• il y a 10 mois
Avec Claire Koç, journaliste et auteure de "Le jour où je me suis convertie" (Plon-2023), et Nathan Devers, écrivain.

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##EN_TOUTE_VERITE-2024-01-21##

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News
Transcription
00:00 - Toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
00:04 - En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et 12h sur Sud Radio,
00:07 sécurité, économie numérique, immigration, écologie.
00:10 Pendant une heure chaque semaine, nous débattons sans tabou
00:13 des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:15 Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir Claire Causs
00:18 et Nathan Devers. Nathan Devers est philosophe et dans son dernier livre,
00:22 "Penser contre soi-même", qui vient de paraître chez Albin Michel,
00:25 il raconte comment, adolescent, il voulait être rabbin
00:28 avant de tourner le dos à la religion pour se consacrer à la philosophie.
00:32 Claire Causs, dans son nouvel essai, "Le jour où je me suis converti",
00:36 fait au contraire le récit de sa conversion au catholicisme,
00:39 elle qui vient d'une famille turque qui n'était pas catholique.
00:43 Claire Causs et Nathan Devers ont tout de même, tous deux, pour point commun,
00:47 d'avoir voulu rester eux-mêmes dans un monde qui voulait les enfermer
00:50 dans leur communauté. Les religions sont-elles synonymes
00:53 d'enfermement ou d'émancipation ?
00:56 Quelle doit être leur place dans une France à la fois laïque
00:58 et sujette à la montée des communautarismes,
01:00 à l'heure de la tyrannie des identités ?
01:02 Comment penser contre soi-même ?
01:04 Tout de suite, les réponses de Claire Causs et Nathan Devers,
01:06 "En toute vérité".
01:07 Claire Causs, Nathan Devers, bonjour.
01:15 - Bonjour. - Ravis de vous recevoir dans cette émission.
01:19 Je le disais, deux essais qui se font écho.
01:23 L'un d'un essai qui raconte pas tout à fait un renoncement à la religion,
01:28 parce que je crois que ça continue à vous passionner, Nathan Devers,
01:31 mais enfin vous en êtes éloigné alors que vous vouliez devenir rabbin
01:35 pour vous consacrer à la philosophie.
01:37 Et vous, Claire Causs, vous avez décidé tardivement
01:41 de vous couvertir au code catholiciste.
01:44 Pour ceux qui ne vous connaissent pas, c'est votre deuxième essai.
01:47 Le premier racontait comment vous avez choisi de vous appeler Claire.
01:51 C'était en quelque sorte le récit d'une assimilation.
01:55 Peut-être que c'était le point achevé pour vous,
01:57 vous nous le direz, de votre assimilation, cette conversion.
02:01 Commençons d'ailleurs peut-être par vous.
02:04 Pourquoi avoir fait ce choix de vous convertir au catholicisme ?
02:09 - Alors d'abord, je voulais vous remercier avant toute chose pour votre invitation.
02:12 Je suis très heureuse d'être ici. Merci beaucoup.
02:15 Alors, mon histoire est vraiment personnelle.
02:18 Je tiens vraiment à le préciser.
02:20 Ce n'est pas ni un livre politique ni un livre théologique,
02:22 comme mon premier livre n'était pas un livre politique.
02:25 C'est vraiment mon témoignage personnel.
02:27 Et en fait, la question de la religion, de la foi,
02:31 je ne voulais pas l'aborder dans mon premier livre
02:34 qui parlait de l'histoire de l'émancipation d'une fille.
02:36 Vous l'avez dit, d'une femme.
02:37 Je viens d'une famille issue de l'immigration turque
02:41 et en fait, d'une famille de bergers anatoliens au fin fond de la Turquie.
02:48 C'est l'ultra pauvreté, c'est-à-dire que la maison dans laquelle on vivait,
02:52 le sol était enterre battu, mes parents étaient bergers,
02:56 ils vivaient de ce qu'ils cultivaient, de ce qu'ils produisaient,
02:59 du fromage, etc.
03:01 Et en fait, lorsqu'ils sont arrivés en France, j'avais un an, c'était en 84.
03:07 Et en fait, la France, moi, elle m'a élevée sur tous les pans de ma vie,
03:12 si je puis dire, c'est-à-dire aussi bien socialement qu'intellectuellement,
03:15 parce que moi, la fille de berger anatolien, je suis devenue journaliste à l'âge de 25 ans.
03:19 Et je me dis, voilà, on parle toujours du rêve américain,
03:22 mais en fait, en France, c'est pas un rêve, il existe.
03:24 Cette possibilité existe quand on s'en donne les moyens.
03:27 Moi, si j'ai travaillé trois fois plus que les autres,
03:29 c'est pas parce que j'étais victime de discrimination,
03:31 mais parce qu'en fait, j'avais pas le même bagage culturel, clairement.
03:34 Encore une fois, je ne critique absolument pas mes parents,
03:37 mais à la maison, il n'y avait pas de livres, il n'y avait pas de programme culturel,
03:40 on n'avait pas comme habitude d'aller au musée, etc.
03:44 Et donc, ce livre, c'était un livre de reconnaissance,
03:48 un témoignage de reconnaissance envers la France.
03:50 Comment ne pas remercier ce pays pour tout ce qu'il m'a apporté ?
03:53 Je suis éternellement reconnaissant.
03:55 Donc, en échange, moi, je lui écris des livres.
03:57 Et le deuxième parle de ma conversion au catholicisme,
04:00 qui a mis 30 ans, en fait, parce que d'abord, je me sentais pas légitime.
04:04 Et encore une fois, ça ne regarde... Enfin, c'est vraiment mon point de vue.
04:08 Je dis pas que tout le monde doit faire comme moi et que je suis un modèle à suivre.
04:11 Mais en fait, pour moi, être française, c'était aussi être catholique.
04:14 Et ce cheminement spirituel, il s'est fait sur le long terme.
04:19 D'abord, j'ai eu un coup de foudre spirituel pour la Vierge Marie
04:22 à 6 ans, en sortant de l'école, premier jour de la rentrée scolaire au CP.
04:27 Nos parents ne nous accompagnaient pas forcément à l'école
04:30 ou ne venaient pas forcément nous chercher.
04:31 On était assez autonome.
04:33 On passait beaucoup de temps dehors, on jouait beaucoup à l'extérieur.
04:36 Et en fait, en sortant de l'école à 4h30,
04:40 en fait, j'ai pas fait attention au chemin que j'avais emprunté.
04:42 Je cueillais des fleurs et j'étais quand j'ai levé les yeux,
04:45 j'étais à l'opposé de l'appartement de mes parents.
04:48 Il y avait cette église que j'avais jamais vue avant, les portes grandes ouvertes.
04:52 J'étais loin d'imaginer le symbole que ça représentait.
04:55 Donc, instinctivement, j'y entre.
04:57 Je fais quelques pas, je lève les yeux au ciel,
04:59 vers les murs de l'église et je vois la Vierge avec son fils dans les bras.
05:04 Et là, c'est ça le mystère de la foi.
05:06 C'est quelque chose d'irrationnel.
05:08 C'est pas expliqué, mais il s'est passé quelque chose.
05:11 Et à partir de ce moment-là, à chaque fois que je passais devant une église,
05:13 je ressentais le besoin d'allumer un cierge.
05:16 Je connaissais pas les prières, j'ai pas eu d'éducation religieuse.
05:20 Mes parents sont à Lévis.
05:21 C'est une minorité religieuse en Turquie, c'est la deuxième croyance.
