François Miquet-Marty est l'Invité du 13h le jeudi 21 décembre 2023.
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00:00 Bonjour François-Mickey Martis, vous êtes président de l'Institut de sondage Via Voice, merci d'être avec nous dans ce 13-14.
00:06 On va parler ensemble de cette loi Immigration, plus globalement de ce thème de l'immigration qui prend une grande place dans le débat public ces dernières semaines,
00:13 avec l'examen puis le vote de cette loi il y a deux jours.
00:16 Je voudrais savoir quelle est l'importance de cette thématique aux yeux des Français que vous interrogez,
00:21 comment ils regardent aussi les mesures qui ont été adoptées et puis celles qui n'ont pas été adoptées aussi il y a deux jours.
00:27 Alors j'attends les questions des auditeurs de France Inter pour vous 0145247000, vous passez également via l'application France Inter.
00:36 Hier soir le président de la République Emmanuel Macron s'est donc exprimé, c'est justifié, c'est défendu sur France 5 dans l'émission C'est à vous.
00:43 Il a eu cette expression François-Mickey Martis, nos compatriotes attendaient cette loi.
00:48 Est-ce que le président de la République a raison de dire cela à l'aune des enquêtes que vous menez, à l'aune des questions que vous posez aux Français que vous interrogez ?
00:56 Oui en effet, alors il n'a pas tout à fait tort.
00:59 D'abord la question de l'immigration, elle est de plus en plus importante depuis plusieurs années, ça fait partie des quatre ou cinq préoccupations prioritaires des Français.
01:08 Et puis ensuite sur le fond, les études d'opinion qui ont été réalisées avant l'adoption de cette loi et puis hier, donc très récemment,
01:15 montrent qu'on a peu ou prou entre les deux tiers et 70% des Français qui souscrivent, qui adhèrent au contenu de cette loi.
01:23 Donc il y avait une préoccupation et il y a toujours bien entendu une préoccupation importante,
01:27 pas pour tous les Français bien entendu, mais enfin on a près de 40%, entre 35 et 40% des Français qui considèrent que les questions d'immigration sont fondamentales.
01:36 Et c'est d'une certaine manière intéressant de le souligner parce que quand on regarde le détail des approbations,
01:42 on a des approbations qui sont très massives sur un certain nombre d'enjeux majeurs, par exemple la déchéance de nationalité,
01:48 on a 88% des Français qui y sont favorables, la réduction des aides sociales, souvent on dit "mais est-ce que c'est bien légitime ?"
01:53 Les trois quarts des Français y sont favorables, le durcissement du regroupement familial, on est à 79%.
01:59 Donc je ne vous fais pas toute la liste, je vous fais grâce de toute la liste, mais pour dire qu'on a au fond, en point moyen,
02:05 on a les trois quarts des Français qui souscrivent à cette loi. Donc c'est loin d'être négligeable.
02:08 Oui, c'est loin d'être négligeable. Est-ce qu'on peut même dire et qualifier ces mesures d'extrêmement populaires quand on arrive à ce stade d'approbation ?
02:16 Est-ce que c'est rare ?
02:18 Oui, bien entendu c'est rare, elles sont effectivement populaires. Ce qui est très frappant, c'est quand vous observez la répartition,
02:25 ces gens qui souscrivent à ces mesures, on constate que bien sûr la droite, l'extrême droite, ils sont favorables, mais enfin plus de 80%…
02:33 Donc les électeurs qui ont voté pour Valérie Pécresse ou pour Marine Le Pen lors de la dernière élection présidentielle, ou pour Éric Zemmour ?
02:38 Pour Éric Zemmour, mais aussi, et c'est là que ça devient très intéressant, 85% des électeurs d'Emmanuel Macron, 60% des électeurs socialistes, 40% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon.
02:48 Donc on est loin de considérer qu'on aurait une France qui massivement rejetterait ces dispositions.
02:54 On a une France clivée, très massivement, on voit que ça suscite des passions, on a des visions concurrentes, mais pour dire les choses très simplement,
03:02 de manière très majoritaire, cette loi, alors on peut le déplorer, on peut s'en réjouir selon son positionnement, mais cette loi est massivement soutenue.
03:09 Jusqu'à gauche, si je vous entends bien, jusqu'aux électeurs du Parti Socialiste ?
03:14 Jusqu'eux, majoritairement auprès des électeurs du Parti Socialiste. C'est probablement ce qui explique cet incroyable culbuto auquel on a assisté.
03:21 Il y a eu deux culbutos successifs, pour aller vite sur ce à quoi on a assisté ces derniers jours.
