Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote
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00:00 Bonsoir à tous, ravi de vous retrouver pour Face à Mathieu Boccoté.
00:03 Cher Mathieu, bonsoir.
00:04 Bonsoir.
00:05 Bonsoir à vous, Arthur de Vatrigan.
00:07 Émission exceptionnelle ce soir et à émission exceptionnelle, un invité exceptionnel,
00:12 Charles Gave.
00:13 Bonsoir.
00:14 Vous êtes économiste, auteur de La vérité vous rendra libre.
00:17 Mathieu Boccoté, pourquoi avoir invité ce samedi soir Charles Gave ?
00:22 Alors parce que nous sommes dans un temps de l'année où il est possible de prendre
00:25 un peu de recul sur l'actualité qui nous dévore toujours et de jeter un regard plus
00:29 large en surplomb, non seulement sur les événements mais sur les dernières décennies que nous
00:34 avons traversées et c'est l'occasion de le faire avec Charles Gave qui publie La vérité
00:38 vous rendra libre.
00:39 Charles Gave, bonsoir.
00:40 Bonsoir.
00:41 Alors une question première, on vous connaît, ceux qui vous connaissent, vous connaissent
00:44 à la fois la manière d'un financier d'exception qui a plus que réussi dans ce domaine mais
00:48 qui a décidé depuis un bon moment de s'investir dans la vie publique et non seulement pour
00:54 donner des conseils sur l'économie mais plus largement pour réfléchir sur l'état de
00:57 la société et prendre position dans la vie publique.
01:00 Donc qu'est-ce qui vous a poussé vers cette vocation intellectuelle alors que votre carrière
01:04 vous conduisait tout ailleurs ?
01:05 C'est une très bonne question, la réponse est difficile à donner mais je vais essayer
01:11 d'en trouver une parce que je ne manque pas d'agilité intellectuelle quand je suis sous
01:15 pression, c'est la condition pour survivre dans les marchés financiers.
01:19 Mais je vais vous répondre comme ça, c'est qu'il me semble pour des raisons qui m'échappent
01:23 que je suis capable de voir des choses que le reste du monde ne voit pas un peu avant
01:28 eux, c'est-à-dire que j'ai reçu ce don de voir que le roi est nu.
01:32 D'accord.
01:33 Et donc je me suis rendu compte que le seul endroit où on pouvait utiliser cette capacité
01:42 de façon rentable c'est les marchés financiers parce que là ça vaut de l'argent alors qu'ailleurs
01:46 ça vaut que des ennuis, comme vous avez pu le remarquer en France.
01:49 Justement je vous relance sur ça, vous dites c'est un don mais n'est-ce pas aussi une
01:52 question de courage ? Souvent des choses sont vues mais dans la vie publique à tout le
01:57 moins elles sont tues parce que le prix à payer pour les dire est très élevé.
02:00 Oui mais là si vous voyez quelque chose un peu avant les autres dans les marchés financiers
02:05 c'est pas un prix que vous payez, c'est que vous touchez des grosses rentes.
02:08 Donc si vous voulez vous êtes payé pour développer ce don.
02:11 D'accord.
02:12 C'est à peu près le seul endroit.
02:13 Donc c'est ce que j'ai fait toute ma carrière.
02:16 Et puis assez rapidement, il y a à peu près une dizaine d'années, j'avais recréé
02:23 dix ans avant une autre société avec mon fils avec une seule condition c'est que ce
02:27 soit lui le patron et pas moi parce que, je sais pas si vous vous remarquez, mais avoir
02:32 un fils qui travaille pour vous c'est pas une bonne idée.
02:35 Mais quand vous avez un père qui travaille pour son fils, le fils considère que le père
02:39 est un actif donc il le ménage.
02:41 Il attend pas qu'il meure pour devenir le boss donc c'est une énorme progression intellectuelle.
02:47 Donc j'ai fait ça avec mon fils et c'est lui qui dirige la boîte.
02:51 Et puis il y a 7-10 ans j'ai décidé de rentrer en France parce que je voulais pas mourir
02:59 dans un hôpital à Los Angeles ou à Hong Kong si vous voulez.
03:02 Si le bateau France coulait je voulais être sur le pont.
03:04 Ou dans la cape, ça m'était égal.
03:06 Mais je voulais être là quoi.
03:08 Et puis j'ai eu une fille, tout à fait charmante, que vous connaissez je crois d'ailleurs,
03:13 Emmanuelle, et qui m'a dit "Bah écoute je vais créer un institut de réflexion pour
03:18 toi, on appellera le travail un institut de liberté", j'ai dit d'accord.
03:21 Et on a créé ça.
03:23 Et j'ai décidé que dans le fond de mettre ce talent à la disposition de ceux qui voudraient
03:30 bien me lire ou m'écouter.
03:31 Sans que ce soit pour aucune raison financière.
03:35 J'avais suffisamment d'argent à la main dans ma vie pour ne pas avoir de soucis.
03:38 Et donc j'ai dit "Je vais parler aux gens librement comme dans le fond je parle à mes
03:43 clients.
03:44 Et puis c'est à eux de décider si ça les intéresse ou pas".
03:47 Et à ma grande surprise, d'abord mon petit billet du lundi que j'ai écrit, est lu par
03:54 20 000-30 000 personnes ce qui paraît-il est considérable.
03:56 Et surtout, quelques années après, il y a deux petits jeunes qui sont venus me voir
04:00 qui m'ont dit "On va vous interviewer".
04:02 J'ai dit d'accord.
04:03 Et j'ai fait 300 000, 500 000, 1 million de vues.
04:06 Je me suis dit "C'est pas normal qu'un type comme moi, que personne ne connaît, qui parle
04:12 de trucs plutôt rasoirs comme la finance etc.
04:15 Soit vu comme ça".
04:17 C'est-à-dire que ce peuple, le peuple français, souffre énormément du fait que plus personne
04:23 ne lui parle.
04:24 Il y a une espèce de mutisme des classes dirigeantes qui utilisent un langage codé
04:31 et qui n'explique plus le monde.
04:33 Un homme comme De Gaulle parlait aux gens, un homme comme Pompidou parlait aux gens.
04:36 Ils savaient leur parler parce qu'ils faisaient partie du peuple quelque part.
04:39 Giscard se donnait du mal, bien qu'il soit un technocrate, il essayait.
04:43 Mais depuis, on ne leur sert que des mensonges.
04:45 Et donc vous avez un demande de dialogue dans ce peuple qui dépasse l'entendement.
04:51 – Et nous reviendrons dans un instant sur un élément central de votre propos, c'est
04:54 la critique des élites, la critique d'une décomposition des élites.
04:58 Mais, autre question, celle-ci en lien avec la première.
05:01 Vous dites "je veux m'investir dans l'espace public pour dire une vérité que personne
05:05 n'ose dire, ou à tout le moins pour dire le réel tel que je le vois et que personne
05:09 ne l'aperçoit".
05:10 Quelle était cette vérité première au moment de vous engager publiquement, que vous
05:13 vouliez exprimer, dont vous vouliez témoigner ?
05:16 – La première, c'est que dans les marchés financiers, c'est encore plus vrai que partout
05:20 ailleurs, c'est qu'il n'y a que la liberté qui permet la prospérité et l'indépendance.
05:26 C'est-à-dire que les sociétés, vous avez deux sortes de sociétés, les sociétés
05:33 qui sont fondées sur la compétence et les sociétés qui sont fondées sur l'obéissance.
05:39 Et les sociétés fondées sur l'obéissance veulent toujours dévorer celles qui sont
05:43 fondées sur la compétence parce que la compétence les emmerde.
05:46 C'est effrayant.
05:47 Et donc, je plaide pour une société de compétence, pas pour une société d'obéissance.
05:54 – Alors, nous basculons sur une question centrale pour vous, la question des élites.
05:58 Vous nous racontez dans ce livre, mais plus largement dans vos interventions nombreuses,
06:02 vous nous racontez, vous me direz si je l'écris bien les choses, mais une prise de pouvoir
06:06 dans le monde occidental, depuis quelques décennies, par une technostructure qui a confisqué
06:11 progressivement le pouvoir et qui, par ailleurs, ne sait pas quel usage en faire, sinon à
06:15 son usage personnel.
