Avec Alexandre Jardin, auteur de Faire lire - Pour les nuls (2024), et Michel Maffesoli, écrivain et auteur de Essais sur la violence (Cerf - 2023).
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##EN_TOUTE_VERITE-2024-02-04##
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NewsTranscription
00:00 En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Desvecquiaux.
00:04 En toute vérité, chaque dimanche entre 11h et 12h sur Sud Radio,
00:07 sécurité, économie numérique, immigration, écologie.
00:10 Pendant une heure chaque semaine, nous débattons sans tabou
00:13 des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:15 Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir
00:17 l'écrivain Alexandre Jardin et le professeur et essayiste Michel Maffezoli.
00:22 Tous deux, à travers leur oeuvre et leur engagement,
00:24 ont décrit la fracture entre les élites et le peuple,
00:27 souligné la déconnexion entre la classe dirigeante et les classes populaires
00:31 et annoncé un soulèvement de la France profonde.
00:34 C'est pourquoi nous avons voulu les réunir pour faire avec eux
00:36 le bilan de cette révolte des tracteurs.
00:39 Qu'en restera-t-il ? S'agit-il d'un conflit social sectoriel
00:42 touchant une catégorie marginale de la population
00:45 ou au contraire du symptôme d'un mouvement de ras-le-bol plus général ?
00:49 Alors que les agriculteurs sont rapidement retournés dans leur champ,
00:53 la comparaison avec les gilets jaunes a tel un sens
00:55 à la veille des élections européennes.
00:57 Cette crise annonce-t-elle un vent de révolte contre Bruxelles ?
01:00 L'ère des soulèvements ne fait-il que commencer ?
01:03 Tout de suite, les réponses d'Alexandre Jardin et Mathieu Maffezoli,
01:07 En toute vérité.
01:08 - Michel Maffezoli, bonjour. - Bonjour, bonjour.
01:15 - Alexandre Jardin, bonjour. - Bonjour.
01:18 Heureux de vous recevoir sur ce plateau.
01:24 Peut-être commençons avec vous, Michel Maffezoli.
01:28 Alors, je vous ai présenté comme essayiste et professeur,
01:31 puisque je sais que vous savez pas qu'on vous qualifie de sociologue.
01:36 Vous êtes auteur notamment d'un essai sur la violence
01:38 qui tombe particulièrement dans l'actualité,
01:42 qui vient de paraître aux éditions du CERF.
01:45 Et puis, vous êtes professeur de Pomelo...
01:51 Je n'y arrive pas. Je n'y arrive pas, c'est le matin.
01:54 Vous me l'avez dit, mais je voulais que vous m'expliquiez, du coup.
01:57 - Non, non, polémologie. - Polémologie, évidemment.
02:01 - Qui vient du grec "polemos", la guerre, le conflit. - Exactement.
02:04 - Non, plus du tout. J'ai succédé à Julien Freund,
02:06 qui était un spécialiste de la violence, de cette polémologie,
02:11 à Strasbourg, qui a créé un institut de polémologie.
02:14 Voilà, il s'est trouvé que quand il a pris sa retraite
02:16 pendant 2-3 ans avant d'être nommé à la Sorbonne,
02:19 j'ai assuré cette direction.
02:20 Mais, au-delà, oubliez le mot "polémologie".
02:24 - Ce qui est intéressant, c'est les conflits.
02:25 Est-ce qu'on est dans l'ère des conflits ?
02:27 - Voilà, c'est ça qui est important.
02:29 Vous l'avez souligné, là, je viens de publier,
02:32 d'empoche, un livre, c'est la 6e édition,
02:35 "Essai sur la violence",
02:37 et il y a deux ans, un essai beaucoup plus polémique
02:40 sur l'ère des soulèvements.
02:42 Moi, il me semble qu'on est dans un moment,
02:44 vous savez que c'est mon dada,
02:44 c'est de dire qu'on est en train de changer d'époque.
02:47 On n'est plus dans la modernité,
02:49 et les élites restent sur des grandes valeurs modernes,
02:52 rationalisme, progressisme, individualisme,
02:55 alors que ce qui est en jeu, le peuple,
02:57 vit autre chose actuellement.
02:58 Et donc, quand il y a un désaccord,
03:01 un déphasage, un désamour,
03:02 trouver les mots que l'on veut,
03:04 et bien, à ce moment-là, ponctuellement,
03:06 il y a des soulèvements, des révoltes.
03:08 C'était les jacqueries,
03:10 c'était les chouanneries,
03:11 c'était les séditions multiples,
03:13 qui régulièrement se furent les gilets jaunes,
03:18 le convoi de la liberté,
03:20 les jeunes qui se rassemblent pour des technivals
03:23 ou autres fêtes de cet ordre.
03:26 Ce qui s'est passé avec les agriculteurs,
03:29 c'est exactement quelque chose de cet ordre.
03:31 C'est-à-dire que le prétexte est réel,
03:34 il faudra en parler, de ce prétexte,
03:36 ce désaccord qui existe entre les agriculteurs.
03:39 Moi, j'ai dit, d'une manière plus générale,
03:40 entre le peuple et les élites,
03:42 eh bien, tout cela fait que tout est bon,
03:46 encore une fois, pour se révolter.
03:47 Et il me paraît que, d'une certaine manière,
03:50 nombreuses seront les occasions de ces révoltes.
03:53 Voilà, en bref.
03:56 - Alexandre Jardin, vous êtes écrivain,
03:59 on vous connaît pour des livres,
04:02 des romans qui sont déjà des classiques,
04:04 Fanfan, Le Zèbre,
04:05 mais vous êtes également un citoyen engagé,
04:08 président du mouvement Bleu Blanc Zèbre,
04:11 vous êtes...
04:12 - Je ne le suis plus, mais je l'ai fondé.
04:16 - Vous l'avez fondé en tout cas,
04:17 et vous êtes toujours, je crois,
04:19 impliqué avec différents programmes.
04:22 Vous sortez ce livre,
04:23 "Faire lire pour les nuls",
04:26 mais je crois que ça se décline également sur le terrain.
04:29 Vous vous occupez de jeunes,
04:32 vous leur apprenez à lire avec des équipes.
04:36 - Ce livre, "Faire lire pour les nuls",
04:39 est en ce moment le fer de lance
04:41 de la relance de tous nos programmes,
04:43 pour arriver à fabriquer une nation de lecteurs.
04:46 Parce que lorsque vous parlez de violence,
04:48 il y a un fond,
04:50 il y a un problème aussi de langage.
04:52 Un jeune qui n'a pas de mots tape.
04:55 Et derrière le chiffre des 30% d'enfants
04:57 qui arrivent au collège sans maîtriser l'écrit,
05:00 vous avez une pauvreté lexicale,
05:02 une pauvreté de langage,
05:04 qui est la source de tous les dérèglements d'une société.
05:07 Vous ne pouvez pas intégrer les nouveaux Français sans langage,
05:10 vous ne pouvez pas lutter contre la violence.
05:12 En fait, c'est le grand médicament social.
05:16 Et pour ça, on a construit un programme,
05:19 notamment qui est un programme assez géant.
05:21 Et en ce moment, je suis en train de rassembler toute une armée,
05:23 notamment d'entreprises très puissantes,
05:26 qui vont lancer des programmes de recrutement
05:28 pour que le programme "Lire et faire lire",
05:30 qui embarque les retraités du pays
05:33 dans les écoles maternelles et primaires
05:35 pour transmettre le plaisir des lectures,
05:37 passe, c'est mon objectif,
05:38 passe de 20 000 actuellement,
05:40 on traite 750 000 enfants chaque année,
05:45 passe de 20 000 à 50 000.
05:48 On doit devenir, on ne peut plus faire l'impasse.
05:51 D'où ce livre "Faire lire",
05:54 parce que derrière tout ce que vous avez décrit,
05:59 on ne s'en sortira pas, on ne peut pas s'en sortir
06:02 si on ne devient pas un peuple de lecteurs.
