• il y a 11 mois
Bousculer le malaise autour de la fin de vie et du deuil persistant dans notre société est la mission que poursuit Sarah Dumont, dont l'association Happy End organise partout en France des Apéros de la mort et autres Veuveries entre amisRetrouvez "La question qui" de Maïa Mazaurette sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out

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Amusant
Transcription
00:00 - Maya qui raconte dans ce podcast l'histoire de la mort de ton ancien compagnon.
00:04 - Exactement.
00:05 - C'est donc l'heure de la question...
00:06 - Une histoire pas triste, je précise.
00:07 - De Maya Masorette.
00:08 - Elle a hérité.
00:09 - Qu'est-ce qu'il y a ma chérie ? Pourquoi tu te relèves mon ange ? Qu'est-ce qui te
00:17 tracasse ? Tu ne dors pas ? Est-ce que tu vas mourir ? Oui bien sûr, on va tous crever
00:22 chérie, c'est le principe.
00:23 Pourquoi tu y échapperais mademoiselle ? On va tous y passer bien sûr, papa, maman,
00:32 ta petite soeur, le chien.
00:33 Allez, dodo.
00:34 - Devrait-on rompre le silence qui entoure la mort ? De fait, à une époque où on a
00:40 l'impression que tout peut se dire, la mort reste tabou, en tout cas dans notre culture.
00:44 Elle est inaudible, invisible, tellement repoussante qu'on pourrait s'en servir pour abréger
00:48 les réunions interminables ou même le démarchage téléphonique, pourquoi pas.
00:51 On t'appelle pour la prime rénovation énergie, tu réponds en parlant du jour du funéraire,
00:55 ça peut marcher.
00:56 Mais pour éviter les discussions embarrassantes, il y a quand même une meilleure option qui
01:01 est aussi ma passion, les directives anticipées.
01:03 Et là vraiment, je sais, toutes les deux, je vous vends du rêve.
01:05 - Une très belle passion.
01:06 - Voilà.
01:07 Alors, mettons que vous ayez une famille comme la mienne où il est impossible d'aborder
01:10 le sujet de la mort et des dernières volontés, et bien grâce aux directives anticipées,
01:14 on peut remplacer le dialogue par un document.
01:16 Et ce miracle bureaucratique, cette huitième merveille de la paperasse, elle permet de
01:21 parler quand on ne peut plus parler.
01:22 Et de dire ce que les autres ne veulent pas entendre, en différé et sans s'imposer
01:26 puisque tout se fait sur papier.
01:27 Et là, vous vous demandez comment on fait ?
01:29 - Mais Maya, comment on fait ?
01:31 - Merci Marina, que tu m'as interprétée.
01:33 - Eh bien, figure-toi que rédiger ces directives anticipées est un processus rassurant, gratuit,
01:38 facile, aux modalités décrites sur service-public.fr.
01:41 Alors concrètement, il y a des modèles en ligne qu'il suffit de remplir en expliquant
01:44 ce qu'on veut qu'il nous arrive en cas d'accident grave, après quoi des médecins
01:48 traitants vont recueillir le document pour le mettre en lieu sûr.
01:50 Si vous n'avez pas de médecin, c'est pas grave, si vous ne voulez pas suivre le modèle,
01:54 c'est pas grave, il suffit que le document soit daté et signé pour être valide et
01:57 pour mettre en sécurité vos proches.
01:58 Auditeurs, auditrices, je vous souhaite une vie aussi longue que possible, je vous souhaite
02:02 même l'immortalité si vous êtes un vampire, mais par pitié, rédigez votre directive
02:06 anticipée.
02:07 Je ne pensais pas dire cette phrase un jour, mais face au tabou de la mort, il reste la
02:10 bureaucratie.
02:11 - Maya, aujourd'hui tu reçois Sarah Dumont.
02:13 - Bonjour Sarah Dumont.
02:14 - Bonjour.
02:15 - Alors vous êtes fondatrice de Happy End.life, site compagnon pour mieux vivre la mort et
02:20 le deuil et créatrice des apéros de la mort en France.
02:23 C'est quoi un apéro de la mort ?
