Judith Beller reçoit dans Destins de femmes la journaliste, écrivaine et auteure de "Cinq petites tristesses" (Robert Laffont - 2024) Léontine Behaeghel.
"Destins de Femmes" nous raconte les parcours des femmes extraordinaires qui tissent le lien de notre République. Nous explorons des thèmes universels tels que la lutte pour l’Egalité des genres, la liberté d’expression, la diversité culturelle, le droit à disposer de son corps. Emission tirée du livre de Valérie Perez-Ennouchi, "Destins de Femmes", sorti chez Ramsay, prix Edgard Faure 2021.
Une émission de Judith Beller.
Merci au Groupe Connect Travail Temporaire !
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##DESTINS_DE_FEMMES-2024-02-03##
"Destins de Femmes" nous raconte les parcours des femmes extraordinaires qui tissent le lien de notre République. Nous explorons des thèmes universels tels que la lutte pour l’Egalité des genres, la liberté d’expression, la diversité culturelle, le droit à disposer de son corps. Emission tirée du livre de Valérie Perez-Ennouchi, "Destins de Femmes", sorti chez Ramsay, prix Edgard Faure 2021.
Une émission de Judith Beller.
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00:00 Le groupe Connect, expert en recrutement intérimaire.
00:04 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect pour des opportunités de carrière partout en France.
00:08 Le groupe Connect présente...
00:10 Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
00:14 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Destin de Femmes,
00:16 l'émission qui valorise les femmes françaises, inspirée du livre au même titre de Valérie Pérez-Hénouchi.
00:21 Aujourd'hui, vous êtes en compagnie de la journaliste et jeune écrivaine Léontina B. Hagel,
00:26 dont le premier roman récit, "Cinq petites tristesses", est sorti chez Robert Laffont.
00:31 Alors Léontina B. Hagel, je dis roman récit car vous nous y racontez une relation d'emprise
00:34 entre un homme de 60 ans qui n'est autre que le parrain de sa proie, de vous-même,
00:39 si vous me permettez le terme, puisque vous êtes bien sa proie.
00:41 C'est une relation que vous avez vous-même vécue, vous allez nous raconter tout ça évidemment.
00:45 Bienvenue sur Sud Radio.
00:47 Merci.
00:48 Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
00:51 Alors Léontina B. Hagel, je vais débuter par vous poser les quatre questions
00:54 auxquelles doivent répondre toutes les invitées de Destin de Femmes la première.
00:57 Quel destin de quelle femme vous inspire le plus ?
01:00 Alors j'ai envie de répondre Annie Arnault.
01:02 Oui.
01:03 Déjà parce qu'elle a vraiment participé à ma construction littéraire et en tant qu'autrice aussi.
01:10 C'est quelqu'un que je lis depuis maintenant des années.
01:13 Et c'est une femme qui a toujours utilisé et assumé ce jeu non fictif dans ses textes
01:20 et qui a fait vraiment de l'autofiction et du témoignage un style
01:26 et plutôt qu'un sous-genre littéraire,
01:28 puisque l'autofiction est encore considérée aujourd'hui comme un sous-genre de la littérature.
01:32 Je sais que notamment Nech Sino en parle très bien.
01:35 Et voilà, elle a toujours eu une espèce de complexe à écrire un témoignage.
01:39 Et elle s'est rendue compte qu'en fait,
01:41 elle pouvait en faire aussi un texte tout aussi légitime
01:44 que ce qu'on considère depuis toujours comme étant de la vraie littérature,
01:47 donc c'est-à-dire de la fiction.
01:49 - Annie Arnaud qui est prix Goncourt, je le rappelle.
01:52 - Qui a été prix Nobel de littérature
01:55 et qui est quand même la plus grande distinction qu'on peut avoir en littérature.
01:59 Et pour moi, c'est...
02:00 Voilà, vous parlez de destin,
02:01 pour moi, c'est vraiment la plus belle vengeance littéraire.
02:06 - Alors vous nous dites vengeance, ça m'intéresse
02:08 parce que dans votre écriture et dans la manière dont vous vous exprimez,
02:11 on sent qu'il y a vraiment une revendication forte, très importante.
02:15 - Elle notamment, elle dit "j'écris pour venger ma race".
02:19 - Son genre, c'est ça.
02:21 - Un peu les deux, je pense,
02:23 parce qu'il y a aussi beaucoup de transfuses de classe, etc.
02:26 Beaucoup de complexes autour de ça.