06:16 Est-ce que c'est une description correcte ? Et si oui, comment ça s'est passé ?
06:19 – C'est une description correcte et ça s'est passé de façon assez curieuse,
06:23 c'est-à-dire que pour vaincre ce que j'appelle l'Empire du Mal, ce que Reagan appelait
06:27 l'Empire du Mal, vous savez, c'est-à-dire le communisme, il fallait une structure de
06:34 pouvoir qui soit à peu près aussi vicieuse que le communisme.
06:37 Parce que vous ne vous battez pas innocemment contre des gens comme ça.
06:41 Et donc, ce qu'avait dit Eisenhower dans son dernier discours, c'est qu'il avait
06:44 dit, il y a une espèce de masse qui est en train de se créer aux États-Unis, qui est
06:48 extraordinairement dangereuse, c'était le complexe militaro-industriel.
06:52 Et une fois qu'ils ont gagné, ils avaient le choix soit de dire "merci beaucoup, on
06:58 a gagné, on se retire, on réduit les forces armées de tiers, etc."
07:02 Je vous signale que par exemple, Poutine avait demandé à faire partie de l'OTAN, ce qui
07:06 aurait été une très belle bonheur, d'inclure l'OTAN dans… ça aurait permis une espèce
07:13 de condominium intéressant aux Russes, l'Allemagne aurait pu se développer avec la Russie, enfin
07:17 il y avait que des avantages, ça a été refusé violemment par les Américains.
07:19 Et donc, cette structure s'est donnée comme mission, vous avez entendu Védrine dire que
07:30 les États-Unis étaient devenus de l'hyperpuissance, ça a été d'essayer de maintenir les États-Unis
07:35 comme l'hyperpuissance le plus longtemps possible.
07:37 Et à tout prix ?
07:38 Et à tout prix.
07:39 Quel que soit le coût, quels que soient les crimes, quels que soient tout ça.
07:42 Et on l'a vu, c'est ce qu'ils ont fait depuis, ils ont pris le pouvoir, et il y a
07:46 trois ans à peu près, il n'y avait pas un seul gouvernement européen qui n'ait
07:53 été exercé par un "young friend of America", vous savez ?
07:56 Les "young leaders" ?
07:57 Les "young leaders of America".
07:58 Il n'y en avait pas un, tous les gouvernements étaient exercés par… et c'est ce qui
08:02 avait permis au patron de Davos de dire "nous sommes au pouvoir partout".
08:05 Donc, je ne dis pas que c'est un complot, je dis que c'est une réalité.
08:10 Arthur de Vatrigan, sur les élites européennes justement.
08:13 Justement, sur les élites européennes, quel est leur intérêt ?
08:16 Alors là, vous dites qu'elles sont adossées ou soumises volontairement à l'empire américain,
08:23 quel est leur intérêt ?
08:24 Ils ne pensent pas forcément tous la même chose, ils n'ont pas forcément tous des
08:26 intérêts personnels ou même nationaux en fonction des élites qui appartiennent à
08:30 tel ou tel pays.
08:31 Quel est leur intérêt commun là-dedans ?
08:32 Quel est leur intérêt ?
08:34 C'est une bonne question, mais mettons, ils ont sans doute tous nourri au lait de
08:39 Jean Monnet.
08:40 C'est-à-dire que Jean Monnet pensait très profondément que la cause de toute guerre,
08:45 c'était la nation.
08:46 Et que l'Europe avait montré au-delà de ce qui était nécessaire que les nations
08:51 européennes étaient incapables de se gérer et qu'il fallait confier la gestion des
08:55 nations européennes à un nouveau chef d'orchestre, le fils naturel de la Grande-Bretagne, qui
09:01 s'appelait les Etats-Unis.
09:03 Et donc, fondamentalement, ce sont des gens qui ont une caractéristique commune, c'est
09:09 qu'ils détestent leur pays.
09:11 Fondamentalement, ils sont tous des gens qui détestent leur pays.
09:13 Est-ce que la formule n'est pas trop brutale ? Est-ce qu'on pourrait dire indifférent
09:17 à leur pays ? Ou qu'ils considèrent leur pays est dépassé ? Ils le détestent.
09:20 Ils le détestent.
09:21 Ils pensent que la patrie, l'endroit où vous avez intérêt votre père, est une notion
09:25 qui est complètement dépassée, qui est ringarde et qu'il faut aller vers une espèce
09:30 de gouvernement mondial.
09:32 L'archétype de ce genre de personnes, c'est Atali.
09:34 Mais vous dites qu'ils détestent leur pays par crainte de la guerre.
09:38 C'est-à-dire qu'ils détestent pas le concept philosophique ou historique d'une nation,
09:44 ils le détestent par crainte de la guerre.
09:46 C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'inconsentiment, sinon vous leur trouvez des qualités.
09:50 Mais je ne suis pas du tout d'accord avec vous parce qu'il y a eu des guerres nécessaires.
09:56 La guerre n'est pas un mal absolu tout le temps.
09:58 Quand mon père s'est battu contre le nazisme en 41, en devenant gaulliste, il n'avait
10:04 pas l'impression de faire une mauvaise guerre.
10:05 Donc il y a des moments où il faut savoir se battre.
10:08 Si vous dites « je ne me battrai pas quel que soit ce qui m'arrive et ce qui arrive
10:11 à mon pays », vous montrez de façon très nette que vous haïssez votre pays.
10:17 Alors vous nous racontez l'histoire d'un double assujettissement, si je comprends
10:20 bien.
10:21 Le premier, c'est d'abord celui des élites européennes aux États-Unis au sens large.
10:27 Mais aux États-Unis, vous avez évoqué avec raison Eisenhower, on pourrait dire qu'une
10:30 partie du peuple américain est lui-même aliénée.
10:33 C'est la première victime.
10:34 Le peuple américain dans son ensemble est la première victime de ce complexe militaro-industriel.
10:38 Absolument, c'est évident.
10:39 Et qui a été remplacé par un complexe militaro-industriel et maintenant auquel vous
10:44 pouvez rajouter un complexe pharmaceutique et chimique.
10:48 C'est-à-dire que vous savez que la question que vous posez quand vous regardez le congrès
10:53 des États-Unis, c'est est-ce que celui-là a été acheté par les fabricants d'armes
10:56 ou par les fabricants de médicaments ? C'est ça la grande question.
10:58 – Mais alors dans ce portrait de l'élite américaine, mais plus largement…
11:02 – C'est près de l'élite.
11:04 C'est les gens au pouvoir.
11:05 – Quelle distinction faites-vous entre l'élite et les gens au pouvoir ?
11:08 – Ben moi l'élite si vous voulez, c'est les gens qui se font suivre, qui sont suivis
11:17 sans contrainte.
11:18 – Donc on a une conception normative de l'élite plutôt que descriptive ici.
11:22 – Voilà, c'est que je vois par exemple, dans toute ma carrière, j'ai vu des gens
11:27 dans une entreprise et au secourir que ça paraisse, tout le monde se rendait compte
11:30 que c'était lui qu'il fallait suivre.
11:32 – L'autorité naturelle du leader.
11:34 – L'autorité naturelle du leader, et ça c'est une réalité très profonde.
11:37 Et puis vous avez des gens que vous suivez parce que sans ça vous terminez en taule
11:41 ou avec une balle dans la nuque.
11:44 Et ça c'est pas le même genre de fidélité.
11:47 Et donc aujourd'hui les gens qui gouvernent les États-Unis sont de la deuxième catégorie
11:51 oui, et de la France aussi d'ailleurs.
11:53 – Alors je reviens sur l'Europe un instant parce que ça me semble fondamental.
11:56 On pourrait dire qu'il y a des élites politiques au sens descriptive, traditionnelles en Europe,
12:00 la classe politique.
