Avec Augustin Sersiron, co-auteur de "Le pouvoir de la monnaie" publié aux éditions Les liens qui libèrent.
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00:00 Sud Radio Bercov dans tous ses états, le face à face.
00:05 Présent sur Sud Radio avec aujourd'hui face à face André Bercov, vous recevez
00:09 Augustin Cercieron co-auteur de ce nouveau livre "Le pouvoir de la monnaie" aux éditions Les liens qui libèrent.
00:14 Bonjour Augustin Cercieron.
00:16 Bonjour. Alors enseigneur, chercheur, diplômé de l'ESSEC, docteur en sciences économiques et en philosophie politique
00:21 et il ne s'agit pas du tout d'un livre policier sur "Aboulez la monnaie et ne touchez pas au Grisby".
00:27 Mais justement, qu'est-ce que c'est que le Grisby ? Qu'est-ce que c'est que la monnaie ?
00:31 Et j'ai trouvé tout à fait passionnant que ce livre, quand je l'ai reçu, "Le pouvoir de la monnaie"
00:37 parce qu'on parle du matin au soir de l'euro, du dollar, du yuan maintenant évidemment avec les briques et compagnie
00:45 et puis tout le reste, des roubles, etc.
00:49 Et au fond, on en parle comme ça mais qu'est-ce que ça veut dire ? C'est quoi la monnaie ?
00:53 Et justement, c'est un livre écrit à trois personnes, Gisabelle Coupé-Souberan, Pierre Delandre et Augustin Cercieron
01:00 que nous accueillons aujourd'hui.
01:02 Au fond, Augustin Cercieron, comment on pourrait définir la monnaie ?
01:08 Ce que c'est que la monnaie ? Parce qu'on l'utilise tous, papiers, chèques, etc.
01:14 On fait des... voilà.
01:17 Et qu'est-ce que ça veut dire ce qu'on a ? Son nom est trébuchant, on a encore même de la monnaie.
01:22 On a des 1 ou 2 euros. Voilà.
01:25 Qu'est-ce que c'est ? Comment pourrait-on la définir en fait ?
01:28 - Bonjour André Bercoff, merci beaucoup de me recevoir.
01:32 Alors, la monnaie, il faut la voir pas simplement comme un pur objet technique
01:39 dans une vision un peu instrumentale, un peu étroite.
01:41 Il faut la voir vraiment comme une institution sociale,
01:45 c'est-à-dire une construction collective, c'est vraiment du collectif.
01:48 C'est quelque chose qui est présent dans chaque transaction au quotidien
01:53 et qui est d'emblée collectif parce que, évidemment, chacun n'accepte d'être payé avec un billet de 10 euros
01:59 que parce qu'il pense que tous les autres vont accepter ce moyen de paiement après.
02:03 Parce qu'en soi, ça se mange pas, ça sert à rien,
02:06 donc ça n'est que parce que la collectivité dans son ensemble l'accepte que ça fonctionne.
02:11 Et donc, quelque part, c'est un petit bout de collectif qui circule dans chaque échange individuel.
02:16 Ce qui est intéressant parce que les néolibéraux vont nous expliquer que le marché résout tout
02:22 et que ce sont des l'agrégation d'interactions inter-individuelles, bilatérales,
02:27 entre des individus qui résout tout.
02:30 Mais en fait, pour que chacune de ces interactions ait lieu, il faut du collectif.
02:36 - Alors justement, parce que vous l'avez défini vous-même, je rappelle simplement,
02:41 vous dites "il y a les règles formalisées du système des paiements",
02:47 on est tous payés, salariés ou pas salariés, etc.
02:51 Vous parlez ensuite, ça c'est très intéressant ce désir mémétique,
02:55 le pouvoir d'achat,
02:58 et enfin le collectif comme la banque centrale régulant la quantité de monnaie.
03:02 Alors, je voudrais qu'on aborde un peu ça, c'est-à-dire que quand vous dites les normes sociales formelles,
03:07 les règles formalisées du système des paiements,
03:11 ça veut dire que tout le monde est payé, enfin, même le RSA, c'est un paiement, tout est paiement.
03:18 Et alors, ça, vous dites que la valeur elle vient de quoi ?
03:23 Elle vient du fait qu'on sait qu'avec ça je pourrais m'acheter telle ou telle chose ? Ou comment ?
03:28 - Oui c'est ça, en fait, effectivement la monnaie c'est...
03:32 Alors pour reprendre l'expression de Michel Aguieta et André Orléans,
03:36 c'est l'ambivalence de la monnaie, c'est-à-dire que c'est d'un côté un bien privé,
03:40 effectivement, que chacun essaye d'accaparer, on en a à soi sur son compte courant,
03:44 et tout le monde en veut le plus possible, évidemment, parce que ça permet de tout acheter.
03:48 Donc c'est la forme intransitive du désir, on peut tout...
03:52 Quand on possède un billet de 10 euros, on possède virtuellement tout ce qui a une valeur de 10 euros.
03:56 Et puis d'un autre côté, comme je disais, c'est ce côté collectif,
04:00 et donc un ensemble, un système de règles du système des paiements,
04:05 qui définit un ensemble de normes. Donc il y a quel moyen de paiement est légal et accepté,
04:11 vous n'avez pas le droit de fabriquer vos propres billets, les peines sont extrêmement sévères
04:15 si vous faites de la contrefaçon. Je crois d'ailleurs que c'est le même niveau de peine que pour un meurtre.
04:20 - Oui, c'est très grave, oui, bien sûr.
04:22 - Parce que quelque part on touche au cœur de la souveraineté de l'État et de la collectivité.
04:26 Voilà. Ensuite, il n'y a pas simplement quel moyen de paiement est accepté,
04:33 il y a aussi le fait que ce soit une unité de compte partagée. Alors ça c'est essentiel.
04:38 - Alors c'est quoi l'unité de compte partagée ?
04:40 - L'unité de compte, c'est le fait qu'on va évaluer le prix de toutes les marchandises
04:45 par rapport à un même étalon, en l'occurrence les euros à notre époque,
04:49 qui sont une pure convention, ça n'est rien de concret.
04:52 Les euros ne sont pas échangeables en or, etc.
04:54 Évidemment, à l'origine c'était sur un étalon argent en Mésopotamie Antique,
04:59 ou un étalon or, à l'époque de l'étalon or, etc.
05:02 - C'est d'antiquité ça !
05:04 - Mais même après.
05:06 - En fait, le lien avec l'or a été rompu avec la guerre de 14 chez nous,
05:13 parce qu'il fallait qu'on crée plus de monnaie pour la financer,
05:15 on ne pouvait pas se limiter au stock d'or.
05:17 On a essayé de le réinstaurer après ça, avec le franc point carré en 1928,
05:23 si je ne dis pas de bêtises, et puis finalement ça a re-sauté avec la crise de 1929.
05:28 Et à la fin, il n'y a que le dollar américain qui a gardé le lien à l'or,
05:31 c'est le système de Bretton Woods.
05:33 Mais même ça, ça a fini par sauter en 1971,
05:35 le président Nixon dit qu'il n'est pas capable d'assurer la convertibilité en or.
05:39 - C'est un consensus qui consiste à dire "voilà, c'est l'euro pour l'Union Européenne, disons".
05:46 - Et donc, il y a ce que vous disiez, le désir mimétique,
05:50 c'est-à-dire on imite le désir des autres,
05:52 chacun veut de la monnaie parce que tous les autres veulent de la monnaie,
05:55 donc chacun imite les autres, voilà.
05:57 C'est ça qui fait émerger une institution monétaire, fondamentalement.
05:59 Et donc l'unité de compte, c'est le fait que si on n'avait pas d'unité de compte,
06:03 on devrait évaluer la valeur des biens en les comparant les uns aux autres.
06:07 Donc vous allez dans un supermarché, si vous n'avez pas l'échelle des euros,
06:11 et que vous essayez d'évaluer combien vaut une boîte de sardines,
06:14 vous la comparez à une boîte de thon, à un dixième de chaise, à trois boîtes de cornichons.
