• il y a 2 ans
"HORS DE CONTRÔLE : TCHERNOBYL" / Depuis 30 ans, le nom de Tchernobyl résonne dans toutes les têtes.
Pourtant pour la plupart d'entre nous, cet anniversaire tragique cache encore de nombreux mystères.
Sait-on ce qu'il s’est réellement passé la nuit du 26 avril 1986 dans les murs de la centrale ?
Sait-on que, ironie du sort, c’est un test de sécurité qui est à la base de l’accident ?
Sait-on qu’à seulement quelques secondes cette catastrophe aurait pu être évitée ?
Quelles solutions ont été apportées ? Quelles ont été leurs conséquences ?

Nous sommes partis en Russie, aux Etats-Unis, en France et au Royaume-Uni rencontrer ceux qui ont vécu cette catastrophe, qui l'ont étudié ou qui aujourd'hui encore imaginent les solutions les plus folles pour venir à bout du danger…
A l'aide d'images d'archives et de reconstitutions 3D, nous avons tenté de comprendre comment Tchernobyl a pu devenir synonyme de menace mortelle pour le monde entier. Et comment, 30 ans après, presque jour pour jour, on tente encore de canaliser le danger...

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Transcription
00:00 Après 3 heures d'intervention, les pompiers parviennent à maîtriser le feu de la centrale.
00:04 Pourtant, sans qu'ils ne s'en rendent compte, leur corps est gravement touché.
00:09 Pripyat, en Ukraine, la ville fantôme la plus célèbre du monde.
00:17 De l'ancienne cité des années 70, tout est resté.
00:21 Les bâtiments, les routes, les airs de jeu, la fameuse grande roue.
00:26 Tout sauf les hommes.
00:29 Invisible, mais mortel, un poison se diffuse ici depuis des décennies.
00:38 Tapis dans la terre et les végétaux, il a tout contaminé.
00:42 Son origine remonte au pire accident nucléaire civil de l'histoire,
00:48 dont le nom continue de résonner dans toutes les têtes.
00:52 Tchernobyl.
00:57 C'est un véritable cratère au milieu de la centrale.
00:59 Mais que s'est il réellement passé la nuit du 26 avril 1986 dans les murs de Tchernobyl?
01:07 Sait on que, ironie du sort, c'est un test de sécurité qui est à la base de l'accident?
01:13 - Ils ne savent absolument pas ce qu'ils sont en train de faire, ce que ça va provoquer.
01:18 Sait on qu'à quelques secondes près, la catastrophe aurait pu être évitée?
01:23 - Le moment où ils réagissent, c'est à dire où ils appuient sur l'arrêt d'urgence
01:27 pour faire tomber les barres d'arrêt d'urgence.
01:29 C'est trop tard.
01:30 - Là, on est dans une situation d'urgence totale.
01:32 Quelles solutions ont été apportées?
01:38 Avec quelles conséquences?
01:40 - J'avais brutalement bronzé et ma peau pelait beaucoup.
01:46 L'affaire était tenue totalement secrète.
01:49 Nous sommes partis en Russie, aux Etats-Unis, en France et au Royaume-Uni,
01:55 rencontrer ceux qui ont vécu cette catastrophe, qui l'ont étudiée
01:59 ou qui, aujourd'hui encore, imaginent les solutions les plus folles
02:03 pour venir à bout du danger.
02:05 C'est la plus grande structure mobile du monde.
02:09 Voici l'histoire d'un accident synonyme de menace pour le monde entier.
02:15 - Le plutonium, ça a une durée de vie de 23 000 ans.
02:18 Vous avez déjà vu une société humaine qui a tenu 23 000 ans?
02:23 L'histoire de la centrale de Tchernobyl.
02:25 Une catastrophe hors de contrôle.
02:29 - Octobre 2015, le pays de l'Atlantique.
02:32 Le pays de l'Atlantique.
02:33 Le pays de l'Atlantique.
02:35 Le pays de l'Atlantique.
02:36 Le pays de l'Atlantique.
02:37 Le pays de l'Atlantique.
02:38 Le pays de l'Atlantique.
02:39 Le pays de l'Atlantique.
02:40 Le pays de l'Atlantique.
02:41 Le pays de l'Atlantique.
02:42 Le pays de l'Atlantique.
02:43 Le pays de l'Atlantique.
02:44 Le pays de l'Atlantique.
02:45 Le pays de l'Atlantique.
02:46 Le pays de l'Atlantique.
02:48 Le pays de l'Atlantique.
02:49 Le pays de l'Atlantique.
02:50 ...
02:58 - Octobre 2015.
02:59 Nous sommes en Ukraine,
03:02 dans l'enceinte de l'ancienne centrale de Tchernobyl.
03:06 Ce qui ressemble à un simple hangar
03:09 permet en fait de confiner un réacteur nucléaire éventré
03:13 dont les ruines continuent d'émettre
03:16 des doses de radioactivité mortelles.
03:19 Seulement aujourd'hui, la corrosion, les malfaçons,
03:23 la vétusté menacent l'étanchéité de ce sarcophage
03:26 et à travers lui, le monde entier.
03:30 ...
03:33 - Il y a encore beaucoup de matériaux sous forme de lave.
03:36 Une lave qui contient 200 tonnes d'uranium
03:40 et probablement quelques kilos de plutonium
03:43 et autres matières radioactives.
03:46 Du coup, je dirais même que le sarcophage tout entier
03:49 est un déchet nucléaire.
03:51 - Voici la réponse au problème.
03:54 L'arche de Tchernobyl.
03:56 Une structure gigantesque, de 257 m de large
04:00 par 105 m de haut,
04:03 qui, une fois achevée, recouvrira le sarcophage.
04:07 - Pour vous donner une idée,
04:09 elle pourrait recouvrir la cathédrale de Notre-Dame.
04:12 - Cette arche doit être capable de maintenir à couvert
04:16 la radioactivité encore bouillonnante du lieu.
04:19 Plus de 6 mSv par heure,
04:22 soit 14 000 fois au-dessus de la radioactivité naturelle.
04:25 - C'est une première.
04:28 Personne jusqu'à maintenant n'avait réalisé une telle chose.
04:31 - Un projet unique et pour cause.
04:34 L'arche est aujourd'hui le seul moyen
04:37 que l'homme ait trouvé contre une menace qui le domine encore.
04:40 ...
04:43 Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là,
04:47 il faut remonter 30 ans en arrière.
04:50 ...
04:53 ...
04:56 ...
04:59 Nous sommes à Pripyat, en Ukraine,
05:02 au printemps de l'année 1986,
05:05 quelques temps avant la fin de la guerre froide
05:08 et du bloc communiste.
05:10 Ici, les habitants jouissent d'installations
05:13 particulièrement confortables comparées aux autres villes
05:16 de l'Europe.
05:18 Il y a dans cette ville comme un parfum d'innocence
05:22 et de modernité.
05:25 - Pripyat est une ville nouvelle qui compte 50 000 habitants.
05:28 Elle est située près de la rivière Pripyat.
