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L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 27 Février 2024)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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00:00 * Extrait de la vidéo *
00:06 Et ce matin, mon invité Christophe Robert, bonjour !
00:10 Bonjour !
00:10 Christophe Robert, vous êtes directeur général de la Fondation Abbé Pierre,
00:14 vous publiez « Pour les sans voix, pauvreté, mal-logement, inégalité ne sont pas des fatalités ».
00:21 On va beaucoup parler de logement parce que vous avez rencontré hier le nouveau ministre du logement,
00:26 Guillaume Casparian, et on va évoquer également la pauvreté, la grande pauvreté en France.
00:33 Peut-être débuter, Christophe Robert, par une sorte de définition.
00:37 Qui sont en France les pauvres et les très pauvres ?
00:42 Alors, la définition, c'est celle de l'INSEE, en tout cas la première qui nous vient à la tête.
00:47 C'est celle qui situe les personnes en dessous d'un certain seuil dit de pauvreté.
00:52 Alors, quand on est une personne seule, c'est 1150 euros en 2021, c'est la dernière année de référence.
00:58 Grosso modo, vous avez 9,1 millions de pauvres.
01:03 Si on prend ceux qui sortent des radars de la statistique, c'est plutôt 10 millions de pauvres en France,
01:08 avec une stagnation depuis de nombreuses années.
01:11 Vous savez, dans les débuts des années 70, parce que le traitement était meilleur des personnes en situation de retraite,
01:15 on avait vu baisser la pauvreté, puis elle était remontée au milieu des années 80,
01:20 et depuis, en grosso modo, 15, 20 années, elle est assez stable.
01:24 Mais ça, c'est un indicateur qui ne dit pas grand-chose, en fait.
01:26 Parce que ça dit combien il y a de personnes qui ont des ressources en dessous de ce seuil,
01:30 et combien il y en a qui sont au-dessus.
01:32 Et c'est là où il y a quelque chose d'intéressant à regarder du côté de l'INSEE,
01:36 c'est qu'il y a un autre indicateur qui, lui, nous dit, bon, au-delà des ressources en tant que telles,
01:41 en fonction des dépenses des ménages, compte tenu des dépenses des ménages sur les besoins essentiels,
01:47 ils ont un indicateur de privation matérielle et sociale.
01:50 Et là, ce qui est tout à fait intéressant, c'est qu'on n'est plus à 14% de la population qui serait pauvre,
01:56 mais plutôt, si on combine les deux indicateurs, plutôt à 20% de la population qui est soit pauvre,
02:01 soit en privation matérielle ou sociale.
02:03 Si on vous évoquait, dans votre livre pour les 100 voix aux éditions Artaud, Christophe Robert,
02:08 le fait, par exemple, de se priver ou d'avoir un budget contraint dans 5 domaines,
02:14 qui sont les 5 domaines essentiels, le logement, la nourriture, le chauffage,
02:19 est-ce que ça, par exemple, c'est un indicateur qui vous paraît fiable ?
02:22 C'est exactement ça qu'il faut regarder.
02:24 C'est-à-dire que, regardez, quelqu'un qui a peu de ressources, on va dire, allez, 1100 euros,
02:29 donc il serait pauvre s'il est seul.
02:31 Ce n'est pas la même chose s'il paye 600 euros de logement et des charges,
02:36 c'est-à-dire les dépenses contraintes qui partent en fumée dès le début du mois, en quelque sorte,
02:41 et quelqu'un qui a un logement gratuit parce que quelqu'un lui met à disposition ou autre.
02:45 Donc il faut regarder plus précisément.
02:47 Et c'est pour ça que souvent, il y a un hiatus, si vous voulez, entre les chiffres,
02:51 la vision macroéconomique et ce que vivent les gens, ce que disent les gens.
02:55 Et vous avez raison, un des indicateurs qui nous inquiète beaucoup, c'est celui de la privation.
02:59 Privation sur les soins, privation sur l'alimentation saine et de qualité,
03:04 privation sur, évidemment, les loisirs, les vacances, globalement.
03:09 Et du coup, on voit qu'au-delà de la pauvreté ou de la grande pauvreté en tant que telle,
03:13 il y a tout un pan de la population qui se sent en situation de fragilité,
03:17 qui a peur de basculer dans la pauvreté et qui sait que, par exemple,
03:20 s'il faut réparer sa voiture et que ça coûte 1000 euros, 800 euros,
03:24 ça va faire basculer le budget du mois venu.
03:26 Alors, là, effectivement, vous donnez par exemple l'exemple d'une femme qui est assistante,
03:35 assistante ménagère, je crois, qui gagne 1200 euros par mois, qui a 55 ans,
03:41 qui utilise sa voiture pour travailler et qui est dans un budget extrêmement contraint.
03:47 On voit bien que si elle a des difficultés pour, par exemple, se véhiculer avec sa voiture,
03:56 eh bien, elle va être dans une situation budgétaire extrêmement difficile.
03:59 Exactement. On a là une personne qui doit se débrouiller seule, une femme seule, avec enfant.
04:07 Elle a six employeurs parce qu'elle fait des ménages à domicile, du repassage.
04:10 Ça veut dire, en mur urale en plus, donc ça veut dire prendre sa voiture pour aller un peu loin.
04:15 Quand on a vu le prix du carburant, le litre, à près de 2 euros, cette femme,
04:20 ça devenait presque moins intéressant de travailler.
04:24 Et vous voyez le débat qu'il peut y avoir, c'est-à-dire d'entendre des discours
04:28 qui stigmatisent les personnes en situation de fragilité,
04:32 qui les montrent du doigt alors qu'on devrait leur tendre la main,
04:35 et qui se débrouillent tous les jours, cherchent des solutions tous les jours
04:40 pour garder la tête hors de l'eau, pour offrir des conditions de vie dignes à leurs enfants.
04:45 Moi, c'est toutes ces souffrances que j'ai vues pendant 20 ans dont j'ai voulu parler dans ce livre.
04:49 De dire "je suis en... je suis d'une tristesse, je suis triste de voir le décalage
04:55 qu'il y a entre la réalité vécue de tous ceux qui sont en situation de fragilité ou de pauvreté,
04:58 ou qui ont peur de basculer, et le débat public qu'il peut y avoir sur le sujet,
05:02 ou la protection sociale que nous avons aujourd'hui dans le pays.
