ART & MARCHÉ - UNESCO & lutte contre le trafic de biens

  • il y a 7 mois
En 1970, 144 pays ont ratifié une Convention, juridiquement contraignante, de l'UNESCO, afin que chaque États prennent des mesures pour empêcher le trafic illicite de biens culturels. Face au Covid et différentes crises géopolitiques, cette lutte se poursuit d'autant plus.

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00:00 (Générique)
00:04 Toujours dans cette thématique de lutte contre le trafic illicite de biens,
00:08 je suis maintenant avec Ernesto Ottone qui est sous-directeur général pour la culture à l'UNESCO.
00:13 Merci beaucoup d'être avec nous.
00:15 Il y a deux minutes, on parlait justement du Parlement et du Conseil européen
00:19 qui sont parvenus à un accord provisoire concernant la lutte anti-blanchiment.
00:22 J'imagine que c'est une très bonne nouvelle pour vous. Vous avez travaillé sur le projet ?
00:27 Oui, ça fait des années qu'on essaie de revoir ce qu'on a comme instrument.
00:31 Et effectivement, après la Covid, après la pandémie, on a des chiffres alarmantes
00:38 vis-à-vis de ce qui se passe, non pas seulement au trafic illicite, mais ce qui en découle.
00:43 Donc c'est un très bon signe de l'Union européenne de renforcer tout le système sécuritaire vis-à-vis de ce sujet.
00:52 Parce que Covid, autant que tous les événements géopolitiques qui sont arrivés,
00:57 Ukraine, Israël, Palestine, tout ça ce sont des événements qui nécessitent une vigilance d'autant plus forte ?
01:04 Oui, pendant la pandémie, ce qui s'est produit, c'est que les réseaux sociaux ont été utilisés d'une manière accrue
01:11 vis-à-vis du trafic illicite de biens culturels. Vous avez des plateformes où il y a moins de contrôle.
01:17 Et donc ce n'étaient plus tellement des réseaux organisés physiquement de vente, mais plutôt en ligne.
01:23 Et c'est là où il y a moins de régulation. Et aujourd'hui, on essaye de travailler avec les plateformes
01:31 pour mettre des blocages face à ce qui pourrait être du trafic illicite.
01:37 Parce qu'aujourd'hui, le lieu où il faut avoir la vigilance la plus accrue, c'est sur les plateformes.
01:45 Et c'est vraiment Internet, les échanges en ligne qui sont...
01:49 Oui et non. C'est-à-dire, à partir de 2021, Interpol nous donne les chiffres.
01:57 Il y a un marché qui s'est accéléré. Mais depuis deux ou trois ans, surtout dans les zones de crise que vous avez mentionnées,
02:04 mais on continue à parler de la Syrie, de l'Afghanistan surtout, on se retrouve aussi avec un marché physique.
02:11 Et des pays où on circule les biens culturels. C'est ça qui est important.
02:16 Et peut-être on va en parler sur ce qui est l'instrument normatif que l'UNESCO a depuis 1970,
02:22 qui est justement la Convention contre le trafic illicite de biens culturels.
02:26 Juste avant de revenir sur cet instrument, est-ce qu'on peut quantifier ou avoir quelques ordres de grandeur sur ce trafic illicite ?
02:35 Les chiffres sont assez contestés par le marché de l'art, principalement par les associations qui sont derrière.
02:41 Interpol a des chiffres, mais on essaye de ne pas donner de chiffres parce que c'est très difficile à mesurer.
02:47 Par contre, les chiffres qu'on a, c'est qu'en 2020, vous avez eu plus de 800 000 saisies.
02:54 800 000, c'est-à-dire on parle d'un chiffre dans le monde, et c'est énorme.
02:58 Et vous avez certains marchés, comme c'est le cas de l'Asie, entre 2019 et 2020, qui a augmenté de 1 300 %.
03:07 Donc ça vous montre un peu l'ampleur. L'Amérique latine, c'était plus de 180 %, et en Europe, c'était plutôt de 45 %.
03:14 Donc quand on parle de flux, c'est énorme. Seulement un chiffre, il y a deux ans, nous sommes allés à Washington, au Smithsonian,
03:23 pour le retour et restitution de plus de 15 000 objets à l'Irak, qui avaient été soustraits du pays pendant plus de 20 ans.
03:35 Donc on parle de chiffres énormes de biens culturels.
03:38 Et justement, l'UNESCO, c'est en 1970 qu'il y a eu cette convention qui était un acte majeur dans la lutte.
03:45 Que dit cette convention, et aujourd'hui, est-ce que ça a évolué ?
03:48 Effectivement, il y a quelques années, nous avons essayé de commémorer les 50 ans de cette convention.