02:24 - Un apéro de la mort, c'est un temps de rencontre au café ou en visio pour parler
02:30 librement, sans jugement, de la fin de vie, de la mort et du deuil.
02:33 - Et qu'est-ce qui se passe ? Il y a quelqu'un qui mène les débats ?
02:35 - Alors en fait, ils sont animés, aujourd'hui il y en a dans 32 villes de France, il y
02:39 en a même au Québec.
02:40 Et ils sont toujours animés par deux ambassadeurs, dont une personne est forcément formée au
02:46 sujet du deuil.
02:47 Parce qu'on s'est rendu compte très vite, moi ça fait 5 ans que j'en anime à Paris,
02:50 que la majorité des participants ont perdu un proche.
02:53 Et parfois de façon très récente, il nous est déjà arrivé d'accueillir des parents
02:55 qui avaient perdu leur fils trois semaines avant.
02:57 Et donc pour nous c'était très important d'apporter un cadre sécurisé et pas de reproduire
03:01 des injonctions, des maladresses que subissent beaucoup les endeuillés et qu'ils nous rapportent
03:04 d'ailleurs dans ces apéros.
03:05 Et donc en fait, une fois qu'on s'est donné rendez-vous, les personnes arrivent, elles
03:10 sont entre 15 et 20 en moyenne, et on échange librement, il n'y a pas de thème imposé.
03:14 Et en fait, le moment se déroule à partir de la parole qui est déposée.
03:17 Et ce qui doit se dire, se dit à ce moment-là.
03:20 - Et il n'y a quasiment que des femmes ? - Énormément de femmes.
03:24 Ces derniers temps, j'étais un peu surprise, agréablement il y avait un ou deux hommes,
03:27 mais rarement plus.
03:28 - Pourquoi les hommes, ils ne parlent pas ? Ils n'ont pas envie de parler de la mort ?
03:31 - Je pense qu'ils ont plus de difficultés à se livrer, ils sont plus dans l'action.
03:34 Et je dirais peut-être qu'en donnant la vie, on a peut-être plus conscience de notre finitude.
03:40 - Est-ce que c'est sympa un apéro de la mort ?
03:42 - Honnêtement, moi en tout cas, à chaque fois que je pars, je me sens extrêmement vivante.
03:46 Et c'est ce que disent beaucoup les participants à la fin, on a toujours un petit mot de la
03:51 fin.
03:52 Et il y a forcément des larmes, il y a beaucoup d'émotions aussi qui sont déposées, mais
04:00 il y a aussi beaucoup de rire.
04:01 Et surtout, on mesure aussi toute la précieusité de la vie dans ces moments-là.
04:05 - Et les noms des événements sont assez festifs.
04:08 Il y a les apéros de la mort, il y a les veuvries entre amis, pour les veuvres.
04:11 - Les petites veuvries entre amis.
04:12 - Exactement.
04:13 Il y a les orphelinates pour les orphelins.
04:15 - C'était notre choix de montrer qu'un apéro de la mort, forcément on savait que ça pourrait
04:22 rebuter, voire choquer.
04:23 Mais c'était important pour nous de montrer qu'on pouvait trinquer à la vie aussi tout
04:27 en parlant de la mort, et de la réinviter au café.
04:29 Et puis, moi j'avais très envie, très à cœur, que le mot mort soit prononcé, de le
04:35 réinviter, de le prononcer, de s'habituer.
04:38 - Plutôt que de décéder par exemple ?
04:39 - Au lieu de décéder, pour moi c'était une façon aussi de remplir la mission.
04:44 Et d'ailleurs, ceux qui viennent disent souvent "au moins on sait de quoi on va parler".
04:48 Et puis moi ça me fait du bien, j'ai envie de dire qu'il est mort, et j'ai pas envie
04:51 de protéger les autres, etc.
04:53 Donc ça me semblait important.
04:54 Et puis les petites veuvries entre amis, c'est une veuve, des jeunes veuves qui les
04:57 animent, et c'est Sophie Charlotte.
05:00 - Faut être jeune ?
05:01 - Ouais, c'est des veuves précoces, parce que sinon elles viennent aux apéros de la
05:04 mort les autres.