05:05 On sait qu'en France, elle est plutôt globalement bonne, mais attention, attention,
05:09 elle est en train de se réduire, elle est en train de se restreindre pour un certain nombre d'aides,
05:16 et il y a un risque majeur de la remettre en cause significativement dans notre pays.
05:20 Et c'est ça qui m'inquiète beaucoup.
05:21 Mais l'idée justement de protéger les pauvres est une idée qui est malgré tout
05:27 plutôt présente en France, plus présente en France qu'ailleurs, avec des résultats.
05:32 Alors là aussi, on peut discuter des chiffres, Christophe Robert,
05:35 mais si on voit les choses sur la longue durée, c'est-à-dire 50 ans,
05:39 disons qu'on est passé, en termes de pauvreté, je ne parle pas de grande pauvreté,
05:44 de l'ordre de 18% des Français à 14%. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce chiffre ?
05:49 C'est ça, avec une amélioration qui tient essentiellement aux personnes à la retraite,
05:53 c'est-à-dire qu'il y avait une dominante de personnes pauvres parmi les retraités,
05:58 on a amélioré le sort des retraités pour le mettre à peu près au niveau des actifs,
06:01 et donc ça conduit à une réduction de la pauvreté.
06:05 Mais encore une fois, ce qu'il faut regarder, c'est aussi les dépenses.
06:08 Je prends juste deux exemples de ces deux dernières années.
06:11 Les prix alimentaires ont augmenté de 20% en deux ans.
06:15 Le prix de l'électricité a augmenté de 40% en deux ans.
06:18 Là, on parle de besoins essentiels, on ne parle pas de dépenses de confort.
06:22 Et quand vous avez des budgets extrêmement serrés,
06:25 que vous soyez pauvre ou pas pauvre au sens de l'INSEE,
06:28 ce type de hausse vient vous mettre en grande difficulté,
06:33 et donc crée soit des pratiques de privation, on ne se chauffe plus,
06:36 de plus en plus de personnes ne se chauffent plus ou se chauffent mal.
06:39 Ça, c'est le phénomène de précarité énergétique qui a fortement augmenté depuis une quinzaine d'années,
06:42 avec la flambée des prix de l'énergie et le fait de personnes qui n'arrivent pas à rénover
06:47 leur passoire thermique, donc quand ils chauffent, ils chauffent l'extérieur.
06:51 Donc, ce que je veux dire, c'est que
06:54 il faut que nous regardions la France telle qu'elle est,
06:57 à travers ses ressources, à travers ses dépenses essentielles,
06:59 et il faut qu'on mette en place les boucliers et les protections
07:03 qui s'adaptent à ces réalités-là. Je donne juste un exemple.
07:05 Quand on parle de tarifs minimums ou de faire par exemple les premiers mètres cubes d'eau gratuits,
07:11 ceux qui sont essentiels, et plus on va consommer,
07:13 par exemple une piscine, plus ça va coûter cher. Voilà un bon exemple
07:17 qui tient compte des besoins essentiels, qui tient compte aussi de nos besoins de restrictions
07:21 par rapport aux enjeux écologiques, mais qui va protéger les plus fragiles.
07:25 Et ça, il y a des initiatives qui sont prises dans des collectivités,
07:28 il y a des idées à l'étranger que l'on peut prendre
07:30 pour s'adapter à ces nouvelles réalités du monde d'aujourd'hui.
07:33 Mais alors, là aussi, il y a une sorte de mouvement dialectique puisque vous,
07:36 vous dirigez la fondation Abbé Pierre, donc vous êtes là pour tirer un signal d'alarme,
07:40 mais d'un autre côté, il faut aussi se réjouir des progrès enregistrés.
07:44 Je lis dans votre livre pour les 100 voix aux éditions Artaud, Christophe Robert,
07:50 qu'il y a, en l'espace de 50 ans, de 1973 à 2020,
07:56 on est passé de 52% des Français satisfaits de leur logement à 79%,
08:01 ce qui veut dire que la situation, là aussi, s'est améliorée.
08:04 Tout à fait. Mais les choses ne sont pas incompatibles.
08:08 C'est-à-dire que si effectivement, on va prendre depuis l'hiver 54,
08:11 on fête le 70e anniversaire de l'appel de l'Abbé Pierre,
08:14 la taille des logements, c'est-à-dire le nombre de mètres carrés par personne,
08:17 a considérablement augmenté.
08:19 Les logements qui ont les toilettes, l'électricité, l'eau courante,
08:24 sans commune mesure avec 54.
08:26 On sortait de la guerre, il a fallu reconstruire, on a créé les grands ensembles.
08:29 On est aujourd'hui dans une situation où la satisfaction globale
08:33 est en évolution très positive.
08:35 Donc il faut le dire, il faut le dire.
08:37 En revanche, vous avez les personnes qui vivent aujourd'hui comme en 1950,
08:41 en 1964. Je vais prendre un exemple.
08:42 Les bidonvilles. Environ 20 000 personnes en France qui vivent dans des bidonvilles.
08:47 On avait pensé éradiquer les bidonvilles dans les années 60-70, justement,
08:51 avec les grands programmes de construction.
08:52 On avait permis aux personnes de sortir de ces bidonvilles
08:55 pour aller vers des logements de qualité.
08:58 La privation. Les privations qu'on indiquait tout à l'heure en termes de chauffage,
09:01 c'est un phénomène qui est en train de se développer.
09:04 Donc rien n'est jamais acquis.
09:05 Et c'est ça, à mon sens, qu'il faut intégrer.
09:08 Pourquoi ? Par exemple, l'emploi a évolué.
09:11 Le salariat n'est plus ce qu'il était il y a encore quelques dizaines d'années,
09:15 si vous voulez. L'ubérisation de la société, le phénomène des travailleurs pauvres.
09:19 Je travaille, mais je suis quand même pauvre.
09:21 Je travaille, mais je peux quand même être mal logé.
09:24 Donc tout n'est pas égal.
09:25 Par ailleurs, les évolutions font que nous devons adapter nos protections
09:29 aux nouvelles réalités du monde d'aujourd'hui.
09:31 Alors, on a parlé des pauvres.
09:33 Parlons maintenant des très pauvres, c'est-à-dire non pas de ces personnes
09:36 qui sont insatisfaites de leur logement,
09:39 mais de ces personnes qui n'ont pas de logement.