06:04 On ne va pas y arriver.
06:06 Et qui a la réponse ?
06:08 Pas les institutions.
06:09 Nous.
06:10 Nous.
06:11 C'est-à-dire que si vous qui m'écoutez,
06:13 vous allez sur le site "lireetfairelire.org"
06:16 et que vous vous inscrivez
06:17 pour intervenir dans votre quartier,
06:19 dans votre commune,
06:20 le pays avance.
06:22 C'est-à-dire qu'on doit redevenir au fond des adultes.
06:24 Des adultes qui se conduisent bien avec leurs enfants.
06:27 Ces enfants ne sont pas les enfants des autres,
06:29 c'est les nôtres.
06:30 Est-ce qu'on s'en occupe pour de vrai ?
06:32 Or les 30 % d'enfants qui arrivent
06:34 sans maîtriser l'écrit au collège,
06:36 ce sont des gosses qui sont passés par l'école.
06:39 Mais l'école a glissé sur eux
06:40 parce qu'on n'est pas parvenu à déclencher
06:42 quelque chose de crucial
06:44 pour pérenniser l'acquis scolaire,
06:45 le plaisir.
06:46 Et le plaisir,
06:49 entre sapiens,
06:51 ça se transmet.
06:52 Il faut créer des occasions
06:55 pour que nos petits
06:57 pénètrent dans cette logique-là,
06:59 dans ce plaisir-là,
07:00 et ça marche.
07:01 Au fond, on a besoin des anciens.
07:04 On a besoin de refaire une alliance
07:05 entre les générations.
07:06 Et "Lire et faire lire", c'est le nom de ce combat
07:09 qui va bien au-delà de nos différences.
07:11 On peut être d'extrême gauche, d'extrême droite,
07:13 d'extrême centre, d'extrême ce qu'on veut.
07:15 On a besoin d'avoir des enfants
07:19 capables de parler.
07:20 Donc des enfants lecteurs,
07:22 des enfants écrivains,
07:24 des enfants remplis de mots.
07:26 C'est pour ça que je publie ce livre,
07:29 et vous allez voir que là, dans l'année qui vient,
07:31 on va monter
07:33 des opérations de plus en plus massives
07:35 et on va s'en sortir.
07:36 - On va parler effectivement
07:40 des agriculteurs,
07:41 mais je voulais vous faire parler
07:43 de ce beau projet avant.
07:46 Des agriculteurs dont on a pu remarquer,
07:48 je trouve qu'ils étaient
07:50 particulièrement lectrés.
07:52 Pour le coup, ils manquaient pas de mots.
07:54 Les journaux branchés les regardent parfois
07:56 comme des bousous, pardonnez-moi
07:58 l'expression, mais on a vu qu'ils étaient
08:00 très articulés,
08:01 qu'ils savaient de quoi ils parlaient.
08:04 Même question que pour Michel Maffesoli,
08:09 est-ce que c'est une révolte sectorielle ?
08:13 On va voir qu'ils ont des problèmes particuliers,
08:15 je crois que vous les connaissez bien,
08:17 mais en même temps, est-ce que ça s'inscrit
08:19 dans un mouvement beaucoup plus large ?
08:21 Vous avez été également proche
08:22 des Gilets jaunes.
08:23 Est-ce que vous voyez des points communs
08:26 entre ces deux mouvements ?
08:29 - Ils ont tous en face d'eux
08:31 un monde suradministré,
08:33 un monde fou.
08:34 Et le malheur, c'est que la suradministration
08:37 de la France a généré dans les organisations
08:39 syndicales une sorte d'équivalence
08:42 à la tête. C'est-à-dire qu'au fond,
08:43 on a des sortes de hauts fonctionnaires
08:46 au sein des appareils syndicaux.
08:48 Et au fond, c'est le rêve de l'État.
08:50 C'est d'avoir en face de lui des mêmes que,
08:52 des identiques.
08:53 Et vous remarquerez que même dans la presse,
08:56 quand un journaliste considère
08:58 que quelqu'un maîtrise les dossiers,
09:00 ça veut dire qu'il est apte à parler
09:01 avec la bureaucratie.
09:04 Or, in fine, ce qu'on réclame toujours
09:06 dans le débat public en France,
09:07 quand il y a un mouvement,
09:09 c'est qu'ils viennent avec des propositions
09:11 pour s'insérer dans le débat technocratique.
09:14 Et c'est là où ils ont perdu.
09:16 Parce qu'au fond, à partir du moment
09:18 où les propositions n'étaient pas politiques,
09:21 mais techniques, technocratiques,
09:24 les paysans perdaient.
09:26 Parce que ce n'est pas leur monde.
09:27 Et ce qu'ils réclamaient fondamentalement,
09:29 c'est un changement culturel.
09:31 - C'est intéressant parce que vous considérez
09:33 que c'est une défaite.
09:34 Ils ont quand même obtenu des choses.
09:36 - Ils n'ont rien changé au système qui les broie.
09:39 Ils n'ont rien changé au système tutélaire
09:42 administratif qui pèse sur eux.
09:44 Je vais vous prendre plein d'exemples,
09:46 mais ils sont en train de crever d'un système
09:50 dont leurs élites syndicales viennent s'insérer.
09:52 - La SNSA particulièrement, on en parlera,
09:56 parce que la coordination rurale était sur une ligne
09:58 un peu différente.
10:00 Mais derrière ça, il y a un problème culturel.
10:08 Est-ce que toutes nos révoltes finissent par discuter
10:10 avec des technocrates et demandent des réponses techniques
10:13 ou est-ce qu'on a besoin d'un changement culturel ?
10:17 Or, les paysans avaient eu une vraie demande culturelle,
10:22 d'un changement systémique.
10:24 Ils ne peuvent plus vivre sous tutelle administrative.
10:28 - Merci Alexandre Jardin.
10:29 Merci Michel Maffesoli.
10:31 On continue à faire le bilan de cette révolte paysanne,
10:35 à essayer de comprendre ce qu'elle dit profondément
10:38 de la société française.
10:40 Est-ce qu'elle s'inscrit aussi dans des conflits sociaux
10:43 de long terme ?
10:44 On en parle avec Michel Maffesoli et Alexandre Jardin,
10:47 en toute vérité sur Sud Radio.
10:49 Après une courte pause.
10:50 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio.
10:54 Alexandre Devecchio.
10:55 - Chaine de retour sur Sud Radio, en toute vérité,
10:58 avec l'écrivain Alexandre Jardin
11:00 et avec le professeur Michel Maffesoli.
11:02 Nous faisons le bilan de cette révolte paysanne.
11:05 Avant la pause, Alexandre Jardin nous disait
11:08 qu'il s'agissait d'une révolte finalement
11:11 contre la technocratie et que pour lui,
11:14 le mouvement n'avait pas forcément eu gain de cause.
11:17 Il rêvait en réalité d'une révolution culturelle,
11:20 d'un changement de logiciel.
11:22 - Quand l'on leur fasse confiance.
11:23 - Quand l'on leur fasse confiance.
11:24 Ils ont gagné six mois, selon vous Alexandre Jardin.
11:27 Mais malheureusement, il n'y a pas eu cette révolution par le bas.
11:34 - Le système normatif va continuer.
11:37 Le robinet va peut-être un peu varier.
11:40 Mais qui va tenir le robinet ?
11:42 Eux ?
11:43 Ou la technocratie ?
11:44 Ça n'a pas changé.
11:45 C'est-à-dire qu'on ne leur a pas fait confiance.
11:47 - Et Michel Maffesoli nous disait,
11:49 pendant la pause, qu'il voulait réagir.
11:51 Justement qu'il était question à travers tout ça
11:54 de la question du peuple.
11:55 Il nous le disait, il n'osait pas le dire à l'antenne,
11:58 mais je vais le dire pour lui,
12:00 qu'on n'osait plus parler du peuple.