05:24 Ma mère, par exemple, le jeudi soir, au moment du coucher du soleil,
05:27 elle allumait des cierges pour demander au soleil de protéger sa famille.
05:31 Donc, il n'y avait pas vraiment de pratiques religieuses à proprement parler, si je puis dire.
05:35 Et donc, à chaque fois que je passais devant une église,
05:40 j'y entrais, j'allumais un cierge et je disais
05:44 "Jésus, je t'aime, Marie, je t'aime, protégez-moi".
05:47 Et voilà, 30 ans plus tard, à 36 ans, lorsque je suis devenue maman,
05:52 je me suis sentie légitime.
05:53 Parce qu'avant, je me disais que c'était quelque chose qui se transmet par la famille.
05:56 Je me sentais pas légitime, j'avais peur de pas comprendre, de pas être à la hauteur,
05:59 de rien saisir de ce qu'est la foi catholique.
06:04 Et j'ai reçu le baptême au paradis.
06:08 Je vais un petit peu faire un petit avant-goût de mon livre "Au paradis, l'histoire commence au paradis".
06:14 - Au Cichel, pour être exact.
06:17 - Exactement.
06:18 - Pour ceux qui ont lu le livre, que je vous invite à lire d'ailleurs.
06:23 Nathan Devers, vous vous publiez "Pensez contre soi-même" chez Alba Michel.
06:29 Claire Claire Cosse nous fait le récit d'un coup de foudre spirituel.
06:35 Vous avez été aussi vous extrêmement spirituel.
06:38 Est-ce que vous avez perdu la foi ou pas ?
06:42 Et pourquoi vous êtes-vous détourné petit à petit de la religion alors que vous vous destinez à être rabbin ?
06:49 - Déjà merci Alexandre Devecchio pour cette invitation et cet échange en effet qui est très intéressant
06:54 parce que nos deux trajectoires sont opposées, sont inverses.
06:58 Mais je pense qu'il y a quand même un point commun fort, c'est cette idée de la conversion.
07:02 Alors dans un sens ou dans l'autre, mais en tout cas cette idée de la transformation de soi.
07:06 Et cette idée, à mon avis on est d'accord là-dessus, que les existences sont des quêtes.
07:09 Et ça veut dire que vivre, c'est estimer qu'on est embarqué dans une sorte de voyage
07:15 dont le point de départ nous a été imposé, on ne l'a pas choisi.
07:17 Mais où ensuite c'est à nous d'inventer le point de destination
07:20 et le point de destination n'est pas nécessairement contenu dans le point de départ.
07:22 Ce que vous décrivez quand vous parlez du milieu dont vous venez, de la foi dont vous venez, etc.
07:28 et que vous avez choisi de vous réapproprier un chemin en trouvant le vôtre,
07:32 finalement le mien est assez proche sur ce point-là, même si c'est dans la direction inverse.
07:38 Alors oui, pour vous répondre, ce que j'ai voulu faire dans ce livre,
07:42 c'est expliquer ce qui m'a amené à faire de la philosophie.
07:46 Et je n'ai pas un rapport livresque seulement à la philosophie,
07:49 très souvent quand on se demande pourquoi on fait de la philosophie,
07:51 ça peut être "j'ai lu Platon et ça m'a marqué",
07:54 "j'ai fait des études de philo et ça m'intéresse",
07:56 "j'ai envie de me poser des questions sur le monde",
07:58 je ne sais pas, des choses comme ça.
07:59 Moi j'ai voulu raconter qu'en tout cas dans mon cas,
08:02 et je pense même de manière générale,
08:04 la philosophie ça naît avant tout d'une rupture existentielle violente,
08:09 d'un moment où on sort de la caverne,
08:11 alors quelle que soit la caverne,
08:13 et où on prend la décision de réinventer totalement la manière dont on pense.
08:16 Et en effet moi, dans mon cas, j'ai eu une enfance et une adolescence très très religieuse,
08:20 alors dans la religion juive,
08:22 à la fois évidemment du fait de ma famille, de mon milieu social qui était un milieu juif,
08:26 mais aussi personnellement, moi c'était vraiment,
08:28 j'ai eu une fascination, et un petit mot,
08:30 mais j'étais absolument, je ne vivais que par la religion,
08:34 que pour ça, je voulais devenir rabbin,
08:36 j'allais à la synagogue tous les jours, j'avais une pratique de juif orthodoxe,
08:40 et surtout j'étais absolument heureux là-dedans.
08:42 Et ce qui m'a fait m'éloigner de la religion,
08:46 c'est ce que j'appelle dans mon livre un "sucide existentiel" à un moment,
08:50 c'est une expérience de vertige,
08:52 de se dire que finalement, la naissance,
08:54 c'est un moment qui nous détermine, et même c'est une structure qui nous détermine totalement,
08:58 mais où on a absolument rien choisi,
09:00 et ni vous, ni moi, n'avons choisi de naître français,
09:05 à telle ou telle époque, dans telle ou telle année, dans telle ou telle famille,
09:07 avec tel ou tel conditionnement, etc.
09:09 Et que tout cela pour autant détermine la totalité,
09:13 non seulement de nos croyances, non seulement de nos pensées,
09:15 mais même de nos modes de vie.
09:17 Et que si j'étais né par exemple musulman, catholique, bouddhiste, etc.,
09:21 j'aurais peut-être avec le même acharnement,
09:23 défendu des vérités inverses, et eu un mode de vie absolument inverse.
09:26 Et c'est cette prise de distance-là, qui m'a poussé vers la philosophie.
09:29 - Merci Nathan Devers, merci Clercoss,
09:33 on continue à parler de religion,
09:36 est-ce que la religion est un moyen de s'émanciper,
09:39 ou au contraire un enfermement ?
09:41 Vous aurez la réponse de Clercoss et de Nathan Devers,
09:44 après une courte pause sur Sud Radio, en toute vérité.
09:47 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
09:52 Nous sommes de retour sur Sud Radio, en toute vérité,
09:54 avec Nathan Devers, auteur de "Penser contre soi-même" chez Albin Michel,
10:01 et avec Clercoss, auteur de "Le jour où je me suis converti",
10:05 et c'est chez Plon, deux livres passionnants qui se font écho.
10:10 L'un raconte comment vous vous êtes converti Clercoss,
10:14 et vous Nathan Devers, comment vous avez été fasciné par la religion,
10:18 comment vous veniez d'une famille assez religieuse,
10:22 voire très religieuse, et comment vous vous en êtes peu à peu détourné.
10:27 Ce qui est intéressant aussi, c'est que je crois que Clercoss a vécu finalement,
10:34 vous avez vécu Clercoss votre conversion comme l'aboutissement
10:38 de votre émancipation, d'une certaine manière,
10:42 et vous Nathan Devers, c'est un peu le contraire,
10:45 c'est en rompant avec la religion, avec votre histoire familiale,
10:52 pour aller vers la philosophie, que vous vous êtes émancipé.
10:57 Est-ce que la religion vous semble, Nathan Devers, par principe,
11:01 quelque chose qui enferme ?
11:03 Est-ce que c'est quelque chose, au contraire, qui libère ?
11:06 Pourquoi vous êtes-vous détaché, justement, pour "Penser contre vous-même" ?
11:11 Est-ce que ce n'était pas possible de penser par vous-même,
11:14 en restant attaché au judaïsme ?
11:18 - Si, sans doute que ça aurait été possible, et que c'est possible.