09:42 Est-ce que l'on est capable aujourd'hui, Christophe Robert,
09:44 de savoir combien il y a de personnes privées de logement en France ?
09:50 Alors oui, même si les statistiques publiques ne sont pas actualisées suffisamment régulièrement,
09:57 sur le nombre de personnes sans domicile fixe.
09:59 Ça veut dire que ce sont des personnes qui sont soit sans abri,
10:02 pas de toit sur la tête du tout,
10:04 soit qui vont être dans une cabane, qui vont être dans un garage transformé en logement,
10:07 soit en hébergement d'urgence institutionnel.
10:11 Ce chiffre, il a doublé en 10 ans.
10:13 Donc vous voyez, il y a des évolutions positives qu'on vient de pointer,
10:16 mais celui-ci, il est extrêmement préoccupant.
10:19 Il y a des gens qui disent "ouais, il y a toujours eu des pauvres, il y a toujours eu des riches,
10:22 il y a toujours eu des sans-abri, il y a toujours eu des gens bien logés".
10:24 Ben non, non, non.
10:25 Le nombre de personnes sans domicile a doublé.
10:28 Un autre élément qui montre une forme de dégradation,
10:31 on a vu pendant des décennies baisser le surpeuplement,
10:34 le fait d'avoir un logement trop petit.
10:35 Mais on voit revenir ce taux à la hausse dans les grandes villes,
10:40 parce que c'est devenu tellement cher le logement,
10:42 que les personnes se serrent pour pouvoir rester dans la ville où elles travaillent par exemple.
10:45 Qui sont les sans-domicile fixes aujourd'hui, Christophe Robert ?
10:50 Alors, il y a une grande diversité de profils de personnes,
10:54 mais quand même, il y a des récurrences.
10:57 Des personnes, par exemple, qui ont été aidées par l'aide sociale à l'enfance,
11:01 parce qu'elles n'avaient plus de parents, pour mille et mille raisons.
11:04 On les a protégées à 10 ans, 15 ans, 18 ans,
11:08 puis à 19 ans, 20 ans, 21 ans, on leur a dit "Maintenant, il faut que vous preniez votre envol,
11:11 il faut que vous preniez votre indépendance,
11:13 ça n'est plus notre rôle de vous protéger, maintenant que vous êtes majeure".
11:16 Et qui se retrouvent sans logement.
11:18 C'est-à-dire qu'ils n'ont pas eu la passerelle qui leur a permis
11:22 de rebondir vers une solution de logement.
11:24 Donc il y a une surreprésentation de jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance.
11:28 Il y a un nombre assez important de personnes qui souffrent de problèmes psychiques.
11:33 Vous savez, dans les années 70, on a fermé des lits psychiatriques,
11:35 qui étaient plutôt une bonne initiative pour que les personnes puissent vivre dans la cité avec tout le monde.
11:40 Mais il n'y a pas eu forcément l'accompagnement en soins nécessaires.
11:44 Donc on retrouve beaucoup de personnes dans les lieux d'accueil de la Fondation Abbé Pierre
11:47 ou des associations que l'on soutient, qui souffrent de problèmes psychiques
11:51 et qui ne sont pas aidées, qui ne sont pas convenablement soignées.
11:54 Des personnes en situation d'exil, des personnes en situation de migration,
11:59 ou de demandeurs d'asile.
12:00 Par exemple, les demandeurs d'asile, normalement, la France, comme d'autres pays,
12:04 doivent apporter une chambre dans un centre d'accueil de demandeurs d'asile.
12:08 Et il en manque.
12:08 Alors, est-ce que ce n'est justement pas ça qui explique l'augmentation,
12:12 une augmentation perceptible ?
12:13 À Paris, par exemple, on le voit de manière claire, sous les ponts,
12:18 ce n'est pas une figure de style, c'est aujourd'hui une réalité.
12:22 Il y a énormément de personnes qui dorment sous les ponts.
12:26 Oui, écoutez, moi, quand je suis arrivé à la Fondation il y a 19 ans,
12:29 c'était inconcevable de voir une femme à la rue,
12:31 ou une femme avec un enfant à la rue, ou un enfant à la rue.
12:34 Quand ça arrivait, tout le monde s'organisait pour apporter une solution
12:38 d'hébergement d'urgence à un hôtel social.
12:41 Aujourd'hui, c'est quelque chose d'extrêmement préoccupant.
12:44 On voit beaucoup de femmes, beaucoup d'enfants,
12:47 et je voudrais dire que cette réalité-là,
12:51 elle doit nous interpeller, parce qu'on a la capacité dans ce pays
12:53 d'apporter une solution digne à chacun.
12:55 Mais globalement, on a ouvert beaucoup de places d'hébergement d'urgence
12:59 pour y répondre depuis une dizaine d'années.
13:01 Mais si on ne traite pas les problèmes en amont,
13:03 ou si on ne traite pas les problèmes en aval,
13:04 c'est-à-dire sortir de l'hébergement vers une solution digne de logement,
13:08 on va continuer à voir grossir à la fois l'hébergement en France,
13:11 mais aussi le nombre de personnes à la rue.
13:13 Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre,
13:15 pour Les 100 voix, c'est le livre que vous publiez aux éditions Artaud.
13:18 On se retrouve dans une vingtaine de minutes, Christophe Robert.
13:21 On va évoquer les solutions, solutions politiques,
13:25 parce que ce sont des questions politiques, par exemple,
13:28 une réforme de la fiscalité, par exemple,
13:30 une réforme de la politique du logement.
13:33 7h56 sur France Culture.
13:35 Christophe Robert, vous êtes délégué général de la Fondation Abbé Pierre,
13:45 vous publiez pour Les 100 voix aux éditions Artaud.
13:47 On a évoqué avec vous les pauvres en France, les très pauvres,
13:51 les mal logés et puis aussi les sans domicile fixe.
13:54 Mon camarade Jean Lemarie vient d'évoquer dans son billet politique
13:58 des prix planchés pour l'alimentation,
14:01 l'augmentation des prix de l'alimentation,
14:03 l'inflation a été une catastrophe, a-t-il dit, pour les plus pauvres.
14:08 Mais pour les agriculteurs, il y a aussi une équation,
14:11 semble-t-il, impossible à résoudre et parfois ce sont les mêmes.
14:16 Comment résoudre cette quadrature du cercle ?
14:19 D'abord dire que je partage ce qui vient d'être évoqué.
