12 Ils ont travaillé sur les groupes sanguins, les résus, pour pouvoir essayer de déterminer des différences.
11:19 Mais il se trouve que, de souvenir, Marilyn était de groupe O.
11:23 Et Sam Shepard également.
11:25 Donc, on est assez limité de toute façon par la technique.
11:28 Donc, effectivement, il partait du principe que le sang, c'était celui de la victime blessée.
11:32 Philippe Coste, à l'époque, les journaux sont féroces avec Sam Shepard.
11:36 Il faut l'envoyer en prison.
11:37 Ils disent ça tout de suite.
11:39 D'abord, il y a plusieurs phases.
11:42 Au départ, la presse reproche à la famille Shepard de créer une sorte de bunker autour de Sam Shepard.
11:50 Il est examiné le soir même dans la clinique de son père.
11:54 On sent qu'il y a une manœuvre d'obstruction.
11:57 Certains journaux, au départ, suivent l'affaire, mais s'en désintéressent relativement dans les jours qui suivent.
12:05 Il n'y a qu'un seul journal, c'est le Cleveland Press, qui, justement, pour des raisons éditoriales et autres,
12:12 s'intéresse à l'affaire et commence vraiment à multiplier les articles jour après jour.
12:18 Et c'est ça, et effectivement, il y a des articles très très violents.
12:21 On va le voir.
12:22 Trois mois après le meurtre, le chirurgien va être mis à l'accusation.
12:25 L'affaire du Dr Shepard, les traces de sang mènent au meurtrier.
12:29 Il ne s'agit pas du groupe sanguin de l'époux et de l'épouse.
12:32 Il y avait donc une troisième personne dans cette chambre.
12:35 L'enquête de l'heure du crime, on se retrouve dans un instant sur RTL.
12:38 L'heure du crime.
12:39 Jean-Alphonse Richard jusqu'à 15h30 sur RTL.
12:43 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL.
12:49 L'heure du crime consacrée aujourd'hui à l'affaire du Dr Sam Shepard.
12:53 En juillet 1954, son épouse, Mary Lynn, 31 ans, a succombé sous les coups d'un mystérieux agresseur dans la maison proche de Cleveland.
13:01 Le chirurgien l'a poursuivi mais n'a pu rien faire.
13:05 Il est rattrapé par les soupçons.
13:08 Vendredi 30 juillet 1954, 26 jours après le crime, le journal The Cleveland Press présente le mari comme l'unique suspect dans la mort de Mary Lynn Shepard.
13:20 Pourquoi Sam Shepard n'est pas encore en prison, titre le journal qui accuse les autorités de protéger ce notable.
13:26 Le soir même, 22h, le docteur est arrêté au domicile de son père.
13:31 Il est interrogé, il maintient la version de l'agresseur extérieur.
13:34 Il est mis en accusation pour assassinat puis finalement pour meurtre.
13:38 18 octobre, 3 mois après le crime, le procès du neurochirurgien s'ouvre au tribunal de Cleveland.
13:44 La presse, un quartier libre, les noms des jurés sont publiés.
13:47 Lors des débats, l'accusé qui a menti sur l'existence d'une maîtresse est questionné sans relâche.
13:52 "Je ne sais plus, je ne me souviens plus", répond-il de plus en plus mal à l'aise.
13:56 Il maintient qu'il est innocent.
13:58 21 décembre, après 5 jours de délibérés et de longues hésitations, les jurés condamnent Sam Shepard à la prison à vie.
14:06 Le juge refuse un procès en appel.
14:09 Samedi 22 janvier 1955, un mois après la condamnation, le professeur de criminologie Paul Leyland Kirk, recruté par les avocats de Sam Shepard,
14:20 se rend à la maison de Bay Village.
14:22 Il est là pour examiner les éclaboussures de sang sur les murs et le sol.
14:26 Il a également été autorisé à consulter les pièces à conviction sous-cellées.
14:31 Le professeur, chimiste de formation, est convaincu que les traces de sang peuvent parler et conduire à l'assassin.
14:38 Sa méthode, la morpho-analyse des taches de sang, est alors novatrice.
14:43 Trois mois plus tard, l'expert rend ses conclusions.
14:46 Un long rapport adressé au juge de Cleveland, il explique que le sang détecté sur le mur de la chambre
14:51 ne correspond pas au groupe sanguin du couple Shepard.
14:54 Il y a donc une troisième personne dans la pièce.
14:58 Deux dents de la victime ont été retrouvées dans le lit.
15:00 Selon l'expert, elle a mordu avec force son agresseur et l'a fait abondamment saigner.
15:06 Le professeur assure encore qu'il s'agit d'une agression sexuelle et qu'au regard des traces de sang, le meurtrier est gauché.
15:14 Sam Shepard est droitier, mais le juge refuse un nouveau procès.
15:18 Dimanche 8 novembre 1959, alors que Sam Shepard est en prison depuis cinq ans,
15:23 la police de Cleveland arrête le dénommé Richard Eberling, un laveur de carreaux.