12:03 On parlait de populisme,
12:04 on trouvait que le peuple puait du cul.
12:06 C'était son expression.
12:08 Donc Michel Maffesoli, c'est un peuple qui pue du cul,
12:12 mais qui veut se faire entendre aujourd'hui,
12:15 auquel on a affaire.
12:16 - L'expression est un peu grossière.
12:17 Je voudrais dire par là qu'il y avait ce désaccord
12:20 fondamental entre les élites et le peuple.
12:22 - On a bien compris que ce n'est pas vous
12:24 qui pensiez que...
12:25 Ce sont les élites qui ont cette appréciation-là
12:29 sur leur propre peuple.
12:30 - Je suis d'ailleurs un fils du peuple.
12:31 Mon papa était mineur dans mon village,
12:34 je connais bien un peu ce qu'il en est,
12:35 et je continue à être cette parlantelle, mes chers.
12:38 Avant de vous répondre,
12:40 par rapport à ce que disait Alexandre Jardin,
12:42 il y a un problème essentiel actuellement.
12:44 Il faut trouver les mots, les moins faux possibles.
12:47 Mal nommer les choses contribuent au malheur du monde,
12:50 disait Camus.
12:51 Et moi, en jouant sur les mots,
12:52 je dis que si on ne sait pas trouver les mots,
12:54 un mot "ots",
12:55 il y aura des mots "maux".
12:56 - "Maux".
12:57 - Donc de ce point de vue,
12:58 on est dans un moment où cette élite,
13:00 en effet, technocrate de divers ordres,
13:03 continue à employer des termes qui ne sont plus en phase.
13:07 Tout simplement.
13:08 La stigmatisation du populisme,
13:12 du peuple populiste,
13:13 des communautés communautaristes,
13:15 vous voyez, on va trouver des quantités d'expressions
13:17 de cet ordre.
13:18 Et donc il est important...
13:19 Alors, quand il n'y a plus cette espèce d'accord,
13:23 j'ai cité Camus,
13:26 Platon le dit pareil,
13:28 quand il y a une dégénérescence de la démocratie,
13:30 il a ce qu'il appelle la fraude homo.
13:32 Et nous sommes dans ce moment-là.
13:34 Et du coup, ces élites continuent...
13:37 Alors disons, pour ce que nous concerne,
13:39 les narques, technocrates, ou leurs diverses modulations,
13:42 mais Bruxelles, ce n'est pas autre chose.
13:44 On n'a fait qu'exporter l'État, en quelque sorte.
13:46 Repose essentiellement sur une conception très verticale.
13:49 Moi je sais, toi tu ne sais pas que t'es.
13:52 En gros, c'est une caricature à l'extrême.
13:54 Et donc du coup, cela ne peut entraîner qu'à terme
13:57 ces révoltes, et celles qui s'est passées avec les gilets jaunes en son temps,
14:02 avec les agriculteurs il y a quelques jours,
14:05 pour moi ne fait que traduire ce désamour fondamental.
14:08 C'est pour ça que je dis que ça va se multiplier.
14:11 Ce ne sera pas forcément encore les agriculteurs,
14:13 ce sera peut-être autre chose, peu importe en la matière.
14:15 Mais soyez attentif, vous l'avez un peu souligné il y a un instant,
14:19 au-delà de ce que pensent, pas simplement la technocratie,
14:25 même les journalistes, qui avaient un mépris fondamental
14:28 vis-à-vis de ce qui était dit,
14:29 moi j'ai trouvé qu'il y avait au contraire,
14:31 à la fois un savoir incarné, le vrai savoir est incarné.
14:36 Il vient de longues dates, il est traditionnel,
14:39 il s'inscrit dans la durée,
14:41 mais il y avait quelque chose qui faisait qu'au contraire,
14:44 ils exprimaient bien, dans le sens simple du terme,
14:46 ce qui était en jeu.
14:48 Alors voilà, on est dans ce moment-là.
14:50 Si je puis encore rajouter une petite chose,
14:53 un peu théorique, vous me coupez si ce que je dis est ouilleux.
14:56 - Non, je vous écoute, je ne coupe jamais les invités.
14:59 C'est une grande particularité de l'émission,
15:02 c'est rare pour un journaliste, mais j'essaie de ne pas vous couper.
15:05 - Voilà, durant la modernité, celui qui savait,
15:07 imposait son savoir aux autres.
15:09 C'est l'éducation.
15:10 Edou Carré, je te tire,
15:12 tu ne sais pas, je vais te faire savoir.
15:14 Ça, c'est fini, de diverses manières.
15:16 Internet aidant, réseaux sociaux,
15:19 qui fait que d'une certaine manière, la verticalité ne fonctionne plus.
15:22 Et là, la transmission va se faire d'une autre manière,
15:25 c'est ça la tradition, par l'initiation.
15:28 L'initiation, à la différence de l'éducation,
15:30 ne postule pas que tu ne sais pas,
15:32 mais fait ressortir le trésor qui est tout un chacun.
15:35 Et on est dans un de ces moments où il y a cet espèce de décalage,
15:38 l'élite reste sur une conception éducative,
15:41 moi je sais, toi tu ne sais pas.
15:43 Alors que le peuple, lui, il sait ce que c'est que l'initiation.
15:47 Et à ce moment-là, un économiste non négligeable
15:50 qui s'appelle Yves-Fredo Pareto,
15:52 montrait que chaque 3-4 siècles,
15:55 il y a un décalage de l'ordre que je viens de dire.
15:58 Et à ce moment-là, il parlait de la circulation des élites.
16:01 C'est-à-dire, il faut que ça... Allez, casse-toi !
16:03 Casse-toi, tu pupes !
16:05 - Vous voulez dire que nous sommes dans une crise de régime ?
16:09 Je pense que toute société, moi personnellement,
16:11 vous ne serez peut-être pas d'accord,
16:13 a quand même besoin d'une élite pour gouverner,
16:15 mais il faut que cette élite soit en phase.
16:17 Et on a l'impression qu'elle ne l'est plus du tout.
16:20 - En gros, si vous voulez, chaque société a des élites.
16:22 Soyons clairs.
16:23 Ceux qui ont le pouvoir de dire, ceux qui ont le pouvoir de faire,
16:25 c'est sa élite.
16:26 Il se trouve que, voilà, ce qu'on appelle la modernité,
16:30 qui a commencé avec le 17e siècle, a fait son temps.
16:34 Et ces élites, le discours des technocrates
16:37 dont leurs diverses modulations le montrent,
16:39 continuent à rester sur ces valeurs.
16:41 Progressisme, rationalisme, individualisme.
16:45 Et il se trouve qu'on revient à la communauté.
16:49 Et donc c'est à ces moments-là, si vous voulez, où il y a ces révoltes.
16:51 Mais c'est régulier, ça.
16:52 Ce qui s'est passé avec l'Ancien Régime, c'est pareil.
16:55 On le voit à la fin du Moyen-Âge.
16:58 On voit régulièrement retenir ça, chaque 3-4 siècles.
17:01 Il y a une époque qui s'achève.
17:03 En grec, le mot "époque", ça signifie "parenthèse".
17:05 Donc une parenthèse, ça s'ouvre.
17:07 Une parenthèse, ça se ferme.
17:08 Vous comprenez que de mon point de vue,
17:09 on est en train de se fermer la parenthèse moderne.
17:11 Mais l'élite reste encore sur les mots,
17:14 les manières d'être, les manières d'agir,
17:16 qui est la verticalité, qui est ce jacobinisme que l'on sait.
17:19 Les Missis dominent ici.
17:20 Enfin, je veux dire, le colbertisme,
17:22 sous ses diverses modulations.
17:23 En France en particulier.
17:25 Voilà, eh bien, tant qu'il y aura cette dimension,
17:27 encore une fois, éducative,
17:29 c'est une métaphore verticale.