06:20 - Oui, comment ? Quel serait le prix de ça par rapport à...
06:23 - C'est-à-dire que vous multipliez aussi le nombre de prix
06:25 par rapport à... Vous évaluez votre marchandise en unité de toutes les autres marchandises disponibles.
06:31 Vous allez dans un hypermarché, vous avez minimum 25 000 produits référencés,
06:35 ça ferait 625 millions de prix relatifs de chaque produit exprimé dans tous les autres.
06:44 - Je dirais moi ça vaut ça ou ça vaut ça.
06:46 - Et par ailleurs, l'unité de compte, ça nous permet quand même de diviser le nombre de prix,
06:51 et puis de pouvoir comparer plus facilement.
06:55 Mais c'est une unité de compte qui est partagée par tout le monde,
06:58 c'est-à-dire qu'on compte tous les deux en euros,
07:00 et en fait tout le monde affiche les prix en euros et paye en euros, etc.
07:03 Et ça, ça crée un langage commun qui rend compréhensible le monde économique pour tout le monde.
07:09 Et il suffit pour mesurer l'importance que ça a, d'aller dans une zone monétaire étrangère.
07:14 Vous allez en Inde et on vous affiche les prix en roupies, vous êtes complètement perdu.
07:19 Vous ne savez pas du tout si 10 000 roupies c'est beaucoup, c'est pas beaucoup.
07:23 - Oui mais pardon, je sais quel est le taux de charge.
07:26 J'arrive en Inde, en Etats-Unis, à Rome, et ben c'est en roupies le temps, l'euro, etc.
07:32 C'est pas un exercice compliqué, ça.
07:35 - Au quotidien, il faut...
07:37 Moi j'ai vécu au Sénégal, le franc CFA il est indexé sur l'euro,
07:40 mais il fallait quand même diviser par ceci, multiplier par cela,
07:43 et ça met quelques semaines, voire quelques mois, avant qu'on sente un peu intuitivement.
07:48 Alors que si je vous dis que je vous fais une tablette de chocolat à 10 euros,
07:52 vous sentez l'arnaque, vous n'avez pas besoin de réfléchir pour ne pas me l'acheter.
07:56 Donc ça c'est vraiment une unité de compte partagée, c'est essentiel,
07:59 et aussi parce que les évaluations, le prix des marchandises,
08:03 ils forment par la rencontre de l'offre et de la demande,
08:05 dans un contexte institutionnel particulier.
08:07 - Marché, marché.
08:08 - Donc c'est des évaluations subjectives qui s'affrontent,
08:11 et puis par la concurrence on arrive à un équilibre plus ou moins stable.
08:16 Mais au moins ces prix peuvent être formés parce qu'on a une unité de compte.
08:21 Parce que si on n'a pas...
08:23 Vous pouvez avoir votre boîte de sardines dont le prix augmente,
08:25 évalué en quantité de riz,
08:27 parce que la demande de la sardine par rapport au riz évalue dans tel sens,
08:30 mais si la sardine par rapport au pain évalue dans tel autre sens,
08:34 vous ne savez pas du coup si les prix augmentent ou baissent,
08:37 et du coup vous ne savez pas s'il y a de plus en plus de demandes,
08:39 et s'il faut augmenter la production de pain.
08:41 - C'est la monnaie qui équilibre tout ça.
08:43 - Voilà, et donc c'est une institution collective qui est au centre du marché,
08:46 ce qu'on ne dit jamais quoi.
08:48 - Oui, oui, ce qui est intéressant.
08:49 En fait c'est le produit d'un consensus collectif, enfin qu'on accepte quoi.
08:54 - C'est ça, et donc ça repose sur la confiance collective.
08:56 Cette confiance collective elle est lente à créer.
09:00 - Elle existe depuis quand d'ailleurs ?
09:02 Juste un mot par rapport à...
09:04 Elle existe depuis quand ?
09:05 - Elle existe...
09:05 - A peu près.
09:06 - Bah en fait les premières monnaies marchandes,
09:08 parce que dans les sociétés tribales de chasseurs-cueilleurs
09:10 vous avez des monnaies qui existent mais qui ne servent pas du tout à acheter et à vendre,
09:14 qui servent à faire des paiements symboliques de dettes de vie.
09:17 C'est-à-dire le prix de la fiancée, quand vous allez vous marier,
09:20 ou si vous avez tué un individu de la tribu d'en face
09:23 pour apaiser les tensions et qu'il n'y ait pas de vendetta,
09:25 ou le prix du sang, etc.
09:27 Mais les monnaies vraiment marchandes,
09:30 c'est en Mésopotamie antique que ça va naître,
09:32 donc il y a 5300 ans, enfin en 3300,
09:35 en Jésus-Christ à peu près.
09:37 Et là, effectivement, ça se fonde en Mésopotamie sur le cycle d'argent.
09:42 - C'est argent quand même !
09:43 - Oui, c'est un milan cette affaire-là, donc c'est pas rien.
09:46 - Et ça se fonde sur quoi ?
09:47 - Alors en Mésopotamie ils n'ont pas d'or, donc ça se fonde sur l'argent.
09:49 En Égypte ils ont de l'or, donc ça va se fonder sur l'or.
09:52 L'or en Égypte, c'est considéré comme la chair des dieux,
09:55 il y a un côté tout à fait religieux à l'origine,
09:58 tout à fait magique, on passe un peu du pouvoir magique au pouvoir d'achat,
10:01 comme dit Marcel Mauss progressivement.
10:04 Et l'argent en Mésopotamie, pareil, c'est associé au dieu Sine.
10:11 - Mais ça permet tout de suite déjà à l'époque d'acheter telle ou telle chose ?
10:13 - Alors non, c'est-à-dire qu'au départ, ce qui va être inventé, c'est l'unité de compte,
10:17 et la monnaie comme moyen de paiement des achats,
10:20 ça, ça intervient beaucoup plus tard, vers 600 avant Jésus-Christ.
10:23 Donc en fait, pendant 2700 ans, on a une unité de compte
10:28 qui permet d'évaluer les marchandises et de les échanger,
10:32 mais on les échange en nature.
10:34 Alors comment ça se passe ? Par de la dette.
10:36 Et ça se passe en fait, au départ, ce sont des sociétés extrêmement centralisées.
10:41 Vous avez des temples ou des palais, ce qu'on appelle les grands organismes,
10:44 donc on appelle ça des sociétés palatiales,
10:46 parce qu'elles sont complètement organisées autour de ces grands organismes,
10:49 les palais ou les temples, à l'origine d'ailleurs c'est les temples qui précèdent les palais,
10:53 donc c'est un fondement religieux à ces sociétés-là,
10:57 et en gros, on va se mettre à avoir des immenses temples
11:00 qui possèdent des troupeaux immenses, des terres agricoles immenses,
11:04 des ateliers de production de bière,
11:07 de production d'huile, de parfum, de ceci, de cela,
11:11 et de briques aussi, pour construire les igourads,
11:14 c'est l'équivalent des pyramides en Mésopotamie, mais faites en briques.
11:18 Et en fait, au départ, c'est pour le service du Dieu,
11:21 c'est-à-dire qu'on rassemble toute cette richesse pour rendre un culte de Dieu.
11:25 - Quand est-ce que cela devient, donc vous dites, 620 avant Jésus-Christ ?
11:28 - 600 avant Jésus-Christ, à peu près.
11:30 - Et là, qu'est-ce qui se passe ?
11:33 - On passe à un autre type de société,
11:35 ce qui se passe, c'est qu'on va inventer,
11:39 donc c'est en Lydie, dont le roi s'appelle Crésus,
11:42 et ça a donné l'expression "Rex cum Crésus".