12:01 Mais est-ce que depuis une trentaine d'années, on n'a pas vu se développer au niveau de
12:05 l'Union européenne des élites, alors vous me direz peut-être que la comparaison est
12:08 exagérée selon vous, mais des élites qui font penser un peu aux anciennes élites soviétiques.
12:12 C'est-à-dire qui gèrent une forme d'empire bureaucratique désincarné qui cherche à
12:17 avoir la souveraineté la plus limitée pour les nations et à dépasser les nations.
12:20 Est-ce qu'il n'y a pas une forme de parenté qui est possible entre ces deux types de classes
12:24 dirigeantes ?
12:25 – Oui, et c'est exactement ce qui se passe et vous le décrivez fort bien.
12:29 C'est-à-dire que pour détruire une nation, la première chose qu'il faut détruire,
12:34 c'est son droit.
12:35 Enlever, vous savez, le droit à une structure hiérarchique avec la constitution tout en
12:42 haut, puis ensuite vous avez les lois, puis vous descendez les normes, etc.
12:46 C'est la façon de décrire la chose.
12:48 Et toutes les mesures qui ont été prises depuis bientôt 30 ans, en effet, c'est
12:56 de rendre le droit européen supérieur au droit national et la jurisprudence européenne
13:06 supérieure aux jurisprudences nationales.
13:08 C'est-à-dire qu'en abdiquant notre souveraineté juridique, nous abandonnons aussi toute souveraineté
13:15 politique.
13:16 Je vous donne un exemple, je me suis laissé dire par un très bon spécialiste de la chose
13:20 que si on faisait un référendum, par exemple, sur l'immigration, que certains semblent
13:26 demander, eh bien la Cour constitutionnelle pourrait décider que ce n'est pas un sujet
13:31 qui peut prêter un référendum.
13:34 Donc vous voyez très bien que nous sommes tombés sous une espèce de gouvernement
13:38 des juges, qui sont nationaux et internationaux, et qui ont tous le même but, c'est d'enlever
13:45 la souveraineté du peuple pour la remplacer par la souveraineté de la loi que eux font,
13:50 mais que personne ne contrôle.
13:51 C'est-à-dire que moi je suis pour la souveraineté de la loi, mais de la loi qui vient du peuple,
13:56 pas de la loi qui vient d'une cour de justice européenne qui est remplie d'anciens magistrats
14:01 communistes.
14:02 – Alors, vous nous faites de ce point de vue le portrait… il y a un mot qu'on utilise
14:04 souvent pour parler de la Russie, c'est les oligarques.
14:06 Mais à vous lire, j'ai l'impression que les véritables oligarques, on les retrouve
14:10 aussi ou peut-être surtout en Occident.
14:13 – Oui, c'est exactement ce qui se passe, parce que le but de tout homme d'affaires
14:19 qui réussit, il fait des profits.
14:22 Ce qui est un mot qui est mal vu, mais ça dit ce que ça veut dire.
14:27 Mais le but de tout homme d'affaires qui a réussi, c'est d'essayer de transformer
14:31 son profit en rente.
14:32 C'est-à-dire que faire disparaître le risque dans le système.
14:36 Et tout ce que font les hommes d'affaires aujourd'hui, les grands GAFA, etc., c'est
14:41 de s'appuyer sur l'État pour essayer de tuer la compétition et transformer leur
14:44 profit en rente.
14:45 Et donc on a aujourd'hui une alliance de fêtes entre ces d'immenses sociétés et
14:53 les États.
14:54 Vous direz du bien de moi et je vous empêcherai tout concurrent de vous…
15:00 Et ce qui s'est passé, je dis tout ça en plaisantant, l'Union soviétique a été
15:04 tuée par Solzhenitsyn, qui d'un seul coup a montré, paf, qu'ils étaient illégitimes.
15:09 Et aujourd'hui, le nouveau Solzhenitsyn, c'est Elon Musk, qui d'un seul coup, en
15:16 rachetant Twitter et en montrant les saloperies qui se passaient dans Twitter avec l'État,
15:19 le FBI, la CIA, etc., a montré au monde entier que tout ce qu'on nous racontait, c'était
15:25 du pipo, qu'il y avait une information dirigée, qu'il y avait une politique qui n'était
15:30 pas libre, etc.
15:31 La comparaison est un peu forte, cela se dit.
15:33 Solzhenitsyn et Elon Musk ?
15:34 Oui, Solzhenitsyn, il a porté le débat sur l'endroit où ça faisait mal, c'est-à-dire
15:40 le Parti communiste comme clé du prolétariat, donc c'est ce qu'il a montré que c'était
15:46 faux.
15:47 Elon Musk, il porte le débat là où ça fait mal, le pognon.
15:52 Il les attaque au cœur de leur force, c'est-à-dire le pognon que vous gagnez n'est pas légitime.
15:58 Et c'est exactement la même démarche.
16:00 Arthur Levatrigan ?
16:01 Je reviens sur la… alors pas les élites, parce que c'était les hommes de pouvoir
16:06 et le peuple, donc on mettait beaucoup sur le dos des hommes de pouvoir, ce que je comprends,
16:11 parce que le peuple n'a pas une responsabilité.
16:12 Si on prend par exemple la primauté du droit européen sur le droit français, qui est
16:15 vrai, qui n'a jamais été ratifiée souverainement, la seule fois où il a été ratifié, c'est
16:21 le traité de Lisbonne de 2007, dans une annexe discrètement.
16:23 Sauf que le traité de Lisbonne de 2007, Nicolas Sarkozy, lors de son élection précédente,
16:28 l'avait annoncé, et les Français ont voté massivement pour Nicolas Sarkozy.
16:30 Donc est-ce qu'il n'y a pas non plus une responsabilité aussi du peuple dans cette
16:34 dépossession, alors si on arrive à donner une définition du peuple, c'est toujours
16:37 très compliqué, dans cette dépossession et dans cette soumission à ces hommes de
16:40 pouvoir ?
16:41 Vous savez, je crois que les élections présidentielles, si vous pensez… c'est Chirac qui disait
16:47 "Celui qui croit aux promesses électorales n'engage que lui".
16:51 C'est parce quoi ? Les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent ?
16:54 Que ceux qui les croient, voilà.
16:55 Si vous pensez qu'il y a un seul gars qui a pensé au référendum, qu'ils avaient
17:00 refusé, et qui a lu le programme de Sarkozy, et qui a voté en conséquence, je crois que
17:07 vous vous faites des illusions, parce que personne ne lit un programme électoral.
17:10 Sarkozy n'a pas fait sa campagne là-dessus, il a fait sa campagne sur l'immigration,
17:16 sur la criminalité, et ils ont voté comme des fous pour lui.
17:19 Ensuite il a tout trahi, mais ça c'est une autre histoire.
17:21 Et là, les français avaient dit non à la constitution européenne rédigée par
17:28 Jusquart, et c'est une forfaiture de l'avoir représentée de l'autre sens.
17:31 Le fait qu'il ait dit qu'il allait faire une forfaiture, n'empêche pas que ce soit
17:34 une forfaiture.
17:35 – Ça peut être une responsabilité aussi du peuple.
17:38 Est-ce que ce n'est pas trop facile de tout mettre sur le dos des hommes de pouvoir ?
17:41 Est-ce que nous, chacun d'entre nous, n'avons pas aussi une responsabilité là-dedans ?
17:44 – Oui, j'entends bien, mais vous savez, je veux bien, mais ce que disait Bernanos,
17:50 que j'aime beaucoup, il disait "il y a une bourgeoisie de gauche en France,
17:55 il y a une bourgeoisie de droite en France, et il n'y a qu'un peuple de France".
17:59 La bourgeoisie a toujours trahi le peuple, et a toujours trahi la France.
18:03 Voilà, c'est comme ça.
18:04 – Alors, votre critique de la bourgeoisie fait écho à votre critique de la pseudo-expertocratie
18:09 peut-être d'aujourd'hui, de l'oligarchie.
18:11 Dans votre propos, il y a aussi un élément qu'on remarque, c'est que vous critiquez,
18:15 je comprenais, la formation des élites.