05:05 - C'est segmenté.
05:06 Est-ce que c'est pas le truc le plus horrible de ta vie ?
05:09 Tes veuves ont dit "t'es trop vieille pour être la veuve qui vient".
05:13 - Non mais en fait c'est parce qu'elles ont les mêmes problématiques, des enfants
05:15 en bas âge, elles ont 30, 40 ans, des enfants en bas âge.
05:18 Donc c'était important pour nous qu'elles puissent se réunir avec les mêmes problématiques.
05:23 D'ailleurs maintenant, il y en a certaines qui partent en week-end ensemble avec leurs
05:25 petits, ça permet de se ressouder.
05:28 Et puis les orphelinades, oui c'est dédié aux orphelins jeunes adultes, on s'est rendu
05:35 compte qu'ils avaient très peu d'espace pour s'exprimer, qu'ils sont très ovnis
05:39 en fait.
05:40 Et les gens ont peur de leur parler tellement parfois ils ont perdu un parent, voire leurs
05:44 deux parents.
05:45 Et c'était important pour nous de leur offrir ce temps de rencontre.
05:48 - En période de Dred January, on n'est pas obligé de picoler ?
05:51 - Non, bien sûr.
05:52 - Parce que quand même, apéro, veuvries...
05:53 - C'est marrant que vous disiez ça parce que hier j'ai un homme qui travaille en soins
05:57 palliatifs qui m'a écrit en disant "oui quand même, apéro de la mort".
06:01 Moi je travaille à côté d'un service addictologie, je lui dis "mais on n'est pas obligé de
06:04 boire un apéro de la mort".
06:05 - Sarah Dumont, vous iriez vous...
06:07 Pardon, excusez-moi, je suis en train de complètement confondre les invités.
06:10 A l'air du donné, vous iriez vous un apéro de la mort ?
06:13 - Ah oui, oui, évidemment.
06:15 Après, j'aurais pas grand-chose à partager parce que j'ai l'énorme chance de ne pas
06:21 encore avoir perdu de gens très proches, mais je trouve que c'est une excellente idée
06:25 et oui, d'en parler effectivement.
06:28 Et même, je trouve que pour les gens qui ne sont pas en deuil, en parler, ça donne
06:34 presque envie.
06:35 - Oui, ça donne presque envie, il y a des curieux qui viennent qui sont en deuil.
06:37 - Alors, complètement non, on a des gens de 20 à 80 ans qui viennent, on a des jeunes
06:42 qui ont grandi dans des familles où la mort était extrêmement taboue, donc en fait pour
06:45 eux, ils ont besoin d'en parler, de comprendre.
06:48 Une jeune fille, je me souviens, elle est venue la première fois, mais elle était
06:50 vraiment très dans l'émotion et très fébrile et elle nous disait "je suis tétanisée à
06:58 l'idée que ma grand-mère décède et en fait je suis venue pour voir ce que ça faisait
07:00 quand on perdait quelqu'un".
07:01 Et depuis, elle est venue trois fois et elle va beaucoup mieux.
07:04 Elle disait "j'avais une phobie de la mort, je l'ai perdue".
07:07 Et voilà, on a des gens qui veulent anticiper leur mort et qui ont du mal à en parler avec
07:11 leur famille et donc ils viennent.
07:13 Il y a des gens qui sont passionnés par la vie après la mort.
07:16 Vraiment, on a tout type de personnes qui viennent.
07:19 C'est pour ça qu'on l'a appelé "Apéro de la mort", ce n'est pas un café d'œil.
07:21 Vraiment, c'est ouvert à tout mortel qui a envie de parler de la mort.
07:25 Ouvert à tout mortel, c'est absolument parfait comme formulation.
07:28 Je vous remercie infiniment Sarah Dumont.
07:30 Je rappelle donc que vous avez fondé le site HappyEnd.life, vous organisez des rencontres
07:35 pour discuter du deuil, dont le 9 janvier à Paris, le 10 à Quimper, le 13 à Saint-François
07:39 en Guadeloupe et vous avez publié cette année votre journal de deuil aux éditions Le Duc.

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