• il y a 9 mois
Judith Beller reçoit dans Destins de femmes Noémie Halioua, journaliste, essayiste et auteure de "La terreur jusque sous nos draps" (Plon - 2024).

"Destins de Femmes" nous raconte les parcours des femmes extraordinaires qui tissent le lien de notre République. Nous explorons des thèmes universels tels que la lutte pour l’Egalité des genres, la liberté d’expression, la diversité culturelle, le droit à disposer de son corps. Emission tirée du livre de Valérie Perez-Ennouchi, "Destins de Femmes", sorti chez Ramsay, prix Edgard Faure 2021.

Une émission de Judith Beller.

Merci au Groupe Connect Travail Temporaire !

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##DESTINS_DE_FEMMES-2024-03-09##

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Transcription
00:00 Le groupe Connect, expert en recrutement intérimaire.
00:04 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect pour des opportunités de carrière partout
00:08 en France.
00:09 Le groupe Connect présente...
00:11 Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
00:14 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Destin de Femmes sur Sud Radio, votre rendez-vous
00:18 du samedi à 13h30 avec les femmes françaises hors du commun.
00:21 Connu ou pas, tous-tils confondus, une émission tirée du livre au même titre de Valérie
00:25 Pérez-Enouchi, sortie chez Ramsay.
00:26 Alors dans Destin de Femmes aujourd'hui, vous allez découvrir le destin de Noémie
00:30 Allioua qui est journaliste et essayiste et qui nous éclaire sur des sujets brûlants
00:33 à travers ses écrits percutants.
00:35 Alors Noémie Allioua, vous nous venez avec votre dernier livre, La terreur jusque sous
00:40 nos draps, c'est sorti chez Plon.
00:41 C'est une réflexion profonde sur un sujet qui nous concerne tous, la liberté d'aimer
00:45 et les bouleversements de nos vies intimes.
00:47 Bienvenue sur Sud Radio.
00:49 Bienvenue, merci de me recevoir.
00:50 Je vous entends.
00:51 Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
00:54 Alors pour commencer Noémie Allioua, je vais vous poser les quatre questions que je pose
00:57 à toutes les invitées de Destin de Femmes.
00:59 On commence par la première.
01:01 Quel destin de quelle femme vous inspire le plus ?
01:03 Vous savez, c'est une écrivaine, une poétesse qui est très reconnue, mais par un petit
01:10 cercle de critique littéraire.
01:12 Elle s'appelle Annie Le Brun.
01:14 Elle a publié un essai en 1977 qui s'appelle Arrêtez tout, qui est une forme de critique
01:21 du néo-féminisme et qui est un livre qui me paraît très important.
01:26 C'est une femme qui a reçu plusieurs prix et qui s'est toujours battue pour la liberté,
01:34 pour la beauté, au nom d'un féminisme qui me parle, qui est un féminisme libéré,
01:41 si vous voulez, du communautarisme sexuel dans lequel parfois certaines néo-féministes
01:47 voudraient les enfermer.
01:48 Et ça, c'est votre corps de sujet quand même.
01:50 C'est mon corps de sujet.
01:51 C'est-à-dire, pour moi, le féminisme et la femme est un homme comme les autres.
01:56 C'est une vision du féminisme qui me parle beaucoup.
01:58 On n'est quand même pas tout à fait faite pareil.
02:00 Oui, oui, évidemment.
02:01 La différence des sexes est une réalité biologique fondamentale à défendre en premier
02:07 lieu.
02:08 Mais en plus de cette différence des sexes, il y a des individus.
02:10 Et justement, c'est ça qui me paraît extrêmement important.
02:14 C'est de ne pas s'enfermer dans un ghetto, dans une communauté, dans quelque chose qui
02:19 viendrait restreindre justement nos différences.
02:23 Vous faites référence par exemple aux intersectionnelles ?
02:25 Absolument, oui, oui, tout à fait.
02:27 Oui, évidemment, évidemment.
02:28 Le Woki des intersectionnelles.
02:29 Et je ne parle même pas effectivement de celle qui nie la différence des sexes.
02:33 C'est vrai que ces gens-là, je ne les combats pas parce que pour moi, ils sont tellement
02:38 ridicules que si vous voulez les combattre, ce serait leur donner de l'allure.