18:16 Vous dites "élites" au sens descriptif, j'entends, donc elles exercent un grand pouvoir,
18:21 mais vous nous dites qu'elles sont incompétentes.
18:22 Et elles sont incompétentes en partie parce qu'elles ont des schèmes mentaux décalés
18:26 par rapport au réel, et en partie parce qu'elles sont mal formées.
18:29 Est-ce qu'il y a un déficit de formation intellectuelle, philosophique,
18:33 dans la classe dirigeante occidentale aujourd'hui ?
18:35 – Pas vraiment, parce qu'elles sont formées pour lequel elles ont été formées.
18:41 Je m'explique, c'est que dans une nation, mettons, vous avez trois niveaux.
18:47 Vous avez le peuple qui se dépatouille comme il peut, qui essaie d'élever ses enfants,
18:50 d'avoir de quoi bouffer dans le frigidaire, enfin vous voyez, bref.
18:53 Puis vous avez ceux qui gèrent l'État, qui est une machine extraordinairement compliquée,
18:59 et qui ont des caractères comme une, c'est qu'ils ont une mémoire de cheval,
19:02 pour apprendre des trucs qui n'ont aucun intérêt, aucun caractère,
19:06 pour continuer à faire ce qu'on leur dit, et qui ne veulent jamais prendre un risque,
19:10 sinon ils ne seraient pas fonctionnaires.
19:12 Et depuis les années Giscard, la fonction administrative en France
19:16 a pris le contrôle de la fonction politique, pour laquelle ils ne sont pas formés.
19:19 La fonction politique, c'est l'endroit où le roi est foudroyé,
19:22 quand il se trompe, c'est pétain.
19:25 Et donc ce que j'essaye de dire, c'est que nous avons aujourd'hui
19:28 cette fonction politique qui a été capturée,
19:30 on le sait tous comment, par l'intermédiaire d'un vote.
19:33 Aujourd'hui, par exemple, Juppé, le premier,
19:37 a pris sa retraite d'inspecteur général des finances,
19:41 quand on a allongé la durée de la retraite de deux ans, donc il l'a pris tout de suite,
19:45 et il continue à toucher sa retraite de député, sa retraite de ministre,
19:49 sa retraite de maire de Bordeaux, sa retraite de président des conseils général, etc.
19:53 Et s'il était battu aux élections,
19:55 il retournait dans son corps d'origine, l'inspection des finances,
19:57 pour attendre l'élection suivante.
19:58 Donc il n'y a aucun risque à faire de la politique si vous êtes un fonctionnaire.
20:02 Si vous êtes un charcutier, vous ne pouvez pas.
20:04 Je me permets de décentrer le propos de Juppé un instant pour le généraliser un peu.
20:08 Donc ce que vous nous dites, c'est qu'en France, mais je crois que c'est plus en France qu'ailleurs,
20:11 c'est que la classe administrative en fait a un privilège immense si elle veut faire de la politique,
20:16 ce qui n'est pas le cas des gens qui viennent...
20:17 Sans prendre de risque.
20:18 Alors que ceux qui viennent du privé, ceux qui viennent des autres domaines...
20:21 Elle prend de la politique sans prendre de risque.
20:22 Ce que j'essaie toujours d'analyser, c'est le rapport entre le risque-prix et la rentabilité.
20:29 Par exemple, il y a un économiste américain qui s'appelait Gary Baker,
20:31 qui était de l'école de Chicago, qui a montré il y a très longtemps que quand le crime paye,
20:37 compte tenu des risques que vous prenez quand vous êtes criminel,
20:39 il y a beaucoup de criminels.
20:41 Quand le crime ne paye pas, il y en a beaucoup moins.
20:43 Donc là, dans le cas de la politique française,
20:47 il n'y avait aucun risque à faire de la politique si vous étiez dans toutes les grandes démocraties du monde,
20:50 la Grande-Bretagne, l'Allemagne, etc.
20:52 Le haut fonctionnaire est non éligible.
20:56 – Il nous reste une minute et on reviendra ensuite sur Baker et d'autres auteurs,
20:59 mais fondamentalement, quelle est la différence alors entre le général de Gaulle, Pompidou,
21:03 quelques figures comme ça, peut-être Philippe Séguin,
21:04 j'y vais par une figure de tendresse pour moi, et les politiques que vous dénoncez ?
21:08 – C'est-à-dire que ce que cherchent ces politiques, c'est le pouvoir sans la responsabilité.
21:14 Et des gens comme de Gaulle, comme Pompidou, comme Séguin,
21:17 ils voulaient ramener la responsabilité au niveau du pouvoir, en particulier par le référendum.
21:21 Mais tous ces gens-là, maintenant, ils n'ont qu'une idée,
21:24 c'est d'empêcher le référendum d'arriver.
21:25 La seule porte de sortie pour la France aujourd'hui,
21:27 c'est le référendum d'initiative populaire,
21:29 pour que le souverain soit maître de l'ordre du jour à nouveau,
21:32 et c'est ce qu'ils refusent par-dessus tout, parce qu'ils savent qu'ils sont cuits.
21:35 Vous connaissez le nom d'un politicien suisse ?
21:37 – Christophe Blocher.
21:39 – Vous êtes le premier qui m'en donne un air,
21:41 parce que d'habitude, personne ne sait, c'est le pays qui marche le mieux au monde.
21:44 Le fait qu'on ne connaisse pas le nom d'un politicien suisse,
21:46 explique peut-être pourquoi ça marche.
21:48 – La publicité, on revient dans un instant, toujours avec vous Charles Gave,
21:51 pour la suite de "Face à Mathieu Bocoté".
21:54 [Générique]
21:59 La suite de "Face à Mathieu Bocoté", toujours avec Mathieu bien sûr,
22:02 et Arthur de Vatrigan.
22:04 Charles Gave est l'invité de "Face à Mathieu Bocoté",
22:07 la vérité vous rendra libre, auteur de "La vérité vous rendra libre",
22:12 la suite de l'entretien c'est avec vous.
22:13 – Alors, tout juste avant la pause,
22:15 vous avez évoqué la figure d'un grand économiste, Gary Becker,
22:18 et ceux qui vous lisent depuis longtemps
22:20 savent que vous portez une attention particulière,
22:22 vous avez une affection particulière pour certains grands économistes libéraux
22:25 qui ne sont pas que des économistes mais aussi des philosophes.
22:27 Milton Friedman, Thomas Sowell, Friedrich Hayek, Bertrand Juvenel,
22:31 si je ne me trompe pas, qui lui n'était pas économiste, cela dit.
22:35 De tous ces auteurs, peut-être en ai-je oublié un,
22:38 que nous apportent les auteurs auxquels vous faites souvent référence ?
22:41 Qu'est-ce qu'ils représentent ?
22:41 Parce que ce ne sont pas des auteurs au cœur du débat public français.
22:44 – Alors l'économie c'est devenu une drôle de chose,
22:47 c'est devenu une espèce de mélange entre les mathématiques et l'astrologie,
22:52 ce qui n'a aucun intérêt.
22:54 L'économie a commencé au XVIIIe, même à la fin du XVIIe avec Locke,
22:59 et c'est une branche de la logique, qui est une branche de la philosophie.
23:04 Donc j'ai toujours eu une passion pour les économistes
23:07 qui raisonnaient de façon logique, mais pas inhumaine,
23:11 mais logique et qui expliquaient comment l'homme fonctionnait dans la réalité.
23:15 Et donc c'est l'envers de l'Homo economicus,
23:19 donc si vous lisez un Thomas Sowell, vous lisez un homme qui a vécu,
23:23 qui a senti, qui a souffert, qui est monté, qui a compris,
23:26 qui s'est trompé, qui est revenu, et je trouve ça passionnant.
23:29 Alors que quand je lis un économiste de l'OCDE
23:33 qui fait tourner des modèles mathématiques qui se trompent tout le temps,
23:35 ça n'a aucun intérêt.
23:37 – C'est important ce que vous dites,
23:38 donc les grands économistes sont des philosophes,
23:40 et contestent le modèle de l'Homo economicus.