03:25 Il y a eu d'abord le projet de loi initial de réforme sur le texte de l'immigration, puis le texte auquel on a assisté hier matin, qui était au fond la version votée par le Parlement.
03:37 Et puis, c'était la première inversion, le premier culbuto si l'on peut dire, et puis hier soir l'intervention du Président de la République,
03:43 qui au fond assume, ce sont ses propres termes, totalement ce projet de loi, moyennant quelques bémols concernant la constitutionnalité d'un certain nombre de mesures.
03:52 Enfin, globalement il assume. Pourquoi assume-t-il ? Probablement parce que ces mesures sont en résonance avec l'opinion.
03:57 Donc, on voit cette extraordinaire tête à queue, d'une certaine manière, où après un imbroglio parlementaire auquel nul ne pouvait s'attendre,
04:05 on a un Président de la République qui peut se permettre d'assumer des mesures qui, pour une majorité de Français aujourd'hui, en effet, sont populaires.
04:12 Vous nous avez dit que cette thématique de l'immigration, elle rentre dans les 4-5 thématiques qui sont essentielles aux yeux des Français.
04:19 Ça veut dire que ce n'est pas forcément la préoccupation numéro 1 centrale, aujourd'hui ?
04:24 Ça reste le pouvoir d'achat, l'inflation, la préoccupation numéro 1 des Français ?
04:28 Tout à fait. Alors, de manière très régulière, nous suivons ces préoccupations dans le temps.
04:32 En effet, aujourd'hui, à la date où nous parlons, les deux tiers des Français sont préoccupés d'abord par la question du pouvoir d'achat.
04:38 Alors, ça se comprend dans le contexte inflationniste. Depuis un an, c'est le sujet majeur.
04:42 En deuxième lieu vient la question de la santé. Et depuis la période Covid, cette question de la santé, elle reste de 45-50%.
04:48 Elle est fondamentale. La question climatique, ne l'oublions pas, quand même, nous sommes entre 35 et 40%.
04:53 Et puis ensuite vient la question de l'immigration. Très concrètement, aujourd'hui, nous sommes à 38%.
04:57 Donc, on voit que cette question de l'immigration, elle a progressé depuis un an, un an et demi.
05:00 Donc, ça fait partie des sujets majeurs. La question de l'inflation, du pouvoir d'achat demeure le sujet principal.
05:06 Mais enfin, la question de l'immigration est prépondérante quand même.
05:08 Il y a un thème qui revient beaucoup dans les débats, c'est celui de la préférence nationale ou priorité nationale,
05:16 qui est porté par le Rassemblement national depuis des années.
05:19 La gauche estime que la préférence nationale est introduite dans le droit français par ce texte.
05:25 La première ministre Elisabeth Banz en est défendue hier en expliquant que, notamment dans le RSA,
05:29 il y avait déjà des dispositifs qui faisaient que les Français et les étrangers n'avaient pas tout à fait les mêmes droits.
05:35 Que disent les Français que vous interrogez sur ce thème ?
05:36 La préférence nationale, est-ce que c'est un tabou ou au contraire, est-ce que c'est plutôt une mesure qui serait plébiscitée ?
05:41 C'est très intéressant parce que c'est un tabou en termes de débat public,
05:45 mais on a aujourd'hui, là aussi, près de 60% des Français qui souscrivent à des principes de préférence nationale.
05:51 Alors pourquoi ? Il faut se dire, qu'est-ce qui est derrière tout ça ?
05:54 Ça veut dire des droits différents pour les Français et les étrangers ?
05:55 Exactement.
05:58 Il y a beaucoup, et on l'a vu depuis, j'ai la chance ou la malchance, je ne sais pas,
06:03 depuis une vingtaine d'années de faire des études d'opinion, donc on peut suivre tout ça,
06:06 ce qui a beaucoup progressé, l'idée selon laquelle beaucoup de Français s'estiment,
06:11 aujourd'hui, les deux tiers quasiment, en déclassement, en situation de plus en plus difficile.
06:16 Et au fond, la comparaison qui est faite souvent, c'est celle d'avantage comparée.
06:20 Et à tort ou à raison, et là aussi, on peut tout à fait s'opposer et contester ce genre de constat,
06:25 mais enfin, forcer d'observer que ce sont des perceptions importantes,
06:30 l'idée selon laquelle, au fond, les aides qui sont accordées aux étrangers,
06:34 et a fortiori aux étrangers en situation irrégulière, ne bénéficient pas aux Français.
06:38 Autrement dit, un équilibre qui est considéré souvent comme un équilibre comptable.