02:43 Cette négation de la différence des sexes me paraît tellement absurde.
02:48 Si vous voulez tellement, tellement risible.
02:50 Quand on parle d'égalité des sexes, ça ne vous parle pas quoi ?
02:52 Bien sûr que si, ça me parle.
02:54 Mais il me semble...
02:55 On peut parler d'égalité des droits, d'égalité des salaires et d'équité, c'est ça pour
02:58 les sexes ?
02:59 Oui, et vous savez, il y a aussi la question de classe.
03:00 La question de sexe n'est pas unique pour déterminer les individus.
03:03 C'est-à-dire qu'est-ce qu'il y a de commun entre, je ne sais pas moi, Michelle Obama
03:08 par exemple et Nafis Atoudialo qui, vous savez, qui était femme de ménage et qui a été
03:14 agressée par Deloitte Strauss-Kahn.
03:16 Exactement.
03:17 Donc si vous voulez, il y a aussi les questions de classe qui me paraissent importantes et
03:20 la question des histoires de chacun qui déterminent aussi ce que l'on est.
03:25 D'accord.
03:26 Noémie Elioua, qu'est-ce que c'est votre plus grand succès, à votre avis ?
03:30 C'est des questions extrêmement intéressantes, je tiens à le préciser parce que je n'avais
03:32 pas l'habitude de parler de moi.
03:34 On est là pour ça en même temps.
03:35 Voilà.
03:36 Mon plus grand succès, ça a été, si vous voulez, mon premier livre qui était un combat
03:41 qui m'a beaucoup tenue à cœur, qui était un livre sur une enquête de l'affaire Sarah
03:48 Ali.
03:49 Oui.
03:50 Voilà.
03:51 Donc c'est une femme qui a subi le pire, qui a été massacrée chez elle, qui a été
03:52 jetée par la fenêtre par son voisin.
03:55 C'est ce qu'on a appelé un fait divers qui, à mon sens, était un fait de société
03:59 puisqu'il s'agit là...
04:01 La justice a reconnu ensuite qu'il s'agissait d'un acte antisémite monstrueux qui s'est
04:05 déroulé juste avant le premier tour d'une élection présidentielle qui n'a pas suffisamment
04:09 été prise en compte, à mon sens, à l'époque, surtout par les pouvoirs publics.
04:14 Et si vous voulez, le travail que j'ai accompli dans ce livre, c'est-à-dire de raconter son
04:18 histoire, de raconter qui elle était, de raconter ce drame, de raconter sa famille,
04:24 quelque part de lui créer une forme de sépulture mémorielle, de raconter tout ça.
04:28 Eh bien, ça a été une victoire aussi personnelle au moment où la juge, quelques jours avant
04:34 la sortie de mon livre, a reconnu le caractère antisémite.
04:37 Et donc, quelque part, c'était une victoire pour elle qui était aussi une victoire pour moi.
04:43 - Votre plus grande déception ?
04:45 - Alors, c'est une question qui est assez difficile.
04:48 - C'est liée avec ce que vous venez de nous dire, j'ai l'impression.
04:50 - Peut-être d'une certaine façon.
04:51 - Je m'avance peut-être à votre place.
04:52 - Mais c'est vrai que c'est un événement politique, peut-être parce que les choses
04:56 de la société, parfois, je les prends de plein fouet.
05:00 Et alors, j'ai bien réfléchi, les déceptions, je suis quelqu'un, si vous voulez, qui ne
05:06 reste jamais sur une déception.
05:08 Je ne suis jamais aigrie.
05:10 En tout cas, ça ne dure pas très longtemps.
05:12 C'est-à-dire que chaque matin, je peux être un peu fâchée, mais si vous voulez, le lendemain
05:16 matin, je regarde le ciel et déjà, la vie est belle.
05:20 À partir du moment où on respire, tout va bien.
05:21 - Par qu'est-ce qui vous déçoit ?
05:22 - J'ai bien réfléchi.
05:24 La déception, c'est quelque chose que je ne connais pas trop.
05:27 J'ai des ratages, mais encore une fois, je surmonte très vite.
05:29 - Mais pas forcément dans votre vie, à vous.
05:32 - Voilà, j'ai réfléchi à cette question.
05:34 Il me semble que c'est plutôt un traumatisme et pour moi, le vrai traumatisme, peut-être
05:38 de ma vie, c'est le 7 octobre.