14:22 Rappelez quand même que les distributions de banques alimentaires
14:25 ont été multipliées par trois en dix ans.
14:27 Donc il s'est passé quelque chose, on l'a tous vu pendant la période Covid.
14:29 Vous savez quand les cantines scolaires ont fermé
14:32 et que pour beaucoup de familles modestes ou pauvres,
14:34 eh bien par exemple avec trois enfants,
14:36 aller à la cantine le midi avec des repas équilibrés peu chers,
14:39 c'était vraiment une soupape très importante.
14:42 Et on voit bien à quel point certains ne s'en sortent pas,
14:45 ça a été dit à l'instant par Jean Lemarie, d'autres sont sur le fil.
14:47 Donc on peut très vite basculer.
14:50 Oui, il faut entrer dans la complexité, c'est ce que le billet vient de nous indiquer.
14:54 On ne peut pas être dans une logique de simplification.
14:57 Donc ils peuvent se poser la question des ressources,
15:00 y compris des ressources des plus pauvres.
15:01 Je vous donne un exemple, le RSA a perdu par rapport au SMIC
15:06 depuis la création du RMI qui est devenu le RSA mais qui a été créé en 88.
15:10 C'est-à-dire que le rapport entre le RSA et le SMIC a décroché.
15:13 Donc les bénéficiaires du RSA se trouvent en difficulté
15:18 pour pouvoir subvenir à un certain nombre de besoins.
15:19 Mais plus globalement, c'est la question
15:23 des conditions minimales d'existence dont on est en train de parler.
15:26 Si on prend la question alimentaire,
15:28 par exemple, il faudrait généraliser les tarifs sociaux dans les cantines scolaires.
15:32 Ça, je pense que ce serait une nécessité.
15:34 On a ajouté en dimension circuit court,
15:37 négociations avec les agriculteurs locaux, les producteurs locaux.
15:40 Là, on aurait déjà une soupape très importante.
15:42 On sait qu'on peut jouer aussi sur la restauration collective,
15:45 plus globalement, au-delà même des cantines
15:47 et des tarifs sociaux dans les cantines scolaires.
15:49 On a là des leviers où on peut agir assez fortement
15:52 parce que ce n'est pas juste l'assiette de chaque ménage.
15:55 Mais plus fondamentalement,
15:57 qu'est-ce qui se passe quand on dit
15:59 interdiction des véhicules thermiques en 2035
16:01 pour des raisons écologiques ?
16:03 Le gouvernement dit qu'on va mettre en place le leasing
16:05 pour aider les ménages à acheter des voitures.
16:07 Et on ne parle pas des plus pauvres là,
16:09 parce qu'on ne pourra pas se les payer.
16:11 Mais ça veut dire quoi ?
16:12 Ça veut dire que pour l'accès à l'électricité,
16:14 pour l'accès à l'eau,
16:15 il faut vraiment entrer dans cette logique de tarification sociale.
16:18 Qu'est-ce que fait Montpellier par exemple ?
16:20 Montpellier a décidé de faire les premiers mètres cubes d'eau gratuits.
16:24 Et plus on consomme, plus c'est cher.
16:25 La gratuité du transport,
16:27 pour une partie de la population ou toute la population,
16:29 aujourd'hui c'est une quarantaine de collectivités.
16:31 Ce que je veux dire par là,
16:32 c'est que les éléments fondamentaux,
16:34 alimentaires,
16:35 se chauffer,
16:37 se soigner,
16:38 se loger,
16:40 et se déplacer,
16:43 on peut mettre en place un bouclier qui s'adresse aux ménages,
16:46 les plus fragiles d'abord,
16:47 pour leur permettre de vivre dans de bonnes conditions.
16:50 Et en fonction des ressources.
16:52 Avec une logique aussi écologique,
16:53 plus on dépense, plus ça coûte cher,
16:55 ce qui permet de restreindre nos consommations globales dans le pays.
16:58 Mais la question du bouclier, elle se pose Christophe Robert.
17:00 Mais si on reprend le problème de l'alimentation,
17:03 finalement on se rend compte,
17:04 avec la crise agricole par exemple,
17:07 qu'à chaque fois qu'il y a des prix bas de l'alimentation,
17:10 il y a quelqu'un qui paye, parfois c'est le producteur.
17:12 Tout à l'heure, j'évoquais cette enquête dans Le Monde sur le fait que si
17:16 les poissons surgelés sont si peu chers en France,
17:19 c'est peut-être aussi parce qu'ils sont fabriqués par des esclaves nord-coréens
17:25 dans des usines chinoises.
17:27 Comment là aussi ils résoutent cette équation ?
17:29 C'est une catastrophe ce que vous décrivez,
17:31 ce que vous avez décrit ces jours-ci.
17:33 La question c'est quoi ?
17:34 C'est de dire, comme l'indiquait le billet tout à l'heure,
17:36 c'est de dire, on ne paye pas assez cher
17:39 pour une partie des productions agricoles en France.
17:41 Donc il va falloir payer le juste prix,
17:43 autrement on ne va pas s'en sortir.
17:45 Surtout parce qu'un certain nombre de contraintes s'imposent à nous.
17:47 Les premières victimes des difficultés, par exemple, phyco-sanitaires,
17:52 ce sont les agriculteurs.
17:53 On le sait très bien, c'est eux qui subissent sur leur santé au quotidien.
17:55 Et ils le savent d'ailleurs, ils le savent très bien, ils le vivent au quotidien.
17:59 Donc il faut payer le juste prix.
18:01 Alors tous les produits ne sont pas de même nature.
18:03 Il faut payer le juste prix, mais il ne faut pas que ça écarte
18:06 tout un pan de la population qui ne pourrait pas se permettre du bon et du sain.
18:11 C'est la logique qui était évoquée tout à l'heure dans votre journal.
18:14 Prévenir, prévenir par exemple les problèmes de santé.
18:18 Une alimentation saine, c'est essentiel pour la santé de nos concitoyens.
18:22 Donc si on doit payer le juste prix, il va falloir aider les agriculteurs
18:26 à faire leur transition écologique, les accompagner,
18:28 mais aussi aider les personnes qui ne pourront pas payer ce prix-là
18:32 à s'alimenter de manière plus saine.
18:33 Jean Lebari, il y a aussi l'équation budgétaire,
18:36 les économies annoncées, présentées comme indispensables.