06:43 On est sur une situation de comparaison entre des personnes qui viennent d'ailleurs
06:49 et qui prendraient l'argent dont les Français seraient comptables et dont ils devraient être bénéficiaires.
06:55 Même quand on expliquait que l'aide médicale d'État, ça faisait moins de 1% du budget global de la sécurité sociale.
06:59 Exactement. Et en effet, là, vous avez raison d'inciter sur ce point-là,
07:03 c'est-à-dire qu'il y a la réalité, il y a les perceptions,
07:06 parfois ça converge, parfois ça diverge, mais ce point est en effet très important.
07:10 Donc, on est sur une appréciation de l'immigration qui est multiforme.
07:14 Lorsqu'on interroge les Français aujourd'hui, le point numéro 1 concernant l'immigration, c'est le problème de l'insécurité.
07:19 Donc, il y a cet amalgame qui est très souvent...
07:21 Un lien fait par les Français que vous interrogez.
07:23 Et puis ensuite, les questions économiques et financières, en effet.
07:26 Est-ce qu'il y a une différence selon que les Français que vous interrogez sont plus jeunes ou plus âgés sur cette thématique, François-Michel Martis ?
07:32 Tout à fait, les plus âgés sont plus sensibles à cette question.
07:36 Alors, tout est cohérent d'ailleurs.
07:38 Les plus âgés sont plus sensibles aux questions d'immigration, sont plus en rejet aussi de l'immigration, appellent à des mesures plus fortes.
07:44 Ça correspond aussi à une distribution des électorats.
07:46 C'est vrai qu'on a aujourd'hui, on pourrait le qualifier comme ça, les arguments changent beaucoup,
07:51 mais on a globalement une France qui est fracturée entre deux sensibilités qui sont à la fois politiques, mais qui sont aussi en effet générationnelles.
07:57 Plusieurs questions des auditeurs de France Inter qui passent par l'application et par le standard 0145.
08:02 24 7000 pour vous, François-Michel Martis.
08:04 Patrice qui vous demande, les Françaises et les Français ont-ils une opinion différente selon le pays d'origine des immigrés ?
08:11 Bien sûr, bien sûr, puisque au fond, les perceptions portent aussi au-delà des distributions financières,
08:19 on a des aspects de redistribution sur les questions des modes de vie et la compatibilité des modes de vie.
08:24 Dans la hiérarchie des lectures, des grilles de lecture de l'immigration, c'est le troisième élément, c'est-à-dire sur la compatibilité des modes de vie.
08:31 Beaucoup de Français, d'ailleurs une majorité, les deux tiers disent mais on devrait davantage reconnaître les personnes d'origine étrangère
08:37 qui parviennent à s'intégrer en France, à vivre en France.
08:40 Cette question, et elle progresse au cours du temps.
08:42 Pour vous donner deux choses très concrètes, on a depuis le début des années 2000,
08:47 60% des Français qui estiment qu'il y a trop d'étrangers en France.
08:51 Et cette question des identités, c'est-à-dire au fond de la compatibilité des modes de vie, elle devient de plus en plus prépondérante.
08:57 C'est aussi la raison pour laquelle je pense que la question de l'immigration progresse en termes d'intensité.
09:03 C'est-à-dire, ce sont des sujets, les arguments se développent, les arguments financiers dont on a parlé tout à l'heure,
09:07 et puis aussi la compatibilité des modes de vie.
09:09 Donc on comprend bien qu'en effet, certains types d'immigration sont préférables à d'autres.
09:13 Une question connexe à celle que je viens de poser, on en a beaucoup parlé dans le débat,
09:17 c'est la régularisation temporaire des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, qui est actée par le texte qui a été voté il y a deux jours.
09:24 Le gouvernement nous dit que ça va faire 10 000 régularisations en plus par an.
09:28 Est-ce que cette mesure-là, elle est plébiscitée par les Français que vous interrogez ?
09:31 Alors aussi, en effet, et c'est probablement les trois quarts des Français aujourd'hui.
09:35 75% ?
09:35 Voilà, 76% exactement, aspirent à une régularisation des travailleurs sans-papiers.
09:40 Ça peut paraître contradictoire avec ce que vous venez de nous dire au début en fait.
09:43 Pas tout à fait, parce qu'au fond, ce ne sont pas toujours les mêmes personnes, etc.
09:48 Mais globalement, ça traduit un souhait de normalisation, c'est-à-dire des personnes qui sont en activité professionnelle sur le sol français.
09:55 On souhaite qu'elles puissent avoir une forme et une totalité de régularisation qui permettent de prendre acte de leur présence et puis aussi de répondre à des besoins économiques.