23:42 – Complètement, tous.
23:45 – On pourrait dire que les grands économistes sont alors en décalage
23:47 avec les grandes institutions économiques contemporaines.
23:50 – Mais les grandes institutions économiques contemporaines
23:53 ont été faites à partir d'une théorie économique qui est débile,
23:56 qui est celle de la mesure de la création de richesse par le PIB.
24:00 C'est une imbécilité puisque vous prenez le PIB,
24:02 si vous et moi faisons une transaction,
24:04 que je vous vends 15 que j'ai mis 10 à fabriquer,
24:07 donc je crée une plus-value de 5, donc une valeur ajoutée de 5.
24:11 Si on ajoute toutes ces valeurs ajoutées dans le système,
24:14 ça va me donner le PIB du secteur privé, ce qui est à peu près juste.
24:18 Mais comment calcule-t-on le PIB du secteur public ?
24:21 C'est tout simple, vous prenez le salaire payé par le secteur public.
24:25 Et donc aujourd'hui, si le PIB monte,
24:28 vous abrachez 500 000 fonctionnaires de plus,
24:30 ça va faire monter le PIB, mais ça va faire baisser la liberté.
24:33 Tandis que dans la transaction entre voyou moins,
24:34 les deux transactions étaient volontaires.
24:36 Donc le seul intérêt, mais par contre,
24:39 vous avez un Sarkozy qui quand il y a eu la grande crise,
24:41 a réussi à faire monter le PIB de 0,5,
24:46 en faisant des dépenses étatiques monstrueuses,
24:49 c'est ce que l'autre a fait pendant...
24:50 - Mais vous êtes sévère sur Nicolas Sarkozy,
24:52 par exemple certains diront, et plusieurs le disent,
24:54 qu'il a réussi à sauver un système qui sinon se serait effondré.
24:57 - Mais depuis le temps qu'on m'explique,
24:59 c'est comme les Etats-Unis qui interviennent dans tous les pays du monde
25:01 parce qu'il y a des génocides.
25:02 C'est le système qui va s'effondrer,
25:05 le système est beaucoup plus résilient que les gens de l'État.
25:08 Si on laisse les gens libres, les systèmes s'effondrent rarement.
25:11 Le seul système qui s'est effondré pendant ma vie,
25:13 c'était un système où il n'y avait aucune liberté,
25:14 c'était l'Union soviétique.
25:15 Donc foutez la paix aux gens, les systèmes ne s'effondreront jamais.
25:18 - Alors je reviens sur les économistes que vous avez évoqués,
25:20 parce qu'il y a quelque chose de...
25:22 On a évoqué Sowell,
25:23 une autre figure qui est présente dans vos textes,
25:26 c'est Milton Friedman.
25:28 Milton Friedman qui a eu bonne réputation aux Etats-Unis
25:31 et ailleurs dans les années 70-80,
25:33 aujourd'hui un peu oublié, présenté comme une figure un peu caricaturale
25:36 de ce qu'on appelle la torte au néolibéralisme.
25:38 Que représente pour vous une figure comme Milton Friedman
25:40 et pourquoi faudrait-il le relire aujourd'hui ?
25:42 - D'abord je vais vous dire un truc qui est un peu idiot,
25:46 mais pas tellement,
25:47 c'est que notre période aujourd'hui manque cruellement du sens de l'humour.
25:52 Tous les types qui sont là, ils sont emmerdants.
25:57 Ils sont ennuyeux et ils sont tellement ennuyeux
26:00 qu'ils veulent vous empêcher de dire des bêtises.
26:02 Or dans une bêtise, il y a souvent beaucoup plus de vérité
26:05 que dans des propos très ennuyeux et très longs.
26:07 Et quand vous passez du temps avec Milton Friedman,
26:10 il était marrant comme tout.
26:12 C'est lui, si vous voulez, qui a eu cette formule
26:15 que je réussis tout le temps, il disait
26:17 "Si vous payez les gens, ne rien foutre.
26:19 Et si vous taxez ceux qui bossent,
26:21 il ne faut pas s'étonner si le chômage augmente."
26:23 C'est merveilleux, tout est dit.
26:27 Et donc il en a eu comme ça.
26:29 Il m'a posé un jour une question qui m'a aussi fait pleurer de rire.
26:31 Il m'a dit "Charles, quelle a été la pire invention jamais faite aux Etats-Unis ?"
26:35 Et je savais que c'était une connerie.
26:36 Je lui ai dit "Je ne sais pas."
26:38 Il m'a dit "Si l'air conditionné."
26:40 J'ai dit "L'air conditionné, pourquoi l'air conditionné ?"
26:42 Il m'a dit "Parce qu'avant l'air conditionné, les politiciens restaient trois mois à Washington,
26:44 maintenant il reste douze mois."
26:46 Donc il avait une capacité théorique, mathématique,
26:52 il a fait des travaux dans les statistiques, etc.
26:54 qui sont extraordinaires.
26:56 Il y a un théorème de Friedman dans les statistiques.
26:58 Mais en même temps, il était marrant.
27:02 C'est-à-dire qu'il avait de l'esprit,
27:04 il avait de l'esprit lui-même.
27:06 Ce manque...
27:08 Moi je crève de l'ennui.
27:10 Quand je lis ou que j'écoute un autre économiste,
27:16 je me dis "Mais, enfin, Dieu, qu'est-ce qu'il est emmerdant ?"
27:18 9 fois sur 10, pas toujours.
27:20 Arthur Le Matrigant, à la suite.
27:22 Vous me posez une question précise, sur un cas précis.
27:26 Vous définissez comme libéral,
27:28 vous définissez comme patriote.
27:30 Il n'y a pas très longtemps, on entend eu le débat de la préférence nationale.
27:32 Il y a une préférence nationale qui existe en France depuis très longtemps,
27:36 qu'on appelle l'exception culturelle française.
27:38 L'exception culturelle, je le rappelle à nos spectateurs,
27:40 c'est la radio et la télé,
27:42 qui contraint par l'État de diffuser au moins 40% de leur contenu en langue française.
27:48 Et pour le cinéma, il y a une taxe, qui s'appelle TSA,
27:50 qui ponctionne 10,7% du prix du billet,
27:54 pour le reverser au CNC, Centre National Cinématographique,
27:56 qui va permettre de financer uniquement la production cinématographique française.
28:02 Donc vous, qui êtes à la fois libéral et patriote,
28:06 quel est votre avis sur cette exception culturelle française ?
28:08 Bonne ou mauvaise idée ?
28:10 - Moi je vais vous répondre de façon très simple.
28:12 Pour la première fois, je crois, depuis 10 ou 12 siècles,
28:16 oui, 10 siècles,
28:18 nous n'avons plus un seul grand intellectuel français.
28:22 Quand j'étais jeune, il y avait Raymond Haron, il y avait Sartre, il y avait Jouvenel, il y avait Camus,
28:28 ça grouillait, il y avait René Girard, ça grouillait.
28:32 Et puis on a créé le ministère de la culture,
28:34 et en l'espace de 20 ans,
28:36 le grand intellectuel a été bouffé par les fonctionnaires,
28:40 qui n'ont qu'une idée, c'est de se débarrasser des types qui ne sont pas comme tout le monde.
28:44 Le peuple sait reconnaître un type qui n'est pas comme tout le monde,
28:46 le fonctionnaire de la culture l'enverra finir sa vie dans le Gers,
28:50 au fond d'un...
28:52 Et donc ce que j'essaye de dire, c'est, supprimons tous ces trucs-là,
28:56 et on retrouvera des grands intellectuels,
28:58 et on retrouvera... Quand le cinéma français, dans les années 30,
29:00 le meilleur cinéma français, ça a été pendant la seconde guerre mondiale.
29:04 Et ils n'étaient pas bien libres.
29:06 Et donc c'est extraordinaire, de la liberté n'est le succès,
29:10 de la subvention n'est la médiocrité,
29:12 parce que ce que vous oubliez de dire, c'est qu'on finance des films français
29:16 avec les résultats des films américains que les gens vont voir,
29:18 pour financer des films français que personne ne va voir.