02:28 Ma race dans le sens d'où elle vient et aussi son genre,
02:30 évidemment, avec l'événement Mémoire de fille.
02:33 C'est une femme qui a quand même écrit des textes absolument fabuleux sur l'intime.
02:37 Donc là-dessus, oui.
02:39 Et effectivement, moi, alors j'aimerais pas parler de vengeance
02:44 parce que ce livre n'est pas une vengeance ou n'est pas une manière de...
02:48 - Comment vous le définiriez ?
02:49 - Je le définirais...
02:51 Je parle au début, dans la première page du livre,
02:53 j'écris "j'ai besoin de vomir cette histoire".
02:56 Et pour moi, c'est plutôt ça.
02:58 - De sortir de vous.
02:59 - Ouais, exactement.
03:00 Un besoin de sortir quelque chose...
03:02 - Que ça appartienne aux autres en fait aussi.
03:04 - Et que ça ne m'appartienne plus.
03:07 Exactement.
03:08 Et que ça tombe dans le public et que tout le monde puisse l'approprier
03:12 et que ça ne reste pas uniquement coincé dans ma tête et dans mon corps.
03:15 Que tout le monde puisse se l'approprier,
03:17 que tout le monde puisse se reconnaître,
03:19 parce que je vois déjà que des jeunes filles,
03:21 même des femmes de tous âges se reconnaissent.
03:25 Donc non, non, pas une vengeance,
03:27 mais juste un simple besoin d'écrire cette histoire.
03:30 - Et justement, le fait que les femmes se reconnaissent,
03:32 ça c'est important pour vous de justement mettre en avant ce témoignage
03:36 pour que ça leur arrive plus ou que si ça leur arrive,
03:38 ça leur permette de se rendre compte qu'elles sont dans une situation similaire.
03:42 - J'espère que c'est le cas.
03:44 J'espère qu'en lisant le livre,
03:45 on peut prendre conscience de ce qu'est l'emprise et peut-être l'éviter.
03:50 Moi, j'ai tendance à dire que si je l'avais lu
03:53 ou si j'avais lu ce livre,
03:54 tout comme le consentement de Vanessa Springora,
03:57 enfin tous ces récits qui commencent à émerger.
03:59 - Ça vous a donné envie, ça ?
04:01 - De l'écrire, le consentement ?
04:03 Alors, je l'ai lu.
04:05 J'avais déjà commencé un petit peu à écrire,
04:06 mais disons que ça m'a fortement encouragée.
04:08 - Bien sûr.
04:10 Quel a été votre plus grand succès, Léontine Béagel ?
04:13 - Alors, en toute sincérité, je pense que c'est la sortie de ce livre.
04:17 - Parce que vous êtes toute jeune encore, vous avez 24 ans, c'est ça ?
04:20 - C'est ça, j'ai 24 ans.
04:21 Donc, je n'ai pas vécu énormément de choses non plus depuis ma naissance.
04:26 Mais en tout cas, un succès personnel,
04:29 une grande satisfaction personnelle, ça a été de sortir ce livre.
04:32 Déjà parce que c'est vraiment mon rêve depuis que je suis née.
04:36 - D'écrire ?
04:38 - D'écrire, ça c'est sûr, mais je l'ai toujours fait.
04:41 Mais d'en faire quelque chose et de créer vraiment quelque chose,
04:45 de laisser un peu une trace complètement.
04:48 Et en dehors de toutes ces considérations un peu auto-centrées,
04:52 comme on vient de le dire, le fait de se dire que ça peut parler à certaines personnes,
04:56 à certaines femmes, que ça a un impact sur des femmes.
04:59 Je veux dire, il y a même des femmes,
05:00 il y a une femme de 50 ans qui m'a écrit hier en disant
05:04 "J'ai vécu la même situation, ça m'a pris 10 ans pour comprendre que j'étais sous emprise.
05:08 Et en lisant ce texte, ça me conforte vraiment dans cette idée-là."
05:11 Et pour moi, c'est un succès.
05:13 C'est-à-dire, c'est une telle satisfaction de se dire que son texte a un sens.
05:17 - Et puis d'être connu aussi, dans sa souffrance.
05:20 - Exactement, de se sentir moins seul aussi.
05:22 Je pense en tant que lecteur, en tant que lectrice,
05:24 moi j'ai été une lectrice qui s'est sentie comprise en lisant des textes.
05:27 Et en tant qu'autrice aussi, se dire qu'on n'est pas tous...
05:31 D'un coup, on s'est senti tellement seul pendant toutes ces années,
05:35 tellement incompris.