05:31 - C'est une ville qui a été bien planifiée
05:34 avec des avenues très larges, avec beaucoup de verdure,
05:37 avec des parteurs de roses.
05:40 - Les écoles sont pleines, les airs de jeux pour les enfants
05:43 résonnent de leurs cris joyeux.
05:46 - C'est la grande roue
05:49 et c'est les lieux de jeux des enfants.
05:52 C'est une ville où il fait bon vivre.
05:55 - Cette ville symbolisait l'avenir, et ma femme et moi étions ravis
05:58 d'y passer nos vieux jours.
06:02 - On a l'impression que c'est presque en miniature
06:05 un paradis communiste.
06:08 ...
06:11 - Un paradis alimenté en électricité
06:14 et en énergie.
06:17 - La centrale de Tchernobyl est située à 3 km de la ville.
06:20 Elle ne fournit pas que de l'énergie,
06:23 mais aussi des emplois.
06:26 C'est le plus gros employeur du coin.
06:29 4 000 personnes travaillent ici, dans cette usine ultramoderne.
06:32 Boris Istamin a 35 ans
06:35 lorsqu'il est engagé comme ingénieur à la centrale.
06:39 Pour lui, c'est ici qu'il faut être.
06:42 ...
06:45 - A l'époque, il n'existait pas ailleurs en URSS
06:48 de petite ville aussi propre et sécurisée
06:51 près d'une centrale nucléaire.
06:54 Cette centrale était considérée comme la plus sécurisée,
06:57 la plus moderne de toutes.
07:00 Notre centrale était la meilleure de toute l'Union soviétique.
07:03 Derrière ces murs,
07:06 la centrale de Tchernobyl abrite un impressionnant complexe
07:09 destiné à produire de l'électricité.
07:12 Son principe est simple.
07:15 De l'eau monte dans le réacteur.
07:19 Elle est chauffée par du combustible nucléaire,
07:22 puis elle ressort en vapeur pressurisée
07:25 jusqu'à d'immenses dynamos dites turbines
07:28 qui génèrent du courant électrique.
07:31 L'eau refroidie, reprend ensuite sa forme liquide
07:34 et retourne jusqu'au coeur pour un nouveau cycle.
07:37 -Dans une centrale classique, quand on brûle du charbon ou du fioul,
07:40 on utilise de l'énergie chimique.
07:43 Dans le cas d'une centrale nucléaire,
07:46 la densité d'énergie nucléaire est de l'ordre du million de fois
07:49 celle de l'énergie chimique.
07:52 -Donc c'est énorme.
07:56 C'est un concentré d'énergie, l'atome.
07:59 -Un concentré d'énergie qui permet à la centrale de Tchernobyl
08:02 de produire un million de fois plus d'électricité
08:05 qu'une centrale à charbon.
08:08 De quoi souvenir aux besoins de toute la région.
08:11 Cette centrale est composée de 4 réacteurs.
08:16 C'est le numéro 4 qui sera à l'origine de la catastrophe.
08:20 Pourtant, à y regarder de plus près,
08:23 ce réacteur est ultra-moderne.
08:26 Il a été construit ici, en URSS.
08:29 Son nom, RBMK.
08:32 -RBMK veut dire
08:35 "réacteur de grande puissance à tube de force".
08:38 C'est un réacteur très puissant de 1 500 MW,
08:41 d'1,5 GW,
08:44 d'1,5 millions de W.
08:47 C'est un très gros réacteur.
08:50 -Titanesque, il est 15 fois plus gros que les réacteurs occidentaux.
08:53 20 m de haut par 12 m de diamètre
08:57 et chargé de 200 tonnes de combustible d'uranium.
09:00 Mais ce n'est pas la seule spécificité du RBMK.
09:03 Il dispose d'outils très sophistiqués,
09:06 des barres de contrôle composées d'un alliage de métaux
09:09 qui permettent de maîtriser sa puissance.
09:12 -C'est un petit peu le système de freinage.
09:15 Quand on enfonce les barres dans le coeur d'un réacteur,
09:18 c'est un petit peu comme quand on appuie
09:21 sur la pédale des freins dans une voiture.
09:24 -Là où, chez les Occidentaux,
09:27 les barres tombent par gravité, dans le RBMK,
09:30 elles sont motorisées, ce qui est censé sécuriser leur chute.
09:33 Le RBMK,
09:37 une technologie aussi puissante que sûre.
09:40 -Elle porte en elle les signes du progrès,
09:43 du développement. C'est très important
09:46 d'avoir une technologie comme ça.
09:49 -Et c'est pourtant cette technologie
09:52 qui va causer cet accident inimaginable.
09:55 ...
09:58 Musique douce
10:01 ...
10:02 -25 avril 1986.
10:05 Aujourd'hui n'est pas tout à fait un jour comme les autres
10:08 à la centrale de Tchernobyl.
10:10 Les opérateurs ont en effet prévu de réaliser
10:14 un test de sécurité sur le réacteur n°4.
10:17 Ce test doit avoir lieu au milieu de la nuit,
10:20 une fois que la demande en énergie sera réduite.
10:23 Car justement, les ingénieurs souhaitent vérifier
10:26 le comportement de la centrale en cas de panne d'électricité.
10:30 -Les réacteurs doivent démontrer qu'ils sont capables
10:33 de fonctionner s'il y a une rupture du réseau électrique.
10:36 -Ce qu'ils essaient de savoir, c'est, en cas de panne électrique,
10:39 est-ce que les turbines prennent le relais
10:42 et fournissent assez d'électricité pour faire fonctionner la centrale ?
10:45 En particulier, est-ce que les pompes continuent d'assurer
10:48 le système de refroidissement ?
10:50 -Mais auparavant, la procédure exige que la puissance du réacteur
10:54 soit diminuée de moitié, de 1 600 à 700 MW.
10:59 Ce n'est qu'à ce stade que les opérateurs
11:02 pourront simuler la panne de courant
11:04 et voir si les turbines continuent de tourner.
11:07 -Le 25 avril au matin,
11:09 commence la procédure de baisse de la puissance.
11:12 Elle doit prendre environ une douzaine d'heures.
11:15 -Pour abaisser la puissance d'un réacteur,
11:19 vous introduisez les fameuses barres de contrôle,
11:22 celles qui, justement, peuvent ralentir
11:25 les réactions nucléaires.
11:27 -Les opérateurs insertent donc ces barres de freinage.
11:30 Doucement, mais sûrement, la puissance décline.
11:33 De 1 600 MW, elle atteint en quelques heures
11:36 les fameux 700 MW requis pour effectuer le test.
11:39 A l'heure actuelle,
11:41 les opérateurs ne peuvent plus
11:44 stabiliser le réacteur à ce niveau de puissance,
11:47 mais un phénomène étrange survient.
11:50 -Ce qui se passe, c'est que la baisse de puissance
11:53 s'accélère.
11:55 -Les ingénieurs au commande ne comprennent pas ce qui se passe.
11:59 Ils ont une difficulté à interpréter ce qui se passe.
12:02 -Quand vous baissez la puissance, vous ne le faites pas d'un seul coup.