11:21 La religion, moi je la vois vraiment comme une quête,
11:23 et comme une quête sublime.
11:25 Il y a des gens qui ont quitté la religion,
11:26 et qui peuvent porter sur elle un regard sévère,
11:30 un regard même parfois de colère.
11:31 C'est absolument pas mon cas, et mon livre, je crois que je l'ai écrit
11:33 avec beaucoup de tendresse, en tout cas j'ai voulu,
11:35 et même c'est venu naturellement de l'écrire avec tendresse.
11:38 D'autant que, vous avez dit que ma famille était religieuse,
11:41 mais pas tant que ça, elle était pratiquante, traditionnaliste,
11:44 mais c'était vraiment moi qui étais attiré par la religion.
11:47 Ce qui a fait que je m'en suis éloigné, c'est deux choses.
11:49 D'abord, je vous dis que c'est une quête,
11:51 c'est une quête sublime, à la fois au sens où elle donne un sens à l'existence,
11:55 au sens aussi où elle donne de la poésie dans l'existence.
11:57 C'est-à-dire que c'est magnifique, alors catholicisme ou judaïsme,
12:00 il y a des textes qui sont absolument sublimes, des prières, la Bible, etc.
12:04 Et puis aussi, où elle donne un cadre d'existence, un cadre pratique.
12:08 Moi ce qui m'a fait m'éloigner,
12:09 c'est le sentiment que la religion, mine de rien,
12:12 est quand même une quête close.
12:14 Et pas seulement la religion, l'idéologie aussi, la politique aussi.
12:17 Ça veut dire une quête qui vient buter sur un petit paquet de certitudes.
12:20 Alors il n'y a pas toujours des dogmes en religion,
12:22 et je sais très bien que dans la vie religieuse, il y a aussi une part de doute,
12:25 et que ça fait même partie de la croyance.
12:26 Mais ce petit paquet de certitudes, ou ce petit paquet de choses qu'on veut sauver,
12:30 je vous donne un exemple, souvent quand j'avais des cours de Thora, de Talmud,
12:34 avec des grands rabbins, des gens vraiment très intelligents,
12:37 ils commençaient par poser des questions très larges.
12:39 "Oh, peut-être que la Bible n'a pas été écrite par Dieu, mais par les hommes."
12:42 "Peut-être que Dieu n'existe pas, peut-être, et c'est ça."
12:44 Et ils finissaient toujours par retomber sur leurs pattes.
12:47 Et ils retombaient sur leurs pattes au moyen de leur intelligence.
12:50 Il y avait des raisonnements très sophistiqués, très très intelligents, très théoriques, etc.
12:54 Mais qui permettaient in fine, systématiquement,
12:56 de sauver ce sur quoi ils voulaient absolument se maintenir.
13:00 Comme si la réflexion était pré-guidée par un point de direction
13:03 qu'il fallait absolument respecter.
13:05 C'est ce petit verrou-là que j'ai voulu faire sauter,
13:07 et qu'il me semble que la philosophie doit faire sauter.
13:10 Mais pas seulement par rapport à la religion,
13:12 par rapport aux idéologies, par rapport à la politique,
13:14 par rapport même à la philosophie aussi.
13:16 Mais en tout cas, essayer d'être dans une quête systématiquement ouverte,
13:20 ouverte à elle-même, et refusant d'avoir ce point de départ
13:23 qui soit pré-fixé et pré-donné.
13:26 - Vous expliquez dans le livre, c'est au moment où finalement
13:29 vous êtes dans une école juive, que vous vous sentez un peu enfermé.
13:35 Vous avez ressenti une forme de pression communautaire,
13:37 est-ce qu'on peut l'appeler comme ça ou pas ?
13:40 - Oui, alors c'est dur de parler de la religion au singulier.
13:43 Précisément pour ça, dans mon livre je raconte
13:44 tous les lieux juifs que j'ai pu fréquenter.
13:47 Il y en a notamment un qui est une synagogue qui s'appelle Légnaux,
13:50 qui est une synagogue formidable, et que je décris comme un lieu magique.
13:53 C'était une synagogue sans rabbin,
13:55 où avait travaillé Emmanuel Lévinas à l'époque.
13:57 Et c'était une synagogue qui mélangeait absolument toutes les cultures.
14:01 Il y avait l'exigence de la pensée juive,
14:03 il y avait des cours formidables, le Talmud, etc.
14:05 Il y avait évidemment l'exigence de la culture française,
14:09 la trace de Lévinas restait dans cette synagogue,
14:11 et donc les gens lisaient des récits russes,
14:14 lisaient de la culture, de la littérature, etc.
14:16 Et puis il y avait aussi, comme c'était une synagogue
14:18 où il y avait beaucoup de juifs marocains,
14:19 il y avait toute l'exigence de la cantillation,
14:22 de la chanson, des airs marocains, des rituels marocains.
14:26 Et j'aimais cela, j'aimais cette ouverture-là.
14:28 Et j'étais au lycée public, et je trouvais ça formidable
14:30 d'aller à la synagogue le matin, et ensuite de pouvoir aller à l'école,
14:33 et si vous voulez, d'être dans cette ouverture-là,
14:35 à l'école où j'avais des amis catholiques, musulmans, hadès, etc.
14:38 Et quand je suis allé en lycée juif, alors j'étais obligé
14:40 parce qu'il y avait cours le samedi, à un moment,
14:41 et donc je ne pouvais plus rester à un lycée public,
14:43 et là j'ai vu une autre manière de pratiquer la religion.
14:46 École confessionnelle, murs fermés, tous entre nous,
14:49 la religion de l'entre-soi, et nous étions là,
14:52 et le judaïsme devenait un cocon intérieur,
14:54 une sorte de boîte de pétri de nos identités.
14:56 - D'ailleurs, vous expliquez que vous vous êtes senti
14:57 finalement beaucoup plus juif
14:59 quand vous n'étiez pas dans cette école-là.
15:01 - Bien sûr, je me suis senti beaucoup plus juif
15:03 quand j'étais en minorité.
15:04 Je pense d'ailleurs que c'est une thématique aussi très catholique,
15:07 le Christ contre l'Église, contre toutes les églises, etc.
15:10 Et en effet, ça m'a profondément déplu,
15:11 ça m'a étouffé, fondamentalement.
15:13 Et surtout, ce que j'ai vu dans cette école,
15:14 c'était comment il y avait un appauvrissement
15:17 automatique de l'identité dès lors qu'elle se clôt.
15:20 Donc les cours de religion étaient nuls,
15:21 c'était juste de la superstition débile,
15:23 c'était des trucs sur les interdits sexuels à tout va,
15:26 de manière systématique.
15:27 Et puis à la marge, alors de manière très très minoritaire,
15:29 mais naissaient aussi des comportements intolérants,
15:32 des paroles racistes, etc.
15:34 Et donc là, vous aviez une sorte de démonstration par A + B
15:38 que quand une religion se met à cesser
15:41 d'avoir son rôle de quête, de quête spirituelle,
15:43 de quête de sens,
15:44 vraiment d'une démarche active qui doit ouvrir l'existence au sublime,
15:47 et qu'elle devient quelque chose d'étriqué, d'un peu minable,
15:50 d'un peu bête et d'un peu automatique,
15:52 d'un peu grégaire en fait,
15:53 eh bien que ça devient une machine à bêtises,
15:55 et de la bêtise à la haine,
15:57 il n'y a parfois, pas toujours, mais parfois qu'un pas.