05:36 Et là, d'un coup, on se rend compte que ça n'arrive pas qu'à nous.
05:39 Mais à plein d'autres femmes, ça change tout.
05:42 - Votre plus grande déception, Léontine ?
05:44 - Alors j'ai tendance à être souvent déçue.
05:47 Je suis quelqu'un d'assez déçue.
05:49 - Pourquoi ? Parce que vous vous enivrez beaucoup aussi ?
05:51 Vous avez envie d'aller très loin, donc vous tombez d'eau ?
05:53 - Ouais, je pense que j'ai des attentes beaucoup trop élevées par rapport à la réalité.
05:58 Mais je dirais qu'en ce moment, ma déception, c'est
06:01 cette espèce de vague de notifications incessantes
06:05 d'hommes qui sont inculpés ou en tout cas accusés de viol, d'agression sexuelle, etc.
06:13 Parce que j'ai l'impression que ça ne s'arrête pas.
06:15 Je pense qu'on a tous et toutes un sentiment de trop plein, en fait, de toutes ces histoires.
06:22 - Mais est-ce que c'est pas un soulagement qu'on en parle ?
06:23 Parce que ça a toujours existé, ce qui change, c'est juste qu'on le sait aujourd'hui, non ?
06:27 - Complètement. Il y a une forme de soulagement autour de cette libération de la parole,
06:30 mais il y a aussi une forme de profonde déception,
06:32 surtout quand c'est des artistes qu'on aime.
06:34 - D'accord. - Parce que...
06:35 Le nombre de fois où je me suis dit "Oh merde, non, pas lui",
06:38 et j'ai l'impression que ça arrive à plein de gens, ce truc de...
06:41 "Putain, mais en fait, c'est tout le monde ou... ?"
06:43 Dès que j'aime quelqu'un, il faut qu'il y ait une histoire de ce type-là.
06:47 Enfin, c'est constant.
06:49 - On ne les citera pas ici. - Décevant, quoi.
06:51 - Quelle est votre plus grande joie, Clémentine Bégal ?
06:55 - J'ai franchement des bonheurs assez simples,
06:59 c'est-à-dire être en souffrance des gens que j'aime,
07:02 lire un livre, aller au cinéma, pour moi, c'est déjà une immense joie.
07:06 Après, pour revenir un peu sur le livre,
07:08 j'avoue que la sortie de ce livre, ça a été une joie assez incommensurable.
07:11 - Puis c'est une belle réalisation à votre âge en plus.
07:14 - Bah oui, mais c'est surtout...
07:16 - C'est d'avoir pu transformer un événement assez dramatique
07:19 qui vous est arrivé quand même en littérature.
07:21 - Ouais. - C'est pas mal, quoi.
07:23 - Bah c'est... Ouais, j'en suis fière,
07:25 et surtout voir que les autres sont fiers aussi.
07:29 - Et puis ça a permis une compréhension, on imagine,
07:31 parce que vous le dites ça beaucoup dans le livre,
07:32 que votre famille comprend pas, que vos amis comprennent pas, etc.
07:35 - Complètement. - Ça leur a aussi permis de comprendre ce qui vous arrivait.
07:37 - Ah ouais, ça, c'était une telle satisfaction.
07:39 C'est-à-dire que ces gens qui étaient dans l'incompréhension totale
07:42 par rapport à cette relation, qu'ils leur échappaient totalement,
07:44 enfin, ils n'arrivaient pas à saisir ce qui était en train de se jouer,
07:47 et là, d'un coup, ils lisent le livre,
07:49 et ils m'appellent en me disant "J'ai compris, c'est assez fou".
07:52 - Donc vous récupérez des gens ?
07:53 - Ah ouais. Je sais pas si je récupère, mais en tout cas,
07:56 mes amis me comprennent plus, quoi.
07:58 - Ils sont jamais vraiment partis.
07:59 "Cinq petites tristesses" de Léontine Bagel, c'est chez Robert Lafon.
08:03 Léontine, pourquoi ce titre ?
08:05 - Alors, pour deux raisons.
08:07 Déjà, c'est un titre qu'on retrouve à la fin du livre,
08:10 qui pour moi, symbolise cette espèce d'espoir,
08:13 parce que certes, l'histoire est assez sombre,
08:16 mais on voit quand même qu'il y a une porte de sortie
08:18 et qu'il y a une lumière au bout du tunnel, quoi.
