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Anne Fulda reçoit Pascal Picq pour son livre «Itinéraire d’un enfant des Trente Glorieuses» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Pascal Picque.
00:02 Alors vous êtes paléoanthropologue.
00:04 Vous êtes ancien chercheur au Collège de France, à l'Université de Diouk.
00:08 Vous avez écrit déjà de nombreux livres, dont des succès d'édition
00:12 "Qu'est-ce que l'humain et l'évolution créent à la femme".
00:15 Et vous venez de publier aux éditions Flammarion
00:18 "Itinéraires d'un enfant, des trente glorieuses",
00:20 un récit qui est éclairant, enlevé, qui décrit votre propre parcours
00:26 entre mélange souvenirs intimes et considérations plus générales.
00:30 Alors votre parti pris, celui de raconter l'histoire de l'évolution
00:33 à l'échelle d'une vie, la vôtre, pourquoi ce choix ?
00:36 D'abord, une demande, puisque dans de nombreuses conférences,
00:40 on me demandait par exemple "Ah mais tiens, comment se fait-il
00:43 que tu ne craignes pas le changement tel qu'on le connaît aujourd'hui ?"
00:47 Et je dis "Vous savez, quand on est exproprié à l'âge de 10 ans,
00:50 on connaît le changement".
00:52 Donc je suis un nomade social, d'une certaine manière, je n'ai pas de racines
00:55 parce que mes parents étaient maraîchers ouvriers à Gennevilliers,
00:58 dans la petite couronne, qui était toute verte avant la banlieue.
01:00 Et après ça, évidemment, toute ma vie, ça a été une succession d'adaptations.
01:04 Alors vous racontez toutes ces adaptations, effectivement,
01:08 cet épisode-là, vous racontez Gennevilliers, vous racontez
01:11 ce paysage qui change, le crépuscule agricole.
01:14 Et cette phrase d'ailleurs de votre père en 1966, quand vous étiez exproprié,
01:18 tu vois "la terre s'en va", qui est une très jolie phrase
01:21 qui résume bien les dramatiques.
01:24 Oui, parce que, évidemment, il a fallu partir.
01:26 Et le choc, c'était de voir les bulldozers qui arrivent et qui
01:30 qui prennent la terre, qui l'appellent parce que cette terre, évidemment,
01:33 on sait aujourd'hui, elle est riche de biodiversité,
01:35 il y a de l'humus, c'est essentiel pour l'agriculture, évidemment pour la vie.
01:39 À l'époque, je n'avais pas assez de conscience de cela,
01:41 mais ce souvenir m'est revenu et m'a beaucoup ému.
01:44 Et c'est vrai, ça termine le premier chapitre
01:47 qui montre quand même ces bouleversements qui vont arriver
01:49 avec les années 60, 70, c'est-à-dire c'est une période quand même
01:54 de l'évolution de l'humanité comme jamais dans l'histoire de l'humanité.
01:58 Oui, alors vous qui êtes un pur représentant
02:00 de ce qu'on appelle la génération des baby boomers,
02:02 vous avez l'impression que vous avez subi des transformations
02:05 bien plus importantes que ceux qui vous ont précédé avant,
02:08 sur un temps concentré, en fait, c'est ça ?
02:10 Les changements sont assez rapides.
02:12 C'est ce qu'on appelle chez nous les évolutionnistes, les équilibres ponctués.
02:15 L'évolution, c'est des périodes de relative stabilité,
02:18 également d'évolution ou de co-évolution, et des périodes de changements rapides
02:21 qu'on appelle les crises, mais nous des ponctuations.
02:24 Et il est vrai que lorsqu'on regarde par rapport à ma génération,
02:27 depuis que je suis né, la population mondiale a été multipliée par trois.
02:30 Il y a eu des avancées absolument considérables sur le plan quantitatif,
02:34 je viens de le citer, et qualitatif.
02:36 En fait, l'augmentation de la population mondiale est moins liée à une fièvre nataliste,
02:40 même si nous connaissons la révolution sexuelle des années 70, rock'n'roll, etc.
02:43 C'était plutôt sympa, je peux dire, mais aussi l'augmentation de l'espérance de vie.
02:48 Et derrière cela, quand je suis devant des auditoires, je dis
02:51 qu'est-ce qui nous oblige à nous adapter ?
02:53 On dit oui, il y a des changements climatiques, les météorites pour les dinosaures,
02:57 tous en y pensent, le volcanisme.
02:59 Ah, on commence avec la crise de la Covid à dire
03:01 qu'il y a quand même des saletés de virus qui nous tombent dessus.
03:03 Évidemment, ça pose des problèmes, mais la vraie raison qui oblige à s'adapter,
03:07 et ça, ça sort promptement, c'est le succès.
03:09 C'est-à-dire que de multiplier par trois la démographie mondiale en 50 ans,
03:14 on voit les conséquences sur les biodiversités et sur le climat.
03:17 Et ça oblige évidemment à s'adapter.
03:19 Donc, c'est très difficile à faire comprendre parce que...