10:05 C'est quelque chose qui progresse.
10:06 On avait réalisé, nous, via Voice, un sondage pour libération en septembre, on était à 60%.
10:10 Donc ça veut dire que cette question-là de la régularisation, plus le débat progresse, c'est l'un des atouts du contexte actuel.
10:16 Plus les Français sont éclairés, c'est-à-dire plus ils ont d'informations.
10:18 Plus ils sont favorables à cette régularisation à titre économique.
10:22 C'est l'argument qui est avancé.
10:24 Question d'Elisabeth, là encore par l'application France Inter.
10:28 Chaque fois que Jordan Bardella, président du Rassemblement National, est invité sur France Inter, nous dit-elle, il dit que 80% des Français pensent comme lui.
10:35 Quel est le pourcentage réel de Français qui trouvent qu'il y a trop d'étrangers en France ?
10:39 Alors c'est très stable, ça varie entre 60% et 65% depuis 20 ans.
10:43 La question, cette question très précise du nombre d'étrangers, de l'excès du nombre d'étrangers, c'est très stable, entre 60% et 65%.
10:51 Donc, d'une certaine manière, Jordan Bardella a tendance à surestimer la réalité.
10:55 Mais enfin, il n'y a plus de la majorité.
10:57 Mais il n'y a quand même plus de la majorité, tout à fait.
10:59 Daniel nous appelle du département de l'Essonne. Bonjour Daniel.
11:03 Je crois que Daniel avait une question sur la méthode que vous utilisez. Je vais vous la poser moi-même, François-Mickey Marti.
11:10 Vous êtes là Daniel ou pas ?
11:11 Oui, je suis là.
11:12 On vous écoute.
11:13 La question était simple. Les gens qui répondent aux questions au sujet de la loi ont élu complètement la loi.
11:20 Merci Daniel pour cette question. J'ai un peu la réponse, François-Mickey Marti.
11:25 Oui, alors c'est une question importante parce que, on peut dire aujourd'hui que le débat a un peu mûri.
11:29 Alors, la manière dont on procède, les personnes qui sont interrogées sont des échantillons de 1000 personnes qui sont représentatives de la population française
11:36 et on leur propose point par point les différents aspects, les différents contenus de la loi.
11:41 De manière assez détaillée.
11:42 Alors, ils peuvent ne pas les connaître, ils peuvent les découvrir lors de l'enquête d'opinion.
11:47 Certaines sondages sont réalisées par téléphone, d'autres sont réalisées par internet.
11:50 Enfin, on essaie quand même de leur donner le maximum d'informations pour que non pas qu'ils puissent se prononcer sur la loi dans sa globalité
11:57 mais sur les aspects détaillés point par point de la loi.
12:00 On est dans une situation inverse en fait à la situation qui concerne la loi sur la réforme des retraites.
12:05 C'est-à-dire qu'on a eu une loi sur les retraites qui était extrêmement impopulaire
12:10 et là on a une loi qui, si je résume nos échanges, François-Mickey-Marty, est plutôt populaire.
12:15 Exactement, et c'est ce qui fait beaucoup réfléchir.
12:17 On parle beaucoup de la réorganisation du champ politique aujourd'hui.
12:21 D'une certaine manière, Emmanuel Macron, après avoir bouleversé le champ politique entre la gauche et la droite,
12:28 l'a effectué une tentative nouvelle en dépassant les équations habituelles,
12:34 en affirmant que cette question de l'immigration doit être endossée, doit être assumée par les équipes au pouvoir
12:41 pour pouvoir répondre aux attentes d'une partie des Français et en cela être en résonance.
12:45 Donc qu'est-ce qu'il est en train de faire au fond ?
12:47 Il est en train à nouveau de déplacer les lignes, de créer un nouveau clivage et d'intégrer dans son propre champ d'action
12:52 l'une des thématiques dont on pourrait considérer jusqu'ici qu'elle relevait d'une partie de la droite ou de l'extrême droite en priorité.
12:59 Alors probablement la question de savoir si ça sera pérenne ou pas.
13:03 Il ne peut pas non plus se permettre, on le voit aujourd'hui, dès aujourd'hui dans les enquêtes d'opinion,
13:07 il prend le risque aussi de perdre une partie de ses soutiens issus de la gauche,
13:11 on le voit à travers certains ministres, à travers une partie de ses sympathisants.
13:14 Mais risque assez limité.
13:15 Mais risque assez limité.
13:16 Merci François-Mickey Marty pour cet éclairage.
13:19 Merci d'avoir accepté l'invitation de ce 13-14 président de l'Institut de sondage via Voice.