17:31 - Et d'irrespect.
17:32 - Voilà, de l'irrespect.
17:33 À ce moment-là, ça va.
17:35 - C'est un changement d'époque, Alexandre Desjardins.
17:37 Mais irrespect, vous trouvez que les élites sont irrespectueuses,
17:40 justement, du peuple, ce qui est peut-être nouveau.
17:42 Normalement, elles sont censées être au service du peuple.
17:45 - Mais oui.
17:46 Mais il y a...
17:48 Je vais vous raconter une histoire qui est arrivée dans mon village.
17:51 Dans l'Aude.
17:53 J'arrive un jour à la boulangerie,
17:55 et je vois une effervescence, un énervement.
17:57 Le maire, qui, dans l'Aude, est un fils de chevrier,
18:01 avait réussi à mettre la main sur un troupeau de 500 chèvres
18:04 pour venir nettoyer les sous-bois, la garigue, contre le feu.
18:08 Donc, il était très content,
18:10 et il reçoit un papier de l'ONF,
18:12 avec un coup de tampon de la préfecture,
18:14 "interdiction du transport des chèvres".
18:16 Parce qu'il y a un écolo de bureau
18:19 qui a déclaré que la chèvre était hostile
18:21 aux pissenlits bleus ou je ne sais quelles plantes,
18:23 et que donc, il ne fallait pas de chèvres.
18:25 Donc, il téléphone à la préfecture,
18:27 il dit "vous êtes dingos, si on ne nettoie pas les sous-bois",
18:30 et qu'il y a le feu, votre pissenlit, il va flamber.
18:34 - C'est comme ça d'ailleurs qu'il y a de plus en plus d'incendies,
18:36 parce que beaucoup d'écoliers ne veulent plus nettoyer les fourêts, par exemple.
18:39 - Et alors il dit "je fais quoi ?"
18:41 Et on lui dit "il faut nettoyer, donc avec du pétrole".
18:43 Il dit "mais on ne peut pas, vous êtes dingues,
18:46 vous êtes complètement dingues, c'est pas écolo votre truc,
18:48 mais surtout, vous êtes fous, c'est escarpé notre garigue,
18:52 donc il n'y a que les biquettes qui peuvent y passer".
18:54 Bref, sac de nœuds, pas de chèvres.
18:57 Parce que l'administration a décidé que,
19:00 ça fait 3000 ans qu'en territoire méditerranéen, on envoie des chèvres,
19:04 non, il y a un mec dans un bureau, hors sol,
19:07 physiquement hors sol, qui décide.
19:10 Donc, qu'est-ce qu'on fait ?
19:13 Je téléphone à une émission du matin de cette chaîne,
19:17 de Sud Radio, je fais passer,
19:20 j'interviens pour que ce maire puisse passer,
19:23 il vient, il fait un carton.
19:26 Il y a un journaliste du Figaro qui écoutait,
19:28 il fait une demi-page le lendemain,
19:30 "la guerre des chèvres",
19:32 le surlendemain, un JT de TF1 et de France 2,
19:36 la préfecture revient à la cobasse, et on négocie.
19:40 Mais vous voyez bien que ce n'est pas un système de gouvernance.
19:43 - Oui, c'est une folie. - C'est n'importe quoi.
19:46 Et la semaine dernière, en sortant d'une chaîne info,
19:50 je croise le maire de Béziers, qui me dit "moi aussi j'ai un problème de chèvres,
19:53 parce que j'ai des garrigues,
19:56 et j'ai demandé à avoir un troupeau pour nettoyer la garrigue,
19:58 j'arrive, il y avait 5 chèvres, et je dis "où est le troupeau ?"
20:01 On lui dit "on ne peut pas, parce que si on fait venir la 6ème chèvre,
20:06 on doit basculer dans un statut d'exploitant agricole".
20:10 Et là, il y a 8 m3 de dossiers à remplir.
20:14 Tout à coup, on change de planète pour la 6ème chèvre.
20:18 Donc là, je prends des exemples extrêmement basiques.
20:22 - Vous parlez des normes, mais elles s'incarnent de manière concrète.
20:25 - Là, je vous ai cité des exemples comme ça.
20:29 Mais la ruralité, les maires dans la ruralité, les exploitants,
20:33 se retrouvent dans un système qui est proprement parlé invivable.
20:36 Parce que vous les placez en permanence dans un monde absurde,
20:40 dans un monde incohérent, même incohérent, parce que toutes ces normes s'affrontent.
20:45 Et vous avez des zigs en haut qui disent "oui, mais moi je sais".
20:50 Or, ce que j'espérais derrière ce mouvement,
20:53 c'est qu'à la fois on allait régler la question du revenu,
20:57 - Qui était quand même l'urgence sociale.
21:00 - La question du revenu, mais surtout qu'à un moment donné,
21:05 ils allaient foutre suffisamment de pression pour que le système même change.
21:09 Et changer, ça veut dire quoi ?
21:11 Je vais vous prendre l'exemple d'une profession qui s'auto-gère.
21:14 Les notaires. Pourquoi ils sont solides financièrement ?
21:17 Parce que l'État ne s'en occupe pas.
21:20 Ils sont responsables entre eux financièrement,
21:22 donc ils ont mis en place, au sein de leur profession, un système de contrôle.
21:26 Qui est beaucoup plus sévère d'ailleurs que si ça avait été public.
21:29 Mais sauf qu'il n'est pas absurde, puisqu'il est géré par eux-mêmes.
21:33 Donc si la question des normes était gérée en France par ceux qui doivent vivre avec,
21:38 ceux qui doivent les appliquer, vous voyez bien qu'on changerait de système.
21:43 Au fond, il faut passer une révolution de la confiance.
21:46 Et bien on en parlera après une courte pause sur Sud Radio.
21:49 En toute vérité, toujours avec Alexandre Jardin et avec Michel Maffesoli.
21:54 On parlera également de l'Europe, parce que les normes ne sont pas seulement françaises.
21:58 Elles sont aujourd'hui européennes.
22:01 A tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité, avec Michel Maffesoli et Alexandre Jardin.
22:05 Nous sommes de retour sur Sud Radio avec Alexandre Jardin et Michel Maffesoli
22:15 pour parler de la révolte des paysans, d'en faire le bilan,
22:20 de savoir si elle s'inscrit aussi dans une fracture plus large entre le peuple et les élites.
22:25 On va parler notamment de Bruxelles et de l'Europe,
22:27 parce que leur colère est dirigée contre cette Union européenne,
22:31 lointaine, peu démocratique, très technocratique.
22:34 Mais Michel Maffesoli voulait aussi qu'on parle un peu d'écologie.
22:38 Parce qu'il est vrai, comme on parlait tout à l'heure des normes
22:41 qui sont imposées aux paysans, aux agriculteurs,
22:44 elles sont souvent imposées au nom de l'écologie.
22:48 Vous avez écrit sur l'écologie, vous faites la différence
22:52 entre ce que vous appelez l'écologie de la terreur et l'écosophie.
22:55 Vous pouvez nous en dire plus, Michel Maffesoli ?
22:58 - Quelques mots. Tout d'abord, Bruxelles, puisqu'on parle de Bruxelles,
23:02 j'ai dit tout à l'heure, je le redis, on n'a fait qu'exporter l'État.
23:05 C'est-à-dire cette structure, encore une fois, verticale.
23:09 Et la vraie violence, voyez-vous, c'était ma thèse d'État dans les années 70.
23:14 C'était la violence totalitaire, c'est la violence de l'État,
23:17 qui impose un totalitarisme, une idéologie du service public
23:21 qui a pris le public à son service, si je le dis comme ça.
23:24 Voilà un peu ce qui est en jeu, d'abord dans l'État français,
23:28 et maintenant on ne fait qu'exporter cet État français à Bruxelles.
23:31 Dans cette exportation, il y a ce total...
23:34 Pour moi, la vraie violence, elle est là.