15:29 Il a été surpris en train de cambrioler chez une femme lors d'une perquisition.
15:33 Les policiers ont retrouvé chez lui une petite boîte qui porte le nom de Marilyn Shepard.
15:39 A l'intérieur, deux bagues de la victime. Eberling assure les avoir volées bien après le crime, chez le frère de Sam Shepard.
15:47 Il admet toutefois qu'il connaissait Marilyn, puisqu'il travaillait chez les Shepards.
15:52 Si on retrouve son sang dans la chambre, c'est parce qu'il s'est coupé en lavant un carreau.
15:58 Richard Eberling est soumis au détecteur de mensonges.
16:01 Test concluant, il est écarté de la liste des suspects.
16:08 Écarté, mais ce Richard Eberling va refaire sur une surface.
16:13 Plus tard dans cette affaire, on va le retrouver.
16:16 C'est d'ailleurs un criminel patenté, on va s'en apercevoir.
16:18 Shepard, lui, clame son innocence. Il ne va cesser de s'agiter pour obtenir un nouveau procès.
16:24 Sa défense va s'efforcer de rassembler un maximum d'indices et de témoignages.
16:29 Et puis une porte va enfin s'ouvrir, mais ça on va en parler dans le prochain chapitre de cette émission.
16:35 Philippe Coste, vous êtes l'un de nos invités aujourd'hui dans l'heure du crime.
16:39 Vous êtes journaliste et vous êtes correspondant aux Etats-Unis pour plusieurs médias.
16:43 Vous êtes en direct depuis New York, vous connaissez parfaitement ce dossier.
16:47 Le procès Sam Shepard, j'ai envie de dire, c'est du grand spectacle.
16:53 Les journaux se déchaînent. Il est déjà accusé, avant même d'avoir franchi le seuil de la salle d'audience.
17:00 Oui, c'est un grand retournement. On parlera d'ailleurs d'un carnaval.
17:05 C'est la première fois qu'on parlera d'un procès carnaval aux Etats-Unis.
17:10 C'est le grand barreau de donneurs, je dirais, de la radio d'information à l'époque.
17:16 Alors que la télévision est en train de monter comme source d'informations.
17:22 Mais c'est vraiment la radio et la presse locale qui se déchaînent.
17:26 Effectivement, la famille Shepard et Sam Shepard lui-même a aussi, je dirais, une responsabilité.
17:34 La défense est assez molle, elle est assez imprécise au départ.
17:38 Ces histoires d'évanouissement à la suite d'un combat avec le tueur Hirshüt.
17:44 Tout ça ne passe pas. Il y a un contraste entre le côté incisif de la presse à cette époque-là
17:51 et les réponses qui sont évasives et hautaines.
17:56 Aussi, le personnage devient de moins en moins sympathique avec cette histoire de la maîtresse de Sam Shepard dans cet hôpital.
18:05 Le mythe s'effondre.
18:07 Il a menti, Philippe Coste. Aux Etats-Unis, ça ne pardonne pas. Il a menti sur cette maîtresse. Il ment surtout.
18:13 Oui, il a brisé l'illusion. Et ça, tout un scénario de gendre idéale qui s'effondre,
18:19 c'est pain béni aussi pour des médias qui sont en présence d'un procès qui est extraordinairement local.
18:29 Il ne faut pas oublier que ça se passe d'abord à Bay Village,
18:33 où justement il y a toute une tactique de défense de l'élite locale pour empêcher la presse de venir.
18:39 Et la digue s'ouvre et la presse nationale et régionale se précipite dans cette brèche
18:46 avec des excès qui endommageront le procès.
18:52 Oui, et puis ça rendra ce jugement totalement nul.
18:56 On ne va pas croire à ce que les juges ont dit à cette occasion, en tout cas les jurés.
19:01 Céline Hiclou, vous êtes notre deuxième invitée aujourd'hui dans l'heure du crime.
19:05 Morpho-analyste des traces de sang.
19:07 Vous publiez ce livre "Crime, psycho-criminologie et morpho-analyse des traces de sang"
19:13 et "Les traces de sang" republie aux éditions Dark Side.
19:16 Les traces de sang sont importantes, je l'ai raconté,
19:19 parce qu'on les suit et on les regarde,
19:22 parce qu'elles peuvent peut-être apporter une lumière nouvelle sur l'affaire.
19:26 Il y a le travail dans cette affaire, il a été désigné par la défense.
19:30 Ils ont eu du pif la défense, parce qu'ils prennent ce professeur Paul Leland Kirk.
19:35 Lui c'est le pionnier des tâches de sang, c'est ça ?
19:39 C'est lui finalement votre grand-papa, puisque aujourd'hui c'est votre discipline au sein de l'IRCGN ?
19:46 En réalité, en 1895, les premiers travaux avaient commencé avec le Dr Piotrowski,
19:52 arrière-arrière-grand-père,
19:54 qui lui avait fait des premiers travaux,
19:56 mais s'était resté dans le domaine de la médecine légale,
19:58 s'était jamais passé à la barre aux assises.