11:45 Pourquoi en Lydie ? Parce que vous avez un fleuve qui s'appelle le Pactole,
11:49 ça a donné l'expression "toucher le Pactole",
11:51 qui charrie un alliage naturel d'or et d'argent qui s'appelle l'électrum,
11:56 donc il est riche, c'est de la métal précieux,
11:58 et donc ils vont avoir l'idée d'en faire des petits globules,
12:03 des proto-pièces, les premières pièces,
12:06 et puis après ça, de les frapper avec un signe du souverain,
12:11 et puis de mettre un petit numéro derrière,
12:14 on n'avait pas encore les chiffres arabes,
12:16 les Grecs qui sont...
12:17 Parce que la Lydie, c'est la Turquie actuelle,
12:19 c'est très proche de la côte méditerranéenne,
12:21 vous avez les cités grecques de la côte ionienne,
12:24 et c'est eux qui vont sans doute inventer le fait de frapper,
12:29 d'inscrire un numéro comme vous avez le chiffre 2 sur votre...
12:31 - Et là, ça devient quelque chose qu'on utilise pour acheter tel ou tel...
12:34 - Alors là, ça se met à circuler de main en main,
12:36 alors c'est très intéressant,
12:37 parce que dans une société mésopotamienne,
12:39 si les échanges passent par la dette,
12:41 c'est-à-dire que vous avez gardé le troupeau pour moi,
12:43 enfin pour le temple, moi je suis un bureaucrate du temple,
12:46 vous avez gardé le troupeau du temple pendant un mois,
12:49 je vous dois tant de rations d'orge en échange,
12:51 et j'inscris ça sur une...
12:52 - Le troc !
12:52 - C'est pas du troc, parce que ça passe par une évaluation monétaire,
12:56 en unité de compte,
12:57 il y a une monnaie de compte, même si ce n'est pas une monnaie de paiement...
12:59 - Vous voulez dire un mois pour la protection du troupeau,
13:02 ça vaut tant de...
13:03 - C'est ça, je vous note l'équivalent de tant de rations d'orge,
13:06 mais c'est évalué en cycle d'argent,
13:08 et vous, vous pouvez...
13:09 donc j'inscris la créance, la dette, sur une tablette d'argile,
13:12 et vous, vous pouvez utiliser ce pouvoir d'achat
13:15 pour demander de la bière, si vous préférez,
13:18 libre à vous André Bercoff,
13:21 mais...
13:21 - Je te répliquerai là-dessus...
13:23 - Voilà, mais donc...
13:24 - Alors quand ça devient...
13:25 - L'important c'est que quand ça passe par la dette,
13:27 ça repose sur la confiance interindividuelle.
13:29 - C'est ça.
13:30 - C'est-à-dire que, si vous avez une créance sur quelqu'un,
13:32 il ne faut pas le perdre de vue.
13:33 Donc ça veut dire que, soit ça passe par ces grands organismes
13:36 très centralisateurs,
13:37 soit, à l'échelle locale, par des réseaux de voisinage
13:41 où il y a de la confiance.
13:42 Mais, quand on invente les pièces de monnaie,
13:45 la force de la monnaie c'est quoi ?
13:46 C'est que, si je vais aujourd'hui faire un épicier,
13:48 je dépose une pièce de 2 euros,
13:50 je prends la tablette de chocolat ou la canette de bière,
13:53 et je pars avec,
13:54 il ne connaît ni mon nom, ni mon adresse,
13:56 il ne m'a jamais vu, il ne connaît rien de moi,
13:57 il a ce que je veux, j'ai ce qu'il veut,
13:59 c'est quand même magique.
14:00 C'est extrêmement puissant,
14:02 et c'est un mode de coordination entre individus
14:06 qui marche à l'échelle mondiale,
14:07 qui est révolutionnaire,
14:08 et qui permet des échanges décentralisés.
14:10 - Passionnant, on va en parler tout de suite
14:12 après cette petite pause.
14:13 - Oui, avec vous aussi, comme tous les jours,
14:14 0826 300 300,
14:16 vous témoignez, vous nous appelez,
14:17 vous nous posez des questions.
14:19 Augustin Circeron tentera de répondre
14:21 à vos interrogations.
14:22 A tout de suite sur Sud Radio.
14:24 - Sud Radio, votre avis fait la différence.
14:26 - Les opinions sont diverses et variées,
14:28 vous faites parler les auditeurs.
14:30 De mon point de vue, la liberté d'expression
14:32 est beaucoup plus fiable et authentique
14:33 que sur Sud Radio.
14:34 - Sud Radio, parlons vrai.
14:36 - Ici Sud Radio.
14:40 Les Français parlent au français.
14:45 Je n'aime pas la blanquette de veau.
14:48 Je n'aime pas la blanquette de veau.
14:52 - Le pouvoir de la monnaie,
14:56 un livre absolument passionnant
14:59 qu'il faut prendre le temps de lire.
15:00 Cette histoire incroyable,
15:02 on en a commencé à parler,
15:03 qui a commencé il y a 5000 ans
15:05 et qui continue aujourd'hui.
15:07 Et de quelle façon,
15:08 Augustin Circeron,
15:12 pardon, c'est la ville qui m'a...
15:14 Alors, à partir du moment
15:19 où c'est devenu ce qu'on appelle
15:20 une monnaie d'échange,
15:21 que c'est devenu,
15:22 bon, on en parle de six ans,
15:24 mais sautons, non pas un peu les siècles,
15:27 mais quand est-ce que c'est devenu
15:29 vraiment avec les empires,
15:31 avec l'international ?
15:31 Mais vous me disiez quelque chose peut-être.
15:33 Vous disiez que la monnaie a aidé
15:36 à l'avènement de la démocratie.
15:37 Comment cela ?
15:38 - Oui, en fait, c'est ça qu'on essaye
15:42 de montrer dans ce livre.
15:43 Le propos central du livre,
15:45 c'est que la monnaie
15:47 est quelque chose de malléable.
15:50 On en a une vision figée,
15:51 mais en fait, il y a eu
15:52 énormément de transformations
15:53 des formes institutionnelles de la monnaie,
15:55 c'est-à-dire de qui contrôle les émissions,
15:57 quel est le support,
15:58 est-ce que c'est de l'or,
15:58 est-ce que c'est autre chose,
15:59 à destination de qui, etc.,
16:02 quel type de moyens de paiement on utilise.
16:03 Il y a eu énormément de transformations
16:05 au cours du temps,
16:06 et à chaque fois,
16:07 la monnaie se transforme
16:09 pour épouser les nouveaux projets de société
16:11 et donc évolue en même temps
16:13 que le reste des institutions,
16:14 y compris politiques,
16:15 y compris militaires et des technologies,
16:17 le rapport à l'écriture, etc.
16:19 Et donc, la monnaie contribue à faire société
16:22 de la même manière que la société
16:24 façonne la monnaie en retour.
16:25 - La monnaie, elle a subi une socialisation aussi.
16:29 - Voilà, complètement.
16:30 Ça nous insère.
16:31 Si on n'en a pas,
16:31 on mesure à quel point on est exclu.
16:33 Et vous parliez tout à l'heure des SDF,
16:37 bon, si on passe de plus en plus
16:39 au sans-contact,
16:40 si un jour on supprime le cash,
16:43 il faudra se demander
16:45 comment est-ce qu'on inclut tout le monde,
16:46 parce que c'est plus ou moins impossible
16:49 de vivre dans une économie de marché
16:51 sans accès à la monnaie.
16:51 On peut se procurer tout,
16:55 mais on produit soi-même qu'un seul type de bien,
16:57 on a besoin d'en passer par les autres,
16:59 et en passer par les autres,
16:59 c'est en passer par la monnaie.
17:00 Donc c'est un lien social qui nous relie au collectif.
17:04 - On va en parler de ça,
17:04 de la structure, de l'intégration du cash,
17:06 c'est encore autre chose, oui.
17:07 Alors sur la démocratie.
17:08 - Sur la démocratie,
17:09 vous avez l'invention des pièces d'or,
17:12 ça va vraiment booster les échanges
17:15 de manière décentralisée,
17:17 puisqu'il n'y a plus besoin de confiance interpersonnelle,
17:19 vous prenez la pièce d'or,
17:20 vous repartez avec, voilà.