18:39 Je prends un exemple, un seul exemple, le chèque alimentaire,
18:42 promis à plusieurs reprises par le président de la République,
18:45 promesse réitérée en 2022, promesse enterrée officiellement il y a quelques semaines.
18:50 Il n'y aura pas de chèque alimentaire pour aider les plus pauvres
18:54 à se nourrir et à se nourrir correctement, de manière saine.
18:58 Est-ce que vous comprenez cet arbitrage ?
19:00 Est-ce que l'État a réellement le choix lorsqu'on a 3 000 milliards d'euros de dettes publiques ?
19:05 Oui, oui, bien sûr qu'on a le choix.
19:07 Donc je ne comprends pas cet arbitrage et oui, nous avons le choix.
19:10 Quand on décide de supprimer l'ISF pour le transformer en impôt sur la fortune immobilière,
19:14 eh bien on perd 3 milliards d'euros.
19:16 Quand on décide de supprimer la taxe d'habitation, alors pourquoi pas pour les classes moyennes,
19:20 mais même les classes supérieures, c'est 18 milliards d'euros en moins qui rentrent dans les caisses de l'État.
19:24 Quand on supprime la taxe sur l'audiovisuel,
19:26 quand on met en place le Prélèvement Fonfêtère Uni qui considère que
19:29 les très très riches ne devraient pas payer un maximum d'impôts avec un bouclier,
19:33 eh bien c'est un choix économique.
19:35 Mais comment on va faire la transition écologique dont on est en train de parler sur le volet alimentaire,
19:39 agricole, sur le volet des transports, sur le volet de la rénovation thermique des logements,
19:43 tout en protégeant les plus fragiles ?
19:45 On ne peut pas le faire avec moins de ressources.
19:47 Il y a un désaccord profond, il y a une vision extrêmement inquiétante,
19:50 vous l'avez vu à la dernière élection présidentielle, sur la course à la baisse d'impôts.
19:54 Et je veux qu'on soit précis dans ce que je viens de dire.
19:58 Je ne parle pas des classes moyennes.
20:00 Attention, de quoi parlons-nous ?
20:02 Je parle bien, je ne sais pas moi, des 20% les plus aisés dans le pays qui ont une capacité,
20:07 qui n'ont rien demandé, le nombre de personnes qui m'ont demandé "mais on va supprimer".
20:09 Ça veut dire à partir de quel niveau de revenu ?
20:12 Alors, attendez, ça dépend de quoi on parle.
20:13 Si on prend par exemple la taxe d'habitation, comprenons bien ce qui s'est passé.
20:17 Emmanuel Macron en 2017 en campagne dit "je vais la supprimer pour 80% des ménages".
20:21 Les plus pauvres ne la payaient déjà pas, ils en étaient exonérés.
20:23 80% des ménages, c'est 10 milliards d'euros en moins d'entrer dans les caisses de l'État par an.
20:28 Et puis, une fois élu, il dit "ben on va aussi rajouter les 20 derniers pourcents des ménages".
20:33 Mais personne n'avait demandé à ne pas payer sa taxe d'habitation parmi ces 20% des ménages les plus aisés.
20:38 Vous voyez ce que je veux dire ?
20:39 Donc c'est un choix économique, politique, qui ne permet pas aujourd'hui de mener la transition sociale,
20:45 la transition écologique juste dont nous sommes en train de parler,
20:48 soit l'agriculture, mais on pourrait le faire sur d'autres volets, transport, logement.
20:51 On va revenir là-dessus, Christophe Robert, parce que vous insistez dans votre livre
20:55 pour les 100 voix aux éditions Artaud sur la question notamment de l'ISF.
20:59 Vous venez de le dire, la différence entre l'ISF et l'IFI, l'impôt sur la fortune immobilière,
21:04 c'est 3 milliards d'euros, puisque avant l'ISF récoltait à peu près 5 milliards.
21:09 Aujourd'hui, on est aux environs de 2 milliards avec le nouvel impôt sur la pierre.
21:16 Ces 3 milliards, ils représentent une somme, certes,
21:18 mais par rapport aux 10 milliards d'économies dont vient de parler Jean Lémari,
21:23 on est plutôt dans l'ordre du symbole.
21:25 Alors peut-être qu'il faut des symboles.
21:26 Marine Le Pen, par exemple, nous dit "libération", veut rétablir l'ISF.
21:32 Certains experts au Rassemblement National, ils sont hostiles.
21:36 Est-ce que ça veut dire, par exemple, que c'est la solution ?
21:38 Alors, Guillaume Merner, le symbole à 3 milliards, c'est quand même 3 milliards.
21:43 Le symbole à 18 milliards de la taxe d'habitation, c'est quand même 18 milliards,
21:46 même si on aurait pu considérer que la moitié des ménages ne devraient pas la payer,
21:49 parce que c'est les classes moyennes qui sont en situation de fragilité.
21:52 Le symbole de la contribution audiovisuelle, c'est 3,2 milliards.
21:56 Le prélèvement farfétérien unique, on peut continuer comme ça si vous voulez, mais longtemps.
21:59 Comme vous l'avez entendu, Christophe Robert, dans ma question, il y avait deux symboles.
22:04 J'ai bien compris.
22:06 Oui, alors, ce n'est pas qu'une question de symbole.
22:07 C'est comme pour l'impôt sur l'automne.
22:08 Non, non, je vous l'accorde, vous l'invitez.
22:11 Donc, vous venez de me dire 3 milliards, ce n'est pas un symbole.
22:13 Je suis d'accord avec vous, Christophe Robert.
22:15 Le fait que Marine Le Pen soit, par exemple, favorable au rétablissement de l'ISF
22:21 et que son programme est considéré, en tout cas présenté par Jérôme Sainte-Marie,
22:28 qui est, disons, l'une des têtes pensantes du RN,
22:32 et qui dit finalement que notre programme économique, il n'est pas de droite, il est de gauche.
22:37 Est-ce que c'est un programme économique qui vous convient, le programme du Rassemblement National ?
22:41 Non, non.
22:43 Déjà parce qu'il y a la préférence française, mais pas seulement.
22:47 Je parle stricto sensu sur le plan économique.
22:49 Non, mais j'ai bien compris.
22:50 Je l'ai compris, ma père, je l'ai compris.
22:51 J'ai bien compris.