15:59 - Claire Causse, ça peut être un peu l'inverse en fait,
16:04 quand on lit vos deux livres,
16:06 vous étiez enfermés dans un milieu assez communautariste,
16:11 dans une cité, avec des paroles qui, vous l'avez rappelé,
16:13 étaient à Lévis, donc pas forcément musulmans d'ailleurs,
16:18 mais qui en France sont devenues en quelque sorte islamistes,
16:23 parce qu'ils étaient entourés de...
16:25 Enfin, peut-être pas islamistes, pas terroristes, je précise,
16:28 mais musulmans communautaristes, disons ça,
16:32 parce qu'ils étaient entourés d'un milieu extrêmement communautarisé,
16:37 et vous expliquez que d'abord vous vous êtes tournés
16:40 vers la société française pour vous libérer de ça,
16:42 et que d'une certaine manière, le catholicisme,
16:44 la conversion au catholicisme a été un aboutissement.
16:47 - Oui, en fait, concernant ma famille,
16:50 donc nous vivions, vous l'avez dit, dans une cité
16:53 qui devenait de plus en plus communautariste,
16:54 puisque quand les familles françaises historiques,
16:58 ou de longue date,
16:59 je ne sais pas quel est le terme le plus juste approprié
17:01 pour parler des français qui étaient là depuis longtemps,
17:04 quand ces familles partaient, par exemple,
17:05 pour des quartiers pavillonnaires,
17:06 elles étaient remplacées par des familles
17:09 qui étaient de la même origine que mes parents,
17:11 et forcément, et ce n'est pas une critique,
17:13 c'est très factuel ce que je veux dire,
17:15 mais forcément, ils pouvaient mieux se parler
17:17 dans leur langue d'origine qu'en français,
17:19 ils étaient dans une initiation à la langue française,
17:23 et en fait, le coup de grâce est arrivé
17:25 avec l'arrivée de la parabole qui fleurissait
17:28 à toutes les fenêtres dans notre cité,
17:30 donc forcément, on ne vivait plus à l'heure française
17:33 avec Delon, Belmondo,
17:34 ou les émissions de divertissement à la télévision française,
17:38 on vivait à l'heure turque,
17:39 mes parents étaient beaucoup plus au courant
17:41 des matchs de foot entre deux...
17:46 Voilà, que l'élection du nouveau maire dans la ville
17:48 dans laquelle on vivait,
17:51 et en fait, forcément, mon statut a changé,
17:54 je n'étais plus une simple enfant,
17:56 je suis devenue une fille,
17:57 et donc, c'était une circonstance aggravante dans ma famille,
18:01 puisque je n'étais pas grand-chose, mais je n'étais pas rien.
18:04 Je n'étais pas rien, mais pas grand-chose,
18:05 je ne sais pas trop dans quel sens le dire,
18:07 mais en tout cas, j'espère qu'on comprend bien
18:09 le sens de ce que je veux dire,
18:10 c'est-à-dire que mes frères, eux, avaient le droit
18:12 d'aspirer à être les nouveaux Zidane
18:14 en allant dans des centres de formation
18:15 dans le sud de la France,
18:16 mais moi, comme j'étais une fille,
18:18 et que l'honneur reposait entre mes jambes,
18:20 si je puis dire, excusez-moi l'image,
18:22 mais en fait, moi, j'avais le droit à rien,
18:23 pas d'argent de poche,
18:24 pas forcément de choisir les études que je voulais faire,
18:26 mes parents avaient comme ambition,
18:29 et entendons-nous, j'ai beaucoup de respect pour les caissières,
18:31 aucun problème, j'ai beaucoup d'admiration
18:34 pour toutes les personnes qui travaillent,
18:35 ils voulaient que je sois caissière en CDI,
18:38 et que j'habite le HLM en face du leur.
18:39 Devenir journaliste, pour eux, c'était juste insensé, impensable,
18:42 ce n'était pas dans leur schéma, pour une fille.
18:45 Une fille indépendante, ce n'était pas possible,
18:46 c'était une fille de mauvaise vie, etc.
18:49 Et en fait, si vous voulez,
18:52 il y a plusieurs choses que je voulais mettre en avant,
18:55 c'est que moi, je vivais dans ce patriarcat,
18:58 avec mon père et mes frères,
18:59 et ma mère qui alimentait tout ça.
19:03 Eh bien, pour moi, avoir découvert le catholicisme
19:08 avec une figure féminine centrale,
19:10 pour moi, c'est un symbole très, très fort.
19:14 La Vierge Marie, pour moi, tout d'un coup,
19:17 plein de choses se sont décoincées dans mon cerveau.
19:21 Et ensuite, il y avait aussi, dans la République française,
19:25 une autre figure très importante, c'était celle de Marianne,
19:27 et puis d'autres figures féminines, comme Jeanne d'Arc.
19:30 Voilà, toutes ces figures-là,
19:32 en fait, je me suis mise à m'intéresser à l'histoire de France.
19:35 Et voilà, en fait, grâce à tout ce que je lisais,
19:40 tout ce que je découvrais,
19:41 tout ce que je regardais comme cinéma,
19:42 Bardot, Brigitte Bardot, pour moi, c'était fou,
19:45 cette nana qui assumait ce qu'elle était, décomplexée,
19:48 qui n'avait pas de surmoi, sans filtre,
19:50 c'est-à-dire qu'elle disait ce qu'elle pensait,
19:52 et c'était une pensée structurée, elle assumait ce qu'elle était.
19:55 Pour moi, c'était une figure incroyable d'émancipation.
19:58 Elle m'a beaucoup, beaucoup inspirée.
20:01 Voilà, il y avait tout ça.
20:02 Et puis, moi, j'ai la foi...
20:05 Alors, je ne veux pas comparer nos histoires,
20:07 mais moi, j'ai la foi du béossien, c'est-à-dire que tous mes merveilles.
20:10 Moi, je découvre, je suis une autodidacte de la foi catholique,
20:12 je suis une autodidacte de la France.
20:14 Quand je sortais de chez mes parents,
20:15 rien que les façades qui racontent plein de choses,
20:18 il y a des plats, il y a une architecture.
20:20 Moi, j'étais fascinée par tout ce que je voyais.
20:22 Et c'est pareil pour l'église.
20:23 Quand j'entre dans une église, à la messe notamment,
20:25 je vois ces vitraux, je vois cette ferveur au sein des fidèles qui sont là.
20:30 Il se passe quelque chose et je découvre et j'aime, j'aime.
20:33 - Merci, Clercosse. Merci, Nathan Devers.
20:36 On poursuit cette conversation sur la foi, la religion,
20:40 la place de la religion aussi dans la société française.
20:43 Après, une courte pause sur Sud Radio.
20:45 En toute vérité, toujours avec Clercosse et Nathan Devers.
20:48 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
20:53 - Nous sommes de retour sur Sud Radio, en toute vérité, avec Clercosse,
20:57 auteur de "Le jour où je me suis converti".
21:02 C'est chez Plon et Nathan Devers, "Penser contre soi-même",
21:06 c'est chez Albin Michel.
21:08 D'un côté, le récit, votre récit, Nathan Devers,
21:12 d'un éloignement par rapport à la religion juive.
21:16 Et vous, Clercosse, comment vous vous êtes convertie
21:19 à 36 ou 37 ans, je crois, au catholicisme ?
21:23 On parlait tout à l'heure du communautarisme et de la religion.
21:29 Nathan Devers, vous nous expliquiez que vous aviez ressenti
21:31 une forme de pression communautaire quand vous étiez à l'école juive.