12:05 C'est malheureusement ce qui se passe.
12:08 -Au début, il y a des problèmes.
12:11 -Au début, il y a des problèmes.
12:14 -C'est un problème qui se passe. Comment vont-ils gérer ça ?
12:17 -Étrange comportement du réacteur.
12:20 A présent, il faut faire vite.
12:23 Si la baisse de puissance se poursuit,
12:26 le circuit de refroidissement risque de ne plus fonctionner
12:29 correctement et de mettre en danger la centrale toute entière.
12:32 Seulement, voilà, les opérateurs sont dépassés.
12:36 -Ils ne comprennent pas pourquoi.
12:39 Ca répond pas exactement aux impulsions qu'ils donnent,
12:42 aux ordres qu'ils donnent.
12:44 -Vers minuit 20, minuit 30, la puissance du réacteur
12:47 se trouve déjà à environ 500 mégawatts.
12:50 -Et la chute se poursuit.
12:56 400, 300 mégawatts.
12:59 Jusqu'à un niveau étrangement bas.
13:02 -Le réacteur poursuit sa baisse de manière encore plus accélérée.
13:06 -Il chute brusquement à 30 mégawatts.
13:09 C'est beaucoup trop bas.
13:13 -Les opérateurs doivent monter la puissance du réacteur
13:16 à un niveau permettant de réaliser le test.
13:19 -Plus que jamais, les ingénieurs s'inquiètent
13:22 pour le circuit de refroidissement.
13:25 Trop de barres sont plongées dans le réacteur.
13:28 Il n'y a donc qu'une seule chose à faire,
13:31 inverser la tendance.
13:34 -Il faut lâcher le frein, en fait, d'une certaine façon.
13:37 -Donc, ils se mettent à retirer des barres du coeur
13:40 et ils retirent, ils retirent.
13:43 -Ils en retirent autant que possible
13:47 pour que le réacteur regagne en puissance.
13:50 -Le réacteur semble répondre positivement
13:53 au retrait des barres.
13:56 Alors, les opérateurs continuent sur leur lancée.
13:59 -Que font les opérateurs ?
14:02 Ils retirent plus que ce qu'ils ne devraient faire
14:05 des barres de contrôle.
14:08 -On n'est pas censé toutes les enlever, ni entièrement.
14:11 -Ce qui fait que le réacteur monte en puissance,
14:14 mais finalement, il monte trop vite en puissance.
14:17 -Un premier signal d'alarme retente.
14:20 Le coeur parvient au 700 MW recherché,
14:23 mais au prix de nombreuses barres de contrôle retirées.
14:27 -L'ordinateur les alerte.
14:30 "Vous êtes en train de retirer trop de barres de contrôle."
14:33 "Vous êtes en train de retirer trop de barres de contrôle."
14:36 "Vous êtes en train de retirer trop de barres de contrôle."
14:39 "Ca peut être très dangereux."
14:42 -Il y a urgence. Le retrait massif des barres
14:45 a déclenché toutes les alarmes de sécurité
14:48 et provoqué une véritable confusion en salle des commandes.
14:51 Que faire ? Amorcer le test ou l'annuler ?
14:54 Il faut choisir, et vite.
14:57 -Et à 1h23 du matin,
15:00 leur chef estime qu'ils peuvent réaliser le test
15:04 et qu'ils peuvent contrôler le réacteur
15:07 malgré sa situation très instable.
15:10 Pour ce faire, les opérateurs
15:13 vont fermer les vannes d'admission à la turbine.
15:16 -Première étape du test,
15:19 fermer les vannes d'admission pour simuler la panne de courant.
15:22 L'eau ne parvient plus jusqu'aux turbines.
15:25 Celles-ci vont-elles continuer de tourner par inertie
15:28 et fournir l'eau qui refroidira le réacteur ?
15:31 Comme l'espèrent les ingénieurs.
15:34 -Ils ne savent absolument pas ce qu'ils font,
15:37 ce que ça va provoquer.
15:40 -Il y a cet opérateur.
15:44 Il regarde le haut du réacteur.
15:47 Il réalise que quelque chose ne va pas.
15:50 Il descend des centaines de marches,
15:53 quatre par quatre,
15:56 il court sur des centaines de mètres
15:59 et il descend dans la salle de contrôle.
16:02 Et là, il prononce la pire phrase qu'on peut prononcer dans le nucléaire.
16:06 Il dit "il y a un problème".
16:09 -En réalité,
16:12 les opérateurs ont provoqué un réchauffement dans le coeur.
16:16 -Et comme on ne peut pas refroidir,
16:19 on ne maîtrise plus la réaction nucléaire.
16:23 -La puissance augmente à son tour la température.
16:26 La température augmente ses réactions, et donc la puissance.
16:29 -C'est une suite. Quand ça s'emballe, ça va très vite.
16:32 -Les réactions nucléaires sont si rapides
16:35 qu'elles dépassent totalement les hommes de la centrale.
16:38 La puissance du réacteur est multipliée par 100
16:41 en seulement 4 secondes.
16:44 -Le moment où ils réagissent,
16:47 c'est-à-dire où ils appuient sur l'arrêt d'urgence
16:50 pour faire tomber les barres d'arrêt d'urgence, c'est trop tard.
16:53 -Là, ça devient supercritique.
16:56 La puissance monte brutalement à 30 000 MW.
16:59 Et à ce stade, le mécanisme commence à fondre.
17:03 -Il ne reste plus qu'une solution pour éviter l'explosion,
17:06 utiliser le frein du réacteur.
17:09 Autrement dit, réintroduire les barres de contrôle.
17:12 Seulement avec le mécanisme motorisé des réacteurs RBMK,
17:15 cette opération nécessite 18 secondes.
17:18 -18 secondes pour avancer les barres, c'est trop long.
17:21 -A précisément 1h23 et 44 secondes,
17:24 la situation devient totalement hors de contrôle.
17:27 -Il y a une augmentation de la pression terrible.
17:30 -Un déploiement d'énergie tel que plus rien ne peut tenir.
17:33 -Il est trop tard.
17:35 La réaction nucléaire n'est plus maîtrisable.
17:39 -On ne peut plus rien faire.
17:42 ...
17:45 ...
17:48 ...
17:52 Explosion.
17:55 ...
17:58 -La dalle du réacteur,
18:01 qui pèse 2 000 tonnes,
18:04 s'est trouvée propulsée en l'air
18:07 pour monter d'une dizaine de mètres.
18:10 -Immédiatement,
18:13 sont relâchées énormément de particules et de gaz.
18:16 -A ciel ouvert, en fait,
18:20 la radio nucléide, toute la réaction en chaîne sort.
18:23 -C'est l'uranium et le plutonium qui se trouvent dans le coeur
18:26 et tous les produits de fission
18:28 dus au fonctionnement de la centrale
18:31 qui se trouvent libérés d'un seul coup.
18:34 Explosion.
18:37 -Malgré la violence de la déflagration,
18:40 un seul employé meurt à cet instant.
18:43 Le vrai danger est ailleurs.