05:40 Comme beaucoup de personnes, le 7 octobre a été un événement qui m'a bouleversée
05:47 à titre personnel, qui a peut-être changé ma vie et ma vision des choses.
05:51 Pour vous dire, j'en ai parlé avec un psychanalyste qui m'a dit que beaucoup de Juifs avaient
05:57 vécu cet événement-là de cette façon parce que ça a réveillé une sorte de trauma,
06:05 de trauma de l'ordre de la mémoire ancienne, de la mémoire archaïque, d'une sorte de
06:12 psychologie collective qui avait été réveillée.
06:14 Et là, pour moi, le 7 octobre, ça a été peut-être l'un des plus grands traumas de
06:20 mon existence.
06:21 - Et votre déception, c'est quoi ? C'est que les féministes ne se soient pas intéressées
06:23 au sort des familles israéliennes ?
06:24 - C'est peut-être que, évidemment, tout un courant féministe qui annonce...
06:28 - Les fameuses féministes radicales, on va en parler tout à l'heure.
06:30 - Exactement.
06:31 Qui disent qu'elles se soucient de la douleur des femmes parce qu'il y aurait une sororité,
06:36 parce qu'entre femmes, il est vrai qu'on a des expériences communes et qu'on peut s'entendre,
06:42 se comprendre et ressentir peut-être nos douleurs d'une certaine façon.
06:46 Ces féministes-là ne se sont pas senties solidaires des Israéliennes ? Ça veut dire
06:53 que les Israéliennes ne seraient pas des femmes ? J'ai trouvé ça absolument terrible
06:57 et ça m'a bouleversée.
06:59 - Et ça vous bouleverse pas encore ?
07:01 - Ça me bouleversera toute ma vie, comme beaucoup de gens d'ailleurs.
07:04 C'est un événement absolument traumatique, fondamental et qui change quelque chose d'important.
07:11 - Alors comment on fait pour respirer après ça ?
07:12 - C'est une vraie question.
07:14 Je pense qu'il faut, vous savez, il faut avoir son cocon, voir ce qui nous fait du
07:21 bien et s'y rattacher.
07:23 Moi je sais que j'aime lire, j'aime écrire, j'aime raconter, j'aime les gens autour
07:30 de moi et donc finalement c'est peut-être l'amour d'ailleurs qui nous sauve.
07:34 C'est pour ça que j'ai écrit un livre sur l'amour.
07:36 Même si parfois il y a toujours des risques, même si l'amour fait mal, il mérite d'être
07:41 vécu et défendu.
07:42 - Est-ce que c'est ça votre plus grande joie, c'est l'amour ? Parce que c'est la question
07:45 d'après en même temps.
07:46 - Ma plus grande joie c'est l'amour bien sûr.
07:50 Il me semble que c'est le sujet numéro un.
07:52 D'ailleurs je regrette qu'il ne soit pas suffisamment pris à bras le corps dans le
07:55 monde des idées parce qu'il me semble que c'est un vrai sujet, un sujet à la fois passionnant,
08:00 compliqué, alambiqué, mystérieux, qui me semble beaucoup accaparé aujourd'hui justement
08:07 par les sciences, par les sciences sociales, par la biologie et qui sont évidemment des
08:13 angles de vue qui sont extrêmement intéressants, pertinents, mais qui ne sont pas suffisants.
08:18 Et donc oui, je pense que c'est un grand sujet l'amour, c'est une grande joie, ça peut être
08:23 aussi potentiellement une grande douleur.
08:25 Mais on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain, on ne renonce pas, comme je le dis
08:29 souvent, au vin parce qu'il y a un risque d'accident de voiture et d'alcoolisme.
08:33 Si vous voulez, on peut dénoncer les excès sans s'en renoncer.
08:39 - Alors justement, ce livre que vous avez écrit, "La terre injuste que sous nos draps"
08:44 qui est sorti chez Plon, le sous-titre c'est "Sauver l'amour, des nouvelles morales".
08:48 Donc pour rebondir sur ce que vous dites, vous pensez qu'il faut sauver l'amour aujourd'hui ?
08:52 - Oui, je pense qu'il faut sauver l'amour, bien sûr, parce que l'amour est attaqué
08:55 de mille façons, de mille façons sur le terrain idéologique.