17:21 Et puis ça se conjugue du coup
17:25 aussi avec la mise en culture
17:26 de terres plus fertiles en Italie du Sud,
17:28 ce qu'on appelle la Grande Grèce,
17:30 où il y a des plantations esclavagistes
17:32 en monoculture,
17:33 qui va être en produit,
17:35 au lieu de faire de la polyculture vivrière,
17:37 c'est-à-dire les paysans qui produisent
17:38 pour eux-mêmes, pour leur autoconsommation,
17:40 on va avoir des grandes exploitations
17:43 qui produisent que du blé ou que de...
17:45 - Monoculture.
17:47 - Monoculture destinée à l'export,
17:48 c'est-à-dire on va produire que des olives
17:50 pour faire de l'huile ou que du raisin pour faire du vin.
17:52 - Et ça c'est veiller comment,
17:53 c'est acheter comment, c'est vendre comment ?
17:54 - Et ça, ça va forcément profiter
17:57 de l'apparition des pièces de monnaie métalliques,
18:01 et du coup, l'essor du marché
18:05 qui va se produire à cette époque-là
18:07 va bouleverser les rapports sociaux
18:09 et les équilibres institutionnels,
18:12 parce qu'on va avoir une explosion des inégalités,
18:16 des gens qui s'enrichissent beaucoup,
18:17 les grands propriétaires de plantations esclavagistes,
18:21 et puis les artisans,
18:23 l'artisanat grec se développe énormément à l'époque,
18:26 et puis des gens qui s'appauvrissent
18:27 au point qu'ils tombent en esclavage pour dette,
18:29 et ça crée des tensions pas possibles dans la société,
18:33 et à tel point que des réformes sont nécessaires,
18:35 donc on a une série de législateurs successifs,
18:37 on a Solon par exemple, en 590 et quelques avant Jésus-Christ,
18:41 qui va abolir l'esclavage pour dette et compagnie,
18:44 et puis donner de plus en plus de droits
18:48 déjà aux gens qui se sont enrichis,
18:50 notamment parce qu'en s'enrichissant,
18:53 ils vont être capables de se payer des armes,
18:57 donc ça c'est ce qu'on appelle la révolution oplitique,
18:59 c'est-à-dire quand vous êtes capable de vous payer
19:01 un équipement d'oplite,
19:02 c'est-à-dire un grand bouclier rond
19:04 et une grande lance pour participer aux phalanges grecs,
19:07 eh bien vous allez verser votre sang pour la cité,
19:10 en échange vous voulez des droits politiques.
19:12 Avant c'était qu'une petite noblesse qui se battait,
19:14 si ça devient plus large parce que des gens se sont enrichis,
19:17 ils veulent plus de droits.
19:18 Alors ça commence avant l'apparition des pièces de monnaie,
19:20 mais ça va s'accentuer,
19:21 et après vous avez aussi tous ces paysans
19:24 qui ont été ruinés par la concurrence des grandes exploitations,
19:27 eux ils vont se retrouver sans revenus,
19:30 et quand Athènes va développer une immense flotte de guerre,
19:34 ils vont se retrouver rameurs dans la marine,
19:36 et donc eux aussi acquièrent un rôle militaire essentiel,
19:40 et puis dangereux, vous avez des batailles navales, etc.
19:42 Donc ils versent leur sang,
19:44 donc eux aussi ils vont obtenir des droits politiques,
19:45 et donc ça va progressivement s'élargir
19:47 et devenir la première démocratie,
19:49 la fameuse démocratie athénienne,
19:50 dont je rappelle qu'il y a quand même
19:52 quelque chose comme 200 000 esclaves pour 40 000 citoyens,
19:55 enfin c'est pas...
19:57 - On sait très bien sur quoi est bâti la démocratie,
19:58 mais ce qui n'enlève rien au mérite de la démocratie des Athénéens.
20:02 - Et puis ça fait aussi naître la philosophie
20:04 avec des tas de réactions contrastées
20:05 par rapport à ce nouvel ordre marchand.
20:07 - Et puis les gens, ils avaient le temps de philosopher.
20:09 - Oui, et le désordre provoqué par ces bouleversements sociaux
20:15 crée des interrogations et des courants de pensée différents.
20:18 Vous avez les sophistes qui trouvent ça formidable,
20:20 la loi du plus fort, la loi du marché,
20:22 et l'égalité pour tous face au marché,
20:24 vous avez Platon qui dit "non, non, il faut un communisme,
20:26 au moins pour les élites dirigeantes,
20:28 il faut que nos dirigeants ne possèdent rien,
20:30 sinon ils seront corruptibles,
20:32 et même les femmes et les enfants doivent être élevés en commun".
20:34 C'est un peu l'idéal, donc là on est dans l'utopie,
20:36 la cité idéale, c'est un peu...
20:38 Et puis Aristote qui dit "non, non, il faut réguler,
20:40 accepter quand même le marché,
20:42 mais le très intérêt, non, il faut interdire".
20:44 Donc on a des tas d'écoles de pensée
20:46 qui vont être influencées par ça.
20:48 - C'est dans le livre, c'est passionnant,
20:50 et puis on va sauter quelques siècles après cette petite pause.
20:52 - Oui, avec vous 0826 300 300,
20:54 vous nous posez vos questions
20:56 au Standard de Sud Radio,
20:58 on vous attend à tout de suite.
21:00 - Sud Radio Bercov dans tous ses états,
21:02 appelez maintenant pour réagir
21:04 0826 300 300.
21:06 - Ici Sud Radio,
21:10 les Français parlent au français,
21:14 les carottes sont cuites,
21:18 les carottes sont cuites.
21:20 - Sud Radio Bercov dans tous ses états.
21:22 - Passez la monnaie, mais elle passe,
21:26 la monnaie elle passe,
21:28 elle se transforme,
21:30 rien ne se perd, rien ne se crée là aussi.
21:32 Augustin Cercyron,
21:34 sautons quelques siècles
21:36 après les Grecs
21:38 et les Romains,
21:40 et arrivons à la création
21:42 des banques
21:44 et du marché, je crois que c'est au 19ème siècle
21:46 qu'on peut parler de ça.
21:48 - Oui, alors vous disiez, rien ne se perd, rien ne se crée,
21:50 tout se transforme, c'est peut-être vrai
21:52 en physique, mais alors
21:54 en matière monétaire, ça n'est plus vrai.
21:56 On arrive à créer de la monnaie à partir de rien.
21:58 Ça c'est la monnaie bancaire, c'est une nouvelle forme
22:00 de monnaie qui n'a rien à voir avec la monnaie
22:02 métallique inventée par
22:04 les Lydiens et les Grecs.
22:06 C'est quelque chose, en fait,
22:08 les premiers billets de banque
22:10 en version papier étaient convertibles
22:12 en or, mais on s'aperçoit assez vite
22:14 qu'on peut en imprimer un peu plus
22:16 qu'on a de stock d'or en réserve,
22:18 et tant que les gens ont confiance, ça fonctionne.
22:20 - On peut y aller. - Et puis alors, quand les gens ont plus
22:22 confiance, ils se mettent à douter,
22:24 premier arrivé, premier servi, et puis dernier arrivé,
22:26 il n'y a plus rien. Et ça c'est toujours vrai aujourd'hui,
22:28 il y a encore ces phénomènes de ruée
22:30 bancaire, les fameux "bank runs",
22:32 ça existe encore avec la Silicon Valley Bank,
22:34 on l'avait vu récemment.
22:36 - Et ça, les autres n'ont plus que leurs yeux pour pleurer.
22:38 - Voilà. - Ou à Madoff et compagnie.
22:40 - Voilà. - C'est autre chose.
22:42 - Et donc finalement,
22:44 mais c'est un peu le même principe,
22:46 donc finalement, ça c'est une lente
22:48 émergence, parce que dès
22:50 le 17ème siècle, 18ème siècle,
22:52 il y a des banques, etc.