23:36 Ce n'est pas la violence des Gilets jaunes,
23:39 ce n'est pas la violence des agriculteurs,
23:41 ce n'est pas la violence des jeunes, etc.
23:43 - Qui n'a pas eu lieu, d'ailleurs. - Exactement.
23:45 D'une part, il y a fort longtemps qu'il y a eu deux meurtres dans un...
23:48 Je me souviens, dans l'Aude, oui, enfin...
23:51 - Le mouvement des agriculteurs a été quand même très pacifique,
23:55 il faut le souligner. - Très pacifique.
23:57 Et soyons clairs, même les Gilets jaunes, on a pu en dire beaucoup de mal,
24:01 pour moi c'était une forme de soulèvement qui mérite attention.
24:04 Mais c'est là où moi je fais une distinction.
24:07 C'est-à-dire qu'il se trouve qu'il y a eu une contamination
24:10 de quelque chose qui est assez peu représentatif,
24:13 l'écologie.
24:15 L'écologie c'est une nouvelle idéologie,
24:17 il suffit de voir en quelque sorte ce qu'ils sont les écologistes en France,
24:20 totalement désincarnés.
24:22 Ils ne participent pas à la chair du monde, à la chair du peuple, etc.
24:25 Et c'est eux qui imposent des solutions très abstraites,
24:29 qui ont entraîné cette révolte, il ne faut pas l'oublier.
24:32 Alors à l'opposé de cela, moi je rends attentif,
24:35 peu importe aux néologismes que je propose,
24:37 écosophie.
24:39 L'écologie, restons dans le grec,
24:41 l'écologie c'est le savoir sur "oïkos", la maison.
24:44 C'est ça, j'impose quelque chose.
24:46 Alors que l'écosophie c'est une sagesse,
24:48 vous voyez, une sensibilité.
24:50 Et on voit combien dans de nombreux villages,
24:53 les écologies ça ne marche pas,
24:55 même de vote, ou des éléments de santé,
24:57 on ne se reconnaît pas.
24:59 Alors que cette sensibilité écosophique,
25:02 c'est-à-dire quelque chose qui est attentif à la terre,
25:05 aux plantes, aux animaux, etc.
25:07 qui fait qu'il n'y a non pas une domination d'un sujet sur un objet,
25:11 la nature, mais une interaction.
25:14 Et ce qui est manifeste dans les agriculteurs en particulier,
25:17 c'est que eux vivent cette interaction,
25:19 vivent le fait que d'une certaine manière,
25:21 on ne peut pas imposer par en haut.
25:23 Voilà, en gros, pour moi, quand on parle de violence,
25:25 inversons le problème.
25:27 Donc la violence vient d'abord de l'État.
25:29 - Ça dépend peut-être aussi des cas,
25:33 dans ce cas-là c'est sans doute manifeste.
25:35 Alexandre Jardin, vous habitez à la campagne.
25:39 - En partie.
25:41 - Comment vous expliquez que les écolos,
25:44 électoralement, font leurs meilleurs scores en ville,
25:48 et font des scores pratiquement nuls à la campagne ?
25:50 D'ailleurs, je crois que Jadot,
25:53 parmi les candidats à la présidentielle,
25:55 est celui qui a fait le plus faible score
25:57 chez les agriculteurs.
25:59 - Parce que quand vous raisonnez dans un cadre vertical,
26:05 la question c'est la conquête du sommet.
26:09 Donc vous ne raisonnez pas à partir du terrain.
26:13 Et comme on a conservé cette structure mentale
26:17 qui correspond à notre structure politique,
26:19 quand on développe un discours écolo,
26:23 on fonce vers le haut.
26:25 Parce que c'est notre schéma mental.
26:27 Et si vous foncez vers le haut,
26:29 vous aboutissez à des normes,
26:31 et non pas des pratiques.
26:33 Or ce sont les pratiques écolo qui sont importantes,
26:35 et non pas les normes.
26:37 Parce que les normes viennent d'en haut,
26:39 elles sont désincarnées.
26:41 Mais moi ce que je souhaite pour nos paysans,
26:43 pour nous tous,
26:45 c'est que la prochaine fois qu'ils sortent les tracteurs,
26:47 parce qu'ils vont forcément en sortir
26:49 puisque les systèmes sont restés intacts.
26:51 Je vous prends un exemple tout bête.
26:53 Si vous restez dans le système actuel,
26:55 et là il n'a pas bougé d'un iota,
26:57 la transposition des normes européennes par exemple,
27:01 qui l'a fait ?
27:03 Les paysans ?
27:05 Ou les technos ?
27:07 Vous voyez bien que ce n'est pas du tout la même chose.
27:09 Ce qu'on appelle la surtransposition,
27:11 elle n'est jamais venue d'un paysan.
27:13 Elle vient d'un techno.
27:15 Donc la prochaine fois,
27:17 moi ce que je souhaite c'est que les paysans
27:19 récupèrent le système.
27:21 C'est-à-dire qu'ils récupèrent la gestion.
27:23 Dans un acte de confiance historique de la nation
27:25 envers sa paysannerie,
27:27 qu'ils récupèrent la gestion du système normatif.
27:31 Puisqu'ils en sont les opérateurs,
27:33 et qu'ils vivent,
27:35 lorsqu'on parle d'un produit toxique,
27:37 il est répandu, éventuellement s'il faut le répandre,
27:39 à leur porte.
27:41 Devant la maison où vivent leurs enfants.
27:43 Donc c'est à eux de piloter ça.
27:45 Alors ce que je dis,
27:47 c'est un changement systémique
27:49 hallucinant en France.
27:51 Tellement on a l'habitude qu'il y ait des gueux
27:53 et une technocratie qui décide.
27:55 Mais là, la transposition des normes européennes,
27:57 je souhaite que le pilotage
27:59 soit transféré à ceux
28:01 qui vont vivre avec.
28:03 Mais c'est...
28:05 Vous voyez bien que c'est un changement.
28:07 - C'est un changement de paradigme énorme.
28:09 Mais en même temps,
28:11 si je peux me faire l'avocat du diable
28:13 et des technocrates,
28:15 il y a certaines normes qui sont légitimes.
28:17 Est-ce qu'on n'a pas fait
28:19 une agriculture
28:21 parfois trop productive ?
28:23 Alors ça a été souvent à l'initiative
28:25 de l'État d'ailleurs.
28:27 Mais est-ce qu'ils font pas parfois...
28:29 C'est vrai que c'était à l'initiative
28:31 de l'État, mais est-ce que c'est pas normal
28:33 qu'on encadre aussi ça
28:35 pour des raisons de santé publique ?
28:37 Et même parfois pour le bien
28:39 de l'agriculture française,
28:41 tout simplement ? - Mais qui vous dit
28:43 que la réalisation de ce bien
28:45 est supérieure dans le cerveau d'un techno ?
28:47 - Oh... - Donc je ne dis pas
28:49 que vous n'avez pas raison sur le fond.
28:51 Évidemment, tout le monde sait bien
28:53 qu'il y a une grande part de vérité dans ce que vous dites.
28:55 Mais qui le pilote ?
28:57 Est-ce que c'est la société elle-même
28:59 ou des gens qui sont pas des gens
29:01 de métier ?
29:03 - Tout simplement. - On peut penser
29:05 que le petit agriculteur va s'auto-réguler
29:07 ne sera-ce parce que vous l'avez dit,
29:09 il va pas s'auto-empoisonner.
29:11 Mais pour ce qui est des grandes
29:13 exploitations,
29:15 est-ce pas normal qu'il y ait une forme de contrôle ?
29:17 - Oui, mais
29:19 pourquoi ? Je reviens
29:21 au présupposé
29:23 de votre question.
29:25 C'est l'idée qu'il y aurait quelque part dans un bureau
29:27 quelqu'un qui serait mieux que le professionnel.
29:29 C'est pas vrai.
29:31 En vrai, c'est pas vrai.