09:01 Et vous le voyez très concrètement, parce que quand même, on aurait l'impression qu'il
09:04 s'agit d'un discours vaseux, complètement déconnecté du réel.
09:07 Mais si vous voyez par exemple l'enquête de l'IFOP qui est parue il y a quelques mois
09:11 maintenant, qui montrait ce qu'on a appelé la récession sexuelle, c'est-à-dire que
09:15 très concrètement, les gens ne font plus l'amour, très concrètement les jeunes générations
09:18 font vraiment de moins en moins l'amour.
09:22 Lorsque vous voyez aussi les sites de pornographie qui explosent, les ventes de sextoys, quand
09:29 vous voyez l'explosion du célibat avec un phénomène qu'on appelle le célibat-boom
09:32 qui a doublé en 40 ans.
09:34 En bref, les gens sont de plus en plus seuls.
09:36 Il y a une dissolution du lien en général et du lien amoureux en particulier.
09:41 Et donc il y a un vrai problème au niveau de la relation amoureuse.
09:44 C'est un constat établi.
09:46 Maintenant la question c'est de savoir comment est-ce qu'on en est arrivé là.
09:49 Alors évidemment, c'est ce que je dis toujours, l'amour est au cœur de mille croisades.
09:53 Il y a plusieurs facteurs.
09:54 La question de la technologie, de la révolution technologique est évidente.
09:58 On passe notre temps sur nos téléphones portables, y compris lorsqu'on pourrait rencontrer
10:01 des gens, on est complètement aspiré par ces choses.
10:04 - On rencontre dans le téléphone aussi d'ailleurs.
10:06 - Exactement.
10:07 Mais parfois on ne va pas jusqu'à la rencontre.
10:08 En tout cas c'est un outil qui nous déconnecte d'une certaine façon du réel.
10:13 - Qui nous connecte en nous déconnectant.
10:14 - Oui exactement, c'est ça.
10:15 - C'est un tout paradoxe.
10:16 - Absolument.
10:17 Et si vous voulez, il y a beaucoup de choses qui rentrent en compte.
10:22 Là il y a la révolution technologique, mais il me semble quand même qu'il y a une guerre
10:24 idéologique qui est menée aussi, qui attaque l'amour.
10:28 - Alors justement, cet amour justement, votre réflexion, elle nous pousse à nous interroger
10:35 sur la place de l'intimité en fait.
10:37 C'est ça, parce qu'on peut être connecté avec le téléphone et être complètement
10:40 déconnecté de sa propre intimité.
10:42 C'est ça que vous nous racontez en fait.
10:43 - Oui exactement.
10:44 Et si vous voulez, vous savez il y a un slogan qui était très porté par le MLF à l'époque,
10:50 c'était "l'intime est politique".
10:51 Et donc à ce titre-là, tout deviendrait politique, y compris ce qu'il y a de plus
10:56 intime, y compris par exemple, je sais pas, quand pendant un acte l'homme est sur la
11:02 femme, on peut considérer que c'est de la domination.
11:04 Vous voyez, c'est-à-dire que tout devient politique, mais d'une façon extrême, radicale,
11:08 violente, qui vient jusque sous nos draps et qui va venir essayer, si vous voulez, de
11:12 moraliser, de créer une échelle de valeur, de politiser ce qu'il y a de plus...
11:16 - On en est en plein 1984 quand on vous écoute, Camille Elio.
11:18 - Mais oui, mais je pense qu'il y a une terme de totalité.
11:19 - Parce qu'il ne faut pas oublier le ministère de l'amour et le ministère de la vérité
11:21 et de ce que nous raconte Georges Orwell.
11:23 - Mais vous savez, tous les totalitarismes ont toujours attaqué l'amour, parce que l'amour
11:26 justement c'est le caillou dans la chaussure de l'esprit de système.
11:29 - L'amour c'est le caillou dans la chaussure de l'esprit de système.
11:33 - Alors c'est pas que de moi, l'amour est le caillou dans la chaussure de l'esprit de
11:37 système.
11:38 Pour tout vous dire, j'ai repris cette phrase dans un livre qui s'appelle "L'après-littérature"
11:41 d'Alain Finkielkraut où il explique que la littérature justement est le caillou dans
11:46 la chaussure de l'esprit de système.