20:01 Et le professeur Kirk, pour la première fois,
20:05 il a basculé la morphoanalyse aux assises et dans un procès pénal.
20:09 Il va étudier en faisant aussi plein de tests, parce qu'il aura fait des tests,
20:13 pour vérifier d'où pouvait provenir ce type de traces,
20:17 et pour en conclure qu'il s'agissait non pas du fameux scalpel,
20:21 mais plutôt d'un objet contendant.
20:23 Et donc il fait des analyses, je crois, avec du sang animal ?
20:28 C'est ça, il va effectuer ses tests avec du sang animal.
20:31 C'est un peu imprécis quand même.
20:32 On n'est pas exactement sur la même viscosité, etc.
20:35 mais on n'est pas aussi près des tests réels que ça.
20:40 En revanche, ça va donner une indication,
20:42 une indication qui va exclure justement les mouvements
20:45 d'un objet fin, ensanglanté, comme un scalpel.
20:48 Alors c'est ça, il y a quelque chose qui m'a surpris,
20:50 quand j'ai lu le rapport de ce médecin-là,
20:54 qui est présent au juge, d'ailleurs le premier rapport il est rejeté,
20:58 Shepard est condamné.
21:00 Il dit "le meurtrier était gaucher".
21:03 Alors dites-nous, est-ce que c'est possible,
21:05 à travers des traces de sang, de savoir si la personne
21:07 est droitière ou gauchère ?
21:09 Ça, ça nous fait tiquer, nous, en tant que morphoanalyste,
21:11 parce qu'on voit qu'un mouvement a été réalisé,
21:14 mais sans pouvoir, si on n'a pas les vêtements,
21:16 si on n'a pas l'auteur, etc.,
21:18 sans pouvoir dire si l'auteur était droitier ou gaucher,
21:20 puisque je vais pouvoir réaliser exactement le même type de mouvement
21:24 avec ma main droite et ma main gauche,
21:26 puisqu'en fait ce sera des traces qui vont être projetées
21:28 le long du mouvement, et je pourrai faire le même mouvement.
21:31 En revanche, le professeur Kirk, qui est allé sur les lieux,
21:36 s'est rendu compte qu'il y avait des zones de positionnement
21:38 impossibles, en fait, pour un auteur,
21:40 et donc il allait plutôt vers, justement, un auteur qui était gaucher,
21:44 alors que le docteur Shepard...
21:47 - Il n'en a déduit que, c'est ça ?
21:48 - C'est ça, c'est une déduction, mais ça n'est pas possible
21:50 au travers des traces de sang.
21:51 - D'accord.
21:52 Philippe Coste, un mot sur ce cambrioleur,
21:55 Richard Eberling, il va rentrer dans l'affaire,
21:58 parce qu'on trouve des bagues qui appartiennent à la victime chez lui,
22:01 et puis on va laisser tomber, il est passé au détecteur de mensonges,
22:04 tout va bien.
22:05 - Oui, on voit aussi les balbutiements, je dirais,
22:09 scientifiques de l'époque, le détecteur de mensonges aussi,
22:12 c'est un instrument extraordinairement médiatique.
22:16 Pour l'instant, au départ, je crois qu'on n'avait pas étudié
22:20 le dossier localement assez précisément,
22:24 et on passe un peu vite sur Eberling,
22:28 alors qu'il avait des liens avec la famille,
22:30 qu'il était assez souvent dans le jardin,
22:34 qu'il avait fait des travaux dans la maison.
22:36 C'est un des épisodes un peu incompréhensibles,
22:39 comme s'il y avait eu un effet, je dirais, de tunnel
22:42 dans l'esprit des enquêteurs,
22:44 et qu'on avait, à la suite de la découverte de la maîtresse de Sam Shepard,
22:49 trouvé un mobile,
22:51 je pense que vous aurez trouvé une explication simple à ce crime.
22:56 - La défense du condamné ne lâche rien,
22:59 l'accusation va commencer à se fissurer.
23:02 L'affaire du Dr Shepard, les traces de sang mènent au meurtrier.
23:06 L'arme n'était pas un scalpel, il s'agit plutôt d'un objet lourd et arrondi,
23:10 de type lampe-torche.
23:12 L'enquête, aujourd'hui, de l'heure du crime,
23:14 la science va-t-elle permettre d'identifier le meurtrier
23:16 de la maison de Bay Village ?
23:18 Eh bien, c'est à suivre, dans un court instant sur RTL.
23:22 - L'heure du crime, Jean-Alphonse Richard.
23:24 - Jusqu'à 15h30 sur RTL.
23:26 - L'heure du crime, Jean-Alphonse Richard.
23:29 - Jusqu'à 15h30 sur RTL.
23:31 - J'attends ce nouveau procès depuis 12 ans.
23:35 Je n'ai pas tué ma femme.
23:37 Je veux prouver mon innocence, et je le ferai.
23:41 - Retour, aujourd'hui, dans l'heure du crime,
23:43 sur l'affaire Sam Shepard, d'un neurochirurgien de renom
23:46 condamné à la perpétuité pour le meurtre de son épouse
23:49 en 1954, à Cleveland.
