Jérôme Bayle, éleveur de bovins à viande, témoigne de son émotion après la mort d'Alexandra, agricultrice, lors d'un accident sur le point de blocage qu'ils tenaient en Ariège. Il connaissait bien la victime. Son mari et sa fille sont actuellement dans un état critique.
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00:00 Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Les mots me manquent parce que moi je connaissais très bien la victime et la famille de la victime.
00:07 Voilà, c'était des amis à moi. C'était une amie à moi et Jean-Michel et sa petite que je connais très bien parce que je leur ai vendu un taureau il n'y a pas longtemps.
00:19 Et il y a deux jours, Alexandra m'a envoyé un message avec la photo du taureau et elle m'a dit "Jérôme Obélix" que le nom du taureau c'était "Obélix, et moi nous sommes fiers de ce que tu fais et nous sommes fiers de l'homme que tu es".
00:39 Et quand j'ai mené le combat c'était vraiment pour arrêter tout ce massacre agricole parce qu'on perdait trop de gens tous les jours dans nos exploitations.
00:49 Et aujourd'hui c'est un acte peut-être terroriste qui fait qu'on perd encore une belle personne et un membre vraiment très très important de la défense du monde agricole et de la chasse.
01:04 Parce qu'Alexandra était une grande chasseuresse et une grande passionnée.
01:09 Et voilà, je vais vous dire les mots me manquent parce que j'ai pas de mots.
01:15 C'est une famille entière qui est décimée.
01:19 Jean-Michel, son mari et sa petite sont dans un état très très critique.
01:25 Et voilà, donc je sais pas, je peux plus vous dire parce que l'émotion est vraiment trop forte.
01:34 Peut-être que je me sens responsable de ça aussi un petit peu.
01:38 J'entends évidemment votre émotion, on voit votre émotion ce matin sur BFM TV.
01:42 On va revenir tout au long de cette matinée évidemment sur les circonstances de l'enquête qui ne fait que débuter.
01:47 Mais vous nous le dites, c'était une famille amie à vous.
01:53 Amie, qu'est-ce que vous pouvez nous dire d'Alexandra, de qui elle était, comment elle était dans la vie ?
01:58 Qu'est-ce que vous pouvez nous dire d'elle ?
02:00 C'était une personne vraie, qui était impliquée dans énormément de choses.
02:07 Elle était chasseuresse, très passionnée et une fervente défenseur de notre passion, la chasse.
02:19 Elle était fière, fière d'elle, très rigeoise. Les rigeoises sont mes amies et je leur apporte vraiment tout mon soutien depuis ce matin
02:26 parce que je suis souvent au milieu d'eux dans les manifestations.
02:31 Et voilà, Alexandra était très impliquée dans son village, elle était au conseil municipal.
02:37 C'était une personne qui était entière, qui était comme on les aime dans notre monde.
02:45 Elle était agricultrice depuis longtemps ?
02:48 Elle a été installée avec son mari depuis 10-12 ans, par là à peu près, je ne peux pas vous dire exactement.
02:56 Mais c'est une personne qui faisait du maïs semence, qui entourait, qui encadrait vachement les jeunes l'été pour écriter le maïs.
03:06 C'était une personne de vraie, c'était une maman poule, c'était des personnes qui ne méritent pas de partir dans ces conditions-là.
03:15 Est-ce que, Jérôme Bail, est-ce que ce drame qui vous touche personnellement, et on le voit ce matin,
03:20 remet en cause en quoi que ce soit la mobilisation, la vôtre de mobilisation, la mobilisation de vos collègues ?
03:26 Du tout, du tout. Moi je me sens, je culpabilise beaucoup depuis ce matin.
03:31 Mes amis qui sont sur le bocage avec moi m'aident, m'apportent du réconfort.
03:39 Et je viens de faire une promesse à Clémence Briard, présidente des IJAs de La Riège, et à Sébastien Durand,
03:47 que pour Alexandra et la mémoire d'Alexandra, je vais me battre encore plus.
03:56 Et je laisse vraiment un appel au gouvernement de vraiment ouvrir les yeux et d'accélérer les choses.
04:02 Nous, on est, aujourd'hui c'est une vie humaine qui est partie, peut-être deux, peut-être trois.