08:21 Et pour moi, c'est "Cinq petites tristesses" qui représentent son groupe d'amis
08:24 à la fin du livre et qui lui permettent vraiment
08:27 de se libérer de cette relation,
08:30 symbolise finalement le côté lumineux.
08:32 - Les cinq doigts de la main, aussi.
08:34 - Ouais, j'y avais pas pensé, mais aussi.
08:36 Le côté lumineux de toute cette histoire.
08:38 Et ça fait aussi écho à la famille, parce qu'il y en a cinq dans la famille.
08:41 Et je pense que c'est important pour moi de rappeler le fait
08:43 qu'une histoire comme ça, ça n'impacte pas uniquement une seule personne,
08:47 mais en fait, une famille entière.
08:49 - Ce qui m'a marquée, Léontine Bagel, c'est aussi votre sincérité
08:52 quand vous parlez de vous-même et des travers qui peuvent être l'apanage
08:55 de toute jeune femme fragile qui fantasme d'un autre moi.
08:58 Vous racontez que vous mentez beaucoup, etc.
09:01 Ou vous avez beaucoup menti, en tout cas.
09:04 Est-ce que, justement, cette sincérité, elle était nécessaire aussi ?
09:08 C'est-à-dire, cette mise à nu, elle est obligatoire pour réussir
09:11 à raconter l'histoire, à un moment donné ?
09:12 - Ouais, je pense que c'était très important pour moi de ne pas diaboliser
09:17 cet homme et de me poser en victime face à lui.
09:20 Aussi, c'est important de préciser que l'histoire a été écrite
09:23 très rapidement après la fin de l'histoire.
09:25 Donc, c'est-à-dire, en août, je partais,
09:28 en janvier, je portais plainte et 15 jours plus tard, je commençais à écrire.
09:32 - C'était l'année dernière, ça ?
09:34 - Non, c'était il y a cinq ans.
09:36 Mais l'écriture a commencé il y a cinq ans, de façon instantanée.
09:40 Donc, je n'ai même pas eu le temps.
09:41 - D'où le cinq aussi, pardon.
09:43 Cinq ans, c'est un chiffre qui revient beaucoup chez vous, du coup.
09:46 - Une fois de plus, j'y avais pas pensé.
09:49 Mais oui, du coup, il y a une telle instantanéité
09:52 qui ne permet pas le jugement et qui permet la sincérité de l'instant,
09:56 comme si c'était un journal intime.
09:58 - Bien sûr.
09:59 Vous êtes bien sur Sud Radio et nous aussi.
10:01 "Destin de femme", c'est en compagnie de la journaliste et jeune écrivaine
10:04 Léontine Baégel et son premier roman "Cinq petites tristesses"
10:08 qui est sorti chez Robert Laffont.
10:10 Vous partez pas trop loin, nous on reste là avec vous.
10:12 - Le groupe Connect, expert en recrutement intérimaire.
10:15 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect
10:17 pour des opportunités de carrière partout en France.
10:20 Le groupe Connect présente...
10:22 - Sud Radio, "Destin de femme", Judith Beller.
10:25 - Sud Radio, "Destin de femme", c'est l'émission consacrée aux femmes
10:28 qui tissent le lien républicain.
10:30 Aujourd'hui, on est avec Léontine Baégel et son premier roman
10:33 "Cinq petites tristesses" qui est sorti chez Robert Laffont.
10:36 Il y a peu, mais il pleut peut-être aussi, allez savoir.
10:40 Bienvenue à vous qui nous rejoignez.
10:41 Alors Léontine Baégel, il y a aussi Gilles,
10:44 dont on parle, ce parrain, ce prédateur
10:47 sur lequel Léonie, votre personnage principal, fantasme.
10:51 En fait, il y a un truc qui m'a marqué aussi,
10:53 c'est que lui, il brise la première règle,
10:56 en fait, quand il commence par briser,
10:57 il en a brisé beaucoup,
11:00 il rend concret le fantasme, parce qu'en fait,
11:03 vous, il vous plaît, mais ça reste de l'ordre du fantasme
11:05 quand vous êtes gamine.
11:07 Et en fait, il vous fait sortir de cette espèce de désir
11:10 qu'on a pu avoir, certaines de nous aussi,
11:13 notamment sur des gens plus âgés, quand on était plus jeunes.
11:15 Et lui, il rend concret le fantasme, en fait,
11:17 et ça, c'est vraiment le début de l'emprise.
11:19 Je pense que le fait de sortir de cette fantasmagorie
11:22 vous fait rentrer sous cette emprise.
11:24 - Oui, tout à fait.