29:33 Je vais vous prendre un exemple sur la question du revenu.
29:35 La loi Egalim,
29:37 où là on nous dit "ce coup-ci, vous allez voir ce que vous allez voir,
29:39 on va mettre des contrôles partout,
29:41 et ça va fonctionner." Il faut savoir qu'il y en a eu
29:43 quatre versions.
29:45 Ça a commencé en...
29:47 Il y a eu quatre versions de cette loi.
29:49 Or le propre de la technocratie,
29:51 c'est de continuer à faire ce qui ne marche pas.
29:53 Ça marche pas.
29:57 Le schéma mental ne marche pas.
29:59 C'est-à-dire, si ça avait dû marcher,
30:01 vous pensez sérieusement que
30:03 la technocratie aurait à chaque fois essayé
30:05 d'échouer ? Non. Elle a fait ce qui correspond
30:07 à son schéma mental. Les lois Egalim
30:09 ne marchent pas. C'est pour ça qu'on en a
30:11 fait quatre. - Pourquoi ça marche pas, à votre avis ?
30:13 - Alors ça marche pas parce que
30:15 on ne pense pas système.
30:17 On dit "on va rien bouger, et on va mettre
30:19 du contrôle, et on va encadrer,
30:21 et vous allez voir, et ce coup-ci, on va en mettre 10 000."
30:23 Mais c'est ce schéma mental
30:25 qui marche pas. La vraie vérité, c'est
30:27 qu'on a 400 000 agriculteurs,
30:29 et 5 centrales d'achat.
30:31 Donc systémiquement,
30:33 est-ce qu'on garde les 5 centrales ?
30:35 Si on touche aux structures,
30:37 vous voyez bien qu'on est beaucoup plus
30:39 puissant dans son action.
30:41 Si on n'en a pas 5, mais 5 000,
30:43 vous voyez bien que... - Oui, il y a une forme de monopole,
30:45 c'est ce que voulait dire de la grande
30:47 discrimination, effectivement. - Oui, voilà. Or,
30:49 qui doit définir ça ?
30:51 Est-ce que c'est éternellement
30:53 l'État technocratique ?
30:55 Ou est-ce qu'à un moment donné,
30:57 on file la main à ceux qui vont
30:59 vivre avec les conséquences ?
31:01 Le débat que je soulève,
31:03 je ne veux pas que ce soit
31:05 un intellectuel parisien qui le tranche.
31:07 Je ne veux pas que ce soit un technocrate.
31:09 C'est ceux qui vont vivre avec.
31:11 Parce qu'après, ils vont devoir négocier.
31:13 J'ai vu sur les réseaux, par exemple, des négociations
31:15 hardes, entre des paysans,
31:17 je me souviens plus où c'était,
31:19 et un hypermarché.
31:21 Où localement, ils négociaient.
31:23 Et ils négociaient dans le rapport
31:25 de force physique, parce que les tracteurs
31:27 étaient là, que la grande distribution leur
31:29 impose, de manière moins physique,
31:31 mais tout aussi violente, habituellement.
31:33 Et c'était complètement décentralisé,
31:35 ça se gérait localement.
31:37 Ils sont arrivés à un point d'équilibre.
31:39 Je ne fais pas l'éloge de ce genre de choses.
31:41 Ce que je dis, c'est que nous devons changer
31:43 de système. On ne peut pas
31:45 laisser...
31:47 Je reviens au présupposé de la question
31:49 que vous m'avez posée. C'est tant qu'on pense
31:51 qu'il y a un petit gris dans un bureau
31:53 qui sait mieux que nous,
31:55 on est cuit.
31:57 Sur à peu près tous
31:59 les sujets. Et la loi EGalim,
32:01 on n'y a pas touché.
32:03 Remarquez bien que le techno a dit
32:05 "Ma construction est bonne,
32:07 on va la faire mieux marcher en foutant
32:09 10 000 contrôles."
32:11 Mais, on marche
32:13 sur la tête ! Donc,
32:15 si vous ne changez pas les systèmes,
32:17 or, qui peut les changer ? Les professionnels.
32:19 - Michel,
32:21 ma faisolée, vous avez écrit sur
32:23 la violence, vous nous avez expliqué
32:25 qu'il y avait une forme de violence d'État
32:27 qui s'exerçait là, contre
32:29 les agriculteurs. Mais est-ce
32:31 que l'autogestion, d'une
32:33 manière... Est-ce que c'est pas
32:35 la porte ouverte aussi à l'anarchie
32:37 et à la violence ? Et est-ce qu'on
32:39 n'est pas là aussi avec un État
32:41 qui
32:43 s'occupe de tout, effectivement, mais qui
32:45 ne s'occupe aussi plus des choses
32:47 essentielles
32:49 dont il avait la charge ?
32:51 - Un grand théoricien,
32:53 qui était un grand géographe, qui s'appelait Élysée Reclus,
32:55 qui est connue pour avoir
32:57 fait une œuvre importante en géographie,
32:59 a même temps été anarchiste.
33:01 Il disait "l'anarchie, c'est l'ordre sans
33:03 l'État". Voilà ma réponse déjà.
33:05 L'ordre sans l'État. Il y a un ordonnancement
33:07 des choses, sans qu'il y ait
33:09 cette verticalité. Voyez-vous,
33:11 permettez-moi, par rapport à ce que vous venez de dire,
33:13 Alexandre Jardin... - Ça peut être la loi du plus
33:15 fort aussi. - Oui, moi...
33:17 - Non, l'esprit mutualiste ? - Vous avez oublié
33:19 de dire, puisque j'ai été un peu
33:21 sociologue, que j'ai occupé la chaire d'Urkaym
33:23 en son temps. - Vous l'avouez,
33:25 vous avez été un peu sociologue, quand même.
33:27 - Très peu. Beaucoup de mes chers collègues
33:29 ont contesté cette qualité.
33:31 Mais Urkaym, il me dit une très belle idée,
33:33 il disait "la loi suit les mœurs".
33:35 C'est-à-dire que si on sait,
33:37 si on est enraciné dans les mœurs,
33:39 qu'on peut faire une loi. Actuellement, il y a un tel
33:41 désaccord entre la loi et les mœurs,
33:43 dans le sens simple du terme,
33:45 qui entraîne ces révoltes.
33:47 Je voudrais dire un mot... - Oui, vous avez
33:49 une seconde, mais après, il y a la dernière partie
33:51 où vous pourrez développer.
33:53 - Je vais faire une nuance entre pouvoir et puissance.
33:55 - C'est un teaser !
33:57 Michel Malfezole va dire quelque chose de très important
33:59 durant la dernière partie
34:01 de cette émission.
34:03 Très important, comme toujours, parce que c'est toujours passionnant
34:05 de vous avoir. Merci Michel Malfezole,
34:07 merci Alexandre Jardin.
34:09 On se retrouve sur Sud Radio, en toute vérité,
34:11 après une courte pause, et on poursuit
34:13 ce débat sur
34:15 la technocratie, sur la révolte du
34:17 peuple contre les élites.
34:19 En toute vérité, 11h30
34:21 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
34:23 - Nous sommes de retour sur Sud Radio
34:25 avec Alexandre Jardin
34:27 et Michel Malfezole. Nous faisons
34:29 le bilan de cette révolte
34:31 paysanne.
34:33 Nous expliquons qu'elle s'inscrit
34:35 finalement dans un mouvement plus
34:37 vaste de colère, notamment des classes populaires
34:39 contre leurs représentants.
34:41 Michel Malfezole, je vous avais
34:43 interrompu. C'est rare, mais
34:45 la pause,
34:47 c'est obligatoire. J'ai été obligé
34:49 de vous couper. Je m'en excuse
34:51 et je vous laisse.
34:53 Vous aviez une idée que vous vouliez
34:55 absolument défendre, et donc
34:57 je vous écoute. Nous vous écoutons.