29:20 Donc ça ne me paraît pas...
29:22 Ça permet de vivre à des tas de gens qui ne sont pas compétents,
29:26 mais ça ne donne pas un grand cinéma français.
29:28 - Est-ce qu'il n'y a pas une extrême sévérité dans votre propos ?
29:31 Je m'explique.
29:32 Qu'il y ait un abaissement du niveau intellectuel,
29:34 je pense que tous peuvent en convenir aujourd'hui.
29:36 Mais si je pense par exemple à un Marcel Gauchet, simplement,
29:38 à un Pierre Manand, à un Philippe Prenault...
29:40 - Mais ils ont quel âge ?
29:41 - Ah oui, effectivement, ils ne sont pas tout jeunes.
29:43 - Ils ont fait leurs études avant le ministère de la Culture.
29:45 - Ah ben j'en conviens, mais alors...
29:47 - Ça veut dire que la France porte encore en elle
29:49 de grands intellectuels qui correspondent probablement à vos attentes,
29:53 mais qu'elle n'est plus capable d'en produire, peut-être ?
29:55 - Elle n'est plus capable d'en produire, parce que moi, vous savez,
29:57 avec mon petit système de YouTube où je parle à des gens,
29:59 j'en ai reçu deux ou trois récemment qui avaient 30 ans ou 35 ans,
30:03 qui étaient prodigieux.
30:05 Et je me suis dit, mais comment se fait-il que ces gars-là,
30:08 personne ne leur parle, ils ont écrit un livre qui était prodigieux.
30:11 Et je me suis dit, c'est vraiment...
30:14 Vous savez, vous avez les créateurs de culture,
30:16 et les consommateurs de culture.
30:18 Et aujourd'hui, le pouvoir appartient aux diffuseurs de culture
30:20 qui n'ont qu'une idée, c'est de faire une culture
30:23 pour l'idée qu'ils se font du peuple, qui est basse.
30:26 - Ah mais là, vous nommez quelque chose d'essentiel,
30:28 c'est-à-dire le rapport au peuple.
30:30 C'est-à-dire, on est dans une époque qui se veut officiellement démocratique,
30:32 mais qui a probablement la vision la plus dégradée
30:35 qu'on peut s'imaginer du peuple.
30:37 Vous nous dites finalement, nos élites méprisent le peuple, alors...
30:40 - Non seulement elles le méprisent, elles en ont peur.
30:42 - Elles ont peur de quoi ? - Du peuple.
30:44 C'est quelque chose que je signale dans mon livre,
30:47 c'est que j'ai été un jour dans un dîner chez des amis,
30:51 et il y avait un vieux rabbin qui était là.
30:53 Alors on a commencé à parler.
30:55 Et on a parlé des évangiles, parce que vous savez,
30:58 les évangiles, les rabbins les lisent beaucoup,
31:00 parce que c'est la filiale qui a réussi, vous savez.
31:02 C'est le...
31:04 Donc on a parlé des évangiles, et il m'a dit, le rabbin,
31:07 quelque chose qui m'a bouleversé, il m'a dit,
31:09 à un moment, le Christ s'en va comme ça dans la campagne,
31:11 parce qu'il y a trop de monde qui l'en tue, ça l'emmerde.
31:13 Et donc il va se mettre dans un endroit où il n'y a personne,
31:16 et la foule le suit.
31:18 Et le foule, le Christ se regarde, regarde la foule
31:21 qui est derrière lui, comme ça, et les émeut.
31:25 C'est la première fois, me disait le rabbin,
31:27 que dans l'histoire, il y avait une personnalité publique
31:30 qui était en face d'une foule et qui l'aimait.
31:32 Parce que la foule, on en a toujours peur,
31:34 si on est au pouvoir.
31:36 C'est la foule qui vous arrache du pouvoir.
31:38 Et donc c'était la première fois.
31:39 Et donc ce que je l'ai trouvé extraordinaire,
31:41 c'est que dans le fond, nos régimes,
31:43 depuis la royauté, tout ça,
31:45 c'est que les élites étaient formées à aimer le peuple.
31:49 Le roi de France aimait son peuple.
31:51 Et c'est la première fois dans l'histoire, aujourd'hui,
31:53 qu'on a un roi de France qui n'aime pas
31:55 ni son peuple, ni la France.
31:57 C'est une nouveauté extraordinaire.
31:58 - Alors, je vous cite qui parle du peuple,
32:00 parle de la démocratie.
32:01 Je vous cite, page 99 dans votre ouvrage,
32:04 à propos de l'euro.
32:05 "Je pensais que l'euro ne pouvait survivre
32:07 "que si les pays européens cessaient d'être des démocraties,
32:10 "ce qui me semblait impossible.
32:12 "Je n'en suis plus si sûr.
32:14 "La route de la servitude", clin d'oeil à Hayek,
32:16 "est ouverte et elle est largement bien pavée,
32:19 "elle est large et bien pavée,
32:20 "nos États et nos médias nous poussant amicalement
32:22 "dans la bonne direction."
32:23 Autrement dit, il y a quelques années encore,
32:26 il y a une vingtaine d'années,
32:27 vous pensiez que la démocratie européenne était solide.
32:30 Et aujourd'hui, si je vous comprends bien,
32:32 elle ne l'est plus.
32:33 - Elle ne l'est plus, regardez.
32:34 Aujourd'hui, le nombre de pouvoirs
32:36 que s'est arrogé la Commission européenne
32:38 avec Madame von der Leyen,
32:40 par exemple, dans tous les traités européens,
32:42 il est formellement interdit qu'il y ait des dettes
32:44 qui soient garanties par tous les États en même temps.
32:47 C'est interdit et c'était également interdit
32:49 dans la Constitution allemande,
32:51 et c'est ce qu'on a fait.
32:52 Donc, on n'arrête pas de violer le droit
32:56 qu'a présidé à la création de l'euro
32:59 pour maintenir en vie un truc
33:01 qui n'aurait jamais dû exister
33:02 mais qui est nécessaire à leur survie,
33:03 parce que qui contrôle l'argent, contrôle le peuple.
33:06 C'est une saloperie, sans non.
33:08 - Alors, cela dit, vous regardez la situation,
33:10 est-ce que vous redoutez ?
33:11 Parce que vous avez dit, j'ai vu un système s'effondrer
33:13 dans ma vie, c'est le système communiste.
33:15 Est-ce que vous croyez qu'aujourd'hui,
33:17 le système qui, je ne sais pas comment le qualifier
33:19 en Occident aujourd'hui...
33:20 - Social-clientélisme.
33:21 - Social, d'accord.
33:22 Donc, est-ce que ce système, tel que vous le présentez,
33:25 est sur la voie d'un effondrement,
33:27 d'une décomposition lente ?
33:28 - Le social-clientélisme va s'effondrer, c'est évident.
33:30 - Alors là, vous posez une question fondamentale,
33:32 c'est-à-dire, vous prévoyez un horizon
33:34 où les choses s'effondrent, où basculent.
33:36 À quoi pourrait ressembler ce que vous appelez
33:38 cet effondrement ?
33:39 Et il ne faut-il pas le craindre ?
33:40 Je me permets de le redire,
33:41 parce que quand un système se décompose,
33:43 le commun est mortel,
33:44 il voit sa vie bouleverser significativement.
33:46 - Significativement, mais c'est un petit peu...
33:48 Oui, parce que je vais vous donner un chiffre,
33:50 je crois que le PIB français fait à peu près 1 %
33:52 du PIB mondial, et les dépenses sociales françaises
33:54 sont 9 % du PIB.
33:56 Est-ce que vous croyez que c'est tenable ?
33:58 - Mais je vous retourne la question, cela dit.
34:00 Imaginons un effondrement.
34:02 J'ai essayé de dire un effondrement,
34:04 pas un choix démocratique, pas une réorientation politique,
34:06 un effondrement.
34:07 - Ça se passera par l'intermédiaire de la monnaie.
34:09 Vous avez vu ce qui s'est passé en Argentine,
34:11 qui a été l'archétype du social-clientélisme.