11:26 Et je pense que, en fait, c'est comme,
11:28 là, si je fais une comparaison,
11:30 une enfant a un complexe d'Édipe par rapport à son père,
11:34 mais à aucun moment, le père,
11:37 enfin, je veux dire, malheureusement, si c'est le cas de certains,
11:39 - Il n'y a pas la transgression.
11:41 - Il n'y a pas cette limite.
11:43 Et lui aussi, elle est dans le sens de la petite fille.
11:47 Et pour moi, c'est exactement la même chose.
11:49 C'est là où une jeune fille peut ne pas exactement comprendre
11:53 son propre désir et saisir et confondre, en fait,
11:56 l'admiration qu'on peut avoir envers un adulte
11:58 quand on est jeune et l'attirant sexuel, par exemple.
12:01 - Bien sûr.
12:03 - Un adulte est censé stopper et ne pas y aller.
12:05 Il est censé stopper ce moment-là,
12:08 arrêter le fantasme là où il a pu naître,
12:11 et ne pas aller plus loin.
12:13 Et c'est justement lui, il a complètement franchi cette limite
12:15 et effectivement est allé à 100% dans la transgression
12:20 et n'a pas réfléchi une seule seconde au bien-être.
12:22 - Il l'a lu, ce livre ?
12:24 - Je ne sais pas.
12:26 Le connaissant, c'est fort probable.
12:29 - Il ne vous a pas recontacté ?
12:31 - En tout cas, je n'ai eu aucune manifestation de sa part.
12:33 - Alors, je me répète, Léontina Béagel,
12:37 vous avez une liberté de ton pour aborder votre intimité,
12:40 notamment qui est assez impressionnante.
12:42 On est sur un roman-récit,
12:44 donc j'imagine qu'il y a un peu de romancée dedans quand même.
12:46 - Très peu.
12:48 On va dire que j'ai changé quelques détails
12:50 pour des questions purement juridiques.
12:52 C'est-à-dire son métier, son âge,
12:54 évidemment les noms,
12:56 le lieu, je veux dire, géographiquement où il habite, etc.
13:00 - Donc, ce n'est pas vraiment un roman quand même.
13:02 - Non, en réalité, c'est ce qu'on appelle de l'autofiction,
13:04 c'est presque du témoignage.
13:08 Après oui, forcément, il y a des détails qui ont été inventés,
13:10 des conversations qui ont pu avoir lieu,
13:12 par exemple, par message, qui ont été transformées en scènes.
13:14 Forcément, les détails sont changés,
13:16 tout n'est pas exactement à l'identique de la réalité,
13:20 mais c'est quand même fortement transpiré de ma vie.
13:22 - Et alors, cette liberté de ton,
13:24 qui est crue,
13:26 clairement, parfois,
13:28 elle m'a fait penser aussi à la crudité,
13:30 à la violence de ce que vous avez vécu,
13:32 depuis l'emprise elle-même,
13:34 jusqu'à la plainte,
13:36 et puis à la réaction de la police aussi.
13:38 - Ouais, je suis tombée quand même
13:40 sur un flic, effectivement, assez particulier.
13:42 D'ailleurs, les gens qui lisent le livre
13:44 ont tendance à ne pas croire à ce personnage.
13:46 - Je me suis demandé si vous en aviez rajouté un peu quand même.
13:48 - Au contraire, je l'ai atténué.
13:50 C'est ça qui est fou.
13:52 - Oui, parce qu'il a quand même un bustier d'une femme à poil,
13:54 avec des énormes seins, alors, excusez-moi, parlons vrai sur ce dradion,
13:56 mais c'est comme ça que vous le décrivez.
13:58 Et des plantes tropicales autour de lui,
14:00 c'est la sortie d'un film, lui.
14:02 - Exactement.
14:04 - Avec sa vapoteuse sur la table.
14:06 - Et pourtant, il vous prend.
14:08 - En fait, je pense que ce qui a vraiment joué,
14:10 c'est qu'il a reçu des passages,
14:12 qui d'ailleurs figurent dans le livre,
14:14 de mon journal intime au préalable,
14:16 et je pense que le texte l'a tellement touché
14:18 qu'il n'a pas pu faire autrement
14:20 que me dire "je te crois".
14:22 Donc, on va dire que peut-être
14:24 le texte a joué sur son...
14:26 - Et comme quoi, c'est pas parce qu'on est un gros macho
14:28 et qu'on aime les bustes d'une femme à poil
14:30 qu'on ne croit pas les jeunes femmes qui se sont faits geler.
