La Ferme des Bertrand : Rencontre avec le réalisateur Gilles Perret, lors du festival Le Grand Bivouac 2023 d'Albertville
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Court métrageTranscription
00:00 Une famille qui a un film sur 50 ans, c'est quand même une chance aussi, donc ils ont
00:08 saisi la chance.
00:09 Donc ça n'a pas été très compliqué de les convaincre.
00:12 Après Hélène était un petit peu plus sceptique parce qu'ils ont toujours peur de ne pas être
00:15 bon, de ne pas être bien, de ne pas être intéressant, etc.
00:18 Après, évidemment, moi je suis persuadé du contraire, mais il faut juste leur dire.
00:22 Et puis après on leur a fait voir, on avait pris une salle de cinéma vers chez nous pour
00:26 qu'ils le voient dans une bonne condition et c'était très, très touchant parce que
00:30 pour moi, c'est très angoissant ces moments là, parce que j'aimerais bien ne jamais arriver
00:36 à un moment donné où des gens que j'ai filmé, que j'aime bien me disent non, mais là, ça
00:39 ne va pas et tout ça.
00:40 Ça voudrait dire qu'on s'est raté, qu'on ne s'est pas compris.
00:42 Et donc c'est très émouvant de voir aussi qu'ils regardaient ce film, qu'ils ont regardé
00:46 ce film avec beaucoup de dignité, beaucoup de recul.
00:48 Là où moi, enfin toi, ou je ne sais pas, en tout cas, quand on se voit sur un écran,
00:54 on se dit ah, mais j'étais pas bon, j'étais pas bien, j'étais pas beau.
00:58 On regarde et on regarde les autres en disant et eux, ils ont regardé ça dans la globalité
01:04 du film, le message qui était porté, l'image que ça pouvait donner.
01:06 Et je pense que c'est conforme à leur personnage, leur manière de se regarder.
01:14 On est dans un petit village de Savoie qui s'appelle Quincy.
01:17 C'est un peu particulier parce que j'ai toute ma famille qui habite ici.
01:20 Nous pensons qu'il n'y a pas d'autre façon de faire pour essayer de s'en sortir, améliorer
01:25 nos conditions de vie.
01:26 C'est particulier cette année parce que ce sera notre neveu et sa femme qui va prendre
01:32 la relève.
01:33 On va déjà essayer de digérer cette reprise parce que ça tombe tout morceau.
01:36 On y fait aussi parce que ça nous plaît.
01:38 Je pense que c'est la première des choses, c'est ça.
01:41 "Ca fait que je suis gamin que je m'amasse, c'est mon père qui m'a appris."
01:46 "Le film des Bertrands, c'est quand même pour moi un film particulier dans le sens
01:50 où c'est sans doute le film qui est le plus personnel.
01:55 Même si on ne me voit pas, on m'entend et c'est tourné à 100 mètres de la maison.
01:59 Comme je n'ai jamais bougé du village où je suis né, j'habite toujours là-bas, c'est
02:04 très personnel.
02:05 Je peux dire quand même que j'étais surpris en bien dans la force qu'ont marqué Alex
02:11 et Jean-Luc, ils ont 35 ans, ils approchent la quarantaine.
02:15 Et Hélène qui est vraiment très présente.
02:18 Je me disais que pour arriver au niveau des trois frères qui posent plein de choses,
02:22 ça va être quand même difficile.
02:23 Je suis plutôt agréablement surpris sur la manière de s'exprimer, y compris sur
02:30 leur sentiment et sur le rapport aux autres et le regard sur les autres.
02:32 "On prend toujours des conseils à gauche à droite.
02:34 On discute beaucoup avec les autres agriculteurs qu'on voit.
02:37 Et avec André aussi.
02:38 C'est des tout bons.
02:39 Il y a quelques détails que j'aurais aimé qu'ils y fassent un peu mieux, mais enfin,
02:44 tant pis.
02:45 Il peut pas tout y avoir."
02:47 Alors c'est sûr, ils ont accepté tout de suite de revenir devant la caméra parce
02:53 que je crois que, bon, parce qu'on se connaît bien, c'était plus facile de faire accepter
02:57 aux jeunes qu'aux trois frères qui ne voyaient pas l'intérêt d'être filmés.
03:00 Ils connaissent mon travail, ils connaissent mes films, ils ont vu la plupart de mes films,
03:04 même si on ne partage pas forcément les mêmes opinions politiques, mais c'est pas grave.
03:08 Et beaucoup de respect pour le travail que je fais, comme moi j'ai du respect pour leur
03:14 travail.
03:15 Et surtout, ils avaient en tête le film "Trois frères pour une vie".
03:19 Ils savaient la manière de faire.
03:20 Donc des fois, j'étais surpris par le fait qu'ils se mettaient à parler sans que je
03:24 pose de questions parce qu'ils savaient la forme, en fait, ma façon d'aborder les choses.
03:28 Voilà, comme ça, on est indirect simplement.
03:31 Et donc, en fait, je pense que c'est aussi parce qu'ils avaient l'autre film en tête.
03:34 La ferme, on l'a modernisée, mais le bâtiment, il était plus gros que Coteuil, c'était
03:40 là.
03:41 Ma conviction, c'est qu'il n'y avait pas de solution autre que suivre l'évolution
03:44 technique ou abandonner la profession, sauver.
03:47 Il y a le robot partout, maintenant, dans les usines et tout, ce qui remplace des hommes,
03:51 pourquoi pas qu'il nous remplace pour frères.
03:53 Ça donnera peut-être plus de goût aux jeunes.
03:56 En tout cas, en tout cas, le document qui documente justement cette agriculture de montagne spécifique,
04:03 c'est quand même important, je crois, parce que ça montre l'évolution du travail, l'évolution
04:09 des mentalités, l'évolution des paysages, l'évolution de ces zones d'appellation d'origine
04:13 protégées.
04:14 Et c'est quand même en termes d'ethnographie et d'évolution aussi économique sur un territoire.
04:20 Je pense que c'est un document important.
04:21 Dans la vie, il n'y a pas que la satisfaction de l'argent.
04:22 Il y a une certaine satisfaction de laisser une nature en état, une belle nature, une
04:23 nature propre.
04:24 C'est vrai qu'on est là pour un petit moment.
04:25 Après, ça sera des autres générations.
04:26 On n'est pas là pour y habiller.
04:27 On se démentait avec les enfants sur ce sujet-là et les enfants me disaient "tu refais un film
04:41 sur nous et tout".
04:42 Et puis Alex, il dit "non, mais dans 25 ans, ce sera vous, mais soit pour filmer, soit
04:49 vous travaillez à la ferme, mais il faut qu'on fasse quelque chose dans 25 ans".
04:53 Après, moi dans 25 ans, j'aurai pile 80 ans, donc on va voir si l'état de santé me permettra
04:59 de le faire, si je serai encore là.
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