18:46 Les matières hautement radioactives
18:49 sont à des centaines de mètres à la ronde.
18:52 Mais plus terrifiant encore,
18:55 une colonne de fumée chargée de gaz et de particules en fusion
18:58 s'élève à plus de 1 000 m au-dessus du bâtiment éventré.
19:01 En pleine nuit, à Pripyat,
19:04 personne n'a entendu l'explosion.
19:07 Personne n'imagine que la plus grave catastrophe
19:10 du nucléaire civil ne fait que commencer.
19:13 -Face à un réacteur totalement éventré
19:16 avec des milliers de tonnes de béton,
19:19 qu'est-ce que vous pouvez faire ?
19:22 -10 minutes après l'accident,
19:25 les 30 pompiers de la caserne de Tchernobyl
19:28 arrivent sur les lieux. Au beau milieu de la nuit,
19:31 ils ne réalisent pas l'étendue des dégâts
19:35 et ne distinguent de la centrale que les flammes
19:38 à éteindre de toute urgence. A aucun moment,
19:41 ils ne se doutent que le vrai danger n'est pas l'incendie.
19:44 -Les pompiers, quand ils arrivent sur place,
19:47 ils n'ont aucune protection, ils pensent se rendre
19:50 sur un infondie. -Un pompier voit un feu.
19:53 Il voit un feu, quoi. Mais dans le feu et les poussières,
19:56 il y a énormément de poussière radioactive,
19:59 et donc ils sont soumis à une très forte dose de radioactivité.
20:02 -Après 3 heures d'intervention,
20:05 les pompiers parviennent à maîtriser le feu de la centrale.
20:08 Pourtant, sans qu'ils ne s'en rendent compte,
20:12 leur corps est gravement touché.
20:15 Leur corps est transpercé de matières radioactives
20:18 qui sont invisibles, inodorent, indolorent.
20:23 -La radioactivité, c'est des champs électromagnétiques,
20:26 les mêmes ondes que nos téléphones portables,
20:29 nos radios, mais avec des énergies
20:32 beaucoup plus importantes, et c'est en particulier
20:35 ce rayonnement-là qui est destructeur.
20:38 -Toute radiation est dangereuse quand elle est excessive.
20:42 -Durant cette nuit tragique, les pompiers de Tchernobyl
20:45 reçoivent jusqu'à 3 fois la dose
20:48 à partir de laquelle on estime la mort inéluctable.
20:51 ...
20:55 -Ils commencent à se sentir mal,
20:58 littéralement, quelques heures après l'accident.
21:01 -Ils n'ont pas à rester là très longtemps
21:04 avant d'être des morts-vivants.
21:07 -Ces gens-là, on les retrouvera quelques jours,
21:10 et après, ayant perdu tous leurs cheveux
21:13 et proches de la mort, et finalement morts.
21:16 -Ces pompiers ne sont que les premières victimes
21:19 de Tchernobyl, car maintenant,
21:22 il va falloir maîtriser la catastrophe
21:25 et par tous les moyens.
21:27 La guerre contre le nucléaire est déclarée.
21:31 ...
21:34 ...
21:38 -Au petit matin, à Pripyat.
21:41 Comme en témoignent ces flashs blancs
21:44 qui émaillent la pellicule, la radioactivité est partout.
21:48 Pourtant, malgré les protections des militaires
21:51 présents dans la ville, personne ne réalise vraiment
21:54 ce qui est en train de se produire.
21:57 Personne n'a conscience du danger.
22:00 Les autorités russes n'ont pas publié le moindre communiqué
22:03 d'alerte, que ce soit ici, à Pripyat,
22:06 ou dans le monde, personne n'est au courant de la catastrophe.
22:10 D'ailleurs, que sait-on vraiment ce matin du 26 avril ?
22:15 C'est par les airs, et en plein jour, cette fois,
22:18 que la centrale accidentée va montrer son vrai visage.
22:21 Ces images sont celles d'un photographe de presse.
22:24 Il fait partie des tout premiers à constater les dégâts.
22:27 -Voilà !
22:30 -Voilà !
22:33 -Voilà !
22:34 -Débrouillez ce lieu !
22:37 -Voilà !
22:38 -Voilà !
22:39 -Voilà !
22:40 -Voilà !
22:42 -Voilà !
22:43 -Voilà !
22:44 -Voilà !
22:45 -Voilà !
22:46 -Voilà !
22:47 -Quand je vois ces images, je me dis,
22:50 mais quelle est la dose de radioactivité
22:53 qui règne au-dessus, qui règne dans l'environnement
22:56 de ces pilotes d'hélicoptère et de ceux qui filment ?
22:59 ...
23:02 -C'est ce qu'il faut. C'est-à-dire aller voir, témoigner.
23:05 Et même s'ils savaient, ils se doutaient
23:08 que c'était ultra dangereux, ils y sont allés quand même,
23:12 on imaginait pas que c'était à ce point-là.
23:15 -La situation est apocalyptique.
23:18 Les premières constatations faites par hélicoptère
23:21 montrent que le réacteur numéro 4 est à l'air libre.
23:24 Tout son combustible est là,
23:27 au coeur de ces montagnes de gravats.
23:30 Les images montrent aussi des fumées qui s'échappent.
23:33 Elles sont à coup sûr hautement radioactives.
23:36 ...
23:39 -C'est un véritable cratère au milieu de la centrale.
23:42 Les matières radioactives sont partout.
23:45 -C'est un réacteur qui a déjà fonctionné
23:49 depuis plusieurs jours, plusieurs semaines,
23:52 dans lequel il y a énormément de produits radioactifs.
23:55 Donc toute cette radioactivité sort.
23:57 -Le niveau de radioactivité au sein d'un réacteur nucléaire,
24:00 c'est un niveau de radioactivité tel qu'il est incompatible
24:03 à une présence humaine à proximité.
24:06 -Les éléments les plus radioactifs
24:09 sont en train d'agir et d'irradier
24:12 l'ensemble de la population, de la flore, de la faune autour.
24:16 -Il n'existe aucun remède contre cette contamination.
24:21 L'homme peut tout au plus avaler des comprimés diodes
24:25 qui protègent la thyroïde,
24:27 l'organe le plus sensible à la radioactivité.
24:30 Mais quelles solutions apporter dans des conditions pareilles ?
24:33 -La contamination qui s'est répandue,
24:36 si vous l'absorbez, elle se fixe à l'intérieur du corps humain
24:40 et vous irradie de l'intérieur.
24:43 -Le problème, c'est que la radiation détruit l'organisme
24:47 en s'attaquant directement à notre code génétique, l'ADN.
24:51 Et cela peut entraîner des cancers.
24:54 -Concrètement, plus vous recevez une dose élevée,
24:59 plus vous avez un risque de développer un effet,
25:02 notamment de type cancer, qui est élevé.
25:05 -Tout porte à croire que les populations voisines
25:08 de la centrale sont déjà fortement atteintes.
25:11 Cela fait maintenant plus de 24 heures
25:14 que l'explosion de la centrale a eu lieu.