34:59 - D'abord, vous ne m'avez pas coupé.
35:01 Vous gérez, c'est normal.
35:03 Je trouve que le débat est fort intéressant.
35:05 Des idées. "On a une idée
35:07 dans sa vie", disait Heidegger.
35:09 Moi, j'ai une idée dans ma vie, dans tous mes
35:11 livres, c'est le
35:13 rapport qui existe entre le pouvoir
35:15 institué et la puissance instituante.
35:17 Quand ça marche, c'est l'idéal démocratique
35:19 qui s'est élaboré au XIXe siècle.
35:21 Il y a un accord. La puissance
35:23 de base se reconnaît dans
35:25 le pouvoir institué. Il est des moments
35:27 usures. Pour moi, c'est ça, le passage de la
35:29 modernité à la post-modernité que nous
35:31 vivons. En France, on ne veut pas parler de
35:33 post-modernité. On en a peur. Les élites
35:35 restent sur les valeurs modernes. Pour moi,
35:37 c'est qu'il y a un désaccord fondamental entre
35:39 ce pouvoir institué, technocratique,
35:41 on l'a dit depuis tout à l'heure, de diverses
35:43 valeurs, ce jacobinisme,
35:45 cette verticalité, et puis ce qui est en train
35:47 de ressurgir fondamentalement, qui s'exprime
35:49 dans les soulèvements, qui est cette puissance
35:51 de base. Voilà, c'est tout. Et donc,
35:53 on va voir ce que ça va donner, mais pour moi,
35:55 c'est le retour au localisme, à l'espace,
35:57 au territoire. Et c'est
35:59 cela que, dans le fond, dans la vieille
36:01 tradition françouillarde qui est la nôtre,
36:03 on se refuse de voir, on se refuse
36:05 de reconnaître, et je pense qu'il va y avoir des quantités
36:07 de manifestations de cet ordre.
36:09 Juste, voyez, les deux termes, moi, qui me
36:11 sont chers, quand j'ai dit pouvoir-puissance,
36:13 c'est qu'il y a une
36:15 solidarité mécanique,
36:17 le service public,
36:19 ce qui est imposé par en haut, ça a fait
36:21 son temps, et que va revenir, encore
36:23 une fois, une solidarité organique. Organique,
36:25 c'est ce qui est lié au lieu où je vis,
36:27 avec d'autres. C'est ça, les formes de solidarité
36:29 basiques, d'une certaine manière,
36:31 et on voit bien comment, moi, je vois
36:33 dans mon petit village
36:35 de Crescentac et dans les Cévennes, pour ne
36:37 pas le nommer, - Nommez-le, c'est très bien.
36:39 - Voilà, et c'est fait, je vois
36:41 cette solidarité, encore une fois, de base.
36:43 Le cuisinier et l'agriculteur,
36:45 si je puis dire, voyez cette espèce de
36:47 conjonction qui existe et qui se sont
36:49 manifestées dans les révoltes des agriculteurs
36:51 ces derniers jours. Voilà,
36:53 quelque chose, encore une fois, basique.
36:55 J'appelle cela, moi, la socialité de base.
36:57 C'est-à-dire quelque chose qui ne
36:59 s'impose pas par en haut, mais qui est
37:01 sécrétée par le corps social, dans le
37:03 vrai sens du mot, le corps social.
37:05 Et que c'est ce corps social qu'il faut
37:07 reprendre, en quelque sorte, en considération.
37:09 - Il y a une déconnexion de plus en plus
37:11 flagrante, Alexandre Jardin,
37:13 entre les dirigeants et ce que
37:15 Michel Faisoli appelle le
37:17 corps social, qu'on pourrait appeler tout simplement
37:19 le peuple. Est-ce qu'une démocratie
37:21 sans le peuple, c'est toujours
37:23 une démocratie ?
37:25 - Le fait que vous posiez... - C'est pas une dictature,
37:27 on est d'accord, il n'y a pas le goulag,
37:29 il n'y a pas tout ça, mais... - Non, évidemment.
37:31 Mais, bien sûr que ça ne marche pas.
37:33 Tout le monde sait bien que ça ne marche pas.
37:35 Et
37:37 aujourd'hui, quand vous avez
37:39 une révolte aussi puissante,
37:41 si elle aboutit à des
37:43 mesures, et non pas
37:45 à des changements de système,
37:47 elle n'avance pas. Donc elle va se reproduire.
37:49 Quand on a tous
37:51 entendu le Premier ministre dire
37:53 "Oui, mais il va y avoir un choc de simplification",
37:55 si vous demandez
37:57 à la technostructure
37:59 qui fabrique la complexité
38:01 de revenir sur sa
38:03 propre complexité, c'est comme si vous demandiez à un
38:05 alcoolique de gérer
38:07 la question de l'alcoolisme en France.
38:09 Vous voyez bien que c'est
38:11 complètement surréaliste. Pourtant, le gars
38:13 face à une caméra, vous tient
38:15 des paroles
38:17 qui sont démentes.
38:19 Mais totalement démentes. Demandez à
38:21 l'administration de faire de la simplification,
38:23 on est chez les fous.
38:25 Parce que c'est un problème de système.
38:27 Donc, est-ce que
38:29 à l'issue de chacune de nos
38:31 révoltes, on est capable de
38:33 changer nos systèmes ?
38:35 Et pour aller vers ce que vous
38:37 appelez un monde plus organique,
38:39 et notamment, moi je crois beaucoup,
38:41 j'aime beaucoup ça, à l'esprit
38:43 mutualiste, parce qu'il est responsabilisant.
38:45 Et au fond,
38:47 quand vous fonctionnez par la verticalité
38:49 avec Matignon ou l'Élysée,
38:51 qui est censé vous apporter la solution,
38:53 vous déresponsabilisez
38:55 une société qui au fond ne demande que ça.
38:57 C'est à rentrer dans des mécanismes
38:59 qui sont responsabilisants.
39:01 Donc, la prochaine fois qu'ils vont sortir les tracteurs,
39:03 parce qu'il y aura une prochaine fois,
39:05 mécaniquement,
39:07 puisqu'on n'a pas touché les systèmes,
39:09 et vous verrez qu'après
39:11 le petit choc, la petite bulle de
39:13 simplification, les mêmes administrations
39:15 vont vous remettre des trucs
39:17 anti-chèvre.
39:19 Je veux dire,
39:21 parce que vous ne...
39:23 Quand vous n'arrêtez pas un système,
39:25 il continue à fonctionner.
39:27 Donc, est-ce qu'on est collectivement capable
39:29 de changer nos systèmes ?
39:31 Là, c'est raté.
39:33 Là, il y a eu
39:35 une bulle financière
39:37 pour accompagner
39:39 en soins palliatifs.
39:41 Mais il ne faut jamais oublier que les intelligents
39:43 à Paris, qui sont censés avoir pensé
39:45 notre politique agricole,
39:47 ont détruit
39:49 notre puissance.
39:51 Ils n'ont pas été ultra-efficaces.
39:55 Donc, est-ce qu'on
39:57 change nos systèmes ?
39:59 Est-ce qu'on est capable de se faire confiance entre nous ?
40:01 En tout cas, moi, je voudrais juste dire,
40:03 quand on a une seule idée
40:05 dans une vie, moi, je n'ai qu'une seule idée,
40:07 et qui est portée par ce livre.
40:09 Vous qui m'écoutez,
40:11 quand vous voyez que tout déconne,
40:13 augmentons le nombre de mots
40:15 dans la tête de nos enfants.
40:17 Ils vont parvenir à mieux
40:19 résoudre les problèmes qu'ils auront devant eux.
40:21 Pour moi, le grand médicament
40:23 c'est ce qui est important.
40:25 - On rappelle ce livre, "Faire lire",
40:27 c'est dans la collection "Pour les nuls",
40:29 effectivement.
40:31 Alexandre Jardin,
40:33 on parle de technocratie
40:35 connectée, de technocratie française,
40:37 mais on a aussi une technocratie européenne.