22:54 Après, ça va vraiment
22:56 prendre son essor au 19ème siècle,
22:58 avec la révolution industrielle,
23:00 qu'on n'aurait pas pu financer simplement avec
23:02 les stocks d'or et d'argent disponibles,
23:04 et donc on se met à créer ces monnaies
23:06 papiers, et puis aussi les monnaies
23:08 scripturales, c'est-à-dire un jeu
23:10 d'écriture. Donc ça, c'est
23:12 la monnaie bancaire qui domine aujourd'hui.
23:14 C'est quoi ? C'est simplement
23:16 le solde qui est écrit sur votre
23:18 compte courant, les dépôts à vue,
23:20 si vous avez écrit 1000 sur votre compte courant à la banque,
23:22 c'est de la monnaie, et vous pouvez faire
23:24 des paiements directement avec, avec votre carte bancaire,
23:26 votre chéquier, des virements, etc.
23:28 - Ils seront acceptés parce que vous avez votre solde à la banque de temps.
23:30 - Voilà. Et sans avoir besoin
23:32 d'en passer par des billets,
23:34 qui eux-mêmes ne sont même plus convertibles en or.
23:36 Donc là, il faut savoir quand même qu'aujourd'hui, on a
23:38 85% de la masse monétaire, c'est de la
23:40 monnaie scripturale, et les billets et les
23:42 pièces, c'est jusqu'à 15%. Donc voilà,
23:44 l'essentiel, ça passe vraiment...
23:46 On a toujours la vision de la... - 85%
23:48 c'est quoi ? Les cartes
23:50 de crédit, vous les mettez dans la
23:52 monnaie scripturale ? - Oui, les cartes de crédit,
23:54 c'est pas de la monnaie, c'est un instrument de
23:56 payement, c'est un moyen de mobiliser la monnaie qu'on a
23:58 sur notre compte courant. Donc, la monnaie scripturale,
24:00 c'est simplement tous vos comptes courants, les dépôts
24:02 à vue, pas le livret A, etc.
24:04 Mais vraiment, votre compte courant
24:06 à la BNP, à la Société Générale ou autre,
24:08 ça c'est de la monnaie, et si on fait,
24:10 si on additionne tout ce qu'il y a,
24:12 tous les comptes courants de tous les
24:14 agents, les ménages, les entreprises, etc.
24:16 dans toute l'économie, ça c'est
24:18 de la masse monétaire, si on rajoute les pièces et les billets
24:20 en circulation. - Et c'est 85% ça ?
24:22 - 85%, ce sont les dépôts
24:24 qui n'existent que sous forme purement de jeux
24:26 d'écriture comptable. - Je comprends. - Et donc, un jeu
24:28 d'écriture comptable, c'est très facile à créer,
24:30 à écrire 1000 sur un compte courant, c'est très
24:32 facile. Mais comment ça se crée, en fait ?
24:34 Au départ, je vous disais
24:36 donc, on a
24:38 un stock d'or, on s'aperçoit qu'on peut
24:40 créer un peu plus de billets, les prêter
24:42 aux gens, et puis voilà, bon, là c'est toujours
24:44 le même système, c'est-à-dire que ce sont les banques
24:46 qui vont prêter, en fait
24:48 on croit, on a la vision fausse que c'est
24:50 la banque centrale qui crée la monnaie,
24:52 et qu'on a la vision en plus de la planche
24:54 à billets, donc on voit la monnaie comme essentiellement des pièces et des billets.
24:56 - C'est ce qu'on dit, la banque centrale qui active
24:58 la planche à billets, c'est ce qui passe. - Mais c'est une expression,
25:00 mais en fait, derrière,
25:02 85% de la monnaie, c'est pas des pièces et des billets,
25:04 mais surtout, c'est pas la banque centrale qui crée la masse
25:06 monétaire, ce sont les banques privées. Aujourd'hui,
25:08 c'est un pouvoir privé qui a le contrôle sur
25:10 l'émission de la monnaie, ce qui est quand même
25:12 une sacrée nouveauté. - Depuis quand, ça ?
25:14 - Alors, ça s'est fait progressivement,
25:16 cette création de monnaie,
25:18 non pas par l'or,
25:20 mais par des prêts, en fait.
25:22 Enfin, pour répondre
25:24 juste tout de suite à votre question,
25:26 aux Etats-Unis, au début
25:28 des années 1870, donc fin du
25:30 19ème, on a
25:32 50%
25:34 de la masse monétaire
25:36 qui est
25:38 déjà sous forme
25:40 purement scripturale, et en
25:42 1930-1935,
25:44 on doit déjà être à 90%.
25:46 Mais ça s'est fait progressivement.
25:48 Alors, comment ça fonctionne ?
25:50 Concrètement, la banque,
25:52 elle crée la monnaie à partir de rien,
25:54 ex nihilo, comme on dit, elle n'a pas besoin d'en avoir
25:56 en réserve. On croit que les banques
25:58 empruntent des dépôts aux gens, et puis
26:00 ils vous reprêtent l'argent qu'ils ont emprunté. - Vous voulez dire que la banque n'a pas besoin
26:02 d'avoir de l'argent en réserve pour créer de l'argent ?
26:04 - Pour vous en prêter. - Elle le crée
26:06 pour vous prêter de l'argent. - Voilà. Donc vous allez
26:08 à la banque pour lui emprunter
26:10 10 000 euros pour acheter une voiture,
26:12 je sais pas, 100 000 euros pour acheter un appartement, n'importe.
26:14 - Vous voyez l'appartement, oui. - Elle va
26:16 créer la somme à partir de rien,
26:18 elle vous prête de l'argent qu'elle n'a pas. Elle le crée
26:20 à partir de rien, et donc c'est pas
26:22 "j'emprunte de la main droite et je reprête de la
26:24 main gauche". Non, non, c'est vraiment...
26:26 Et du coup, c'est sans limite. Elles peuvent créer de la monnaie
26:28 en un sens sans limite, mais le truc
26:30 c'est que cette monnaie sera détruite
26:32 quand vous rembourserez.
26:34 - Donc ça fait que la masse monétaire n'explose
26:36 pas en permanence. - Ah oui.
26:38 - Donc il faut s'imaginer la masse monétaire
26:40 non pas comme un stock d'argent
26:42 en circulation qui soit fixe,
26:44 mais comme une différence entre
26:46 deux flux. Le flux des nouveaux paiements
26:48 et le flux des remboursements qui détruisent.
26:50 Donc comme une baignoire qui se remplit en permanence
26:52 et qui se vide en même temps en permanence.
26:54 Et donc,
26:56 en fait, ce qui se passe,
26:58 c'est que...
27:00 Donc ce qui se passe, c'est que
27:02 du coup, elle va vous prêter
27:04 cet argent, elle ne le fera
27:06 que si ça va lui rapporter
27:08 un intérêt. Et donc, on ne crée
27:10 de la monnaie aujourd'hui que pour financer
27:12 quelque chose qui va rapporter de l'argent.
27:14 Des crédits. Donc c'est par la dette.
27:16 Donc à chaque fois qu'on crée un euro
27:18 de monnaie supplémentaire,
27:20 eh bien, on crée un euro de dette supplémentaire.
27:22 Ce qui, à notre époque, commence à poser problème.
27:24 Et puis... - Oh la la, oui.
27:26 - Il y a quand même une limite au pouvoir de création monétaire
27:28 des banques. C'est que...
27:30 Bon, imaginons...
27:32 Vous allez faire quoi de cette monnaie ?
27:34 J'ai écrit 1000 euros sur votre compte courant,
27:36 je suis le banquier, et je l'ai créé à partir de rien.
27:38 Vous allez l'utiliser pour acheter quelque chose
27:40 à M. Dupont.
27:42 Si M. Dupont est dans la même banque que vous,
27:44 eh bien, vous faites un virement,
27:46 vous payez par carte, vous faites un chèque, peu importe.
27:48 La banque, tout ce qu'elle a à faire, c'est rayer
27:50 1000 dans votre compte et écrire 1000 dans le compte de M. Dupont.
27:52 C'est un jeu d'écriture, il n'y a rien qui sort
27:54 de ses livres de compte à elle.