21:36 Clercosse, vous, c'est l'inverse.
21:37 Vous aviez une pression communautaire
21:41 quand vous étiez dans les cités de l'islam notamment,
21:45 et le catholicisme a été une forme de libération.
21:49 Est-ce qu'on peut mettre sur le même plan aujourd'hui
21:53 le communautarisme juif et le communautarisme musulman ?
21:57 C'est vrai que dans les débats,
21:59 souvent d'ailleurs, on parle de communautarisme,
22:01 mais c'est pour parler d'islamisme,
22:03 les questions qui font vraiment débat dans la société française.
22:06 C'est le port du voile, c'est un communautarisme agressif
22:11 et qui est souvent lié à l'islam,
22:13 en plus avec le problème du terrorisme.
22:16 Moi, j'ai l'impression que malgré tout,
22:19 le communautarisme islamiste est plus agressif
22:22 en ceci d'ailleurs qu'il est prosélite,
22:24 alors que la religion juive ne fait pas de prosélitisme.
22:28 Est-ce que vous mettez tous les communautaristes
22:31 sur le même plan aujourd'hui ?
22:34 J'irais même plus loin que ce que vous dites,
22:36 c'est-à-dire que je ne parlerai pas spécifiquement
22:37 de communautarisme simplement religieux.
22:39 Je crois qu'en introduction, vous avez parlé du fait
22:41 qu'on était une époque, l'époque des identités.
22:43 Mon livre, je l'ai appelé "Pensées contre soi-même",
22:45 mais j'aurais presque pu l'appeler "Contre soi-même",
22:47 contre l'idée que le soi-même, mon identité,
22:50 avec tout ce que je n'ai pas choisi dedans,
22:52 doivent me donner un mode de vie,
22:54 doivent me donner des opinions, doivent me donner des pensées.
22:57 Et ce communautarisme-là, le fait...
22:59 Alors, ça peut être religieux, ça peut être par exemple,
23:01 dans la religion, la conception selon laquelle la religion,
23:04 ça sert à rassembler des gens qui sont tous pareils,
23:07 les fermer sur eux-mêmes, etc.
23:08 Ça peut être intellectuel, je ne sais pas,
23:10 être uniquement ami avec des gens avec qui on va être d'accord,
23:13 avoir, dès lors qu'on a un ami qui commence à avoir une opinion
23:17 ou dont on se dit "je ne suis pas d'accord avec ça",
23:19 hop, c'est un problème personnel.
23:20 Ça peut être idéologique, ça peut être même philosophique.
23:23 Et ce communautarisme-là,
23:24 il me semble qu'il est très général, malheureusement, à notre époque.
23:27 On le voit en permanence, même quand on suit l'actualité.
23:31 Regardez, depuis le 7 octobre, c'est quand même incroyable
23:33 de voir que sur les réseaux sociaux, par exemple,
23:35 il y a plein de gens qui sont dans un rapport-là
23:37 où ils estiment que leur identité leur demande
23:40 de se situer de tel ou tel camp, et pas une réflexion intellectuelle.
23:43 Et face à cela, moi ce que j'ai voulu réhabiliter,
23:45 c'est l'idée d'un rapport où la pensée,
23:49 elle sert à venir troubler, à venir ouvrir,
23:51 à venir perturber cette conception de l'identité.
23:53 Alors ça passe par mille choses, ça passe par le doute,
23:55 ça passe par la philosophie,
23:56 ça passe même, je vous donne un détail, par l'auto-dérision.
23:59 L'auto-dérision, c'est quelque chose qui est contradictoire
24:02 avec cette conception du communautarisme intellectuel
24:05 ou idéologique ou religieux ou humain,
24:07 où l'humour sert uniquement à se moquer des autres,
24:09 commencer par estimer que l'humour doit être quelque chose
24:12 qui doit nous tomber dessus en miroir,
24:14 et où l'intérêt de l'humour c'est avant tout
24:16 de se moquer de soi-même, de se fragiliser, de se ridiculiser.
24:19 Ça par exemple, c'est un acte anti-communautariste
24:21 au sens très large du terme, je ne parle pas seulement religieux.
24:23 - Et d'ailleurs tout le monde se reconnaît ensuite
24:25 dans cette personne qui se moque d'elle-même,
24:27 on se reconnaît tous un peu quelque part,
24:29 et je trouve que ça rassemble même.
24:31 - Et effectivement, on aurait pu parler même du woké,
24:36 ce qui est pour le coup un identitarisme,
24:38 l'idée que chaque personne est enfermée dans sa couleur,
24:41 dans son identité d'origine.
24:43 Ma question était cependant,
24:45 est-ce que finalement il y a quand même aujourd'hui
24:47 un communautarisme qui est plus agressif ?
24:51 Vous, est-ce que ça comptait aussi ?
24:54 Si vous avez choisi le catholicisme,
24:57 c'est parce que vous trouviez que c'était
24:58 quelque chose de... une ouverture par rapport à...
25:01 Vous auriez pu très bien être athée finalement,
25:06 rompre avec le communautarisme dans lequel vous viviez,
25:09 sans pour autant vous tourner vers une autre religion.
25:11 Pourquoi avoir fait ce choix ?
25:13 - Déjà dans ma famille, je pense que...
25:15 D'abord, ce qui m'a "sauvée",
25:17 et encore une fois c'est très factuel ce que je dis,
25:19 je ne juge personne évidemment,
25:20 parce qu'il y a toujours des esprits tordus
25:21 qui vont toujours retourner mon discours, etc.
25:25 Moi, en fait, comme je n'ai pas reçu d'éducation
25:28 religieuse à proprement parler,
25:29 et surtout que mes parents voulaient que je sois turque
25:32 sur tous les aspects de ma vie,
25:35 et qu'ils refusaient que je sois française,
25:36 moi j'ai été élevée comme une étrangère en France,
25:39 en vivant en France.
25:40 Forcément, quand je sortais, mais tout,
25:42 encore une fois, je me répète, mais tout m'émerveillait.
25:44 Moi, ce qui m'intéressait, c'était les belles choses de la France.
25:47 Et parmi ces belles choses de la France,
25:48 il y avait ces édifices magnifiques,
25:50 qui sont quelque part aussi une projection de l'éternité.
25:53 En tout cas, c'est comme ça que je le voyais.
25:55 Ces ouvriers qui ont oeuvré pour construire ces cathédrales,
25:59 il y avait une volonté aussi de...
26:02 Sans le savoir, ils ne le savaient pas forcément.
26:03 Et puis certains n'ont même pas vu la fin des constructions des cathédrales,
26:06 parce que des fois, ça demandait plusieurs centaines d'années.
26:08 Et je me dis, voilà,
26:10 ce que l'homme est capable de faire,
26:11 l'âme humaine est capable de faire de plus beau
26:13 pour s'approcher du divin,
26:14 en tout cas d'être à la hauteur peut-être
26:16 de la perfection qu'attend Dieu,
26:21 en quelle il croit.
26:22 Donc moi, voilà, ça,
26:26 je pense que ces belles choses de la France,
26:28 moi, elles m'ont toujours attirée.
26:30 Et c'est peut-être aussi le fait que j'ai été privée quelque part,
26:33 ou interdite d'aimer,
26:35 de devenir française.
26:37 On n'a jamais parlé de religion,
26:39 ce n'était pas du tout la question.
26:41 Mais en m'interdisant de devenir aussi française,
26:45 oui, ça a créé cela.