34:14 Donc, à un moment, les subventions que vous recevez
34:18 de l'État argentin, dans je ne sais quelle monnaie,
34:20 puisqu'elle a changé au moins 10 fois,
34:22 ne valent plus rien.
34:23 Et à ce moment-là, le peuple dit,
34:25 il faut peut-être changer.
34:27 Tant que l'État peut distribuer des subventions,
34:30 la tentation de continuer à les toucher
34:34 et de rester un esclave, c'est la Boétie qui parlait,
34:36 je crois.
34:38 - La servitude volontaire.
34:39 - La servitude volontaire.
34:41 Aujourd'hui, on n'a dans les cas pas tant de servitude volontaire,
34:43 mais les moyens de maintenir cette servitude volontaire
34:45 sont en train de disparaître.
34:47 Puisque ça fait 30 ans, le niveau de vie en France,
34:51 c'est le niveau de vie gagné par l'économie française
34:53 auquel vous rajoutez un niveau de vie emprunté.
34:56 Et ça vous donne le niveau de vie toujours.
34:58 Mais aujourd'hui, la situation de la dette
35:00 et de la situation de la demande d'argent
35:02 dans les autres pays du monde,
35:03 parce que vous allez avoir un boom extraordinaire
35:04 du côté de l'océan Indien,
35:06 ça va boomer là-bas de façon extraordinaire.
35:08 Donc ils ne vont plus avoir besoin de mettre leur réparation chez nous,
35:10 c'est dans terre,
35:12 ils vont la mettre pour développer l'océan Indien.
35:14 Donc notre niveau de vie va passer du niveau de vie gagné
35:16 plus le niveau de vie emprunté au niveau de vie gagnée.
35:19 C'est ce qui est en train d'arriver en Argentine.
35:22 - Arthur Le Matrigand.
35:23 - Alors vous dites que le fonctionnement permet
35:25 de maintenir une servitude volontaire.
35:27 Vous parliez un peu plus tôt du pouvoir juridique.
35:29 Et justement, alors là,
35:30 on n'est pas sur la servitude volontaire
35:32 parce qu'on n'est pas tenu par l'argent.
35:33 Mais pensez-vous que le degré d'exaspération,
35:35 on le voit dans les sondages,
35:37 soit suffisamment fort pour qu'une personne
35:39 de la sphère politique
35:41 ose affronter le juridique ?
35:44 - Ben vous avez...
35:46 Si j'ose me le dire, ça...
35:48 Vous avez vu un peu ça aux Etats-Unis avec Trump ?
35:50 Trump, il a affronté la sphère juridique,
35:53 la sphère médiatique, etc.
35:55 Et on ne l'a pas laissé gouverner paisiblement, si.
36:00 - Mais on pourrait retrouver la question,
36:02 est-ce qu'il était prêt à gouverner ?
36:03 Parce que Trump, vous savez,
36:04 c'est la figure disruptive aux Etats-Unis.
36:06 Mais est-ce qu'il était prêt à gouverner lui-même ?
36:08 - Je ne sais pas s'il était prêt,
36:09 mais pendant les deux premières années,
36:10 il a dû se bagarrer contre cette histoire
36:12 qu'il était acheté par la Russie,
36:13 qui tenait...
36:14 Donc les deux premières années,
36:15 il n'a rien pu faire,
36:16 il était occupé à se bagarrer contre ça.
36:17 Mais maintenant, s'il revient au pouvoir,
36:19 il est probable qu'il sait qui...
36:21 C'est vraiment qui sont ses ennemis.
36:23 C'est pour ça que ça va devenir intéressant.
36:25 Je vous raconte une histoire qui est assez intéressante.
36:27 Il y a à peu près 10 ans,
36:29 oui, 10 ans, un peu plus,
36:30 il y a le gouverneur de la Banque centrale de Kansas City,
36:34 un homme tout à fait éminent,
36:35 qui s'appelle Thomas Holling,
36:37 qui demande d'avoir un petit déjeuner avec moi à New York.
36:40 Donc je vais à Balthazar, vous savez, en bas, là.
36:42 Je ne sais pas si vous connaissez.
36:44 C'est très sympa, Balthazar.
36:46 C'est juste à côté de chez moi.
36:47 Et on prend le petit déjeuner,
36:49 on échange des idées.
36:50 Je ne suis pas appauvri,
36:51 parce qu'il est très compétent.
36:53 Et à la fin, il dit,
36:54 "Mais Charles, il faut que je vous explique quelque chose,
36:56 "parce que vous n'avez pas compris.
36:57 "À la fin des années Clinton,
36:59 "la Banque centrale des États-Unis
37:01 "est tombée sur la coupe d'une mafia criminelle.
37:03 "Et depuis, la politique monétaire
37:05 "est menée par cette mafia criminelle
37:07 "pour le compte de cette mafia criminelle.
37:09 "Et la grande question que je me pose, dit-il à cette époque,
37:11 "c'est comment les États-Unis vont retrouver leur démocratie."
37:14 Donc aujourd'hui, j'ai vu...
37:16 Un banquier central,
37:18 ça vous racontera rarement des trucs rigolos, quoi, je veux dire.
37:21 Et en plus, il ne dit jamais rien.
37:23 Mais là, c'était la première fois que je rencontrais cet homme,
37:26 il était banquier central,
37:27 il votait à la Fed,
37:29 il avait voté huit fois de suite contre son chairman,
37:32 qui était M. Bernanke,
37:34 et il disait, "C'est une série de criminels."
37:36 Donc la question qu'il faut se poser,
37:38 c'est est-ce que nos démocraties sont tombées
37:40 sous la coupe de mafia criminelle un peu partout ?
37:42 Et si c'est le cas, comment s'en débarrasser-t-on ?
37:44 - Je vous ramène un instant sur Trump,
37:46 parce que, quoi qu'on en dise, c'est un exemple assez intéressant.
37:48 - Bien sûr.
37:49 - Il se fait élire dans un moment insurrectionnel,
37:51 un moment populiste,
37:53 mais sans que le terme soit connoté négativement.
37:55 Mais on le voit, lorsqu'il est nommé,
37:57 lorsqu'il prend ses fonctions,
37:59 vous savez, aux États-Unis, il faut nommer
38:01 les premières couches de fonctionnaires de l'État,
38:03 on vire des gens et on peut nommer des gens.
38:05 Or, il n'y avait personne... J'exagère, mais il n'y avait pas
38:07 les équipes nécessaires pour nommer,
38:09 pour former l'État, pour le gouverner.
38:11 Donc est-ce qu'on peut pas dire...
38:13 Vous dites que c'est une forme d'insurrection
38:15 pour dire "le roi est nu",
38:17 mais est-ce qu'à ce moment-là, il n'a pas lui-même creusé
38:19 sa propre tombe en étant incapable de...
38:21 Il a pris le pouvoir, mais il n'a pas été capable d'en faire quelque chose.
38:23 - En fait, oui et non, parce que...
38:25 Prenez par exemple le deuxième ministre de la Justice,
38:27 M. Barr, qui était l'ancien ministre de la Justice
38:30 du fils de Bush,
38:32 enfin, du président des États-Unis à l'époque.
38:34 Vous avez toute une série de républicains,
38:36 comme vous le savez mieux que personne des États-Unis,
38:38 qui sont ce qu'on appelle des "rhinos",
38:40 vous savez, les "Republicans, name only",
38:42 et qui se sont présentés en disant
38:44 qu'ils allaient faire le boulot, et qu'ils ont trahi.
38:46 Le premier ministre de la Justice a complètement trahi Trump,
38:50 qui était un sénateur du sud des États-Unis.
38:53 Donc, c'est un petit peu comme Sarkozy,
38:58 qui se fait élire et qui trahit
39:01 en acceptant la Constitution.
39:04 C'est pas là-dessus qu'il s'était fait élire,
39:06 même s'il l'avait dit.
39:08 Et donc, ce qui se passe, c'est que c'est vrai,
39:11 et donc, ce que fait le type en Argentine,
39:14 je trouve rigolo, c'est que son slogan électoral,
39:17 - Il y avait Midek, le nouveau président.