40:39 On s'est aperçu que dans cette révolte
40:41 des tracteurs, il y avait une révolte
40:43 contre Bruxelles.
40:45 Est-ce que finalement, les défauts de la technocratie
40:47 française ne sont pas encore amplifiés à l'échelle
40:49 européenne ? D'autant plus que c'est une technocratie
40:51 encore plus lointaine. - On a les mêmes.
40:53 Comme vous dites,
40:55 on a transféré nos
40:57 réflexes technocratiques à Bruxelles.
40:59 Et au fond, sur le principe
41:01 tout le monde sait bien qu'il doit y avoir une organisation
41:03 européenne. On sait bien
41:05 qu'il faut qu'on réussisse
41:07 à vivre ensemble sur le continent.
41:09 Mais est-ce qu'on veut que ça passe par des mécanismes
41:11 techno ?
41:13 C'est de la folie.
41:15 De la folie pure.
41:17 De toute façon, toutes les nations
41:19 sont en train de faire craquer ça.
41:21 Mais au niveau
41:23 national...
41:25 Mais le vrai problème de la technocratie française, c'est que
41:27 au fond, ce qu'elle aime, c'est bosser
41:29 avec la même qu'elle à Bruxelles
41:31 et la même qu'elle dans les régions.
41:33 Ça refabrique du dispositif.
41:35 Alors que
41:37 si on change d'organisation
41:39 et qu'on devient plus organique,
41:41 on aura plus de mutuelles,
41:43 plus d'organisations professionnelles responsabilisées,
41:45 plus de territoires
41:47 puissants,
41:49 plus de communes
41:51 capables d'initiatives. Aujourd'hui,
41:53 quand vous êtes maire en France
41:55 et que vous voulez faire une piscine, vous en avez
41:57 pour six ans. Parce qu'il faut croiser
41:59 les financements.
42:01 Il faut un peu de département, un peu de région,
42:03 un peu de machin, un truc. Ça avance
42:05 pas. Au fond,
42:07 on est à la croisée des chemins. On a
42:09 un système qui est ni centralisé,
42:11 ni décentralisé,
42:13 qui déconne à plein tube.
42:15 Et là, les paysans sont venus le dire
42:17 pour leur partie.
42:19 Moi, ça m'a désespéré
42:23 en vrai, de les voir rentrer.
42:25 Ça m'a vraiment
42:27 désespéré. - Monsieur le maire, fais-le lui,
42:29 dit non.
42:31 Vous pensez que...
42:33 - Pour nous tous, il fallait qu'il rentre
42:35 malgré tout. - Pardon ?
42:37 Moi, je pense rien du tout. Moi, j'ai pas donné de...
42:39 - Non mais vous avez dit non.
42:41 - J'ai pas de conviction. Non, j'ai dit...
42:43 J'ai pas désespéré parce que pour moi, c'est une des manifestations
42:45 de ce qui va se reproduire.
42:47 En gros, voyez, par rapport à ce que vous indiquez,
42:49 Alexandre Jardin,
42:51 les systèmes ne marchent plus.
42:53 Bien. C'est-à-dire les grandes valeurs
42:55 qui ont fait la modernité ne marchent plus,
42:57 d'où la déconnexion des élites.
42:59 Quand cela se passe, il y a un processus,
43:01 c'est un sociologue américain qui s'appelle
43:03 Sorokin, qui parlait de saturation.
43:05 Une lente
43:07 sédimentation. Il dit "un verre d'eau que je sale
43:09 et que je sucre, je vois pas à quel moment, mais le dernier
43:11 grain fait que le verre d'eau est saturé".
43:13 Voilà. Lente sédimentation.
43:15 Vous avez compris que de mon point de vue, cette lente
43:17 sédimentation, elle est en train de se faire actuellement.
43:19 Il y a eu toute une série de révoltes, il y en aura,
43:21 il y a des affoulements de cet ordre. - Dans tous les secteurs.
43:23 - Or, il se trouve que quand on regarde les réseaux
43:25 sociaux, c'est pour ça que je suis pas pessimiste
43:27 par rapport à ce que vous indiquez,
43:29 quels sont les mots qui apparaissent sur ces réseaux
43:31 sociaux ? Générosité,
43:33 entraide, solidarité,
43:35 des vieux mots archaïques, de la solidarité
43:37 organique, c'est-à-dire solidarité
43:39 de base. - Les mots du coeur. - Voilà, exactement.
43:41 La raison sensible, ce que j'appelle
43:43 moi la raison sensible. Il y a de la raison et en même temps
43:45 du sens, voilà. Et donc, voilà
43:47 ce qui fait que de mon point de vue,
43:49 le système est saturé.
43:51 Et cela se voit, l'espèce de
43:53 déconnexion, alors que ce soit Bruxelles ou que ce
43:55 soient les ethnogrates français qui frivent
43:57 "Bourico", je veux dire,
43:59 "Quand ce jour, tu m'intéresses". Alors voilà,
44:01 donc, soyons attentifs au fait que cette
44:03 saturation, elle est là.
44:05 Vous comprenez que ça prend du temps, encore une
44:07 fois, il faut attendre. Une lente sédimentation,
44:09 ben ça ne se fait pas du jour au lendemain,
44:11 c'est pas la révolution. - Oui, mais, lui, c'est...
44:13 - C'est la récomposition
44:15 politique, culturelle... - Une métamorphose.
44:17 - Non, mais... - Une métamorphose.
44:19 - Excusez-moi, le mot politique,
44:21 juste un mot. - Le vrai problème, c'est qu'ils n'ont pas le temps financier.
44:23 - Le mot politique, qui est totalement désincarné,
44:25 revient à la poli, c'est-à-dire la cité.
44:27 - Oui. - Pour moi, il y a un retour, c'est un nouveau
44:29 Moyen-Âge qui est en gestation actuellement.
44:31 - Il y a aussi, on a plus
44:33 qu'une minute, je sais pas si on va avoir le temps d'aborder
44:35 la question en profondeur, mais quand
44:37 on parle de Bruxelles, il y a quand même la question de la
44:39 mondialisation qui s'est posée dans cette crise
44:41 Alexandre Jardin. J'ai entendu beaucoup
44:43 d'agriculteurs dire, après tout,
44:45 les normes, certaines peuvent être positives, ça peut
44:47 nous permettre de faire des produits
44:49 plus sains. Le
44:51 problème, c'est qu'on est soumis à une compétition
44:53 totalement déloyale.
44:55 À quoi ça sert d'imposer des normes
44:57 ici au nom de l'écologie ? Si c'est pour
44:59 faire venir des produits, souvent
45:01 frelatés, en plus du
45:03 bout du monde, ce qui en termes d'écologie
45:05 convenons-en, on peut mieux faire.
45:07 - Cette
45:09 démence, parce que c'est complètement dément.
45:11 Tout le monde voit bien que c'est dément. - On a 30
45:13 secondes, mais finissons sur la démence.
45:15 - Qui va y
45:17 mettre un terme ? Vous donnez le
45:19 levier, le manche,
45:21 vous le donnez à ceux qui ont maintenu le truc ?
45:23 Ou à ceux qui ne sont pas d'accord ?
45:25 À un moment, il faut que les professionnels
45:27 reprennent le pilotage.
45:29 - Eh bien voilà, on terminera
45:31 là-dessus. Finissons-en avec les
45:33 experts, parce que souvent, ils se
45:35 proclament comme ça. Et mettons les professionnels,
45:37 c'est-à-dire ceux qui ont une profession,
45:39 un métier, un savoir-faire.
45:41 Merci Michel Maffezollier, merci
45:43 Alexandre Jardin.
45:45 J'étais ravi de vous recevoir en toute
45:47 vérité sur Sud Radio. On se retrouve
45:49 la semaine prochaine pour un nouveau numéro.
45:51 A bientôt !