23:51 Il a multiplié les recours,
23:53 dix ans après son incarcération.
23:55 La justice doute, et reconnaît ses premières erreurs.
23:58 Mercredi 15 juillet 1964,
24:01 dix ans et douze jours après le meurtre de Marilyn Shepard.
24:05 Le juge fédéral Weinmann ordonne la libération immédiate
24:09 du docteur Shepard.
24:10 Saisi par l'avocat du condamné,
24:12 le magistrat délivre un rapport de 86 pages.
24:15 Il conclut que le procès du médecin a été
24:17 une parodie de justice.
24:19 Si un homme pouvait être jugé par les journaux,
24:22 ce procès en serait l'exemple le plus parfait,
24:24 écrit le juge, selon lui.
24:26 Les droits les plus élémentaires de l'accusé ont été bafoués.
24:29 Quelques mois auparavant, la chaîne ABC
24:32 avait diffusé les premiers épisodes d'une nouvelle série télé
24:36 intitulée "Le Fugitif",
24:38 un personnage directement inspiré de Sam Shepard.
24:41 A la télé, on voit un docteur innocent
24:43 qui fait tout pour retrouver le meurtrier de sa femme.
24:46 Plus personne ne va alors être indifférent
24:48 au sort du médecin de Cleveland.
24:50 Lundi 24 octobre 1966,
24:54 ouverture du procès en appel du docteur Shepard.
24:57 Son nouvel avocat Lee Bailey lui a conseillé
25:00 de garder le silence.
25:01 Les débats se concentrent sur la scène de crime.
25:03 Le chef d'enquête de l'époque, Samuel Gerber,
25:06 avait décrit l'arme comme un outil tranchant
25:08 de type scalpel.
25:10 Il admet que cette arme n'a jamais été retrouvée.
25:12 Le criminologue Paul Leland Kirk
25:15 expose son rapport sur les traces de sang.
25:18 Il assure que l'arme du crime ne peut pas être un scalpel.
25:21 Il s'agit plutôt d'un objet lourd aux formes arrondies.
25:25 Un objet contondant de type lampe-torche, démontre-t-il.
25:29 16 novembre, après une courte journée de délibération,
25:32 le jury déclare l'accusé non coupable.
25:34 Il est libre, innocent, mais éternel suspect.
25:37 Indésirable chez les médecins,
25:38 Shepard devient catcheur professionnel.
25:41 Puis il sombre dans l'alcool.
25:43 4 ans après son acquittement,
25:44 il meurt d'une maladie du foie à 46 ans.
25:48 Mais l'affaire va continuer, on va le voir.
25:52 Mais tout d'abord, on va revenir à cette
25:55 absolution pour Shepard.
25:57 Voilà, il est innocent, il a été acquitté, il est libre.
26:01 Philippe Coste, vous êtes en direct depuis les Etats-Unis avec nous,
26:04 journaliste et vous connaissez parfaitement ce dossier.
26:08 Il y a ce rapport du juge fédéral quand il va libérer Shepard,
26:12 il va dire que c'était un procès, vous l'avez dit déjà un petit peu,
26:14 mais de carnaval.
26:15 Il y a presque une centaine de pages dans ce rapport
26:18 qui sont terrifiantes pour la presse et les journaux.
26:21 Oui, il incrimine plutôt l'environnement du procès
26:26 et je dirais que c'est une faute technique dans ce sens,
26:29 que le procès n'a pas pu se dérouler dans des conditions idéales
26:33 ou des conditions professionnelles.
26:35 On ne travaille pas extraordinairement sur le fond, visiblement.
26:39 On parle plutôt de l'influence possible que les médias
26:44 peuvent avoir eue sur les jurés.
26:46 On parle de l'environnement du procès qui est effectivement
26:50 n'obéissait absolument pas aux conditions de sérénité
26:53 nécessaires à un jugement, je dirais au sort d'un condamné.
26:58 Mais on ne travaille pas encore précisément sur le fond.
27:03 On exclut des possibilités, l'affaire du scalpel,
27:08 des doutes commencent à s'engisseler sur ce dossier.
27:16 Et effectivement, il suffit aussi après de rappeler les conditions du procès
27:20 pour arriver à une conclusion.
27:21 Je crois que tout le monde est gêné à ce moment-là.
27:24 Aussi, la série Le Fugitif a aussi eu une influence.
27:29 On revient un peu sur la frénésie du début,
27:32 le discours de Merkulpa National.
27:34 Le doute s'installe.
27:36 C'est ça, le doute s'installe.
27:37 Et puis là, il faut peut-être en finir avec cette histoire.
27:39 Tout simplement, la justice en a marre de traîner ce boulet.
27:42 On sent bien qu'il n'y a rien qui tient dans ce dossier,
27:44 même si Shepard a été bien maladroit et même qu'il a menti.
27:48 Il s'est pris un petit peu les pieds dans le tapis.
27:50 Céline Niclou, vous êtes avec nous depuis le début de cette heure du crime.