25:16 Il faut évacuer la zone de toute urgence,
25:19 à commencer par la ville la plus proche, Tripiat.
25:22 -Là, on est dans une situation d'urgence totale.
25:25 On se demande comment la catastrophe va évoluer.
25:30 -27 avril.
25:35 A Tripiat, l'heure du déjeuner approche
25:38 quand soudain, les haut-parleurs de la ville
25:42 diffusent une nouvelle inquiétante.
25:46 ...
25:47 -Attention, attention, mesdames et messieurs.
25:51 Le Conseil municipal des députés de la ville informe
25:56 que, en raison de l'accident à la station d'électricité atomique de Tripiat,
26:03 il y a une situation inattentive de la radio.
26:09 Il est nécessaire de faire une évacuation temporelle
26:14 des habitants de la région de Kiev.
26:19 -Personne n'a été préparé,
26:21 personne ne savait d'emblée ce que ça signifiait.
26:26 -Tous les citoyens, en gardant votre maison,
26:29 n'oubliez pas de fermer vos portes,
26:32 de déconnecter vos appareils électriques et gaz.
26:37 Détendez vos crans de conduite.
26:41 Préparez vos écrans de conduite.
26:44 S'il vous plaît, restez en paix,
26:47 en organisation et en ordre
26:50 lors de la température élevée.
26:53 ...
26:56 -Natalia Manzourova est ingénieure spécialiste du nucléaire.
27:00 Elle a 35 ans lorsqu'elle est dépêchée
27:03 par le gouvernement soviétique dans la zone de Tchernobyl.
27:07 Au cours de sa mission, qui a duré 4 ans,
27:10 Natalia a longtemps échangé avec d'anciens habitants.
27:15 -Quand on a procédé à l'évacuation de Tchernobyl,
27:20 de Pripyat et des villages voisins,
27:23 les gens ont tout laissé, tout ce qu'ils possédaient.
27:27 Imaginez la situation.
27:30 Votre mari est au travail,
27:33 un de vos enfants est au jardin public
27:36 et l'autre à l'école.
27:39 Un car arrive et on vous ordonne de prendre de la nourriture,
27:43 d'emporter vos papiers et de monter dans un car.
27:46 Tout ça sans poser de questions.
27:49 ...
27:52 -Malgré l'omerta du régime soviétique de Gorbatchev,
27:55 les moyens déployés sont colossaux.
27:58 1 200 cars sont réquisitionnés
28:01 pour évacuer toute la ville en quelques heures.
28:05 Une zone d'exclusion de 30 km autour de la centrale est décrétée.
28:09 Au total, 200 000 personnes sont évacuées.
28:12 Les civils ne le savent pas encore,
28:15 mais ils ne reverront jamais plus leur maison.
28:18 Ils laissent la place aux militaires et aux ingénieurs
28:21 venus de tout le pays.
28:24 -Personne n'avait pris la mesure de l'événement.
28:29 Mais les ordres étaient tombés de Moscou,
28:32 justement parce que nos spécialistes étaient à la pointe.
28:35 Ils devaient être immédiatement envoyés sur les lieux.
28:38 ...
28:41 Quand on m'a autorisée à entrer dans la zone fermée,
28:44 j'ai été frappée par le silence qui y régnait.
28:48 Pas de chant d'oiseaux, ni cri d'enfants,
28:51 pas âmes qui vivent.
28:54 Ces maisons vides qui présentaient des rideaux à leurs fenêtres,
28:57 ce linge qui se débrouillait
29:00 dans les cours désertes,
29:03 ces airs de jeu abandonnés, le vide absolu.
29:06 -La zone est transformée en camp de base,
29:09 mais le champ de bataille est miné.
29:12 Les poussières radioactives sont au sol,
29:15 en suspension dans l'air, rien n'est épargné.
29:18 Entre l'homme et la radioactivité,
29:21 l'issue du bras de fer ne fait aucun doute.
29:25 -Les gens sont en train de se faire enrouler
29:28 et les choses sont en train de se faire enrouler.
29:31 -Il y a une sorte de petit enfer sur Terre,
29:34 une source radioactive très intense.
29:37 Aucune présence humaine prolongée n'est possible.
29:40 On ne peut pas s'approcher.
29:42 Pourtant, il faut faire quelque chose.
29:45 -Sur le front, une première solution est trouvée.
29:48 Certaines matières, comme le sable,
29:51 présentent des qualités radioabsorbantes
29:54 tout en se révélant efficaces contre le feu.
29:57 Une première décision est prise immédiatement.
30:00 En déversant ces matières,
30:03 les ingénieurs espèrent assurer un premier confinement du réacteur.
30:07 -La seule manière de mettre ce sable
30:12 sur cette énorme centrale détruite,
30:15 qui continue de brûler au centre,
30:18 c'est de le lâcher depuis les airs
30:21 avec les hélicoptères de l'armée.
30:24 -L'attaque est immédiate.
30:26 Les hélicoptères sont contrôlés en permanence
30:29 dans l'espoir de couvrir le réacteur le plus rapidement possible.
30:33 Mais les conditions extrêmes rendent la manoeuvre très compliquée.
30:37 Chaque pilote n'a que 30 secondes
30:40 pour se positionner au-dessus du réacteur
30:44 et larguer sa précieuse cargaison.
30:47 Mais alors qu'à Tchernobyl,
30:51 une bataille inédite et de grande ampleur
30:54 n'a pas été annulée, une autre menace se propage.
30:57 Les particules radioactives expulsées en masse
31:00 au cours de l'explosion ont fait du chemin.
31:03 Elles s'étendent désormais bien au-delà des frontières
31:06 de l'Union soviétique, alors que personne n'est au courant
31:09 de la catastrophe.
31:11 Cette animation, des ingénieurs français
31:17 de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire,
31:20 a été réalisée après coup, à partir du dépôt au sol
31:23 des particules de ce nuage radioactif.
31:26 Elle montre clairement la vitesse et l'impact du nuage
31:29 sur les territoires du nord de l'Europe
31:32 dans les premiers jours qui suivent l'accident.
31:35 Tenue dans l'ignorance, il faut attendre le 28 avril,
31:38 deux jours après la catastrophe,
31:41 avant qu'un des pays voisins ne tire la sonnette d'alarme.
31:45 -J'ai appris qu'il y avait un problème
31:51 parce qu'un collègue m'a appelée en me disant
31:54 qu'en Suède, ils observent une augmentation
31:57 de la radioactivité.
32:00 Et ils se posent la question, "D'où vient-elle ?
32:03 "Est-ce que c'est de leur propre centrale ?
32:06 "Est-ce que c'est d'ailleurs ?"
32:08 La question que je me pose immédiatement, c'est...
32:11 Qu'est-ce qu'on observe exactement ?
32:14 A-t-on une idée plus précise de la nature
32:17 de ceux qui aimaient cette radioactivité ?
32:21 -Il n'y a toujours aucune information
32:24 sur cette mystérieuse hausse de la radioactivité.
32:27 Les scientifiques analysent alors les clichés capturés
32:30 par les caméras thermiques des satellites de recherche
32:33 à plusieurs milliers de kilomètres aux alentours.