14:32 - Ça arrive. Après, il faut préciser quand même
14:34 que je suis très bien tombée, que j'ai eu de la chance
14:36 et que toutes les femmes ne sont pas
14:38 accueillies comme ça chez les flics.
14:40 Mais effectivement, c'était surréaliste.
14:42 Ce mec est surréaliste.
14:44 - Il est caricaturel quand même
14:46 de premier abord, et vous dites que
14:48 vous avez enlevé des détails, c'est-à-dire qu'on a quand même
14:50 des policiers qui ont ce genre de bureau
14:52 et d'attitude dans notre police nationale.
14:54 - Absolument. Ça existe.
14:56 - Et qui reçoivent des jeunes filles qui ont été violées.
14:58 - Oui. Avec des portraits
15:00 de femmes à poil sur les murs. Oui, ça existe.
15:02 - Et comment vous avez réagi, vous ?
15:04 Vous le racontez, mais donnez-en un petit peu
15:06 aux auditeurs aussi comment vous avez réagi quand vous arrivez
15:08 dans ce bureau. C'est quoi votre première pensée ?
15:10 - J'étais pétrifiée. J'étais persuadée
15:12 qu'ils ne me croiraient jamais.
15:14 Encore une fois, ma deuxième chance, ça a été
15:16 d'arriver avec des preuves quand même assez solides,
15:18 dont un enregistrement
15:20 du personnage de Gilles qui
15:22 avoue tout, en fait, qui décrit la scène,
15:24 etc., de viol, puisqu'on n'en a pas parlé,
15:26 mais c'est aussi pour ça que je me retrouve dans ce bureau
15:28 de flic.
15:30 - On a dit quand même que vous avez été violée. Vous avez envie de rentrer
15:32 dans le détail de l'affaire
15:34 elle-même ? - Absolument.
15:36 - Allez-y. On est là pour vous.
15:38 - Moi, je suis très ouverte. - En fait, ça part de là. C'est ça qui vous a donné
15:40 aussi envie de témoigner. C'est-à-dire qu'il y a l'emprise,
15:42 et puis il y a le viol qui arrive dans l'intimité.
15:44 - Oui. Au-delà de l'envie, c'est surtout
15:46 ce qui m'a permis de témoigner.
15:48 - De soigner. - En tout cas.
15:50 Parce que l'emprise n'est pas
15:52 illégale. Je veux dire,
15:54 il n'y a aucune loi
15:56 qui s'annonce contre l'emprise.
15:58 Certes, il y a de plus en plus de juges qui
16:00 le prennent en compte et qui le comprennent
16:02 et qui "croient".
16:04 - Mais pénalement, c'est le viol.
16:06 - Oui, pénalement, c'est le viol.
16:08 Et donc,
16:10 oui, premier sentiment en entrant dans ce bureau
16:12 de flic, c'est la peur.
16:14 La persuasion
16:16 d'être... J'étais persuadée de ne pas être
16:18 comprise. Et bon, il a quand même
16:20 très rapidement... Il m'a fait comprendre
16:22 qu'il allait me croire.
16:24 - Oui, qu'il était dans un espace sécurisé.
16:26 - Oui. - Malgré
16:28 ce viol où vous allez être victime,
16:30 vous allez retourner vers votre agresseur, malgré aussi
16:32 les warnings de vos parents, de vos amis.
16:34 Qu'est-ce qui se passe dans votre tête à ce moment-là ?
16:36 C'est une forme de syndrome de Stockholm ?
16:38 - Je ne sais pas si c'est un syndrome de Stockholm,
16:40 mais j'ai tendance à le comparer
16:42 à une addiction à la drogue.
16:44 Parce que, bizarrement, d'autres personnes
16:46 à qui j'ai déjà parlé, à propos de
16:48 l'emprise, qui ont déjà vécu une situation similaire,
16:50 m'ont toujours sorti cette comparaison-là.
16:52 Parce qu'il y a vraiment
16:54 ce tiraillement et cette conscience
16:56 que ça nous fait du mal et que
16:58 franchement, il n'y a
17:00 rien de positif à tirer
17:02 de cette relation.
17:04 Cette conscience de cette toxicité, etc.
17:06 Là même physique, parce qu'il n'y a
17:08 quand même aucun plaisir sexuel qui est décrit
17:10 dans le livre. Et en même temps,
17:12 cette impossibilité... - Oui, parce que vous sortez de vous à chaque fois.
17:14 - Oui, il y a une forme de
17:16 dédoublement, de dissociation
17:18 assez folle.