27:55 Morpho-analyste des traces de sang au sein de l'IRCGN,
27:57 l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale.
28:00 Seule femme experte en morpho-analyse des traces de sang en France.
28:04 Et ça, c'est important parce que vous nous êtes très utiles et capitales dans cette émission.
28:08 Parce qu'effectivement, ça permet d'avancer sur le travail de l'époque.
28:11 Au procès, voilà le retour de l'expert Paul Leland-Kirk.
28:16 C'est lui qui avait déjà adressé un dossier accablant avec ces traces de sang.
28:21 Cette fois, on l'écoute.
28:23 Et notamment, il parle de l'arme du crime.
28:25 C'est intéressant parce qu'il va faire admettre que l'accusation s'est trompée.
28:30 Ce n'est pas un scalpel.
28:32 Tout à fait. En observant les traces dans cette chambre,
28:36 on voit au niveau de la répartition, on est sur une répartition de projection
28:39 qui est assez importante.
28:41 Alors que si on utilise un objet qui est plutôt un objet piquant ou tranchant,
28:45 on va avoir une répartition des traces qui est beaucoup plus restreinte.
28:48 Là, on a vraiment une distribution qui est très, très forte.
28:51 Ça a éclaté, c'est ça ?
28:52 C'est ça, ça éclabousse en fait.
28:53 En gros, c'est quand on utilise un objet qui est contendant sur une source de sang liquide,
28:57 ça va éclabousser en périphérie.
28:59 Là où, quand on utilise un objet qui est plutôt piquant ou tranchant,
29:03 on va laisser des traces uniquement sur le mouvement de l'élément sanglanté.
29:07 Il y a quelque chose de troublant aussi, c'est dans ce couloir.
29:10 Le professeur Kirk, lui, dit que ce n'est pas du tout le sang du couple.
29:15 Il a analysé les groupes sanguins.
29:18 C'est un sang étranger.
29:20 Ça veut dire que la personne s'est blessée pendant cette agression ?
29:24 Alors, possiblement, puisqu'on est effectivement sur un autre groupe sanguin
29:28 que celui de la victime, de celle qui saigne, au final.
29:31 Donc, si c'était simplement le sang qui tombait de l'objet en sanglanté
29:34 qui avait été utilisé à frapper,
29:36 ça aurait été normalement le sang de la victime.
29:38 Donc là, si on est sur un autre groupe sanguin,
29:40 et là, c'est des suppositions puisqu'on n'est vraiment pas sur des résultats ADN,
29:43 mais uniquement des groupes.
29:44 Comme on est sur un autre groupe sanguin,
29:46 on a quelqu'un d'autre qui saigne, et qui saigne dans cet environnement.
29:50 Et ça, c'est quand même très important.
29:53 Parce qu'effectivement, on s'aperçoit qu'il y a plusieurs possibilités.
29:56 30 ans après la mort du neurochirurgien,
29:59 l'ADN va parler à son tour.
30:01 L'affaire du Dr Shepard, les traces de sang mènent au meurtrier.
30:05 La victime a été violée et tout semble mené au laveur de carreaux, Richard Eberling.
30:10 L'enquête de l'heure du crime, on se retrouve dans un instant sur RTL.
30:14 Jean-Alphonse Richard sur RTL.
30:16 L'heure du crime.
30:18 L'heure du crime, présenté par Jean-Alphonse Richard sur RTL.
30:23 Au programme, aujourd'hui, de l'heure du crime,
30:25 l'affaire du Dr Sam Shepard, accusé d'avoir tué sa femme en 1954,
30:29 condamné à la prison à vie, puis déclaré non coupable.
30:33 12 ans plus tard, après sa mort, son fils va se lancer à la recherche du vrai coupable.
30:39 Lundi 2 octobre 1989, Sam Rhys Shepard, 32 ans, fils du Dr Shepard,
30:45 annonce qu'il fera tout pour réhabiliter totalement son père et résoudre le meurtre de sa mère.
30:50 Jusqu'à sa mort, le docteur avait pensé que Spencer Hook, le maire de Bay Village
30:56 et premier appelé sur la scène de crime, aurait pu attaquer Marilyn, aucune preuve.
31:01 Pour étayer cette suspicion au fil des années,
31:04 son fils va se pencher plutôt sur le cas du laveur de carreaux, Richard Eberling.
31:09 En 1990, il le rencontre en prison, où il purge une peine de perpétuité pour avoir tué une femme.
31:16 Mais Eberling ne fait aucune confidence.
31:18 En 1997 et 1998, Sam Rhys Shepard fait exhumer les corps de son père et de sa mère,
31:26 dans le but de procéder à des prélèvements ADN et à un nouvel examen du corps de la victime.
31:33 Mardi 4 février 1997, le docteur Mohamed Tahir, spécialiste réputé de l'ADN, rend ses conclusions.
31:40 Le sang dans l'escalier n'est ni celui de Marilyn Shepard, ni celui de son mari.
31:46 Du sperme est détecté dans un prélèvement vaginal de la victime, conservé dans les scellés.