39:19 - Son slogan électoral, c'était "une tronçonneuse".
39:22 C'est-à-dire, peut-être, se débarrasser,
39:24 parce qu'on a un vrai problème auquel on s'attache pas assez.
39:27 C'est que vous avez le législatif,
39:30 le judiciaire et l'exécutif,
39:32 et tout le monde dit "il faut s'occuper de ces trois-là".
39:34 Mais le vrai quatrième pouvoir aujourd'hui,
39:36 c'est l'espèce de monstre de la fonction publique
39:40 que j'appelle les petits hommes gris,
39:42 qui sont dans toutes les sociétés de réglementation
39:44 pour réglementer la fonction publique.
39:45 - Parce qu'on l'appelle l'Etat administratif aujourd'hui.
39:47 - L'Etat administratif, que personne ne contrôle,
39:49 et qui n'a qu'une idée, c'est de voir sa taille grossir.
39:52 Donc, il faut tuer cet Etat administratif.
39:56 Et ça, on parle pas. On parle d'une révolution.
40:00 C'est-à-dire qu'il faut qu'on sorte de cette concentration
40:02 perpétuelle des pouvoirs à Washington
40:04 pour renvoyer les pouvoirs vers les Etats locaux.
40:07 - Et de ce point de vue, donc là,
40:09 vous avez utilisé un gros mot, si je peux me permettre,
40:11 le mot "révolution".
40:12 Le monde occidental aujourd'hui, pour vous,
40:14 est en attente d'une révolution ?
40:16 - Le monde occidental est en attente d'une révolution
40:18 qui se passe depuis très longtemps paisiblement en Suisse.
40:21 - Donc pour vous, la Suisse, c'est vraiment le modèle à suivre.
40:24 - C'est le modèle... Parce que pourquoi la Suisse
40:26 a-t-elle si bien réussi ?
40:28 Vous pouvez regarder tous les chiffres,
40:29 ils sont absolument remarquables.
40:31 C'est qu'on a inventé la démocratie représentative
40:33 quand il fallait 15 jours pour aller de Toulouse à Paris.
40:36 Donc, on élisait un gars à Toulouse, et puis on lui disait
40:38 "Bon, ben tu vas représenter les intérêts à Paris",
40:40 puis après il se faisait acheter à Paris,
40:41 puis il ne représentait plus du tout les intérêts de Toulouse,
40:43 mais enfin, ça c'est autre chose.
40:45 Aujourd'hui, la distance géographique n'a rien à voir
40:50 avec la capacité à prendre une décision.
40:52 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, avec mon téléphone,
40:54 qui serait encrypté, je pourrais voter deux fois par jour
40:56 sur des sujets qui seraient présentés par le peuple.
40:59 Je n'ai plus besoin d'avoir quelqu'un qui vote pour moi.
41:02 Je suis capable de... Je suis aussi bien informé
41:04 que les gars à l'Assemblée, je n'ai plus besoin d'eux
41:06 pour prendre des décisions à ma place.
41:07 Ils ont montré leurs incompétences,
41:09 ils ont montré qu'ils étaient vénaux,
41:11 ils ont montré qu'ils étaient incompétents,
41:13 donnons la parole au peuple à nouveau.
41:14 Lui, il prendra peut-être des décisions qui sont plus intelligentes.
41:16 - Mais il nous reste très peu de temps,
41:17 et vous me poserez pourtant une question importante.
41:19 Est-ce qu'il n'y a pas le danger,
41:20 si on a dit "On est tous démocrate,
41:21 à tout le moins on se veut démocrate",
41:23 mais est-ce qu'il n'y a pas le...
41:24 - Je ne suis pas démocrate, je suis républicain,
41:25 ce qui n'est pas la même chose.
41:26 - D'accord. Alors marquons cette différence.
41:28 Mais bon, je me dis démocrate, vous vous dites républicain,
41:30 dans les deux cas on a la référence au peuple.
41:32 Or, est-ce qu'il n'y a pas la dizaine,
41:33 le peuple peut aussi se comporter comme une foule ?
41:35 Le peuple peut aussi avoir la tentation lécheuse ?
41:37 Est-ce que de ce point de vue,
41:38 l'idée d'une élite médiatrice,
41:40 ce n'est pas une manière aussi d'éviter
41:41 qu'une société vive sous le signe de l'humeur populaire
41:43 permanente dans ses excès ?
41:45 - C'est pour ça que vous avez besoin d'une république
41:47 et pas d'un...
41:48 Ce que disait Benjamin Franklin,
41:50 c'est qu'il disait la différence
41:51 entre une république et une démocratie,
41:52 c'est que la démocratie,
41:53 c'est qu'il y a deux loups et un agneau
41:54 qui discutent de ce qu'on va voir au dîner ce soir,
41:56 et puis vous avez la république
41:58 où c'est l'agneau et lourdement armé,
42:00 et donc il peut se défendre.
42:02 Donc la république,
42:03 c'est que vous avez un certain nombre
42:04 de textes constitutionnels
42:06 qui sont intouchables,
42:08 sauf avec des majorités à 95%,
42:10 et en dessous,
42:12 vous avez la décision politique au jour le jour
42:14 qui peut être prise par des référendums,
42:16 mais vous avez des trucs qui sont intouchables là-haut.
42:19 Donc moi je suis républicain,
42:21 mais j'ai très peur de la démocratie,
42:23 qui d'un seul coup décide qu'il faut,
42:25 je sais pas,
42:26 tuer tous les coiffeurs,
42:28 ou j'en sais rien.
42:29 - Il reste à décider qui fixe votre constitution,
42:31 qu'on ne peut pas bouger.
42:33 - Oui, mais c'est un petit peu
42:34 ce qui s'est passé aux Etats-Unis.
42:35 Ils ont eu du pot,
42:36 ils ont eu des gars qui ont fait ça bien
42:37 il y a à peu près 250 ans.
42:38 - Ça se reproduit rarement.
42:39 - Ça se reproduit rarement,
42:40 mais c'est pas parce que ça s'est pas produit
42:41 qu'on doit rester avec des types qui sont nuls.
42:43 - Il nous reste une minute.
42:44 Alors vous êtes tout le contraire d'un pessimiste.
42:46 Vous croyez ?
42:47 - Complètement.
42:48 - Alors cela dit,
42:49 quelles sont les marques qui vous font espérer
42:51 dans les temps présents ?
42:52 En une minute,
42:53 ce qui vous permet de dire
42:54 finalement ça ira mieux.
42:55 - Finalement,
42:56 ce qui me fait,
42:57 c'est que,
42:58 encore une fois,
42:59 pour être évident,
43:00 c'est que cette classe qui nous dirige
43:02 n'a plus rien à dire.
43:04 Elle n'a plus de projet.
43:06 Elle est complètement vide d'idées,
43:08 vide des dalles,
43:09 vide de tout ce qu'on peut penser.
43:11 Et donc,
43:12 je crois qu'elle va disparaître
43:14 simplement parce qu'elle rase tout le monde.
43:17 Elle ne fait rêver personne.
43:20 Et une nation,
43:21 c'est comme le disait Renan,
43:23 c'est une volonté de vivre ensemble
43:25 appuyée sur un imaginaire commun.
43:27 Or,
43:28 ils ne veulent pas vivre avec nous
43:29 parce qu'on sort des pieds.
43:30 Et ensuite,
43:31 ils n'ont pas d'imaginaire commun
43:34 parce qu'ils ne savent pas ce que c'est que la France.
43:36 Ils n'ont jamais su.
43:37 Ça ne les intéresse pas.
43:39 Donc,
43:40 il faut revenir au peuple.
43:42 - Merci,
43:43 Charles Gab.
43:45 Merci à tous les deux.
43:47 Mathieu Bocoté,
43:48 Arthur De Vintrigan.
43:49 L'info se poursuit sur CNews dans un instant.
43:52 C'est l'heure des prises.
43:53 - Merci.
43:54 Merci.
43:55 [SILENCE]