26:46 Et moi, je pense aussi que, de toute manière,
26:49 l'homme, l'humain,
26:50 a toujours besoin de croire en quelque chose depuis la nuit des temps.
26:52 S'il ne croit pas en un dieu ou une religion,
26:54 il va croire en l'énergie des pierres,
26:56 au chamanisme, à l'esprit des rochers.
26:59 Il y a tout un tas de choses,
27:00 parce que quand moi je me suis convertie,
27:01 on s'était au Seychelles,
27:03 le confinement est tombé à ce moment-là.
27:05 Donc je crois qu'on ne peut pas rêver meilleur endroit pour être confiné.
27:08 Et quand on est revenu en France,
27:10 on était en vacances avec mon époux et notre fils,
27:13 lorsque tout a été déconfiné,
27:14 qu'on s'est retrouvé avec des copines
27:16 pour discuter un petit peu de ce qu'on avait vécu pendant ce confinement,
27:19 j'ai une copine qui m'avait parlé de sa découverte des pierres énergétiques.
27:23 Alors elle avait vraiment étudié la question,
27:26 elle avait une pierre pour chaque chose, chaque énergie, etc.
27:29 Donc moi évidemment je suis tolérante, je ne juge personne.
27:32 Et pour faire la blague, je lui ai dit
27:34 "moi j'ai découvert une passion pour Saint-Pierre".
27:37 Ça ne l'a pas fait rire !
27:39 Et en fait c'est pour ça que j'ai décidé d'écrire ce livre.
27:41 J'avais l'impression, j'ai la sensation
27:43 qu'être catholique en France, c'est mal.
27:45 Parce qu'il y a des bonnes croyances et des mauvaises croyances.
27:48 Parmi les bonnes croyances, il n'y a, vous n'avez qu'à regarder les réseaux sociaux,
27:51 le chamanisme, l'ésotérisme, la sorcellerie 2.0,
27:54 ça c'est des choses que...
27:55 Mais il y a des millions de publications sur les réseaux sociaux,
27:59 sur ces thèmes-là.
27:59 En revanche, dès que vous évoquez,
28:02 en tout cas en ce qui me concerne, le catholicisme,
28:04 au mieux j'étais taxée d'illuminer, au pire de fachos.
28:06 Et d'ailleurs c'est ce qui est arrivé aux héros au sac à dos Henri Dantselm,
28:09 lorsqu'il a parlé de sa foi,
28:11 pour expliquer pourquoi il s'était interposé entre ce terroriste
28:13 qui avait attaqué des enfants, à Annecy.
28:16 On a tout de suite parlé d'instrumentalisation.
28:18 Sur les réseaux sociaux, d'illuminer.
28:20 Je l'avais l'intention d'en parler, mais puisque vous évoquez la question,
28:24 parlons un peu d'actualité avec cette polémique
28:27 autour de l'école Stanislas.
28:31 Est-ce qu'on dénonce une forme d'enfermement de communautarisme,
28:36 ou est-ce qu'on reproche simplement aux catholiques d'être catholiques ?
28:41 - Alors moi je n'ai pas étudié le fond de la question évidemment,
28:43 mais je remarque en tout cas, sur les réseaux sociaux,
28:46 quand on parle de la foi chrétienne, et en particulier du catholicisme,
28:51 c'est toujours sous un aspect négatif.
28:53 Tout le temps.
28:53 Comme l'exemple que je viens de citer, il y en a plein d'autres.
28:55 Vous avez aussi une laïcité qui est mal comprise et instrumentalisée
28:59 par des militants associatifs ou des élus,
29:02 qui vont vouloir supprimer encore à Noël le mot Noël par "fête d'hiver",
29:06 qui vont vouloir déboulonner des statuts de saint.
29:08 Tout ça, je me rends compte, c'est une observation.
29:12 C'est toujours tourné contre le catholicisme pour l'effacer.
29:17 Moi, qui viens de l'étranger, de parents étrangers,
29:19 je suis née à l'étranger, d'une culture extra-européenne.
29:23 Il y a une culture, une tradition chrétienne en France qui ne me dérange pas.
29:27 Et je trouve ça assez incroyable.
29:30 Je ne comprends pas.
29:31 J'ai l'impression que ça n'engage que moi à ce que je dis,
29:33 mais une certaine forme de haine de soi,
29:35 et une haine de soi qui va aussi vers la haine de l'autre.
29:39 Pour avoir simplement dit "je suis reconnaissante envers la France,
29:42 je suis devenue française,
29:43 j'assume cet amour que je porte pour la France ou pour le catholicisme,
29:47 et c'est ma vie privée, personnelle, c'est mon histoire personnelle,
29:51 je me prends, mais des insultes, des critiques virulentes.
29:55 Il y a un twittos, je ne sais pas comment on dit,
29:59 un utilisateur de X, qui est anciennement twitter,
30:03 qui a dit, en plus qui me tutoie,
30:05 "allez, va voter Pétain".
30:08 C'est assez fou.
30:09 Et visiblement, c'est un enseignant en plus à l'université
30:12 qui met ça de manière publique.
30:14 Tout est mélangé, tout est tout de suite sous le prisme...
30:18 - La Tour de Verre, est-ce que vous partagez cette idée
30:20 qu'il y a une forme de haine de soi en France,
30:23 peut-être même une haine de l'Occident contre l'Occident lui-même,
30:28 et que notamment le catholicisme est visé comme quelque chose
30:32 au mieux de ringard, au pire qui serait forcément rance et pétenniste ?
30:38 - Ce n'est pas le diagnostic que je ferais,
30:39 mais je dirais qu'il y a une chose sur la France qu'on ne dit pas assez,
30:42 et qu'on ne voit pas quand on est français, il faut prendre du recul.
30:45 On est le quatrième pays, le moins, religieux du monde.
30:48 Et ça en fait, c'est une donnée centrale, parce qu'on vit,
30:51 comme si on était un peu en hors-piste,
30:53 dans aujourd'hui la logique qui se passe dans la plupart des nations,
30:57 c'est que nous, on a vécu en deux ou trois générations,
31:00 un recul du religieux qui est inédit.
31:01 Pour la plupart des pays dans le monde,
31:03 le mot de Nietzsche, "Dieu est mort", c'est juste un mot de Nietzsche.
31:05 Nous, c'est une réalité qui s'est vue dans les générations.
31:08 Face à cela, ça crée un vertige qui obsédait Malraux à la fin de sa vie,
31:11 qui était, pour la première fois,
31:13 une civilisation n'aura plus aucune valeur suprême.
31:16 Vous rajoutez à cela la fin du communisme, la fin des idéologies, etc.
31:19 Plus aucune valeur suprême.
31:21 Alors évidemment, ça crée un sentiment de vide, de nihilisme,
31:25 d'une vie vécue pour rien et d'une société qui ne sait même plus pourquoi elle vit.
31:29 Je pense cependant que dans ce vide-là, il se joue quelque chose,
31:33 alors qui peut être dangereux, j'ai aucune certitude,
31:35 mais qui peut être extrêmement intéressant.
31:37 Parce qu'il y a un rapport de...
31:39 On est les seules nations à avoir détruit les idoles quasiment jusqu'au bout.
31:43 Les idoles religieuses, les idoles politiques, les idoles idéologiques, etc.
31:46 Et que ça nous amène vers une forme de grisaille de la lucidité.
31:49 Alors est-ce que cette grisaille nous mènera à une sorte d'autodestruction ?
31:52 C'est pas impossible.
31:53 Mais est-ce qu'elle nous mènera au contraire à une autre existence,
31:56 à un autre commencement ?