31:52 Il porte la même signature génétique que le sang de l'escalier.
31:56 Marilyn aurait été violée et tuée par un inconnu qu'elle aurait blessé.
32:01 Le docteur Tahir ne peut affirmer que cet ADN soit celui du laveur de carreaux Richard Eberling.
32:07 Tous les résultats convergent en direction d'Eberling,
32:10 sans qu'il soit possible de le désigner avec une certitude absolue.
32:15 Eberling meurt l'année suivante.
32:18 Et on n'aura pas hélas les confidences d'Eberling,
32:21 qui apparaît alors là comme le suspect le plus proche et le suspect peut-être le plus sûr dans cette affaire.
32:28 Céline Nicloux, vous êtes avec nous dans cette heure du crime.
32:31 Morphoanalyste des traces de sang, la seule femme experte en morphoanalyse en France,
32:35 et vous travaillez à la gendarmerie au sein de l'IRCGN.
32:39 Il y a finalement une connexion qui se fait, parce qu'il y a d'abord eu le sang,
32:43 cet examen qui était même peut-être un peu artisanal à l'époque,
32:46 mais enfin qui a été fait et qui a porté des fruits.
32:49 Et puis il y a l'ADN qui donne une nouvelle lumière encore à cette scène de crime.
32:54 Les deux se complètent dans ces enquêtes.
32:56 À l'heure actuelle, oui, d'autant mieux que les traces ADN,
33:01 maintenant les résultats ADN vont être donnés avec beaucoup plus de résultats,
33:08 concernant l'efficacité.
33:11 Là, on est plus sur de l'exclusion à cette époque que de la comparaison et d'identification.
33:17 La morphoanalyse maintenant va vraiment s'appuyer sur les résultats ADN,
33:22 surtout quand on a plusieurs victimes, pour pouvoir...
33:26 - Vous pouvez isoler les traces, etc. - C'est ça.
33:29 - Le décor change, c'est ça.
33:31 - C'est-à-dire que la morphoanalyse va dire quel est l'événement sanglant à l'origine de la trace,
33:35 et l'ADN, là où on va effectuer des prélèvements, nous dira à qui appartient le sang.
33:40 Si on a plusieurs victimes qui ont été blessées avec le même type d'objet,
33:45 ça va faire les mêmes types de traces, mais sauf que ce sera la victime 1 et la victime 2.
33:49 - Ça, c'est tout à fait passionnant.
33:51 Alors, l'ADN des Burlingues, le cambrioleur, y matche en partie seulement.
33:56 C'est ce que dit le Dr. Muhammad Tahir, qui est réputé aux Etats-Unis.
34:01 Ça veut dire quoi, "matcher en partie" ?
34:03 - En n'ayant pas vu les résultats et en n'étant pas généticienne,
34:05 c'est peut-être parce qu'à l'époque, on ne travaillait pas sur le même nombre de marqueurs,
34:09 et peut-être qu'il n'avait pas tous les marqueurs.
34:11 - On était en 97. - C'est ça.
34:13 - Ça a évolué depuis. - Ça a évolué largement depuis.
34:15 - Et peut-être que l'ADN de comparaison était dégradé entre 1954, les prélèvements, et la comparaison.
34:22 - Oui, c'est ancien, bien sûr.
34:23 - Et de plus, comment est-ce qu'il a été conservé pendant tout ce temps ?
34:27 Il a pu se dégrader aussi par la conservation,
34:30 par le fait qu'il n'était peut-être pas scellé de la bonne façon non plus, et qu'il y a eu des pollutions.
34:35 - Dans les scellés, il y a un petit bout d'escalier, avec du sang dessus.
34:39 C'est infime, mais les scellés ont été conservés, c'est déjà pas si mal.
34:43 - C'est ça, pour une fois, on a une conservation des scellés.
34:46 - Et ça, c'est une bonne chose, parce qu'effectivement, on en parle souvent dans cette émission,
34:49 des scellés détruits avant l'heure, c'est une épouvante.
34:52 Philippe Coste, journaliste, et vous êtes aux Etats-Unis en direct, dans l'heure du crime.
34:56 Vous avez lu et relu ce dossier qui est classique aux Etats-Unis.
34:59 On l'a dit, il y a cette détermination absolue du fils Sam Rees Shepard.
35:04 C'est étonnant, parce que c'est une croisade qui mène cet homme.
35:08 - Oui, c'est un peu l'aspect émotionnel qui ressort ensuite.
35:14 Il est le seul à vouloir maintenir la mystique de son père, ou rétablir la réputation de son père.
35:21 Il faut dire aussi que Bay Village se retourne, d'une certaine manière, contre Sam Shepard.
35:29 Le fait qu'il ait été condamné, les jeux étaient faits, d'une certaine manière.
35:34 Il ne retrouvera jamais, et c'est d'ailleurs un peu le drame de sa vie ensuite,
35:39 le prestige, l'adoubement, l'approbation du village.
35:47 On lui reproche le scandale, on lui reproche les faux-semblants,
35:52 on lui reproche d'avoir apporté un peu la honte sur ce paradis, je dirais, upper class de la clévelande.
