Repenser le rôle de l’État pour redevenir stratège [Gérard Cascino]

  • il y a 8 mois
Xerfi Canal a reçu Gérard Cascino, ancien Directeur Régional du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle des régions Picardie et PACA et ancien Commissaire à la ré industrialisation, de la région Rhône-Alpes, pour parler du rôle de l'Etat.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 Bonjour Gérard Casquineau.
00:10 Bonjour Jean-Philippe Devy.
00:11 Gérard Casquineau, vous êtes ancien directeur régional du travail, de l'emploi et de
00:15 la formation professionnelle des régions Picardie et Paca et ancien commissaire à
00:19 la réindustrialisation de la région Rhône-Alpes, c'est-à-dire post-crise 2007, quand le
00:25 président Sarkozy avait nommé des commissaires à la réindustrialisation.
00:29 Vous avez devant vous l'ouvrage d'Yves Perrier et François Evald, « Quelle économie
00:32 politique pour la France », ouvrage passionnant qui justifie de lancer un peu un grand débat
00:38 et ouvrage dont nous avons débattu ensemble.
00:40 Vous avez une vision particulière de l'État stratège.
00:43 Parce que Perrier et Evald nous disent « l'État doit redevenir stratège ». Alors, on comprend
00:47 très bien comment il était stratège, comment il a perdu la stratégie, parce que c'est
00:50 la finance qui a pris le pouvoir, l'État était devenu thérapeute.
00:53 Eux, ils prônent le retour d'un État stratège.
00:55 Donc, vous nous dites « attention, faire de la stratégie, ce n'est pas forcément
00:59 faire du top-down et imposer d'en haut.
01:00 Faire de la stratégie, c'est créer des conditions, penser meso et créer des conditions
01:06 d'émergence de stratégie.
01:08 » C'est ça.
01:09 L'État stratège, de mon point de vue, c'est un État qui donne le « là ». En ce sens
01:13 que, et aujourd'hui c'est d'une actualité totale, on voit bien qu'avec la crise sanitaire,
01:20 on s'est retrouvé dans une situation où des questions qui étaient d'ordre structurel
01:24 avaient été perdues de vue, on était dans une vision heureuse de la mondialisation.
01:28 C'est-à-dire, en gros, on avait tiré parti de la mondialisation qui avait joué jusque-là.
01:32 Tous, on est tous coupables quelque part de la situation qui a existé, parce que finalement,
01:38 une économie low-cost et une économie de la diversité, ça se faisait tout le monde.
01:42 Sauf qu'on ne voyait pas la contrepartie de cette mondialisation qui faisait qu'on
01:46 avait des chaînes de valeur qui étaient mondialisées, avec des questions d'approvisionnement
01:52 qui étaient majeures, mais qu'on ne voyait que sous l'angle des bénéfices qu'on
01:55 en tirait, puisqu'on était dans une logique de sourcing, où on était dans une approche
02:00 par le coût de la compétitivité, qui rejoint une compétitivité des prix, et du coup,
02:06 on se retrouvait finalement avec tout le monde qui tirait parti de ça, les entreprises,
02:11 parce que quelque part c'était une manière d'abaisser leurs coûts de production et
02:15 donc de retrouver à la fois de la compétitivité et derrière de la rentabilité, et puis les
02:21 particuliers que nous étions tous, parce que quelque part, on bénéficiait de ça.
02:25 Et puis l'État a besoin de redevenir stratège, parce que ces questions de souveraineté deviennent
02:34 majeures.
02:35 C'est-à-dire que les questions géopolitiques, et c'est pour ça que la préface de Védrine
02:38 est intéressante dans ce bouquin, elles sont toutes aussi lancinantes que les questions
02:44 d'économie politique que posent Yves Perrier et François Evald.
02:47 Et comment devient-il stratège ? De vue de votre expérience ?
02:50 L'État devient stratège en ce sens qu'il a besoin d'être celui qui crée les conditions
02:56 favorables à l'émergence de projets.
03:01 Par exemple, au plan territorial, l'idée que les projets pourraient sortir du chapeau
03:06 de l'État ou pourraient sortir même du chapeau des lieux locaux, moi j'ai été
03:11 maire d'une petite commune, certes, quand on pense pouvoir réindustrialiser par exemple
03:15 notre pays à coup d'entreprises qu'on ferait revenir pour reprendre des productions
03:21 qu'on a perdues, je crois qu'on poursuit des chimères, on fait fausse route.
03:24 En réalité, c'est lorsqu'on travaille sur l'émergence de filières et le faire,
03:29 c'est créer du projet dans une vision prospective du territoire, pas prévisionnelle.
03:33 Avec un point qui revient de votre expérience, c'est de dire attention, en Allemagne, on
03:37 a tendance à penser ensemble, co-action, là où en France, vous avez l'expérience
03:43 de relations un peu plus compliquées dans les filières.
03:44 Oui, je dis ça parce que par exemple, au moment de la crise de 2008, il y avait une
03:49 filière qui a souffert énormément, l'automobile.
03:52 Et dans cette filière, on voit bien les rapports inter-entreprises, l'appellation elle-même
04:01 suffit à comprendre les choses, on était encore dans les rapports entre donneurs d'ordre
04:04 et sous-traitants.
04:05 C'est-à-dire qu'on était dans une logique où finalement, lorsque les donneurs d'ordre
04:11 se sont rendus compte qu'ils allaient souffrir, ils tordaient un petit peu le coup à leurs
04:15 sous-traitants en essayant de capter une partie des pertes qu'ils pouvaient avoir par ailleurs,
04:21 au lieu de dans une logique de co-construction telle que les Allemands n'avaient plus le
04:25 contrôle.
04:26 C'est-à-dire que les Allemands, je prends cette expression, chassaient en meute et nous
04:29 on jouait chacun pour soi.
04:30 Et donc, à un moment donné, ceux-là souffraient encore plus que les autres, ces fabricants,
04:37 parce qu'ils prenaient la crise au carré, dans une chute brutale de la demande, ils
04:42 se retrouvaient sans rien.
04:43 Et l'État était tenté pendant un temps, et heureusement qu'il ne l'a pas fait,
04:47 de dire qu'on sacrifie ces petites entreprises qui n'ont pas une grande importance finalement,
04:51 puisqu'il n'y avait pas beaucoup d'emplois en jeu.
04:52 Si, elles avaient une importance totale, parce qu'on ne comprenait pas le fonctionnement
04:56 du territoire à travers le fonctionnement de filières qui s'exerçait au sein du
04:59 territoire.
05:00 Et donc, si on avait sacrifié ces gens-là, on sacrifiait le territoire tout entier, donc
05:04 les emplois qui allaient avec.
05:05 Merci Gérard Casquino.
05:07 Merci.
05:08 Merci.
05:09 Merci.
05:10 Merci.
05:11 Merci.
05:12 Merci.
05:13 Merci.

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