32:37 C'est celui-ci qui va attirer leur attention.
32:40 Malgré la faible résolution des images de l'époque,
32:43 ils constatent clairement quelque chose d'étrange
32:46 au-dessus de ce bâtiment, la centrale nucléaire de Tchernobyl.
32:49 En se rapprochant, les scientifiques distinguent
32:52 un filet noir qui s'en dégage,
32:55 probablement de la fumée radioactive.
32:58 Et pour être visible par les satellites,
33:01 cette fumée doit se situer très haut dans l'atmosphère,
33:04 bien plus qu'après une explosion de bombe nucléaire.
33:07 -A Nagasaki-Hiroshima, vous avez le fameux champignon.
33:10 Et puis, ce fameux champignon,
33:12 il ne monte pas très haut dans l'atmosphère.
33:16 La radioactivité se dépose très localement.
33:19 Et Nagasaki-Hiroshima, ça n'a touché que le Japon
33:22 et pas les autres pays.
33:24 A Tchernobyl, le nuage, lui, il est monté beaucoup plus haut
33:27 dans l'atmosphère parce que l'explosion
33:30 qui est à l'origine de l'émission de ce nuage
33:33 était beaucoup plus puissante. Et plus la puissance est élevée,
33:36 plus les particules vont monter haut dans l'atmosphère,
33:39 tellement haut qu'à un moment donné, elles ne retombent plus.
33:42 Elles vont aller se disperser dans le monde entier
33:45 grâce au trajet des vents.
33:48 Le danger, en particulier, ce sont les éléments gazeux.
33:51 Donc là, on ne peut pas les retenir.
33:53 -Durant 15 jours, le nuage s'étend sur toute l'Europe.
33:59 La Suède.
34:03 Mais aussi l'Allemagne.
34:06 La France.
34:08 L'Italie.
34:10 L'Angleterre.
34:12 L'Europe toute entière est touchée.
34:15 Le 14 mai 1986,
34:17 Mirail Gorbatchev, alors chef de l'URSS,
34:21 s'exprime enfin à la télévision
34:24 et confirme les craintes du monde entier.
34:27 -Vous n'êtes pas sans savoir
34:29 qu'un malheur nous est arrivé il n'y a pas longtemps.
34:32 Un accident à la centrale atomique de Tchernobyl,
34:35 fort douloureuse pour les Soviétiques.
34:38 Cette catastrophe a gravement préoccupé
34:41 l'opinion internationale.
34:43 C'est la première fois que nous avons à combattre
34:46 une force si dangereuse qu'est le nucléaire,
34:49 devenu incontrôlable.
34:51 -Impossible de lutter contre la radioactivité
34:57 qui s'étend par les airs.
34:59 Impossible aussi de protéger les populations,
35:02 les particules tombant en gré des précipitations.
35:05 Mais à Tchernobyl, des solutions doivent être mises en place.
35:12 Des solutions doivent être envisagées de toute urgence,
35:15 car non seulement la menace est toujours là,
35:18 mais elle s'est accrue.
35:20 Aout 1986, trois mois après l'accident,
35:26 les ingénieurs de Tchernobyl sont face à un nouveau danger.
35:30 En déversant 5 000 tonnes de sable sur le réacteur,
35:33 les militaires sont parvenus à réduire la radioactivité.
35:36 Mais cette manoeuvre a eu une conséquence inattendue.
35:39 Une fois couvertes, les matières radioactives,
35:42 encore incandescentes, ont considérablement chauffé.
35:45 Résultat, un gigantesque magma de 2 000 degrés Celsius
35:48 s'est formé au fond de la centrale.
35:50 -Il y a deux menaces, par les airs, les aérosols.
35:53 Il y a un toit éventré, il va falloir le couvrir.
35:56 Et on a aussi le coeur du réacteur qui continue de fondre
35:59 et qui est hyperactif.
36:02 -Et ce magma menace bien plus que le sol.
36:05 -Il y a des chutes de chaleur,
36:07 des chutes de chaleur qui sont en train de s'enfoncer.
36:10 Et plus bas, il y a une nappe phréatique, donc de l'eau.
36:13 Donc il ne faut absolument pas que le coeur du réacteur
36:16 s'enfonce jusqu'à la nappe phréatique, jusqu'à l'eau.
36:19 -La situation atteint un seuil critique.
36:22 Si ce magma radioactif, aussi appelé corium par les experts,
36:26 entre en contact avec la nappe phréatique,
36:29 c'est toute une partie de l'Europe occidentale
36:32 qui risque d'être touchée.
36:35 Il faut agir vite.
36:37 Mais le magma ne peut être refroidi avec de l'eau
36:40 au risque de provoquer une seconde explosion.
36:43 Alors pour l'arrêter, il n'y a qu'une solution,
36:46 lui barrer le chemin.
36:48 Pour ce faire, des mineurs sont spécialement dépêchés sur place.
36:52 Leur mission, creuser un tunnel par 12 m de profondeur
36:56 jusqu'au niveau du bloc accidenté.
36:59 -Ils ont travaillé, ces mineurs, dans des conditions assez affreuses,
37:03 à très haute température, 50, 60 degrés, sous la terre.
37:07 Oui, c'était un travail héroïque.
37:10 -Le tunnel est ensuite rempli de béton.
37:13 En se solidifiant, il constituera un socle infranchissable,
37:17 sécurisant le sous-sol de la centrale.
37:21 -Le tunnel est un peu plus long que la centrale.
37:24 Il est plus long que la centrale.
37:27 -Sécurisant le sous-sol de la centrale.
37:30 Côté extérieur, la tâche est autrement plus grande et compliquée.
37:36 Il faudrait complètement raser cette centrale.
37:39 Mais la radioactivité empêche toute intervention prolongée.
37:43 Même les machines tombent en panne à son contact.
37:46 Là encore, il n'y a qu'une solution.
37:53 A l'instar du socle créé sous la centrale,
37:56 on peut emprisonner la menace, l'isoler du monde extérieur.
38:00 Un projet de sarcophage est donc envisagé.
38:03 Cette structure devra envelopper tout le bâtiment.
38:07 Mais avant tout, il faut nettoyer la zone.
38:10 -Il faut venir déblayer, nettoyer,
38:15 rassembler tout ce qui peut l'être de ces matières radioactives
38:19 dispersées un peu partout.
38:21 -On appelle les hommes mobilisés pour l'occasion des liquidateurs.
38:25 Musique de tension
38:27 On n'a pas lésiné sur le moyen, on n'a pas lésiné sur les moyens humains.
38:31 On ne prenait pas des personnes très jeunes.
38:34 On prenait des gens à partir de 30 ans
38:38 et qui, le plus souvent, avaient déjà des enfants
38:41 parce qu'on présumait que peut-être ils ne pourront pas en avoir.
38:45 ...
38:50 Ces hommes sont des...
38:52 ...
38:56 Ces hommes sont des hommes qu'on envoie au front
38:59 comme on les enverrait à la guerre,
39:02 dans les tranchées de la guerre de 14.