36:00 - C'est un paria, c'est ça ?
36:02 - Il devient un paria, quand bien même les résultats de l'enquête sont de plus en plus troubles.
36:09 - Et un mot quand même, Philippe Cos, parce que moi je trouve ça à la fois pathétique et étonnant et très touchant,
36:15 c'est la fin du Dr Shepard. Il devient catcheur professionnel, puis il y a cet alcool qui est de plus en plus présent.
36:22 - Oui, mais regardez un O.J. Simpson, par exemple.
36:26 À partir du moment où il se retrouve dans l'isolement et la détresse, il y a une tendance à aller vers les médias,
36:33 à aller vers justement se dire "ce qui peut me sauver c'est peut-être le carnaval qui m'annuie au départ".
36:40 Je crois que c'est un réflexe et autres, et je crois que les propositions n'abondent pas,
36:46 il est grillé dans la médecine, il ne peut plus utiliser le nom vraiment de sa famille.
36:52 Progressivement à cela s'ajoute l'alcoolisme, l'isolement, son éloignement de ses sources de soutien habituelles ou familiales.
37:05 Oui, effectivement c'est une descente très très rapide mais qui est surtout liée à l'alcool.
37:10 - Le fils du couple va poursuivre encore et encore sa croisade pour la vérité.
37:15 L'affaire du Dr Shepard, les traces de sang mènent au meurtrier.
37:19 - C'est moi qui ai tué Marilyn Shepard, j'avais mis une perruque.
37:22 L'enquête aujourd'hui de l'heure du crime, je vous retrouve tout de suite sur RTL.
37:25 - Dans l'heure du crime, aujourd'hui l'affaire du Dr Sam Shepard accusé du meurtre de sa femme en 1954 aux Etats-Unis,
37:41 condamné à la prison à vie, une erreur judiciaire plus de 40 ans après la science l'exclut de la scène de crime.
37:49 Son fils va toutefois continuer à demander des comptes.
37:52 Sam Reese Shepard, aujourd'hui âgé de 77 ans, voulait faire condamner l'Etat américain pour avoir emprisonné à tort son père pendant un peu plus de 10 ans.
38:04 Plusieurs demandes rejetées, l'erreur judiciaire n'a pas été reconnue.
38:10 Pendant sa mort en 1998, le laveur de carreaux Richard Eberling, devenu un suspect,
38:17 aurait confié à un co-détenu avoir violé et tué Marilyn Shepard.
38:23 Cette nuit-là aurait-il expliqué ? Il s'était battu avec son mari, le médecin, lui portait une perruque aux cheveux ébouriffés.
38:33 - Cette affaire fait beaucoup trop de dégâts.
38:37 Toute ma famille a été détruite. Ça fait des années qu'on dit que mon père est coupable du meurtre de ma mère.
38:42 C'est totalement faux.
38:44 La voix de Sam Reese Shepard, le fils de Sam et Marilyn Shepard,
38:50 qui effectivement s'est lancé pendant des années dans une longue croisade pour la réhabilitation de son père
38:56 et puis pour connaître la vérité sur la mort de sa mère.
39:00 Philippe Costes, on vous retrouve aux Etats-Unis. Vous connaissez bien cette affaire.
39:06 Vous êtes avec nous depuis le début de cette heure du crime.
39:08 Il y a cette dernière déclaration posthume de Richard Eberling.
39:12 Elles valent ce qu'elles valent parce qu'elles sont rapportées par un co-détenu.
39:15 On ne sait pas s'il s'est vraiment confié de cette façon.
39:18 C'est étonnant ce qu'il dit. Il dit "Ce soir-là, cette nuit-là, je portais une perruque".
39:24 C'est la fameuse perruque des cheveux ébouriffés.
39:26 On a toujours mis en doute d'une certaine manière ses propos.
39:32 Voulait-il à son tour attirer l'attention médiatique ?
39:37 Cette perruque, pourquoi il n'y a pas eu d'explication particulière ?
39:42 Est-ce qu'il a besoin de dissimuler son identité ?
39:44 D'autres aspects aussi sont troublants.
39:47 Le fait effectivement que le chien n'a jamais été entendu.
39:50 Il y avait tous ces doutes sur le fait que c'était sans doute une personne connue de la famille qui était dans la maison à ce moment-là.
39:58 Le chien n'a jamais aboyé, vous voulez dire.
40:00 Parce que vous avez dit "Il n'a jamais été entendu".
40:02 Le chien n'a jamais aboyé.
40:05 Oui, ça a troublé au cours de l'enquête.
40:08 Philippe Coste, c'est quand même important parce que la justice américaine est restée droite dans ses bottes dans cette histoire.
40:16 Il n'y a pas question de reconnaître l'erreur judiciaire.
40:19 Oui, le procès lui-même a été discrédité.
40:24 Mais jamais la justice n'est revenue sur l'accusation initiale.
40:31 D'ailleurs, le fils recherchait justement un nouveau procès et cherchait à innocenter son père.