11:47 J'ai repris cette phrase que j'ai adaptée à l'amour.
11:50 - Et bien bravo, et on va continuer cet excellent échange dans un instant.
11:53 Vous restez avec nous sur Sud Radio pour "Destin de Femmes" avec Naomi Alioua qui est journaliste
11:57 et essayiste, autrice de la Terreur, su jusque sous nos draps séchés plomb.
12:01 Et vous restez là, tout de suite.
12:02 - Le groupe Connect, expert en recrutement intérimaire.
12:06 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect pour des opportunités de carrière partout
12:10 en France.
12:11 Le groupe Connect présente...
12:12 - Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
12:16 - Destin de Femmes sur Sud Radio, c'est l'émission consacrée aux femmes qui tissent le serrail
12:20 de notre République française.
12:22 Aujourd'hui avec Naomi Alioua qui est journaliste et essayiste, autrice de la Terreur, jusque
12:27 sous nos draps qui est sortie chez Plomb.
12:29 Alors justement Naomi Alioua, dans ce livre vous nous parlez aussi de ces nouvelles normes
12:34 qui semblent se dessiner et les conséquences finalement qu'elles ont jusque dans notre lit
12:39 sur notre liberté individuelle en fait.
12:41 - Oui exactement, c'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a ce que j'ai appelé la
12:44 politisation de l'intime, c'est-à-dire que encore une fois on peut aller jusque dans
12:49 les moindres coins de votre intimité pour y chercher ce qu'il pourrait y avoir de plus
12:53 égalitariste pour essayer de faire advenir un monde absolument parfait qui n'existera
12:59 jamais.
13:00 Eh bien on va traquer jusque sous les draps la liberté et si vous voulez l'imperfection.
13:06 Et quelque part défendre l'amour c'est défendre aussi l'imperfection parce que l'amour est
13:10 toujours d'une certaine façon imparfait, asymétrique, potentiellement douloureux.
13:15 C'est un risque, c'est une aventure.
13:17 D'ailleurs il me semble que pourquoi aussi la raison pour laquelle l'époque est contre
13:22 l'amour c'est que l'époque essaie de tout contrôler.
13:25 Et on en arrive à ce que l'essayiste Pascal Bruckner appelle le "sacre des pantoufles"
13:31 qui explique bien si vous voulez qu'on vit dans une société gouvernée par la terreur
13:37 alors que paradoxalement elle ne vit pas en guerre mais qui forme des individus en peur.
13:44 Cette terreur dont vous nous parlez finalement et ce petit objet qu'on a tous dans notre
13:47 poche qui s'appelle le téléphone, le smartphone, cette terreur elle est quand même vachement
13:51 fomentée pardonnez-moi le terme mais c'est clair par les réseaux sociaux puisque vous
13:56 nous parlez de cette intime qui est de plus en plus scrutée, de plus en plus jugée.
13:59 C'est-à-dire qu'aujourd'hui on étale complètement cette intimité qui restait cachée il y a
14:05 quelques années.
14:06 Et du coup tout le monde est au courant de si on a des poils sur les mollets ou de quel
14:10 petit déjeuner on a pris.
14:11 Alors du coup est-ce qu'on ne donne pas le bâton pour se faire taper un peu quand même ?
14:14 Ah mais totalement vous avez raison.
14:15 D'ailleurs c'est ce que Régis Debray appelle le culte de la transparence.
14:18 C'est-à-dire qu'effectivement nous-mêmes et moi aussi je participe donc je me mets
14:23 dans le lot, nous participons à ce culte de la transparence où nous montrons beaucoup
14:28 de notre intimité et à partir du moment où on décide nous-mêmes de nous exposer,
14:32 de nous exhiber, et bien aussi bien sûr que quelque part on s'expose aussi au jugement
14:38 des autres.
14:39 Et donc les autres vont aussi créer une sorte de jugement sur ce qu'il y a de plus intime.
14:46 Alors pour rentrer un peu plus là-dedans, comment est-ce qu'on fait à ce moment-là
14:49 selon vous pour conseiller nos aspirations romantiques en général qui peuvent être
14:53 totalement poétiques même d'ailleurs et dénuées de cette véracité un peu crue
14:56 auquel on a tous affaire en ce moment, avec ces nouvelles normes sociales ? Comment on
15:00 fait ?