31:57 C'est la piste que je préfère envisager par optimisme,
32:00 et parce que je pense que c'est pas non plus impossible.
32:02 - Eh bien, on verra après une courte pause si c'est le nihilisme ou l'optimisme
32:06 qui est sur le point de l'emporter.
32:09 On se retrouve sur Sud Radio en toute vérité avec Nathan Devers et Claire Causs.
32:13 A tout de suite !
32:14 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
32:19 - Nous sommes de retour sur Sud Radio avec Nathan Devers,
32:22 auteur de "Penser contre soi-même" chez Albin Michel et avec Claire Causs,
32:26 "Le jour où je me suis converti", c'est chez Plon.
32:29 Deux parcours croisés.
32:31 Celui d'une conversion pour Claire Causs,
32:35 et pour Nathan Devers, celui d'un éloignement de la religion juive.
32:42 Vous vouliez être rabbin, pourtant,
32:44 et vous avez préféré finalement devenir philosophe, Nathan Devers.
32:50 Claire Causs, on parlait avant la pause du catholicisme,
32:58 vous nous expliquez qu'il était de plus en plus mal vu en France,
33:03 et ce qui est intéressant dans votre livre,
33:05 c'est que vous racontez que votre conversion a été mal acceptée
33:10 par votre milieu d'origine, votre famille qui était turque,
33:15 mais aussi par un certain nombre de français
33:19 qui ne comprenaient pas pourquoi vous vouliez être catholique.
33:23 - Oui, surtout par les amis français que j'avais,
33:27 parce que mes parents, je n'ai pas pu leur annoncer que je me suis convertie,
33:32 parce que mon père m'a reniée le jour où j'ai annoncé que j'allais épouser mon mari,
33:42 que j'avais rencontré l'homme de ma vie,
33:43 et il m'avait demandé si c'était un français,
33:46 je lui ai dit "bah oui, ta fille aussi elle est française",
33:48 mais il m'a dit "non, un vrai français", donc j'ai compris ce qu'il voulait dire,
33:51 et donc mon mari est de culture chrétienne,
33:54 donc pour lui c'était inacceptable,
33:58 et donc il m'a reniée, je n'étais plus assez bien pour cette famille,
34:01 donc je n'ai pas pu leur dire, et mon père par ailleurs,
34:03 paix à son âme, j'espère qu'il se sent reposé,
34:08 je ne sais pas quel terme exactement utiliser,
34:10 mais il est décédé du Covid dix jours avant la sortie de mon premier livre en 2021,
34:15 donc c'était un pont que j'avais lancé vers lui,
34:17 pour qu'il se rende compte de tout ce qu'il a raté dans ma vie,
34:23 là où j'aurais voulu qu'il soit régulièrement.
34:25 Et donc en revanche, j'ai eu la sœur de ma mère,
34:29 avec qui je suis en contact, qui vit en Turquie,
34:32 je lui ai annoncé, quand je me suis convertie,
34:35 je le lui ai dit, donc elle a fait mine de ne pas comprendre au téléphone,
34:39 donc je lui ai répété, et j'ai bien vu que c'était un sujet épineux,
34:42 donc on est passé à autre chose.
34:43 En revanche, la réaction de mes amis, effectivement,
34:46 c'était des amis, ils ne le sont plus,
34:48 par exemple, c'était une autre copine à qui j'avais annoncé
34:51 que je m'étais convertie au catholicisme,
34:53 alors on se confiait sur nos vies personnelles, intimes,
34:57 donc je me suis permise de, moi, à mon tour,
34:59 raconter ce que j'avais vécu pendant le confinement,
35:02 et elle m'a dit "c'est une mauvaise idée".
35:04 Alors pour décoincer un peu le truc, je sentais que c'était tendu,
35:07 et entendons nous, j'ai beaucoup d'amitié et de sympathie pour les bouddhistes,
35:11 mais je lui ai dit "et si je m'étais convertie au bouddhisme,
35:15 t'aurais trouvé ça cool ?"
35:16 Et elle m'a dit "oui".
35:17 Et là, je me suis dit "voilà, encore une fois,
35:19 la preuve qu'il y a des bonnes croyances et des mauvaises croyances
35:22 dans cette société qui se veut progressiste, tolérante,
35:25 en fait quand vous n'appartenez pas aux nouvelles normes de croyance,
35:28 vous êtes pointé du doigt, mis au banc de...
35:32 vous n'êtes pas assez bien, au mieux illuminé, au pire intégriste,
35:35 il n'y a pas de juste milieu,
35:37 et en fait ce livre c'est un livre sur la liberté de conscience
35:40 et la tolérance, qu'est-ce qu'on en fait en fait ?
35:42 - Vos deux livres abordent aussi la question de la double identité,
35:46 la double appartenance,
35:48 vous expliquez que, contrairement à ce qu'on dit souvent dans les médias,
35:52 c'est pas forcément une chance, c'est un tiraillement permanent,
35:56 vous avez choisi finalement de rompre carrément
36:00 avec votre appartenance d'origine,
36:03 est-ce qu'il n'y a pas moyen de conjuguer deux appartenances en même temps ?
36:07 - Évidemment, je ne fais pas de généralité,
36:09 chaque histoire est différente et chaque personne est différente,
36:13 c'est ce qui fait aussi la richesse de notre planète, si je puis dire,
36:15 mais en l'occurrence pour moi, ça a été un tiraillement,
36:19 parce qu'on refusait que j'ai une double identité dans ma famille,
36:23 c'est-à-dire qu'il fallait que je ne sois que turque,
36:25 donc moi qui suis d'origine turque,
36:27 évidemment j'aime la Turquie, c'est le pays de mes ancêtres,
36:29 j'ai aucun problème avec la Turquie,
36:32 en revanche on m'interdisait de devenir aussi française,
36:34 et moi j'étais d'abord française en grandissant là,
36:37 bien sûr que je suis française avec des origines étrangères, des origines turques,
36:42 et je parle d'identitarisme parce que ce sont ces personnes
36:46 qui m'attaquent tout le temps, des personnes issues
36:49 soit de la même origine que moi ou d'origine étrangère, extra-européenne,
36:53 qui m'attaquent, qui me qualifient, je ne savais même pas que c'était une insulte,
36:55 harkis, sale harkis, vendu, traître, traître à la nation,
37:00 j'avais envie de répondre, donc tout ça c'est sur internet,
37:03 j'avais envie de répondre à quelle nation, parce que moi je suis française,
37:06 et effectivement j'ai fait un choix parce que je voulais être honnête avec moi-même,
37:10 en phase avec moi-même, et être en paix pour pouvoir être en paix avec les autres,
37:15 moi je n'ai pas de problème d'identité, en fait j'ai fait le choix de la France
37:18 à 25 ans en demandant à être naturalisée, et j'ai changé de prénom,
37:23 pas pour revendiquer quoi que ce soit, mais c'était un choix par amour,
37:25 parce que j'aimais la France, j'aime la France, je parle au présent,
37:29 je défends la France, je ne dis pas que tout est beau, tout est rose,
37:32 mais moi c'est comme ça que je conçois mon identité française,
37:34 c'est aimer la France et la défendre,
37:36 et bien j'avais aussi envie de faire partie de son paysage sonore,
37:39 sans aucune démarche politique ou revendicative,
37:43 c'est juste aussi simple que ça, j'avais envie d'avoir un prénom français.