04:07 Mais en tout cas, ce qui restera, c'est que même si ce mouvement-là avance,
04:12 on aura perdu une personne qui ne méritait pas de partir et une famille ne sera pas jamais décidée.
04:18 On le rappelle, il y a donc une victime, Alexandra, votre amie proche,
04:23 qui est décédée tôt ce matin sur ce barrage à Pamier dans La Riège.
04:27 Son mari, leur fille adolescente, qui est également grièvement blessée.
04:32 Il n'est pas question pour vous, Jérôme, de lever les barrages, par exemple,
04:37 et de dire "écoutez, au vu de ce drame, il faut qu'on trouve d'autres formes de mobilisation".
04:42 Ce n'est pas du tout votre état d'esprit ce matin ?
04:44 Je sais qu'à Pamier, j'ai eu Sébastien et Clément ce matin, depuis six heures, on n'arrête pas de communiquer.
04:52 Je sais qu'eux, ils ont fait communiquer à la presse, par solidarité et par respect envers la famille d'Alexandra.
05:00 Et mentalement, parce qu'il faut avoir une force énorme, ils ont décidé de lever le camp.
05:06 Mais par contre, ils m'ont demandé un truc. Ils savent que je suis fort et fier.
05:12 Je pense que je suis en train de le prouver à beaucoup de monde en France.
05:15 Et ils m'ont demandé pour elle "tu n'as pas le droit de lâcher, tu n'as pas le droit de craquer".
05:19 Et continue à te battre pour elle, pour nous et pour la profession agricole.
05:25 Et je sais que l'étoile d'Alexandra nous surveillera tous les jours et me renforce justement dans ma position pour continuer.
05:35 Jérôme Beyl, vous avez dit deux fois, depuis qu'on se parle tout à l'heure, que vous culpabilisiez. Pourquoi est-ce que vous culpabilisez ?
05:43 Parce que c'est mon initiative. C'est moi qui ai décidé d'envoyer les soldats sur la route.
05:51 Et je me dis que peut-être que "Planches du Capitole", j'aurais peut-être mieux fait de me taire.
06:00 Mais d'un côté, je me dis aussi que d'autres choses avancent, que l'agriculture avance, que l'agriculture est en train de médiatiser.
06:07 Et je l'ai dit à une de vos confrères qui est partie tout à l'heure,
06:11 j'espère que les plateaux télé et les chaînes nationales, ça ne sera pas qu'éphémère de médiatiser l'agriculture.
06:21 Parce que comprenez une chose, c'est que vous avez besoin de nous, mais nous on a besoin de vous aussi.
06:27 Voilà, on va dire que c'est un libre-échange et il ne faut pas que ça soit éphémère sur une semaine.
06:33 Et quand une fois qu'on aura levé les camps, plus aucune télé en France ne parle d'agriculture.
06:38 – Je rappelle pour ceux qui nous rejoignent à l'instant que vous êtes un des leaders de ce mouvement,
06:42 un de ceux qui était au tout début de ce mouvement-là, Jérôme Bail.
06:45 Il y a une chose, une dernière question encore.
06:47 Vous dites ce matin qu'au vu de ce drame, il faut que le gouvernement accélère,
06:52 le gouvernement qui a dit qu'il y aurait des réponses dans les jours qui viennent, la semaine prochaine, etc.
06:55 Vous vous dites qu'il faut accélérer ce matin ?
06:58 – La balle est à leur camp. Nous on a fait remonter nos revendications.
07:02 Ils ont travaillé hier soir, j'ai eu Arnaud Rousseau qui m'a dit qu'ils étaient très attentifs au dossier,
07:07 mais aujourd'hui il y a une personne qui est partie, une famille destinée, je vous le répète.
07:14 Mais tant pis, si le gouvernement veut jouer à la montre, il jouera à la montre.
07:18 Moi je ne bougerai pas de là.
07:20 Et vous savez, j'ai eu une phrase de force quand je suis rentré sur l'autoroute,
07:24 ça a été "seule une balle dans la tête m'empêchera de rentrer sur l'autoroute en tracteur".
07:29 Eh bien je vais redire cette phrase aujourd'hui,
07:31 c'est que "seule une balle dans la tête m'empêchera de sortir de l'autoroute".
07:35 Voilà, je ne sortirai pas sans réponse de cette autoroute.
07:42 Si je sors d'ici, c'est qu'on mettra mon corps par terre.