15:01 Moi je pense qu'il faut créer une sorte d'îlot sacré, une île enchantée si vous
15:06 voulez, qui s'appelle l'amour et qu'il faut extraire de ce jeu social qui mérite
15:15 d'exister et qui est important à certains égards si vous voulez.
15:18 Et donc si vous voulez ne pas chercher encore une fois à politiser nos propres histoires
15:23 d'amour, typiquement j'ai lu beaucoup de livres de néo-féministes qui disent qu'ils
15:30 ont souffert dans leur vie, ce qui est aussi mon cas je le précise, et qui en font des
15:33 généralités en vous expliquant que c'est parce que tous les hommes sont des dominateurs,
15:37 des porcs, parce que c'est ainsi qu'on les appelle dans la nouvelle vulgate, c'est-à-dire
15:40 des agresseurs sexuels, etc.
15:41 Et là c'est la politisation aussi de l'intime si vous voulez, c'est une forme de généralisation
15:45 de ces expériences ratées et de ces passions tristes.
15:47 Et c'est-à-dire qu'en plus le problème c'est que si on ne les écoute pas et qu'on
15:48 n'est pas d'accord en tout cas, ou qu'on les écoute sans être d'accord, on devient
15:52 criminel quoi.
15:53 On devient collabo.
15:54 On est collaborateur parce qu'on pactise avec l'ennemi.
15:56 Et ça c'est très important et très intéressant, c'est qu'il y a une guerre de femmes.
16:00 On a tendance à parler d'une guerre de sexe, mais je pense qu'il y a aussi une guerre
16:05 très violente intersexe entre les femmes qui aiment les hommes, qui connaissent leurs
16:09 imperfections, mais qui veulent malgré tout les sauver, et les femmes qui veulent vraiment
16:15 en finir.
16:16 Et qui veulent vraiment, si vous voulez, les affubler des pires crimes pour les stigmatiser
16:23 et pour véritablement en finir.
16:25 Et il y a une guerre de femmes à ce niveau-là qui me semble à la fois passionnante et très
16:29 intéressante où, si vous voulez, les premières, que j'appelle les néo-féministes, elles
16:34 vont condamner d'autres femmes.
16:36 Et donc le néo-féminisme est une machine à exclure les femmes.
16:38 - Alors justement, cette ère que vous appelez vous, le féminisme, on est dans une ère,
16:44 l'ère du féminisme totalitaire, c'est ça que vous racontez.
16:47 Comment est-ce qu'on va faire pour justement sortir de ce contexte et aller vers une évolution
16:53 des relations hommes-femmes qui soit un peu normalisée finalement ?
16:56 Qui soit ni de la domination, ni du "la cancel culture", ni supprimer l'un l'autre, etc.
17:01 Mais qui finalement soit, on se tient la main, on y va ensemble.
17:04 - Ouais, c'est ça, mais c'est très compliqué.
17:06 Mais en gros, comment faire advenir un féminisme de réconciliation ?
17:09 D'ailleurs, je pense que justement, ça passe par l'idée de ne pas essentialiser les sexes,
17:14 de ne pas dire que systématiquement, quoi qu'il arrive, la femme est une victime et l'homme est un bourreau.
17:19 Parce qu'il arrive, et encore heureux d'ailleurs, que ce soit l'inverse.
17:22 Que nous les femmes soyons des bourreaux et que les hommes soient des victimes.
17:25 Déjà quand on commence, si vous voulez, par expliquer justement que le système de la relation homme-femme
17:31 ne se limite pas à une sorte de jeu social qui est calé d'avance, on avance si vous voulez.
17:37 C'est une histoire d'individus et d'exceptions, et à chaque fois d'histoires.
17:43 - Et alors, le totalitaire, c'est l'extrémisme en fait, pour vous.
17:46 C'est-à-dire que ce féminisme totalitaire, c'est un féminisme extrémiste, donc qui dessert la cause, c'est ça que vous nous dites ?
17:50 - Tout à fait, qui dessert la cause des femmes et des droits des femmes, évidemment, bien sûr.
17:56 Parce qu'on parlait tout à l'heure du 7 octobre, mais comment est-ce que c'est possible qu'un féminisme
18:01 ne soit pas sensible à la souffrance de femmes qui ont été violées,
18:05 et qui vient ensuite nous faire des leçons de morale sur l'écriture inclusive,
18:07 sur l'idée qu'il faut rajouter des points pour que la langue soit enfin féministe.