39:05 Il faut y aller.
39:07 -Boris Istamine, l'ingénieur de la centrale,
39:10 fait partie de ces liquidateurs.
39:12 Par chance, il n'était pas sur les lieux au moment de la catastrophe.
39:16 Pour lui, revenir travailler à Pripyat est la seule possibilité.
39:20 -Vous savez, je n'avais pas le choix.
39:23 A l'époque, j'avais déjà 46 ans.
39:26 Tout ce que je possédais était resté à Pripyat.
39:30 Je me retrouvais pratiquement nu comme un verre.
39:33 Si on participait à la liquidation,
39:36 on nous avait promis des aides sociales,
39:39 un soutien financier, médical.
39:42 On nous avait promis de nous traiter en héros.
39:45 -Boris Istamine est engagé dans la surveillance de la centrale.
39:49 Bien qu'il soit au coeur de la zone de danger,
39:52 il est protégé des radiations par les murs épais du bâtiment.
39:56 D'autres n'ont pas cette chance.
39:59 Certains doivent déblayer le toit du réacteur numéro 3.
40:13 Il n'a pas explosé, mais il a reçu de nombreux grava radioactifs
40:18 de son voisin, le réacteur numéro 4.
40:22 -Il y a des vidéos qui existent où on voit ces jeunes hommes intervenir,
40:26 monter à l'échelle pour aller au niveau du réacteur numéro 3.
40:30 ...
40:52 ...
40:58 -Il faut rester un temps imparti, très court, le plus court possible,
41:02 mais quand même efficace.
41:04 Le temps de monter, de rester, de descendre.
41:07 ...
41:09 -Ca veut dire encaisser une dose aussi faible que possible.
41:13 Mais vu les lieux, ils encaissent des très fortes doses.
41:17 ...
41:23 -C'était un acte réellement héroïque d'aller là-bas.
41:26 Croyez-moi.
41:28 ...
41:32 -A l'époque, pour mesurer la radioactivité,
41:35 l'unité de référence est le roentgen.
41:38 Le taux normal mesuré dans l'atmosphère
41:41 est d'environ 12 millionnièmes de roentgen.
41:44 Pour ces liquidateurs envoyés au plus près du danger,
41:47 l'exposition en radiation dépasse l'entendement.
41:50 Certains débris d'apparence inoffensive
41:53 crachent jusqu'à plusieurs roentgen,
41:56 des millions de fois supérieurs à la normale.
42:00 ...
42:05 -Personne n'était alarmé, car personne n'avait la moindre idée
42:09 de ce qui s'était réellement passé.
42:12 Tout le monde savait les effets nocifs de la radioactivité,
42:16 mais comme on ignorait l'ampleur de l'accident,
42:19 nous n'étions pas vraiment inquiets, sans émotions particulières.
42:23 L'affaire était tenue totalement secrète.
42:27 -Un morceau de graphite, il fait environ 5 roentgens.
42:30 C'est tout.
42:31 C'est tout, allons-y. C'est tout pour aujourd'hui.
42:34 Allons-y. Allez-y. Allez-y. Et tu, toi aussi, sors d'ici.
42:38 -Le discours, c'est de dire que si vous allez accomplir votre mission,
42:44 vous ne ferez pas votre service militaire
42:47 ou on vous réduira la durée de votre service militaire.
42:50 On ne leur disait pas que les envoyer sur le toit du réacteur 3,
42:54 on les envoyait à la mort, à coup sûr.
42:56 -Certains d'entre eux vont devoir être enterrés
42:59 dans des cercueils de plomb, tellement ils sont radioactifs.
43:03 -De leur séjour à Tchernobyl,
43:05 Natalia Manzourova et Boris Istamin
43:08 gardent des souvenirs étonnants sur les effets de la radiation.
43:12 -À l'époque où j'y étais,
43:14 je ne savais pas qu'elles seraient vraiment
43:17 les conséquences sur ma santé.
43:19 J'en avais pas la mesure exacte,
43:22 mais j'avais constaté pour la première fois de ma vie
43:25 ce qu'était le bronzage radioactif.
43:27 Cette radioactivité était si forte
43:29 que les parties de mon corps exposées à l'air libre
43:32 brunissaient en un clin d'oeil,
43:34 comme si j'avais passé des vacances à la mer.
43:38 -J'avais brutalement bronzé et ma peau pelait beaucoup.
43:43 Comme j'avais piétiné des substances radioactives,
43:46 j'ai souffert pendant deux semaines de douleurs lancinantes au pied,
43:50 comme s'ils étaient truffés d'échardes.
43:53 Mais les blessures les plus douloureuses
43:56 ne touchent pas forcément celles qui atteignent le corps des liquidateurs.
44:02 Vous savez, les pires effets de la radiation
44:05 ne sont pas physiques, mais psychologiques.
44:08 Dès que l'adrénaline, la tension et le stress retombent,
44:12 tu commences à te ronger de l'intérieur.
44:15 Du moins, si tu as des prédispositions pour ça.
44:18 La seule chance de s'en sortir, c'est de ne rien prendre au sérieux.
44:23 Ce qu'il faut soigner, c'est la tête.
44:26 Une fois le site déblayé,
44:28 la construction du sarcophage peut enfin démarrer.
44:31 Nous sommes trois mois après la catastrophe
44:34 et malgré l'urgence, les ingénieurs ont prévu
44:37 un chantier aux dimensions de 1,5 mètre.
44:40 -C'est un chantier de 1,5 mètre.
44:43 -Les ingénieurs ont prévu un chantier aux dimensions titanesques.
44:47 Le bâtiment mesurera 170 m de long par 70 de large,
44:51 une fois et demie la superficie d'un terrain de football.
44:55 Sa hauteur, 66 m, l'équivalent de 20 étages.
44:59 Il nécessitera 400 000 m3 de béton et 7 300 tonnes de métal,
45:03 exactement la même quantité que pour la charpente de la tour Eiffel.
45:08 -On peut dire que Tchernobyl a été le début
45:11 et le dernier grand chantier du communisme.
45:14 Un chantier lugubre, mais un chantier quand même.
45:18 -Seulement, l'issue de la construction
45:21 est plus qu'incertaine.
45:23 Aucun édifice de ce type n'a jamais été élaboré
45:26 et celui-ci a été conçu à la hâte, comme une solution désespérée.
45:30 -Le but principal de ce sarcophage
45:33 est de couvrir ce réacteur détruit
45:37 dont le coeur est ouvert à l'air libre
45:40 avec toutes les matières radioactives qu'il contient.
45:44 C'est une source très intense de rayonnement
45:47 dont il faut se protéger.
45:49 -Pour gagner du temps,
45:51 toutes les pièces de la structure sont préalablement usinées,
45:56 puis apportées une à une sur le chantier pour y être assemblées.
46:00 Poutres et contre-pouvoirs,
46:02 des pièces de la structure sont enregistrées
46:05 et les pièces de la structure sont assemblées.
46:08 Poutres et contre-forts de métal,
46:11 tout arrive déjà prêt comme un gigantesque puzzle.