17:20 Donc ce tiraillement,
17:22 vraiment, c'est pour moi
17:24 la définition de l'emprise.
17:26 C'est cette conscience, cette voix,
17:28 j'allais dire dans ma tête, mais aussi de mon
17:30 entourage, qui quand même a quasiment l'unanimité,
17:32 s'éloigne de moi,
17:34 me dit d'arrêter la relation, etc.
17:36 Et pourtant, l'impossibilité
17:38 de ne pas y aller.
17:40 Donc, je ne sais pas si c'est un syndrome de Stockholm,
17:42 mais en tout cas, il y a un tiraillement
17:44 très fort. - Toute l'addiction, quoi.
17:46 Qu'est-ce qui déclenche vraiment la prise
17:48 de conscience, Léon Tineberg ?
17:50 - Je pense que déjà,
17:52 la parole des autres aide beaucoup,
17:54 même si des mois plus tard.
17:56 C'est-à-dire, au départ, même si je les
17:58 prenais en compte et que d'une certaine façon,
18:00 je les croyais, mes amis, mon entourage, ma famille,
18:02 c'est six
18:04 mois plus tard que j'ai vraiment
18:06 pris conscience de ces mots,
18:08 parce qu'aussi, ils n'étaient plus dans ma vie.
18:10 Aussi, tous ces gens me manquaient.
18:12 Quand même, l'isolement, je pense qu'on prend conscience dans la
18:14 solitude et l'isolement qu'il y a un problème.
18:16 Je veux dire, ça pareil, c'est un classique de l'emprise.
18:18 C'est nous mettre dans
18:20 une cage et couper tous
18:22 les liens qu'on peut avoir autour de nous.
18:24 Donc, prendre conscience de cette
18:26 coupure-là, de cette solitude, je pense
18:28 que ça aide
18:30 vraiment à cette
18:32 prise de conscience globale.
18:34 Et aussi, je pense, la peur, parce qu'à la fin,
18:36 je ressentais la peur.
18:38 J'avais l'impression que...
18:40 Je le raconte dans le livre, quand il
18:42 enlève les poignées de porte, que je me sens
18:44 complètement enfermée dans cette baraque.
18:46 Je pense que c'est
18:48 l'addition de ces paroles à ces
18:50 sentiments qui naissent vers la fin
18:52 qui ont fait que vraiment, j'avais pris
18:54 conscience du danger, si je puis dire.
18:56 - Finalement, si on se retourne un peu sur ce vécu,
18:58 vous en tirez quelque chose
19:00 de positif quand même. Vous en tirez déjà une expérience
19:02 où on espère
19:04 que vous ne vous retomberez pas.
19:06 Et vous en tirez un livre. Est-ce que vous voyez
19:08 ça comme ça ? Est-ce que vous voyez le
19:10 fait que finalement, vous avez
19:12 réussi à transformer ? Ça s'appelle la résilience, finalement.
19:14 - Oui.
19:16 Après, pour être honnête, je pense
19:18 qu'on a une cicatrice qui reste
19:20 à vie de ce genre d'histoire.
19:22 Et de n'importe quelle violence.
19:24 Malheureusement, j'ai envie de dire que presque toutes
19:26 les femmes en ont vécu d'une façon ou d'une autre.
19:28 Ne serait-ce que des relations un peu toxiques.
19:30 On a toujours des séquelles
19:32 surtout de nos
19:34 premières relations. Là, c'est...
19:36 - C'est votre première. - Première fois,
19:38 sexuelle. Je veux dire, je commence
19:40 tout avec cet homme.
19:42 Mais oui,
19:44 j'ai le sentiment, en tout cas,
19:46 d'en avoir produit quelque chose
19:48 premièrement qui, j'espère,
19:50 peut aider d'autres femmes.
19:52 - À sortir de l'emprise
19:54 ou à ne pas y entrer, en tout cas. - Complètement.
19:56 Ou à se reconnaître, tout simplement, à se sentir moins seule.
19:58 En tout cas, oui, je pense
20:00 que j'en ai fait quelque chose de
20:02 positif, même si cette histoire
20:04 est toujours douloureuse. Et je pense que je le saurais
20:06 toujours. - Avec le temps,
20:08 ça passe un peu, il paraît. - Ah ouais ?
20:10 J'espère. - Il y a une chanson comme ça
20:12 qui a dit ça, de Léo Ferré.