22:52 Ce que je pense, c'est qu'aujourd'hui, les fragilités dont on est en train de parler
22:58 depuis une demi-heure, trois quarts d'heure, les peurs, les peurs de basculement, la peur
23:03 du déclassement, la peur de ce qui va se passer pour nos enfants, la peur du lendemain,
23:08 et puis la guerre, et puis les crises écologiques, créent une situation d'inquiétude majeure
23:12 dans notre pays, mais pas seulement.
23:14 Et qu'il faut y répondre.
23:15 Et il faut y répondre socialement.
23:17 Et pour y répondre socialement, il faut une fiscalité d'une autre nature.
23:22 Donc quand le Rassemblement National dit ça, je suis triste que ce soit le Rassemblement
23:26 National qui se saisisse de ce sujet.
23:28 Il faut apporter des issues aux inquiétudes et aux colères.
23:32 Si c'est le Rassemblement National qui apporte des réponses aux issues et aux colères,
23:36 on aura un jour l'extrême droite au pouvoir dans ce pays.
23:38 Et ça, ça n'est pas acceptable.
23:40 Jean-Lesmarie, dans votre livre à ce sujet, vous racontez une anecdote, Christophe Robert,
23:45 elle remonte à une dizaine d'années.
23:46 François Hollande était président de la République.
23:49 Lors d'une réunion, vous prononcez un discours où vous critiquez le comportement du gouvernement
23:56 de l'époque, critique d'un homme du monde associatif.
24:00 Et puis un responsable de l'État vient vous voir et vous dit "il faut choisir votre camp
24:03 monsieur Robert".
24:04 Que direz-vous lorsque l'extrême droite sera au pouvoir ? Avez-vous choisi votre camp ?
24:09 C'était un moment qui pour moi était symbolique, c'est pour ça que je l'ai mis dans le livre.
24:14 Je venais de parler de l'augmentation du doublement du nombre de personnes sans domicile
24:18 fixe dans d'autres pays.
24:19 Donc j'étais là, en tant que dirigeant de la fondation Abbé Pierre, en train de parler
24:22 de gens qui n'ont rien, qui meurent dans la rue à 50 ans à l'âge moyen.
24:26 Et quand je sors de là, parce que je venais de dire avec les décisions politiques qui
24:30 avaient été prises, ce grand responsable, ce haut responsable, il me dit "il faudra
24:34 vraiment choisir votre camp".
24:35 Je me suis dit "mais dans quel monde vit-on ?" Je crois profondément que c'est justement
24:40 ça l'erreur d'analyse.
24:41 Il faut apporter des réponses à ces difficultés-là.
24:44 Il faut tendre la main à ceux qui sont en situation de fragilité.
24:47 Autrement, certains qui n'ont pas les bonnes idées, les bonnes solutions, vont nous emmener
24:52 dans le mur.
24:53 Et c'est là où, quand il y a des petites fraves, vous en parlez dans votre billet.
24:57 Parce qu'on pourrait dire que la VOD, ce n'était peut-être pas les propos du président
25:00 de la République, mais "traverser la rue", oui, c'était les propos du président de
25:03 la République.
25:04 Et donc, imaginez ce que ça veut dire quand vous vous battez tous les matins.
25:08 Je pense aussi aux travailleurs sociaux, aux associations, à tous ceux qui agissent aux
25:12 côtés des plus fragiles.
25:13 Et qui, tout d'un coup, entendent le président de la République dire "bon, ben, il faudrait
25:17 peut-être se lever un peu plus tôt, ou il faudrait peut-être juste traverser la rue,
25:20 ou pou, ou alors il faudrait peut-être mieux organiser vos dépenses dans votre budget".
25:25 Non.
25:26 Regardons, écoutons les gens.
25:27 Tendons leur la main.
25:29 Et je crois que là, on pourra reconstruire ensemble quelque chose de beaucoup plus ambitieux.
25:33 A l'image d'ailleurs, et je veux juste dire un mot, de ce que la protection sociale
25:37 a toujours été en France depuis la deuxième guerre mondiale.
25:39 On a toujours dit que c'était le meilleur système.
25:41 Attention à l'effripement.
25:42 Regardez ce qui s'est passé à l'école.
25:43 Regardez ce qui s'est passé dans la santé.
25:44 Et aujourd'hui, sur le volet social, des aides sociales, je crains qu'on en soit là,
25:48 parce que certains de nos dirigeants disent "on va ramener cette protection sociale au
25:52 niveau moyen européen".
25:53 Et ben non.
25:54 Moi je dis "restons les numéros 1, les numéros 2 ou les numéros 3 pour embarquer
25:58 la société vers une société plus solidaire, de partage".
26:01 On a la capacité de le faire.
26:03 Et beaucoup de monde a envie de faire ça aujourd'hui dans le pays.
26:05 Bon, alors je vais me dévouer, Christophe Robert, je vais défendre la cruauté, l'égoïsme
26:10 budgétaire.
26:11 Il y a d'ailleurs une interview aujourd'hui dans l'Opinion d'Edouard Philippe qui explique
26:15 que l'austérité budgétaire est aujourd'hui nécessité.
26:18 En fait, il y a une alternative par rapport à ce que le responsable politique que vous
26:23 évoquez sans le citer vous a dit.
26:26 Ou bien on fait assaut de démagogie et on dit "voilà, nous allons éradiquer la pauvreté,
26:33 les sans domicile fixe, etc." comme cela a été dit, promis par de nombreux responsables
26:37 politiques et comme cela pourrait l'être par exemple par le Rassemblement National.
26:41 Ou bien on a une politique responsable budgétairement et vous en parlez d'ailleurs dans "Pour
26:47 les sans voix" qui consiste à dire qu'aujourd'hui le niveau des prélèvements en France est
26:52 tel qu'on ne peut pas l'augmenter.
26:54 Dans quel terme de l'alternative vous situez-vous ? Est-ce qu'aujourd'hui on est vraiment
26:59 capable de dépenser plus alors que ça nous coûte, je ne sais plus qui a dit ça, un
27:02 pognon de dingue ?
27:03 Écoutez, on a bien conscience des 3000 milliards de dettes, j'ai dit "on" à la Fondation
27:09 Abbé Pierre, les acteurs sociaux, le pacte du pouvoir de vivre qui rassemble les organisations
27:14 écologistes, sociales, syndicales, qui œuvrent dans un esprit de transition juste, une vision
27:20 de la démocratie, du partage.