18:11 On voit bien qu'il y a un vrai problème aussi, et qu'être féministe, c'est dénoncer aussi ces dérives-là,
18:15 si vous voulez, qui politisent l'intime, qui politisent les combats des femmes,
18:21 et qui s'arrochent le droit de parler en leur nom, de créer une sorte de parti des femmes,
18:24 si vous voulez, pour l'utiliser à des fins politiques.
18:28 - Et alors justement, vous, vous parlez de... Donc ces femmes-là, elles diabolisent le masculin,
18:34 et elles créent une pathologisation du sentiment, ça c'est vos termes. Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?
18:39 - Ça c'est peut-être ce qu'il y a de plus scandaleux, si vous voulez,
18:42 mais c'est l'idée de faire de la relation amoureuse, parfois passionnée et compliquée,
18:47 une maladie mentale, et donc dont il faudrait se délivrer.
18:51 Et je prends deux exemples. Celui de l'emprise, et celui du pervers narcissique.
18:56 Celui de l'emprise, parce que si vous voulez, moi ça m'a frappé,
18:59 j'ai écouté encore une interview de l'ancienne compagne de De Chavannes,
19:04 il y a quelques jours, qui disait qu'elle avait été sous emprise,
19:07 qu'elle avait été amoureuse de lui, et que ça s'était extrêmement mal passé.
19:11 En fait, ce terme d'emprise, il est aujourd'hui complètement utilisé partout.
19:15 À chaque fois qu'il y a une relation qui est difficile, il est surutilisé.
19:18 Il colonise, si vous voulez, le champ lexical de la relation amoureuse,
19:23 et il me semble que c'est un terme qui est utilisé pour condamner l'amour,
19:26 pour se déresponsabiliser aussi.
19:29 Encore une fois, il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a pas des cas d'emprise qui sont compliqués.
19:33 L'emprise, quand vous lisez les spécialistes, on vous explique que c'est une affaire d'asymétrie,
19:37 c'est une affaire de...
19:40 - De domination.
19:42 - De domination, d'inégalité, etc.
19:46 Mais ce terme-là, il est utilisé à tort et à travers pour condamner l'amour,
19:49 et il me semble qu'il y a malgré tout toujours une part d'emprise dans la passion amoureuse.
19:55 Et là, je donne des exemples littéraires, mais il y en a pour celui qui a déjà vécu l'amour fou.
20:01 Il sait qu'à partir du moment où il aime,
20:05 il est dans une forme de relation asymétrique, il est très vulnérable,
20:09 il est dans une forme de dépendance à divers degrés.
20:13 Encore une fois, il y a des cas pathologiques, mais il y a aussi des cas qui font partie du jeu, si vous voulez.
20:18 C'est pour ça que j'explique que dans l'emprise, il y a,
20:21 entre l'emprise pathologique et l'emprise normale du jeu amoureux,
20:25 il y a une différence de degré et non de nature.
20:28 - Très intéressant tout ça. Alors justement, vous, vous êtes journaliste et séiste,
20:33 puisque vous êtes aussi passé dans pas mal de médias.
20:36 Justement, le rôle des médias dans la façon dont ces questions sont discutées et traitées,
20:40 il est quand même énorme, en fait.
20:43 - Oui, vous avez raison. C'est vrai qu'on aurait tendance à penser que les radicalités
20:46 qui n'existent peut-être pas dans la vie ou peu dans la vie au quotidien
20:49 apparaissent de façon démesurée dans les médias.
20:52 Mais c'est vrai aussi en tant que journaliste, je vais prendre aussi la défense des médias
20:57 parce que les médias essaient de survivre dans un contexte économique difficile
21:03 et que par définition, c'est l'émotion qui fonctionne.
21:07 Et donc, il me semble que ce n'est pas les médias qu'il faut taper,
21:11 mais nous-mêmes, parce que nous-mêmes, nous sommes plus attirés par le "clash",
21:15 par le conflit et donc par définition, l'attention va plus se porter sur ce qu'il y a de plus radical
21:20 que ce qu'il y a de moins radical.