20:14 Et finalement,
20:16 aujourd'hui, si vous vous retournez
20:18 sur ce que vous avez vécu et sur ce que vous vivez
20:20 maintenant, est-ce que
20:22 vous arrivez à continuer à fonctionner ?
20:24 Est-ce que vous avez un amoureux ? Comment vous fonctionnez
20:26 aujourd'hui ? Est-ce que ça va ? - Ça va.
20:28 Alors, je n'ai pas d'amoureux.
20:30 C'est vrai que, quand même, il y a une forme
20:32 de difficulté. Je veux dire,
20:34 j'ai du mal avec les relations en général.
20:36 J'ai du mal,
20:38 en tout cas dans la durée, à m'attacher à quelqu'un.
20:40 J'ai du mal à faire confiance,
20:42 forcément. Donc,
20:44 non, ma vie, pour l'instant... - Vous êtes suivie ?
20:46 - Oui, bien sûr. Depuis
20:48 le début de cette histoire. J'ai toujours la même psy
20:50 depuis 5 ans. - Donc, votre objectif,
20:52 si vous aviez un souhait, là, tout de suite,
20:54 pour les mois qui viennent, qu'est-ce que ça serait
20:56 par rapport à vous-même, évidemment ?
20:58 - Franchement, par rapport
21:00 à mes relations affectives ?
21:02 - Oui. À la manière dont vous êtes dans la vie.
21:04 - Alors, en ce moment,
21:06 je suis complètement seule et ça me va aussi.
21:08 Je pense que j'ai besoin, en fait, j'ai tellement...
21:10 - De vous retrouver. - Oui, c'est ça. J'ai l'impression d'être
21:12 passée, pas d'une emprise à une autre,
21:14 mais d'être dans cette difficulté à vivre avec ma famille,
21:16 puis ensuite dans cette relation,
21:18 ensuite j'en ai eu d'autres. C'est un peu la première fois
21:20 de ma vie que je suis seule et j'avoue que ça me fait
21:22 du bien. Donc, continuer aussi
21:24 à m'accepter, à
21:26 m'aimer et à vivre avec moi-même.
21:28 - Si vous aviez un petit message à passer à nos auditrices,
21:30 qu'est-ce que ça serait ? - Ce serait
21:32 de lire mon livre, évidemment.
21:34 Et aussi, je pense que
21:38 si, voilà, pour les auditrices, parce que comme je le
21:40 disais, si on est une femme hétérosexuelle,
21:42 on a forcément, je pense,
21:44 vécu au moins une relation
21:46 à quelque chose, enfin, un temps soit peu toxique.
21:48 Je pense que c'est se dire
21:50 que ne pas se sentir
21:52 une victime, même si on en est une,
21:54 et avoir conscience qu'on l'est, bien sûr,
21:56 ne pas réfuter ce terme, mais...
21:58 Mais se dire qu'on...
22:00 Comme on dit, ça passe,
22:02 ça s'adoucit, et en faire quelque chose,
22:04 en parler aussi. Je pense que
22:06 déjà, parler de
22:08 ce dont on a été victime, c'est un bon
22:10 premier pas, quoi. - Merci beaucoup,
22:12 Léontine Béaguel, pour ce beau témoignage
22:14 que vous nous avez donné aujourd'hui dans "Destin de femme".
22:16 Je vous rappelle à tous et à toutes,
22:18 chers auditeurs, que
22:20 le livre de Léontine Béaguel,
22:22 "Cinq petites tristesses",
22:24 est sorti chez Robert Laffont et qu'il est très
22:26 facile à lire et très joli,
22:28 malgré les difficultés.
22:30 C'est une belle écriture, bravo.
22:32 Et puis vous, n'oubliez pas aussi,
22:34 demain, on se retrouve à 19h pour cet excellent
22:36 sur Sud Radio, et puis dès samedi prochain, à 13h30,
22:38 pour un nouveau "Destin de femme".
22:40 Vous pouvez tout retrouver sur sudradio.fr,
22:42 la chaîne YouTube de Sud Radio, les réseaux sociaux,
22:44 10h. Merci à Thibault,
22:46 qui réalise pour vous aujourd'hui, aux équipes de
22:48 Sud Radio. Bisous à tous, bisous à toutes.
22:50 - Sud Radio, "Destin de femme", Judith Beller.
22:52 - Sud Radio, "Destin de femme", Judith Beller.
22:54 - Avec le groupe Connect,
22:56 experts en recrutement intérimaire.
22:58 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect
23:00 pour des opportunités de carrière partout en France.
23:02 de carrières partout en France.