03:22 Ah, mais attendez, pourquoi ça ne continuerait pas comme avant ?
03:24 Eh bien, non. Et c'est là qu'il faut.
03:26 Et ce sont les grandes interrogations aujourd'hui
03:28 pour ce qui nous attend en termes d'évolution humaine,
03:31 les grands enjeux de mettre en place le monde de demain.
03:34 Et ça, ce n'est pas encore très clair.
03:36 - Alors, ce qui est intéressant, c'est que vous dites à votre propre échelle,
03:40 vous vous définissez comme un nomade social
03:43 et vous semblez dire que ce type de parcours, c'est-à-dire que vous,
03:47 quand vous avez dit que vous vouliez faire Polytechnique,
03:49 on vous a dit que ce n'était pas pour vous.
03:53 Mais vous avez quand même fait des études, vous êtes devenu...
03:55 - Ah, ça c'est vrai, c'est pas trop mal.
03:56 - ... votre étude quand même.
03:57 Et aujourd'hui, vous dites que la France est devenue
04:01 la championne de la reproduction sociale.
04:03 C'est plus compliqué.
04:04 - C'est plus compliqué. Il y avait quand même...
04:06 J'ai bénéficié, quand j'étais encore à l'école primaire et début de la sixième,
04:11 c'était l'ouverture.
04:12 Auparavant, il faut savoir que le rentrée au lycée,
04:15 que les personnes des classes les plus installées culturellement et financièrement.
04:19 Et là, il y a ces réformes qui amènent à l'ouverture du collège,
04:22 qu'on appelle un collège unique, avec plein de polémiques, etc.
04:24 Et ça a été une évolution très forte.
04:27 Alors, l'ascenseur social, il était là.
04:28 Mais je rappelle quand même qu'il fallait le prendre.
04:30 Ce n'était pas si facile que ça.
04:32 Mais il y a eu mai 68, l'ouverture des universités.
04:35 Et il est vrai, ça a été une avancée extraordinaire.
04:38 Et aujourd'hui, comme vous le savez,
04:40 vous avez dû commenter les derniers classements PISA que nous avons.
04:43 L'ascenseur s'est rebloqué à nouveau.
04:45 Alors, ça ne veut pas dire que c'était une période magique,
04:48 parce qu'il fallait travailler, il fallait y aller.
04:49 Mais ce qui me chagrine, c'est que voilà, c'est encore bloqué à nouveau.
04:54 Et ça, ce n'est pas très bien pour l'avenir.
04:55 - Finalement, parce que vous abordez plein de sujets,
05:00 il y en a un devant lequel on reste assez impuissant et finalement égaux, c'est la mort.
05:06 - Oui, je pense que nous sommes, nous les baby boomers,
05:11 je ne vous mets pas dedans,
05:12 donc nous avons acquis la maîtrise de la procréation, comme vous le savez.
05:18 Donc, c'est une grande avancée pour les femmes.
05:19 Bien évidemment, je parle aussi de la question des femmes et de l'évolution,
05:22 qui a été très peu traitée.
05:23 Et je pense que les baby boomers, aujourd'hui,
05:26 qui commencent à voir le paysage des aînés s'éclaircir,
05:28 souvent très clair, aura certainement beaucoup d'avancées sur la fin de vie,
05:34 d'avoir peut-être une maîtrise là-dessus, ce qui est une grande avancée anthropologique.
05:38 Et il est vrai que nous sommes issus de quelques décennies
05:41 où il y a eu un combat constant pour cacher la maladie, cacher la déchéance.
05:45 Les transhumanistes nous disent voilà, c'est terminé, il n'y aura plus de maladie,
05:48 il n'y aura plus de mort.
05:48 Elle sera toujours là et je pense qu'on va connaître au niveau mondial.
05:52 Mais il y a d'autres cultures qui ont trouvé d'autres réponses plus intelligentes que l'Occident.
05:55 Se nourrir aussi de la diversité anthropologique sera un enjeu considérable
05:58 pour les grandes questions qui concernent toute la planète.
06:00 Car aujourd'hui, nous autres, les paléoanthropologues,
06:03 nous avons démontré que nous avons une unité d'origine
06:06 et il reste à construire aujourd'hui une communauté de destin.
06:09 Et sachant qu'évidemment, il y a une très belle expression qui s'appelle l'apoptose.
06:14 Vous savez, l'apoptose, c'est ce qu'on connaît en ce moment.
06:16 Les arbres perdent leurs feuilles et c'est nécessaire pour faire repartir un printemps.
06:20 Et je pense que nous allons peut-être avancer d'un point de vue social
06:25 et philosophique et anthropologique sur ces questions de la fin de vie.
06:28 Très bien. En tout cas, vraiment, je vous conseille de lire
06:31 "Itinéraires d'un enfant des Trente Glorieuses" chez Flammarion.
06:34 Merci Pascal Picqs et Samuel Vy.
06:36 Votre vie et l'évolution de l'humanité finalement.
06:39 Merci beaucoup.
06:41 [Musique]
06:45 [SILENCE]

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