27:56 Donc elle n'a besoin de rien pour avoir fait ça.
27:58 Mais il y a quand même deux moments où elle a besoin
28:00 de se procurer de la monnaie créée par la Banque Centrale.
28:02 C'est, soit si vous faites un retrait de billets aux distributeurs,
28:08 là, elle n'a pas le droit de créer elle-même les billets,
28:10 donc elle doit les emprunter à la Banque Centrale.
28:12 Donc elle en a toujours un petit peu en stock.
28:14 Mais enfin, encore une fois, c'est 15% de la masse monétaire totale.
28:16 Donc c'est quand même mineur.
28:18 Et puis, deuxièmement, si vous faites un virement à M. Dupont,
28:21 mais qu'il est dans une autre banque,
28:23 alors votre banque va devoir la somme à l'autre banque.
28:26 Si vous êtes à la Société Générale et qu'il est à la BNP,
28:28 la Société Générale doit payer 1 000 euros à la BNP.
28:31 Alors évidemment, ils attendent quand même la fin de la journée
28:33 pour voir s'il n'y a pas des clients qui ont fait des paiements
28:35 en sens inverse et ils ne vont se régler que le solde.
28:37 - Je comprends.
28:38 - Donc là encore, c'est assez minime comme somme,
28:40 mais quand même, et quelle monnaie les banques utilisent-elles
28:44 pour se régler entre elles les paiements interbancaires ?
28:47 Eh bien, c'est de la monnaie émise par la Banque Centrale.
28:51 Ce n'est pas des pièces et des billets concrets,
28:53 c'est de la monnaie scripturale, là aussi.
28:55 C'est-à-dire que chaque banque a son propre compte courant
28:58 à la Banque Centrale et elle se règle comme ça,
29:01 en empruntant l'argent à la Banque Centrale pour faire les règlements.
29:04 Donc la Banque Centrale elle-même crée aussi l'argent en le prêtant.
29:07 Donc c'est tout un mécanisme de dette.
29:11 - Juste une chose, quand vous dites "elle n'a pas besoin d'avoir le 1 000 euros
29:14 pour me donner, par exemple, je fais un emprunt,
29:17 ils vont s'assurer que j'ai de quoi payer,
29:19 mais bon, quelquefois ça ne marche pas.
29:22 Mais comment peuvent-ils, par exemple, parlons pas de 1 000 euros,
29:24 mais mettons que j'ai besoin d'acheter un appartement
29:26 qui vaut 100 000 euros, un studio, etc.
29:29 Je dis "voilà, alors bon,
29:32 eux qui me prêtent, mettons, 60 000 euros ou 50 000 euros,
29:36 ils peuvent ne pas les avoir du tout."
29:38 - Voilà, ils le créent à partir de rien.
29:40 Et après, si en fin de journée, ils doivent à la banque d'à côté,
29:44 je ne sais pas, 1 000 euros sur ces 100 000 euros,
29:47 parce que finalement, comme il y aura eu des paiements réciproques
29:50 dans tous les sens, il ne leur faut pas grand-chose.
29:52 Donc, s'il faut 1 000 euros pour couvrir les retraits de billets,
29:55 ils vont emprunter cet argent à la banque centrale.
29:57 - D'accord.
29:58 - Et voilà. Donc, c'est vraiment créé à partir de rien.
30:00 Ce qui veut dire quoi ?
30:02 Avec des contraintes de solvabilité, c'est-à-dire que
30:04 si vous ne remboursez pas, etc., ils font des pertes,
30:06 et donc, il y a des limites au système.
30:10 Mais en soi, la masse monétaire n'est plus du tout indexée
30:13 sur un stock de métal précieux, comme à l'époque de l'État noir.
30:16 Donc, on peut en créer sans limites.
30:18 Et je dirais, on le crée...
30:20 Le grand changement, c'est que quand on était dans des monnaies or,
30:23 l'or, quelque part, c'était un stock de richesses passées.
30:26 - Oui, c'était l'or.
30:28 - Donc, c'était une monnaie, quelque part, tournée vers le passé
30:30 et la richesse accumulée.
30:31 Là, cette monnaie-là, on l'a créée en fonction d'un projet d'avenir.
30:34 Donc, typiquement, parce que là, on a pris l'exemple des ménages,
30:37 mais le centre...
30:38 - Mais c'est quoi, le projet d'avenir ?
30:40 - Votre projet d'avenir, c'est que vous,
30:43 si vous empruntez 100 000 euros pour acheter un studio,
30:45 vous pensez quand même que pendant 15-20 ans,
30:48 vous allez avoir des flux de revenus futurs,
30:50 un salaire qui va vous permettre de rembourser,
30:52 de vous projeter dans l'avenir.
30:54 Le projet d'avenir, c'est la créance que la banque a sur vous,
30:56 c'est une promesse sur l'avenir.
30:58 On ne regarde pas le passé, on regarde l'avenir.
31:00 Et puis, en fait, là, on prend l'exemple des ménages,
31:02 mais ce qui est central dans la création monétaire,
31:04 c'est les prêts que les banques accordent aux entreprises.
31:07 Et donc, c'est là où, dans la révolution industrielle,
31:10 on change vraiment de paradigme.
31:12 On a une société tournée non plus vers le passé, mais vers l'avenir.
31:15 Et donc, un entrepreneur vient voir une banque,
31:17 il dit "j'ai le projet de produire tant de pots de yaourt,
31:21 ou n'importe quoi, il me faut de l'argent,
31:23 j'emprunte à la banque, avec ça, je paye mes salariés,
31:26 donc l'argent passe des entreprises aux ménages,
31:29 les ménages consomment, l'argent revient vers les entreprises,
31:32 les entreprises peuvent rembourser leurs dettes,
31:34 et l'argent est détruit, il est revenu chez les banques, il est détruit.
31:36 Et après, un nouveau cycle de production va recréer et redétruire.
31:39 Donc, il y a de l'argent qui se crée et qui se détruit en permanence.
31:43 Et tout ça, c'est un projet d'avenir,
31:45 on anticipe qu'on va réussir à écouler 100 000 pots de yaourt.
31:49 - En 25 ans, oui.
31:51 - Sur les entreprises, c'est des cycles de production plus courts,
31:54 parfois c'est des cycles très longs, etc.
31:56 Donc, c'est tourné vers l'avenir,
31:58 et là encore, la monnaie évolue en même temps que l'ensemble de l'ordre social,
32:03 parce que sur le plan politique, il se passe la même chose.
32:05 Dans l'ancien régime, avant le 19ème siècle,
32:08 on était roi de France, parce qu'en fonction du passé,
32:12 on avait hérité du sang royal, de toute une lignée ancestrale.
32:17 Aujourd'hui, on est président de la République,
32:19 parce qu'on a été élu sur un projet d'avenir.
32:21 Donc, c'est toute la société qui s'est mise à regarder vers le futur.
32:24 Et donc, là encore, la monnaie évolue en même temps que la société,
32:27 dans la même direction, permet la révolution industrielle,
32:30 permet toute la modernité,
32:32 et de plus en plus, aujourd'hui, malheureusement, orientée vers la finance.
32:36 C'est-à-dire que le petit circuit que je vous ai décrit,
32:38 où on prête à un entrepreneur qui produit des pots de yaourt,
32:40 qui paye des gens, etc., à la place,
32:42 les banques, depuis les années 80, se sont mises
32:44 à plutôt que faire des prêts, des crédits,
32:46 ils se mettent à acheter des titres sur les marchés financiers.
32:49 Ils créent de la monnaie à partir de rien pour ça,
32:51 et ça va gonfler des bulles spéculatives, et détourner l'argent.
32:53 C'est pour ça qu'on manque d'argent dans tous les domaines.
32:55 - Et on a connu ça, et on connaît encore ça aujourd'hui,
32:59 moult exemples.
33:01 Après cette petite pause, on va peut-être prendre les auditeurs.
33:03 - On va se retrouver dans un instant.
33:05 On aura Julien qui nous appelle depuis Marseille.
33:07 A tout de suite, Julien, on vous attend.