27:22 Moi ce que je dis dans le livre, faisons déjà mieux avec ce que nous avons.
27:28 Je vais juste vous prendre un exemple parce qu'il faudrait des heures pour parler de
27:30 cela.
27:31 Quand on met en place le bouclier énergétique dans le pays, ça coûte 50 milliards d'euros
27:36 sur deux ans.
27:37 Alors c'est chouette, on va se dire "le pays a aidé les français", c'est tout à
27:41 fait vrai, 50 milliards d'euros en deux ans.
27:43 Et puis qu'est-ce qui se passe ? Le ministre de l'économie dit "ben maintenant on va
27:46 en sortir".
27:47 Normal, on ne peut pas tenir avec un bouclier thermique et énergétique de cet ordre-là.
27:51 Mais elle est là la question, c'est le ciblage.
27:54 On met 50 milliards pour tout le monde, les très très très riches, comme les très très
27:59 très pauvres, de la même manière, de manière homogène, uniforme, et puis après on descend.
28:04 Et on le supprime.
28:05 Ben non, il faut cibler, par exemple, vous tripler le chèque énergie qui s'adresse
28:10 aux 5 millions de ménages, pas seulement les plus pauvres, les catégories modestes,
28:13 les classes moyennes et inférieures qui sont en situation de fragilité.
28:15 On sait faire, on a les outils.
28:17 Avec les ressources d'aujourd'hui, on peut déjà faire mieux.
28:20 J'ai une question personnelle à vous poser, est-ce que vous voulez faire de la politique ?
28:23 Non.
28:24 Et bien c'est peut-être ça la différence, parce que les hommes politiques, eux, le
28:26 veulent en faire et donc ils veulent être élus.
28:29 Alors par exemple, vous dites, en fait, pour trouver de l'argent, il y a une solution
28:33 simple, taxons les morts.
28:35 Page 155.
28:36 Taxons les morts, c'est une excellente solution, sauf que les personnes qui vont mourir, c'est-à-dire
28:42 nous tous finalement, ne veulent pas du tout que les morts soient taxés et donc ces réformes
28:46 de l'héritage, alors pour le coup, elles sont quasiment à l'unanimité rejetées
28:51 du Rassemblement National, l'août-dix Libération, ce matin, jusqu'à la majorité présidentielle.
28:57 Les partis de gauche les ont proposées, mais elles n'ont pas été retenues.
29:00 Est-ce que ça, ce n'est pas le bon exemple entre un responsable associatif, vous, et
29:04 un homme politique ?
29:05 Non.
29:06 D'abord, pour la formule de mon collègue Emmanuel Domaire, directeur de l'étude,
29:12 « taxons les morts pour aider les vivants ».
29:13 En fait, je crois qu'il y a une méconnaissance du sujet.
29:17 En réalité, la grande partie, la grande majorité des transmissions patrimoniales ne sont pas
29:23 fiscalisées, d'accord, parce qu'elles sont en dessous de 100 000 euros et donc la
29:28 grande majorité des gens, ils vont transmettre moins de 100 000 euros et donc ils ne vont
29:32 pas être fiscalisés.
29:33 Ce que je propose, ce que nous proposons, notamment avec le pacte du pouvoir de vivre,
29:40 c'est une fiscalité globale sur l'impôt, sur le revenu ou sur la transmission du patrimoine
29:44 qui soit un peu plus évolutive en fonction des capacités de chacun.
29:47 Ce n'est pas l'idée de dire « on va piquer l'argent ici pour la donner là,
29:51 on va empêcher toute la dynamique économique du pays, nous sommes responsables, nous sommes
29:56 conscients, nous connaissons la fiscalité, nous connaissons les aides sociales ».
29:59 On parle, je le parle dans le bouquin, d'une augmentation de 1% qui dégagerait un certain
30:04 nombre de milliards mais qui ne viendrait pas fragiliser les personnes qui ont des ressources.
30:10 Et pourquoi on propose ça ? Parce que vous savez que la transmission de l'héritage,
30:14 de plus en plus, c'est un héritage qui est déjà hérité soi-même, plus que mérité.
30:19 On est entré, comme le dit Thomas Piketty, à nouveau dans une société de rentiers.
30:25 Donc ne nous trompons pas, quand vous dites « la majorité de la population ne veut pas
30:29 de ça », mais nous non plus, nous ne voulons pas de ça.
30:31 Nous ne voulons pas taxer des personnes qui ne sont pas aujourd'hui fiscalisées.
30:35 Moi je ne veux pas faire ça.
30:36 Ce que je veux c'est aller prendre un peu, là où il y a un peu plus.
30:39 Quand je vous disais que les plus riches maintenant ne payaient plus leur taxe d'habitation,
30:43 mais pourquoi ? Personne ne l'a demandé.
30:45 Et en en ajoutant les 20% des plus riches, Emmanuel Macron a enlevé encore 8 milliards
30:50 d'euros.
30:51 Donc faisons déjà mieux avec ce que nous avons, arrêtons cette course à la baisse
30:56 d'impôts qui touche quand même les catégories les plus hautes, qui bénéficient aux catégories
31:00 les plus hautes, et on peut même discuter sur un partage des richesses un peu plus grand,
31:06 de façon évolutive, non confiscatoire, pour pouvoir financer la transition écologique
31:12 juste, c'est-à-dire qui aide aussi les ménages les plus pauvres à se loger, à
31:17 se déplacer, à se soigner et à s'alimenter.
31:20 Je crois que c'est un dessin que nos concitoyens peuvent comprendre.
31:25 Christophe Robert, hier vous avez rencontré le nouveau ministre du logement, Guillaume
31:30 Casparian, un ministre qui a disons mauvaise presse pour les associations qui aident et
31:38 qui luttent contre la pauvreté, parce qu'il a notamment fait une proposition de loi anti-squatter
31:46 qui a été jugée comme étant extrêmement dure sur le plan social.
31:51 Qu'est-ce qu'il vous a dit ce nouveau ministre Christophe Robert ?
31:54 D'abord je voudrais dire que je suis le 14e ministre en 19 ans à la Fondation Avepierre,
32:00 14e ministre du logement.
32:01 Donc on voit effectivement des différences.
32:05 Vous pouvez les classer ?
32:06 Non, je ne ferai pas ça.
32:08 Parce que ce n'est pas qu'une question d'hommes, ou ce n'est pas une question
32:11 d'hommes.