03:55 C'est une convention qui est née à un moment où on voulait pousser les États membres.
04:02 L'UNESCO compte avec 194 États membres. Les États-Unis sont revenus l'année dernière, justement pour assurer que ce n'était pas seulement un sujet bilatéral,
04:13 comme c'est souvent les accords qui sont menés, mais c'était une préoccupation intergouvernementale.
04:18 C'est-à-dire que tous les États membres ratifiaient cette convention et signaient des accords pour qu'il y ait une vigilance au niveau des douanes,
04:28 au niveau des polices et au niveau des magistrats. Aujourd'hui, on travaille très fort avec les magistrats.
04:33 C'est-à-dire les peines autour du trafic illicite de biens culturels.
04:37 C'est quelque chose de préoccupant parce que, comme c'est dans le rang des différents trafics qu'il y a de marché illicite,
04:47 c'est celui-là qui a les peines les moins fortes pour ceux qui incursionnent dans ce domaine.
04:54 Donc, effectivement, aujourd'hui, on essaie non seulement de mettre tout le monde autour de la table.
04:59 En ce moment, il faut que vous sachiez qu'il y a 144 pays qui ont ratifié cette convention.
05:03 Donc, le problème, c'est qu'on a encore un défi avec les 50 pays qui n'ont pas encore ratifié, qui sont souvent utilisés comme faisant partie d'un circuit,
05:11 puisque les réglementations internationales ne sont pas en accord avec ce qu'il y a.
05:19 Donc, rien que pour vous donner un exemple, en Afrique, vous avez encore 16 pays qui n'ont pas encore ratifié.
05:23 On travaille comme des fous, je dois le dire, pour assurer qu'effectivement tous ces pays se mettent d'accord et ont des normatifs communs contre ce trafic.
05:33 – Quels sont les leviers de l'UNESCO ?
05:35 Le but, c'est surtout d'aller voir chaque pays pour ratifier cet accord ?
05:41 C'est du lobbying, c'est de la pédagogie ? C'est ça les leviers de l'UNESCO ?
05:45 – Non, d'un côté, vous avez effectivement, quand vous avez une convention,
05:49 dans le secteur de la culture UNESCO, on a six conventions, la plus connue c'est le patrimoine mondial,
05:53 donc c'est le bien tangible, mais cette convention, ce qu'elle fait,
05:57 c'est non pas seulement faire un plaidoyer, assurer une ratification,
06:01 mais c'est surtout faire ce qu'on appelle le "capacity building",
06:05 c'est-à-dire comment on forme des militaires, des agents de police, des douanes,
06:11 on parle de plus de 1000 agents qui ont été formés des 20 dernières années,
06:15 et aujourd'hui par exemple, on a une concentration très forte sur les militaires femmes,
06:19 en Afrique notamment, mais aussi dans les Balkans, où effectivement,
06:23 une des choses qu'on demande, c'est de créer des polices spécialisées
06:27 dans la lutte contre le trafic illicite.
06:29 Le meilleur exemple, c'est les Carabinieri en Italie, qui sont les grands maîtres,
06:33 mais vous en avez en France, au Mexique, en Argentine dernièrement,
06:37 et c'est comment on forme une police et les douanes pour pouvoir détecter,
06:43 quand vous avez des objets qui sont transférés d'un pays à l'autre.
06:47 On a des exemples très vivants, dernièrement au Kyrgyzstan,
06:51 de l'Afghanistan, Interpol a pu intercepter un cargo énorme de biens volés,
07:00 surtout dans des fouilles archéologiques, et là le problème se pose parce qu'il n'y a pas d'inventaire.
07:05 Quand vous volez un objet d'un musée, il est enregistré dans un inventaire.
07:10 Dans la plupart des sites archéologiques, qui se découvrent tous les jours, il n'y a pas cet inventaire.
07:16 Donc après c'est très difficile de savoir ce qu'il y avait, comment tu récupères,
07:20 et vous avez besoin d'un champ d'expertise pour pouvoir analyser d'où proviennent ces objets.
07:25 Merci beaucoup Ernesto Ottone, sous-directeur général pour la culture à l'UNESCO.
07:30 Merci d'être venu démocratiser, parler des enjeux de lutte contre le trafic de biens culturels dans le monde.
07:37 Quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro d'Art et Marché.
07:41 En attendant, vous pouvez retrouver toutes les émissions sur le site de Miss Marthe.
07:45 [Musique]

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