33:10 Sud Radio Bercov, dans tous ses états,
33:12 midi 14h, André Bercov.
33:14 - Ici Sud Radio.
33:18 Les Français parlent au français.
33:23 Je n'aime pas la blanquette de veau.
33:26 Je n'aime pas la blanquette de veau.
33:29 Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
33:31 - 13h47 sur Sud Radio, nous sommes ensemble jusqu'à 14h,
33:34 on accueille Julien qui nous appelle depuis Marseille.
33:36 Bonjour Julien.
33:37 - Bonjour Julien.
33:39 - Bonjour André, bonjour à votre invité.
33:41 C'est très très intéressant ce qu'il raconte.
33:43 Alors moi j'ai une question.
33:45 Que pensez, en sachant que celui qui frappe la monnaie a le pouvoir,
33:49 sur celui qui l'utilise,
33:51 que pensez des Américains qui sont arrivés en 40 ans avec une monnaie
33:54 et que De Gaulle n'a pas voulu mettre en circulation,
33:56 et a posteriori, savoir que les Américains ont réussi
33:59 à imposer le dollar au monde entier,
34:01 donc à imposer leur supériorité,
34:03 et aujourd'hui on a un combat des monnaies
34:05 entre le yuan et le dollar,
34:08 qui fait que celui qui a la monnaie dominante
34:10 a le pouvoir sur le reste du monde.
34:12 - Oui.
34:13 - Ecoutez, c'est une très bonne question,
34:15 effectivement on voit De Gaulle,
34:17 quelqu'un qui avait tout à fait compris
34:19 que la monnaie c'est une institution centrale
34:21 et que la monnaie a du pouvoir
34:23 et que celui qui en a, a le pouvoir de la monnaie.
34:26 Et du coup c'est pour ça d'ailleurs que c'est un enjeu citoyen et démocratique,
34:29 il faut s'emparer de ces questions qui peuvent paraître un peu techniques,
34:32 un peu absents, mais il ne faut pas les délaisser.
34:34 La question de savoir qui contrôle les missions de la monnaie est essentielle.
34:37 Effectivement les Américains en débarquant
34:39 de toute façon avaient un projet
34:41 de mettre totalement la France sous tutelle,
34:44 ils avaient le projet de l'AMGOT,
34:46 l'American Government of Occupied Territories.
34:49 Donc voilà, et c'est De Gaulle qui a réussi à éviter
34:52 qu'on soit occupé comme les Allemands,
34:54 avec un gouvernement d'administration coloniale américaine.
35:00 Et pareil, il avait créé aussi,
35:02 quand il était à Londres,
35:04 il avait créé la Banque des Français à l'étranger,
35:07 qui est devenue aujourd'hui l'Agence Française de Développement,
35:10 parce qu'il savait très bien qu'il fallait
35:12 que la résistance puisse gérer un peu ses propres fonds.
35:16 Donc c'est des enjeux tout à fait énormes.
35:19 Sauf que le dollar a triomphé partout.
35:21 Après la guerre, les Américains,
35:24 c'est eux qui dominent complètement
35:28 sur le plan industriel, sur le plan de l'économie réelle,
35:30 ils ont fait le fordisme avant les autres,
35:32 ils n'ont pas eu la guerre sur leur sol, etc.
35:34 Et donc, finalement, le système monétaire international
35:38 de Bretton Woods, qui s'installe en 1944,
35:40 c'est de dire que les monnaies des pays européens
35:43 ne reviennent plus à la convertibilité or,
35:45 c'est impossible, on a essayé dans l'entre-deux guerres,
35:47 ça n'a pas marché, et c'est encore moins possible après.
35:50 Et en revanche, on fait un étalon "change or",
35:54 c'est-à-dire que les monnaies, le franc, la livre, etc.,
35:58 sont échangeables à taux fixe,
36:00 c'est des échanges fixes,
36:02 avec le dollar qui lui-même est convertible en or.
36:04 Mais c'était un peu une fiction,
36:06 parce qu'on comptait sur le fait que tout le monde
36:08 avait confiance dans le dollar et n'osait pas vraiment demander,
36:11 et De Gaulle, toujours lui, dans les années 60,
36:13 avait volé dans les plumes des Américains
36:15 en demandant, lui, qu'on lui envoie son or,
36:17 et il voulait d'ailleurs, je crois, envoyer un navire militaire
36:20 pour récupérer l'or à New York, qui est jusqu'à destin lui.
36:23 - Aujourd'hui, tout le monde veut récupérer l'or,
36:25 vous avez Poutine et compagnie, oui.
36:27 - Sauf qu'aujourd'hui, c'est plus convertible en or,
36:29 puisque en 71, Nixon explique au monde
36:32 que le dollar, c'est notre monnaie, mais c'est votre problème,
36:35 on ne va pas s'occuper de maintenir la convertibilité,
36:37 mais simplement, c'était devenu, entre-temps,
36:40 la monnaie du commerce international
36:43 et la monnaie de réserve mondiale,
36:46 ce qui était la monnaie anglaise avant.
36:49 Et puis, cette monnaie-là, comme dit David Graeber,
36:53 l'hégémonie du dollar est aussi soutenue
36:55 par l'impérialisme américain, au sens où
36:58 on a un pays qui a 800 bases militaires dans le monde entier,
37:01 qui a 7 porte-avions, etc.
37:05 Donc, ceux qui ont essayé d'arrêter de vendre leur pétrole
37:10 en dollars, comme Saddam Hussein, ont eu quelques problèmes.
37:13 - Sauf qu'aujourd'hui, ça change.
37:15 - Voilà, et aujourd'hui, c'est en train de changer.
37:17 - Aujourd'hui, l'Arabie Saoudite vend son pétrole à la Chine en yuans.
37:19 - L'Arabie Saoudite, elle avait fait le pacte du Quincy
37:22 avec Roosevelt, lui aussi, Roosevelt voyait très bien
37:26 l'importance de qui contrôle la monnaie.
37:29 Et donc, quand il était venu, je crois que c'était
37:31 pour la conférence de Yalta, ou je ne sais plus laquelle,
37:33 il vient en Europe, il fait un petit détour par l'Arabie Saoudite
37:35 et il leur explique, il fait un pacte, même pas avec le pays,
37:38 avec la famille Saoud, en disant "on vous maintient au pouvoir,
37:42 en échange, 1. vous nous vendez votre pétrole à nos compagnies,
37:45 mais aussi, vous vendez le pétrole au reste du monde en dollars".
37:50 - Bien sûr. - Et ça, c'est fini.
37:54 - Et c'est fini depuis 2-3 ans, c'est en train de tomber.
37:57 - On va remercier Julien qui nous a appelés,
37:59 on accueille Emmanuel qui nous appelle depuis la Bretagne.
38:01 Bonjour Emmanuel. - Bonjour à vous.
38:04 - Bonjour à tous les deux. Alors moi, je vous écoute
38:07 et je voudrais essayer d'être claire et vous poser une question.
38:10 Depuis maintenant quelques années, à côté de l'économie traditionnelle,
38:14 s'est développée l'économie sociale et solidaire.
38:17 On parle beaucoup de souveraineté, de consommé local
38:20 et on a vu l'essor de monnaie locale citoyenne
38:24 et qui ne se développe pas simplement ni en Bretagne, ni en France,
38:27 mais également en Belgique aujourd'hui.
38:29 Alors j'aimerais beaucoup savoir ce que vous pensez des monnaies locales,
38:32 sachant qu'il y a aujourd'hui des banques qui sont spécialisées
38:36 dans l'économie sociale et solidaire.
38:38 - Très bonne question, merci beaucoup.
38:40 Alors effectivement, il y a un essor assez formidable des monnaies locales,
38:43 ça marche bien, les gens s'en emparent.
38:46 Il y en a qui ne marchent pas, il y en a qui marchent très bien,
38:49 il y en a une, le nombre ne revient pas, mais aux Pays-Basques,
38:52 qui marche très bien.