32:12 C'est une question de choix politiques, de choix de société.
32:14 Qu'est-ce qu'on veut faire ? C'est quoi qu'on veut faire dans ce pays maintenant ?
32:19 Après la deuxième guerre mondiale, on a développé la protection.
32:22 Qu'est-ce qu'on veut faire aujourd'hui ? C'est la question que je posais au ministre
32:25 hier.
32:26 Qu'est-ce que vous voulez faire ? Comment vous vous situez par rapport à la protection
32:29 des plus fragiles, par rapport au partage, par rapport à la question écologique ? Dans
32:33 le rapport qu'on a publié le 1er février dernier, on pointait par exemple un aspect
32:36 positif, j'en ai parlé au ministre hier, on disait "le gouvernement met en place
32:40 la planification écologique".
32:42 Enfin, on a un cadre structurel qui permet de penser la transition écologique dans la
32:46 durée, secteur par secteur, territoire par territoire.
32:49 C'est ça dont nous avons besoin en engageant toutes les forces vives de la nation.
32:53 D'accord ? Et il y avait une augmentation qu'on saluait positivement dans le rapport,
32:57 du budget dédié à la rénovation thermique.
33:00 Qu'est-ce que nous annonce Bruno Le Maire à trois jours ? En fait non, on ne va pas
33:02 le faire, on enlève un milliard.
33:03 C'est quoi ? C'est du stop and go.
33:06 Ce n'est pas comme ça qu'on peut mener des politiques dignes.
33:08 Je prends un autre exemple, le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo.
33:12 On savait où on allait pendant cinq ans, des objectifs, des moyens, une loi pure annuelle
33:16 budgétaire pour ne pas être soumis aux aléas annuels du débat au Parlement sur le budget.
33:21 Quant au ministre, ce n'est pas une question de personne, le ministre m'a dit vouloir
33:25 bien faire.
33:26 Moi je le crois, voilà.
33:27 Et je crois ce que je vois.
33:29 Et je l'ai vu par contre proposer une loi qui s'attaque aux plus fragiles, plutôt
33:35 que de régler les problèmes des sans-domiciles ou des mal logés, on les criminalise en
33:39 leur menant des peines de prison et des amendes.
33:41 Quiconque croit régler le problème de la pauvreté à coup d'amendes et de peines
33:45 de prison se trompe évidemment.
33:47 Donc cette loi n'était ni fait ni à faire.
33:50 Oui mais regardez, indépendamment de cette loi sur laquelle les associations comme les
33:55 vôtres ont été très critiques, il y a un secteur, la promotion immobilière, qui
34:01 est en grande difficulté aujourd'hui, c'est-à-dire des emplois qui aujourd'hui
34:06 sont menacés.
34:07 Vous évoquez par exemple le Pinel qui est une disposition qui était plutôt pour les
34:11 gens aisés en matière de construction.
34:14 Vous évoquez son coût qui était trop important, le Pinel a été supprimé et aujourd'hui
34:19 la promotion immobilière dit on va être obligé de licencier parce qu'il n'y a
34:23 plus de Pinel, parce que ce fonctionnement-là est révolu.
34:28 Et bien je vais vous surprendre parce que je ne demande pas la suppression.
34:31 Ce que je disais c'est que ces dispositifs que vous venez d'écrire, dont le Pinel,
34:34 mais il y en a eu une quinzaine, le CERE, le PORLO, autant que des ministres, on va
34:39 dire comme ça.
34:40 La question c'est le bon équilibre, le bon usage des données publiques.
34:43 A-t-on besoin d'inciter des investisseurs à mettre leur argent dans la pierre ? Oui,
34:51 plutôt que dans la bourse.
34:52 Mais la question c'est les contreparties sociales et écologiques.
34:55 Si on fait ça, puisque c'est de l'argent de la nation, c'est-à-dire notre argent
34:57 à toutes et à tous, et bien dans ce cas-là, il faut fixer des niveaux de loyers pour être
35:01 en dessous du marché, pour loger les personnes qui ont besoin d'être aidées.
35:04 Contrepartie sociale, contrepartie écologique sur la qualité thermique des logements, parce
35:08 que le bâtiment est un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre.
35:11 Donc il faut qu'ils rénovent les logements.
35:13 C'est là où on a besoin du soutien de la puissance publique, dans tous les domaines,
35:18 agriculture, logement, transport.
35:20 Logement, maison individuelle, Christophe Robert, parce que là aussi c'est un débat
35:25 qui s'ouvre en France.
35:27 Qu'en pensez-vous si on favorise la maison individuelle, qui est le souhait d'une majorité
35:32 de Français ?
35:33 On peut… Ces sujets sont compliqués.
35:36 La transition écologique c'est quelque chose de compliqué.
35:38 C'est pour ça qu'on a créé le pacte du pouvoir de vie.
35:39 C'est pour sortir nous-mêmes de notre tuyau d'orgue, de pensée sociale, écologie,
35:44 de pensée démocratie, territorialisation de ces politiques.
35:47 C'est comme ça qu'on va s'en sortir.
35:48 Si c'est avec des petites phrases ou des slogans ou des stop-and-go en permanence,
35:52 on ne va pas s'en sortir.
35:53 La question de la maison individuelle soulève la question de la densification de la ville,
35:58 mais aussi de la végétalisation de la ville.
36:01 On risque d'avoir le même problème qu'on a eu avec l'agriculture par rapport au zéro
36:04 artificialisation nette si on n'accompagne pas les collectivités, les maires, les métropoles
36:10 pour densifier leur ville, ce qui n'empêche pas la maison individuelle, sans grignoter
36:16 nos espaces naturels.
36:17 Ce sont des choses qu'on peut faire, mais ça ne se fait pas en deux secondes.
36:20 Ce travail, ça se pense, ça se fait en débat démocratique aussi dans les territoires.
36:24 Et c'est là où il ne faut pas renoncer à la complexité, autrement on ne s'en sortira
36:27 pas.
36:28 Les défis, ils se superposent, ils sont trop importants pour qu'on laisse ça à quelques
36:32 slogans ou des débats trop vite faits, je pense.
36:35 Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, votre livre « Pour
36:39 les sans-voix, pauvreté, mal-logement, inégalité ne sont pas des fatalités » est publié aux
36:44 éditions Artaud.
36:45 Merci de nous avoir accompagnés ce matin.

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