46:14 Et malgré la précipitation, quelques innovations sont imaginées.
46:18 -Ils ont fait quelque chose d'en même de très intéressant.
46:22 Sous ce toit, ils ont mis un réseau de cuilloteries
46:25 pour asperger la poussière, le coeur, etc.,
46:28 qu'ils l'abaissent avec du produit de l'eau et du bord.
46:33 Et ça marche bien.
46:35 On a peu de relâchement de poussière.
46:39 -En janvier 1987,
46:41 après six mois de travaux,
46:43 les centaines de milliers de liquidateurs mobilisés
46:46 parviennent à contenir la bête nucléaire.
46:49 Pourtant, dès cette époque,
46:51 les experts du monde entier savent que ce sarcophage
46:54 n'a rien d'une solution durable.
46:56 -Dans des conditions pareilles,
47:00 on ne peut pas s'attendre à voir, à la fin de la construction,
47:04 un édifice parfait
47:06 avec toutes les exigences qu'on aimerait voir.
47:10 -Six mois après l'explosion,
47:15 la menace de Tchernobyl est loin d'être finie.
47:18 Mais il faudra attendre plusieurs années
47:20 avant qu'elle ne refasse parler d'elle.
47:29 Fin des années 90.
47:31 Les ingénieurs sont inquiets.
47:33 Le sarcophage construit dans l'urgence après la catastrophe
47:36 montre de sérieux signes de fatigue.
47:38 -Il se détériore avec le temps.
47:45 La radiation a même un effet sur le béton.
47:47 -Des morceaux de béton tombent.
47:49 Ca crée des trous, des fissures.
47:53 -Il a tenu dans ses fondations,
47:57 il tient pour contenir la radioactivité.
47:59 C'est pas vraiment sûr.
48:01 -Il faut donc à nouveau contenir la radioactivité
48:06 émanant du premier sarcophage.
48:08 La solution s'appelle l'Arche de Tchernobyl.
48:11 Un chantier à risque élevé
48:15 où la Terre présente encore des taux de radiation
48:18 plusieurs centaines de fois supérieurs à la normale.
48:21 -Le niveau de radiation tout près du sarcophage
48:25 est tel qu'il aurait été impossible d'y travailler
48:29 sans risquer d'irradier des milliers de personnes.
48:32 -Pour protéger les hommes du chantier,
48:39 l'Arche est donc construite à 300 m de la centrale,
48:42 sur une zone où la radiation n'est pratiquement plus perceptible.
48:46 Lorsqu'elle sera terminée,
48:49 c'est grâce à d'immenses rails
48:51 qu'elle viendra envelopper l'ancien sarcophage.
48:55 -C'est la plus grande structure mobile du monde.
48:59 Déplacer cette structure,
49:01 qui pèsera au final plus de 35 000 tonnes,
49:05 est un défi colossal.
49:07 -Et ce n'est pas la seule précaution qui a dû être prise.
49:12 -Des dizaines de milliers de mètres cubes de terre
49:16 ont été enlevés.
49:18 Nous avons décontaminé le sol pour y rendre le travail possible.
49:23 -Composée essentiellement d'acier,
49:25 cette structure moderne présente des qualités de conception
49:29 bien supérieures à l'ancien sarcophage.
49:32 Elle est capable de résister à des températures
49:36 comprises entre -43° et 45°C,
49:39 à des tornades et à des séismes d'intensité maximale.
49:43 Coût du projet ?
49:45 Plus d'un milliard et demi d'euros.
49:47 Vinson a fait un grand effort
49:49 pour faire en sorte que cette structure
49:51 soit capable de résister à des températures
49:53 de plus de -40°C.
49:55 -Vinz Novak est le directeur de la sûreté nucléaire de la Berne.
49:58 Il est l'un des hommes à l'origine du projet.
50:01 -De l'extérieur, cela ressemble à une grande couverture de métal,
50:04 mais en réalité, c'est un bâtiment très complexe.
50:08 -L'un des défis les plus importants rencontrés par les ingénieurs,
50:11 lutter contre la corrosion qui menacerait l'Arche.
50:14 -Pour ce faire, nous avons dépensé beaucoup d'argent
50:17 dans un système de climatisation.
50:19 ...
50:24 Ils ont intégré beaucoup de technologies à l'intérieur.
50:27 Et je pense qu'avec ça, le monde sera protégé de Tchernobyl
50:30 pendant très longtemps.
50:32 ...
50:36 -Très longtemps, une notion toute relative dans le nucléaire.
50:39 Ces concepteurs promettent à l'Arche une durée de vie de 100 ans.
50:42 Et la radioactivité, elle, est installée
50:45 pour plusieurs dizaines de milliers d'années.
50:49 Une fois en place, l'Arche devrait permettre
50:52 un vaste plan de démantèlement.
50:54 -Le coeur du réacteur numéro 4, qui était abîmé,
50:57 il est exactement comme sont nos déchets radioactifs
51:00 de centrales nucléaires.
51:02 Nous devons savoir les gérer
51:05 pour les 1 000 ans, voire les 100 000 ans à venir.
51:10 -A Pripyat, en revanche,
51:13 la Terre porte toujours les stigmates de la catastrophe.
51:16 Difficile d'imaginer qu'un jour,
51:19 quiconque puisse revenir s'installer sur ces lieux.
51:22 ...
51:26 -Croyez-moi, la catastrophe de Tchernobyl
51:29 restera longtemps d'actualité.
51:32 -Vous savez, Tchernobyl, hélas, ne s'effacera jamais.
51:37 Et je pense que la tâche des générations futures
51:40 sera de trouver les moyens de nettoyer
51:43 toute la zone irradiée.
51:46 -Le plutonium, ça a une durée de vie,
51:49 demi-vie, de 23 000 ans.
51:52 Ca veut dire que dans 23 000 ans, le plutonium perdra
51:55 la moitié de sa radioactivité.
51:57 Vous avez déjà vu quelque chose, je sais pas,
52:00 une société humaine qui a tenu 23 000 ans ?
52:03 -Souvent, on nous pose la question,
52:06 mais finalement, l'accident de Tchernobyl,
52:08 ça a provoqué combien de morts ?
52:10 La difficulté, c'est qu'il n'y a pas de différence
52:13 entre un cancer qui est dû à la radioactivité
52:16 et un cancer qui n'est pas dû à la radioactivité.
52:19 En tout cas, aujourd'hui, on ne sait pas faire cette différence.
52:23 -Aujourd'hui encore, personne ne peut déterminer
52:26 avec précision le nombre de victimes de Tchernobyl.
52:29 Seule certitude, la majeure partie de l'ex-URSS
52:32 aurait été touchée, soit 290 millions de personnes.
52:35 Quant aux liquidateurs, sur 600 000,
52:38 seuls 47 sont officiellement morts d'irradiation aiguë.
52:41 Leur sacrifice fait qu'aujourd'hui, Tchernobyl
52:44 n'est pas seulement synonyme de catastrophe,
52:47 mais aussi du courage qu'il a fallu pour sauver notre planète.
52:50 [Bruit de moteur]

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