40:38 En partie pour toucher les indemnités qu'il aurait pu recevoir pour une condamnation erronée, pour une erreur judiciaire.
40:48 Or, la justice n'a jamais tranché.
40:52 Et on est resté, d'ailleurs, du fait de l'incapacité de l'ADN à vraiment trancher l'affaire,
40:58 on est resté sur cette zone complètement floue.
41:01 D'ailleurs, dans les années 2000, c'était toujours un débat à Cleveland.
41:07 Il y avait d'un côté ceux qui pensaient qu'il était coupable, de l'autre ceux qui pensaient qu'il était innocent.
41:13 Le mystère est toujours resté entier.
41:16 - Et vous avez raison de bien exprimer ça, parce qu'on est resté dans une zone grise.
41:20 Alors, les zones grises, c'est toujours sujet à des spéculations et parfois des interprétations.
41:24 Céline Niclou, vous êtes avec nous depuis le début de cette heure du crime, morpho-analyste des traces de sang.
41:30 Vous êtes aujourd'hui conseillère au sein du groupe Diane de la gendarmerie, c'est-à-dire celui des affaires non élucidées.
41:38 Et seule FAB experte en morpho-analyse des traces de sang en France, je le précise, même si vous avez des collègues masculins.
41:44 Alors, il y a une procureure dans cette affaire qui s'appelle Carmen Marino, qui elle, va reprendre le dossier bien des années plus tard,
41:51 lorsqu'il y aura ces procès en appel, et notamment aux civils.
41:54 Elle va dire que la démonstration des traces de sang qui a été faite à l'époque et dans ce dossier est convaincante, je la cite,
42:02 mais elle doute parce que les traces sont trop anciennes.
42:05 Quand c'est trop ancien, ça ne parle plus le sang ?
42:07 - Alors, on a quand même des photos qui ont été prises.
42:10 Donc, sur photo, déjà, on va pouvoir donner quand même certaines indications, et les photos de l'époque sont quand même relativement bien prises et claires.
42:17 On va pouvoir zoomer et regarder justement ces projections.
42:20 Donc, sur photo, on va déjà pouvoir donner des résultats, même longtemps après.
42:26 Et puis, sur le site, en fait, quand on va se déplacer sur un site, même longtemps après l'effet, si les traces sont toujours là,
42:34 elles vont pouvoir avoir à peu près la même forme, surtout quand elles sont sur des supports verticaux, comme les murs, les meubles, etc.
42:40 Elles vont être plus dégradées au niveau du sol, parce qu'il y aura eu des passages et des pollutions,
42:45 mais on va pouvoir, longtemps après l'effet, étudier les traces lorsqu'elles sont sur des supports verticaux.
42:49 - D'autant plus avec les nouvelles technologies aujourd'hui, qui, je suppose, sont en plein développement.
42:55 - Oui, on va très rapidement fixer les lieux pour pouvoir y revenir sous format de vidéo, sous format de laser scanner, sous format d'image, en fait.
43:06 Donc, même longtemps après l'effet, la scène sera enregistrée et on va pouvoir retravailler dessus de façon virtuelle sur l'ordinateur, mais sur des traces d'origine.
43:15 - Céline Niclou, est-ce qu'aujourd'hui vous êtes systématiquement appelée, dès lors qu'il y a un crime,
43:21 et il y a du sang dans une pièce, dans une voiture, sur une scène, est-ce qu'on vous appelle tout le temps ?
43:26 - Alors, les morpho-analyses de traces de sang ne sont pas appelées à chaque trace de sang, à chaque fois qu'il y a des traces de sang.
43:31 En revanche, il y a une permanence à l'Institut qui est faite par les morpho-analystes,
43:35 où les techniciens de scène de crime, qui sont les primo-intervenants, vont pouvoir envoyer des photos H24
43:42 et avoir des retours H24 déjà à distance.
43:45 Et ensuite, comme ils sont peu nombreux en morpho-analyse en France, ils ne vont se déplacer que lorsqu'il y a un doute.
43:52 Un doute sur la quantité de sang, sur la compatibilité avec les blessures, etc.
43:57 Donc ce ne sera pas sur tous les crimes.
43:59 - Juste un petit mot pour finir, c'est une affaire qui a marqué la science criminelle, l'affaire dont on parle aujourd'hui ?
44:04 - En tout cas, c'est une affaire qui a marqué la morpho-analyse de traces de sang,
44:07 puisqu'à partir de là, des écoles de morpho-analyse se sont constituées aux Etats-Unis.
44:11 C'est comme ça que ça a vraiment débuté.
44:13 - Et c'est comme ça que vous avez été attiré dans ce métier.
44:15 Merci beaucoup Céline Niclou et Philippe Coste d'avoir été aujourd'hui les invités de l'Heure du Crime.
44:20 Merci à l'équipe de l'émission, rédactrice en chef Justine Vignon, préparation Marie Bossard, réalisation Jonathan Griveaux.
44:28 L'heure du crime, présenté par Jean-Alphonse Richard sur air.

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