38:53 Après, il faut avoir conscience que ça ne pèse tout ensemble,
38:57 elle ne pèse même pas 1% de la masse monétaire,
38:59 donc ça reste complètement anecdotique.
39:01 Mais c'est révélateur d'un besoin de la société de se réapproprier la monnaie,
39:06 dont on a l'impression quand même,
39:08 que même si on ne comprend pas forcément comment ça marche,
39:11 on sent bien qu'on n'a plus tellement le pouvoir dessus
39:13 et que ça va toujours au même
39:15 et qu'on en manque partout.
39:17 Il y a plusieurs manières de contester l'ordre monétaire institutionnel actuel,
39:21 il y a les monnaies locales, qui sont sur un projet communautaire, local,
39:25 il y a le bitcoin, sur un projet beaucoup plus libertarien, anarcho-capitaliste,
39:31 une monnaie sans état,
39:33 et puis il y a des projets de réforme, comme celui qu'on propose dans le livre,
39:37 avec toujours cette idée qu'il faut réformer en profondeur la monnaie
39:41 pour réformer la société.
39:43 On sait bien qu'on ne va pas changer toute la société juste en changeant la monnaie.
39:46 Mais on ne changera pas la société radicalement sans changer aussi la monnaie.
39:50 On remercie Emmanuel, on accueille Julien qui nous appelle depuis l'Essonne.
39:53 Bonjour Julien.
39:54 Oui, bonjour André, bonjour à votre hôte.
39:56 Bonjour Julien.
39:57 Je vous remercie André de parler de ce sujet,
40:00 parce que souvent il est très souvent volontairement oublié des médias.
40:03 Et moi il y a une chose que je voudrais rappeler,
40:05 c'est qu'on entend souvent les journalistes à tort parler de monnaie unique.
40:10 Non, en fait l'euro c'est une monnaie commune,
40:12 parce qu'il ne faut pas oublier que ça repose, vous l'avez très bien dit,
40:15 sur la confiance, la monnaie c'est essentiellement de la confiance.
40:18 Et qu'en fait aujourd'hui on a chaque pays qui conserve sa banque nationale.
40:23 C'est dire que les Allemands n'ont pas tellement confiance dans les Grecs,
40:26 dans les Espagnols et même plus loin dans les Français.
40:29 Mais en fait ce qui se passe c'est qu'on a toujours notre souveraineté
40:35 en ayant donné ce pouvoir ultime, transféré ce pouvoir ultime à la BCE.
40:38 Moi je considère que non, et qu'on n'a pas de solution
40:41 si on veut reprendre le pouvoir, ça s'appelle Frexit et ça s'appelle nouveau franc.
40:44 - Alors justement, attendez, j'ai bien compris Julien,
40:47 mais je voudrais, comme on arrive en fin d'émission, et merci de votre question,
40:50 est-ce que effectivement le problème, parce qu'on en parle beaucoup,
40:53 ceux qui veulent sortir de l'euro, parce que justement,
40:56 ce qu'il dit Julien, pas monnaie unique, et ceux qui ne veulent pas sortir,
40:59 est-ce qu'aujourd'hui la transformation de la société passe,
41:03 alors pour vous, hein, pour vous, par la disparition de l'euro,
41:05 ou en tout cas la fragmentation, ou je ne sais pas,
41:08 ou un autre statut pour l'euro ?
41:10 - Oui, alors je voudrais d'abord répondre,
41:12 je pense avoir démasqué un militant de l'UPR,
41:15 ou un sympathisant, François Asselineau explique effectivement ça,
41:18 que ce n'est pas vraiment une monnaie unique,
41:21 puisqu'on a gardé, donc la Banque de France existe toujours,
41:23 il y a les banques centrales nationales,
41:25 mais il y a par-dessus la BCE,
41:27 et elles ont encore chacune leur propre compte,
41:30 et dans le système de paiement inter-banque centrale Target 2,
41:33 on voit combien chacune doit à l'autre théoriquement,
41:36 sauf qu'on ne règle jamais ses soldes,
41:38 parce qu'on a quand même, moi je considère qu'on a quand même une monnaie unique,
41:41 pour la raison que d'abord les pièces et les billets,
41:44 et puis l'unité de compte, et j'ai insisté sur l'importance de l'unité de compte,
41:47 et la même, mais on peut considérer que c'est une monnaie unique,
41:52 inachevée, parce que les allemands voulaient prévoir une possibilité de sortie,
41:57 est-ce que l'euro va éclater ?
42:00 Honnêtement, moi je l'ai pensé, en 2015,
42:03 avec la crise grecque, etc.,
42:05 ce qui est sidérant, c'est la résilience de cette monnaie,
42:10 qui était mal fichue, parce qu'on a une zone monétaire unique,
42:13 sans un pouvoir souverain unique,
42:16 et donc sans politique budgétaire unique, etc.
42:19 Oui, et puis le budget de l'Union Européenne, c'est bien gentil,
42:22 mais c'est 1% du PIB, 2% du PIB,
42:24 c'est pas 20-25% comme aux Etats-Unis, l'Etat fédéral,
42:28 or c'est très très dur de gérer une zone monétaire,
42:32 qui a beaucoup d'hétérogénéité,
42:34 où les systèmes productifs ne sont pas du tout les mêmes, etc.
42:37 sans politique budgétaire coordonnée,
42:41 sans politique sociale coordonnée, etc.
42:43 Après, est-ce que ce serait aussi très compliqué à démanteler ?
42:48 Ça aurait beaucoup de répercussions qui sont dures à anticiper,
42:54 notamment qui ferait les frais des soldes Target 2, etc.
42:58 Ça pourrait ruiner la confiance, c'est dangereux.
43:01 L'idéal serait peut-être de faire évoluer l'euro
43:04 pour reprendre un pouvoir démocratique dessus,
43:07 mais ça, c'est changer les traités, ça ne se fait qu'à l'unanimité.
43:10 Nous, on a justement fait une proposition de réforme
43:13 pour créer de la monnaie sans dette,
43:16 même que j'en parle un peu, c'est la proposition du livre.
43:20 C'est quoi, après, rapidement, parce qu'on a une fin d'émission ?
43:23 On essaie juste de rendre ça...
43:25 On a un plan B qui reste compatible avec les traités tels qu'ils sont,
43:29 parce qu'on sait qu'ils sont durs à changer.
43:31 Alors, de la monnaie sans dette, qu'est-ce que c'est ?
43:33 En une phrase.
43:34 En une phrase, c'est l'idée que,
43:36 puisque la monnaie peut se créer par un simple jeu d'écriture comptable,
43:39 pourquoi en passer par la dette ?
43:40 Pourquoi, forcément, il faudrait la prêter, cette monnaie ?
43:43 On peut avoir confiance dans la monnaie, indépendamment de savoir si on l'a prêtée ou pas.
43:46 D'ailleurs, les gens acceptent ce moyen de paiement sans savoir
43:49 combien il y a de créances à l'actif de la Banque centrale.
43:52 Et ça, ça permettrait de désendetter l'État, les ménages, etc.
43:56 Et de financer tous les investissements qui sont indispensables
43:59 pour les raisons sociales, écologiques ou autres,
44:02 mais qui ne sont pas financièrement rentables.
44:03 Et qu'on ne peut pas financer avec de la monnaie bancaire.
44:05 Transformons la monnaie pour transformer la société.
44:08 On reparlera de tout ça, parce que ça mérite une autre émission
44:13 où on parlera des solutions.
44:15 Merci, Augustin Cercieron d'avoir été avec nous.
44:17 Vous publiez ce livre "Le pouvoir de la monnaie"
44:19 avec Gézabelle Coupé-Souberan et Pierre Delandre.
44:21 Tout de suite, vous avez rendez-vous avec Brigitte Lahaye sur Soudradio.
44:24 Demain, c'est Alexis Poulin qui sera là de midi à 13h.
44:26 Et André Bercoff, la culture, demain à 13h-14h avec Abnous,
44:29 Shalmani et Céline Alonso.
44:31 A demain sur Soudradio.
44:32 Soudradio, parlons vrai.