Lauren Boulard, journaliste et autrice, a cofondé CLIMAX, une newsletter aux couleurs pop et aux punchlines épicées consacrée à l'actu environnementale.
Retrouvez "La question qui" de Maïa Mazaurette sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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AmusantTranscription
00:00 Bonjour Lohen Voda ! Bonjour ! Alors vous êtes journaliste, cofondatrice de deux newsletters,
00:05 Climax qui parle de révolution climatique et TechTrash qui parle de comment la tech nous trompe.
00:09 Vous aimez vachement beaucoup les newsletters ! J'adore !
00:13 Est-ce que vous êtes une amie ? Je suis complètement accro à ces emails !
00:16 Totalement ! Mais plus sérieusement, la newsletter c'est un format qui a une mauvaise image un peu ringarde et désuète,
00:24 mais nous on l'aime beaucoup parce que c'est un peu aussi un médium pirate,
00:28 parce qu'au final il nous permet de nous émanciper de la tyrannie des algorithmes de TikTok ou d'Instagram
00:33 et ça nous permet d'avoir un ton hyper libre et de dire à peu près ce qu'on veut.
00:36 Et donc aujourd'hui, Climax c'est une newsletter mais c'est aussi un magazine trimestriel.
00:43 Et j'ai relevé dedans une phrase qui m'a interpellée,
00:45 "à force de prôner la frugalité, l'écologie s'est muée en discipline sage, sobre et parfois chiante".
00:51 Oui c'est vrai, je pense qu'aujourd'hui il y a un vrai problème qui consiste à se dire que l'écologie ne fait pas forcément méga rêver.
00:58 Et nous on veut au contraire montrer que c'est un projet qui peut être hyper enthousiasmant et fédérateur et émancipateur.
01:04 Et justement nous on s'est inspirés d'une campagne marketing qui a eu lieu en 1988 au Chili.
01:12 Et en fait c'est à ce moment-là que Pinochet est au pouvoir mais qu'il est un peu chahuté.
01:17 Et donc pour asseoir sa légitimité, il va faire un référendum et il va dire à la population chilienne
01:23 "bon bah est-ce que vous voulez vraiment que je reste ou pas ?"
01:25 croyant évidemment qu'il allait gagner.
01:27 Et en fait ce qui se passe c'est que pendant toute la première partie de la campagne,
01:30 les opposants à Pinochet vont déployer une campagne marketing montrant à quel point la dictature c'était atroce et la vie des Chiliens était horrible.
01:38 Et en fait c'est un message qu'il ne prend pas et finalement à 1000 parcours il se rend compte que Pinochet gagne toujours.
01:45 Et donc il décide de faire un revirement total de communication et en fait il déploie une campagne à l'inverse de ce qu'il avait fait auparavant.
01:54 Et il montre à quel point au contraire la vie des Chiliens pourrait être splendide et magnifique si Pinochet dégageait, partait du pouvoir.
02:03 Et c'est comme ça qu'il gagne et c'est comme ça que du coup en 1988 Pinochet dégage du pouvoir et ça nous a vachement inspirés.
02:10 D'accord donc vous essayez de faire pareil avec l'écologie en montrant ce qui pourrait se passer de positif.
02:14 Exactement, de montrer finalement qu'aujourd'hui tout se passe comme si on avait collectivement renoncé à l'idée que l'avenir pouvait être mieux que le passé.
02:23 Et on se gave de séries Netflix, apocalyptiques et du coup qui confirment un peu tacitement que ce futur là il sera terrifiant et sombre.
02:33 Et nous on veut montrer au contraire qu'aujourd'hui il y a cette urgence à dessiner des futurs qui soient désirables et qu'un futur écologique au final ça peut être un futur.
02:41 Et ça doit être un futur meilleur qui profite à tout le monde.
02:44 Et vous dites même pop et sexy qui ne sont pas déqualificatifs que moi j'associe très spontanément à l'écologie.
02:50 Peut-être même que je les associe justement à l'attaque. Vous prenez les armes de l'ennemi en fait c'est ça qui se passe ?
02:55 Oui exactement. En fait c'est vrai qu'aujourd'hui dans le discours mainstream on a tendance à associer écologie à punitif ou écoterrorisme.
03:04 Et en fait c'est hyper intéressant parce que par exemple écoterrorisme ça vient d'un militant libertarien américain dans les années 80.