21:21 En bref, les documentaires de 5 heures sur Arte sont moins vus que les féministes radicales
21:25 qui viennent dire des inepties et des délires sur des chaînes d'info en frémité.
21:29 - Elles savent quel buzz, ça c'est un petit truc.
21:30 - Elles savent quel buzz et on sait qu'on va attirer comme ça les gens.
21:33 Mais donc le problème, c'est nous quelque part.
21:35 - Et alors justement, ces féministes radicales qui vont vous écouter,
21:38 qui vont être très fâchées en vous écoutant, ou ceux qui justement,
21:40 qui pourraient critiquer, pas qu'elles d'ailleurs, votre point de vue
21:43 comme étant rétrograde ou opposé au progrès en matière d'égalité et de liberté,
21:47 qu'est-ce que vous avez envie de leur dire ?
21:49 - Bah écoutez, vous savez, ma meilleure réponse, c'est ce que je suis.
21:52 Moi je suis une femme libre, indépendante, qui n'est sous la coupe d'aucun homme.
21:57 J'ai la trentaine, je vis comme une femme féministe.
22:04 Et si vous voulez, justement, je pense qu'il y a mille façons de vivre le féminisme,
22:10 pas qu'une seule.
22:11 Et c'est très dangereux de s'octroyer le droit de dire que parce qu'on a un utérus,
22:16 on doit penser d'une certaine façon.
22:17 Parce qu'on a un utérus, on doit rejoindre un parti.
22:20 Ça, c'est dangereux.
22:21 Moi, mon féminisme, je le vis et surtout, il est lié à un seul mot, un seul concept,
22:27 et c'est celui de la liberté.
22:28 - Si vous aviez un souhait pour terminer cette émission, Noemi Alioua,
22:34 vous avez un petit génie qui apparaît et qui vous dit "Allez-y, faites un souhait,
22:38 je vous l'exhauste".
22:39 - Oula, il y en a beaucoup.
22:41 - Un seul.
22:42 - Un seul ? Moins de violence.
22:45 - En général.
22:46 - En général, ouais.
22:47 Il me semble quand même que même le débat d'idées devient de plus en plus difficile,
22:53 de plus en plus violent.
22:54 Vous savez, j'ai participé à une émission sur France Culture avec Alain Fickel-Croate.
22:58 Et hier, dans le journal Libération, il y avait deux pages pour dire qu'il ne fallait
23:02 pas débattre avec Alain Fickel-Croate, qui, moi, me qualifiait des pires noms d'oiseau.
23:08 Si vous voulez, cette violence-là, à part ce qu'on a osé discuter, et je vous remercie
23:11 de m'avoir invitée parce que vous vous rendez compte à quel point, quand on a des points
23:15 de vue divergents de la doxa, on est...
23:18 - Alors nous, on est sur la radio du Parle-en-vrai, vous savez.
23:20 - Bah écoutez, ça se voit.
23:21 Et bravo à vous, parce que c'est de plus en plus rare.
23:24 - Et bravo à vous aussi, Noémie Allioua.
23:25 Alors, chers auditeurs, je vous rappelle que pour découvrir la liberté d'aimer ou la
23:30 redécouvrir, si vous la connaissez déjà, vous pouvez courir à acheter "La Terreur
23:34 jusque sous nos draps".
23:35 C'est le livre de Noémie Allioua.
23:36 C'est sorti chez Plon.
23:37 Merci d'être venue par ici.
23:38 - Merci beaucoup.
23:39 Merci.
23:40 - Vous êtes la bienvenue.
23:41 Vous revenez quand vous voulez.
23:42 - À la semaine prochaine à 13h30 pour un nouveau Destin de Femme.
23:45 Demain, c'est excellent, évidemment, à 19h.
23:46 Vous le savez, tous nos rendez-vous sont sur sudradio.fr, la chaîne YouTube de votre radio.
23:51 Préférez sans oublier les réseaux sociaux, Deezer, etc.
23:53 Merci à Thibault qui réalise pour vous aujourd'hui.
23:56 Aux équipes de Sud Radio, je vous embrasse.
23:58 - Sud Radio, Destin de Femme, Judith Belaire.
24:02 Avec le groupe Connect, expert en recrutement intérimaire.
24:06 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect pour des opportunités de carrière partout
24:10 en France.
24:10 *bruit de pet*

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