37:46 Et par exemple, le meilleur moment où on se rend compte qu'on fait un choix,
37:49 parce que c'est humain, et encore une fois je ne juge personne,
37:52 mais j'essaie d'être la plus honnête avec moi-même,
37:54 ce que je ressens au fond de mon corps, dans mon cœur,
37:56 voilà qu'est-ce qui se passe là-dedans, quand il y a un match France-Turquie,
38:00 un match de foot, ben moi je vais soutenir la France !
38:05 Nathan Devers, vous avez aussi une double appartenance,
38:10 vous êtes effectivement détourné de la religion juive,
38:16 vous êtes plus croyant, ou en tout cas plus proche de l'agnosticisme que du judaïsme,
38:22 et vous restez très attaché à votre identité juive,
38:27 est-ce qu'il y a un génie du judaïsme de conjuguer comme ça plusieurs identités ?
38:33 Et est-ce que vous allez parler de communautarisme dans votre école ?
38:36 Est-ce que vous avez ressenti cette pression de ne pas être français ?
38:39 Je ne vous crois pas du tout pour le coup.
38:41 - Non, non, ce n'était pas tellement ça,
38:43 parce que la place même du judaïsme en France est très complexe,
38:47 il y a eu quand même des très grandes heures d'un judaïsme,
38:50 je dirais dans les années 60, 70, 80,
38:53 qui n'était ni un judaïsme d'assimilation, c'est-à-dire d'effacement de soi,
38:57 ni un judaïsme qui était, si vous voulez, très orthodoxe ou orthopraxe,
39:02 et il y avait ce mélange qu'incarnait des gens comme Lévinas ou André Neher ou d'autres.
39:07 Mais oui, c'est exactement ça, je pense, la question.
39:11 Le livre que j'ai voulu écrire, c'est un livre contre cette conception,
39:15 dont je disais étriqué ou refermé, de l'identité,
39:19 pour dire que les identités c'est tellement plus fort,
39:21 et c'est tellement plus intéressant,
39:24 quand on les voit comme des matières d'existence,
39:26 et comme des matières de ce voyage,
39:28 mais donc dont on peut aussi modifier la destination.
39:31 Les identités, fondamentalement, ne pensent pas.
39:34 Les identités ne décident pas.
39:36 Elles n'existent que dans la mesure où nous décidons
39:39 de les faire exister d'une telle ou telle manière.
39:41 Juste une toute petite phrase,
39:42 quand on dit par exemple souvent que les identités, on emploie le mot de racine,
39:46 est-ce que quelqu'un s'est déjà extasié devant la beauté d'une racine ?
39:49 À part peut-être Sartre dans La nausée, il y a un petit passage là-dessus.
39:52 Est-ce que quelqu'un... Non, jamais !
39:53 Ce qu'on regarde dans un arbre, c'est les fleurs.
39:55 Et cette conception, c'est une métaphore que je dis,
39:57 mais de l'identité comme fleur,
39:58 quelles que soient les identités, que ce soit judaïsme, que ce soit l'islam, etc.,
40:02 ça me semble être mille fois plus intéressant.
40:04 Et d'ailleurs, je dirais que c'est même une conception littéraire de l'identité.
40:08 Quand vous êtes dans un rapport à la langue,
40:11 aimer la France, c'est avant tout aimer la langue française.
40:15 Et aimer la langue française, c'est aimer ce qu'on peut faire avec la langue française.
40:17 Et c'est bien voir qu'il y a des livres qui sont nuls,
40:19 et qui sont écrits en langue française,
40:20 mais ce qu'on aime, c'est la possibilité de la poésie dans cette langue.
40:24 - Magnifique.
40:25 - Il ne nous reste plus beaucoup de temps, une minute et demie,
40:29 mais j'aurais aimé aussi vous parler tous les deux du 7 octobre.
40:32 Alors peut-être très rapidement, vous, comment vous vivez la situation
40:36 en tant que Français juif, cette montée de l'antisémitisme dans le pays ?
40:41 Est-ce qu'elle vous effraie ?
40:43 Et est-ce que ça influence aussi votre position sur le conflit ?
40:46 - Oui, bien sûr. Alors très rapidement, le 7 octobre,
40:49 j'ai été vraiment traumatisé par ce qui s'est passé,
40:51 et traumatisé dans les jours qui ont suivi,
40:53 par le silence d'un certain nombre de gens
40:55 qui sont humanistes sur mille et un sujets,
40:58 qui sont humanistes sur le traitement des plantes vertes,
41:02 mais par contre, ça, ça ne les a pas embêtés spécialement
41:05 de voir les absolus massacres qui ont été commis dans cette journée,
41:09 premièrement, et deuxièmement, je suis aussi effrayé depuis,
41:12 par la teneur du débat public, en tout cas quand on regarde sur les réseaux sociaux,
41:15 il y a des choses formidables qui se font aussi,
41:16 mais sur les réseaux sociaux, c'est ce que vous décrivez,
41:18 c'est des camps binaires qui ont chacune leur version du réel
41:21 et qui n'habitent pas dans le même monde, même sur des faits.
41:24 Ça veut dire que c'est des blocages identitaires
41:26 qui engendrent des aveuglements intellectuels,
41:28 qui engendrent ensuite des cécités morales et des cécités éthiques.
41:31 Et tout ça est absolument terrible.
41:33 - Claire Causs, dans vos deux livres,
41:37 vous dénoncez une forme de francophobie,
41:39 est-ce qu'elle allait nous perdre,
41:41 notamment dans les cités, avec l'antisémitisme ?
41:43 - Alors, de mes souvenirs,
41:47 alors sans faire de généralité, évidemment,
41:49 ce n'est pas le but du tout et ce n'est pas mon propos,
41:51 mais effectivement, je parlerais moi vraiment d'identitarisme,
41:55 parce que j'ai entendu,
41:58 même au sein de ma propre famille,
42:00 des propos antisémites de personnes qui disaient
42:02 "Ah, t'es journaliste, tu travailles pour les Juifs"
42:04 tout de suite.
42:06 C'était le cliché qu'il y avait dans la tête.
42:08 Donc pourtant, ce qui est assez incroyable,
42:10 c'est que j'observais que ces personnes au sein de ma famille,
42:13 larges... - Ils ne connaissaient pas de Juif.
42:16 - Non, ils ne connaissaient pas de Juif,
42:17 mais ils avaient une idée toute conçue, ils savaient tout ça.
42:19 Et je voulais juste rebondir rapidement sur l'identité et l'origine.
42:22 Moi, je pense que c'est important de bien définir les choses.
42:23 Par exemple, l'identité, c'est quelque chose qui s'additionne au fil de sa vie.
42:27 Moi, je suis femme, je suis devenue maman,
42:29 je suis auteur, journaliste, chrétienne, catholique,
42:32 et épouse, et française.
42:35 Et l'origine, c'est quelque chose avec laquelle on est
42:37 et je trouverais insensé de vouloir influer dessus et de le supprimer.
42:40 Et je pense aussi que l'assimilation, c'est tout le contraire du racisme,
42:43 c'est de vouloir faire en sorte que l'autre en face
42:46 nous voit comme un Français à part entière.
42:48 - Eh bien merci, Claire Causse, c'est une très belle conclusion.
42:51 Merci, Nathan Deveur. - Merci à vous.
42:53 C'était malheureusement trop court.
42:55 On vous réinvitera sans doute.
42:58 En tout cas, je vous laisse avec les informations
43:00 et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau numéro
43:03 d'En Toute Vérité.
43:04 Sud Radio.

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