03:11 Ensuite ça a été récupéré en France dans les années 2000 où on comparait carrément José Bové, les faucheurs d'OGM, aux terroristes du World Trade Center.
03:23 Et donc c'est important justement de se réapproprier à un discours qui vient contrer cette rhétorique qui vise finalement à délégitimer l'action militante.
03:32 Mais quand vous dites par exemple peut-être soigner un petit peu le marketing de l'écologie, le marketing on l'associe aussi au capitalisme.
03:38 Il n'y a pas une contradiction à cet endroit-là ?
03:41 Oui je pense qu'il faut se saisir de tous les outils y compris des outils capitalistes.
03:46 Et je pense que voilà l'exemple chinois ça montre qu'une bonne campagne marketing ça peut servir finalement des objectifs qui ne sont pas nécessairement terribles ou consolataires.
03:57 Et une semaine de la Saint-Valentin c'est quoi l'écologie sexy ? On a besoin de savoir.
04:02 L'écologie sexy c'est plein de choses.
04:04 Par exemple je ne sais pas si vous connaissez l'activiste MC Danse pour le climat Mathilde Cahillard.
04:09 Elle est justement dans la newsletter Climax.
04:12 Oui on l'a interviewée dans le dernier numéro et en fait pour ceux et celles qui ne la connaissent pas c'est une jeune activiste écologiste qui danse en manifestation.
04:22 Elle se revendique comme techno-activiste et elle a une super chanson qui s'appelle Taxer les riches.
04:27 Elle fait une danse improbable et en fait ça donne vachement envie d'aller la rejoindre.
04:31 Et en fait c'est ça je pense ce vers quoi il faut aller aujourd'hui.
04:35 Comment vous trouvez l'énergie de faire valoir ces utopies face à un désastre annoncé ?
04:40 Je pense que justement c'est ce que je disais un peu sur les imaginaires dont on se nourrit aujourd'hui.
04:48 J'ai l'impression qu'on est coincé entre d'une part Mad Max et donc Look Up.
04:55 Et puis d'autre part l'avion vert et une forme de techno-solutionnisme qui consiste à dire que oui on va planter des arbres et finalement on peut continuer à prendre l'avion et tout va bien se passer.
05:05 Et donc je pense que oui aujourd'hui c'est important de lutter d'une part contre ce discours de greenwashing qui est finalement une arme massive d'inaction et de maintien du statu quo.
05:18 Et c'est pas juste un petit discours vert inoffensif mais d'autre part il faut aussi effectivement dessiner un truc qui donne un peu plus envie.
05:27 Et est-ce qu'on pourrait pour finir avoir une petite recommandation dans ce cas là d'utopies écolos ?
05:32 Que ce soit un livre, un film, une série ?
05:34 Il y a "Utopie radicale" d'Alice Carabédian qui est un formidable livre que je vous recommande tous et toutes.
05:40 Et après il y a un mouvement littéraire d'Amérique du Sud qui s'appelle le "Solarpunk".
05:45 Je ne sais pas si vous en avez déjà entendu parler.
05:47 Mais c'est justement un mouvement qui s'est construit en réponse au cyberpunk et qui vise à dire que la littérature de science-fiction occidentale nous promet un futur désastreux.
06:02 Et nous en Amérique latine on va vous montrer qu'en fait on peut imaginer quelque chose d'autre et ça donne le solarpunk.
06:06 Et c'est bien ? Ça marche bien ?
06:08 Ça marche bien ! Non c'est pas des cartons Netflix justement mais ça mérite d'y jeter un coup d'œil.
06:13 C'est un peu l'esthétique Miyazaki.
06:15 Un peu ce genre d'esthétique où il y a des vaisseaux mais il y a aussi des moulins à vent et on ne comprend pas trop ce qui se passe.
06:21 Il y a beaucoup de nature et franchement allez juste voir dans Google "Solarpunk" et ça va vous faire rêver je vous le promets.
06:26 Très bien on va sur Google dans un instant et on vous dit au revoir et merci.
06:31 Merci beaucoup.
06:32 Outre votre newsletter Climax qui est vraiment super, que vous faites en collaboration avec votre partenaire de crime Dan Ghezola.
06:38 Tout à fait.
06:39 On peut lire l'essai publié en 2019 par le collectif TechTrash "Les possédés, comment la nouvelle oligarchie de la tech a pris le contrôle de vos vies" c'est aux éditions Arke.