Les Vraies Voix avec Philippe Bilger, Olivier Dartigolles et Jean Garrigues
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NewsTranscription
00:00 Voix Sud Radio, le code projecteur des vraies voix.
00:02 Et c'est un village sous les feux des projecteurs depuis plus de deux semaines.
00:06 À Crépole, 530 habitants dans la Drôme, du nom des protagonistes aux circonstances
00:10 du drame.
00:11 Les informations sortent au compte-gouttes, les interprétations hâtives, les récupérations
00:15 politiques en dépit des appels à la prudence du procureur de Valence vont bon train et
00:20 provoquent de vifs commentaires et échanges entre journalistes et réseaux sociaux.
00:23 Philippe ?
00:24 Oui d'ailleurs, parlons vrai, est-ce qu'on n'est pas en train de dire un peu tout et
00:28 n'importe quoi, puisqu'on peut dire que le ton est quand même monté assez fort entre
00:32 certains journalistes et pas seulement sur les réseaux sociaux ?
00:34 Tiens, on écoute Pascal Praud de CNews.
00:37 Le système, le fameux système, commence à réécrire Crépole.
00:41 Le système est composé de politiques, éditorialistes, intellectuels, artistes, personnalités.
00:46 Le système, insidieusement, sournoisement, faussement peut-être, met en place les nouveaux
00:53 éléments pour expliquer que la mort de Thomas n'est pas celle qu'on a racontée.
00:58 Et d'où cette question ? #Crépole ?
01:01 Est-on dans une manipulation de l'information ?
01:04 Quelle que soit la tendance, appelez-nous pour donner votre avis au 0826 300 300 et
01:08 pour le moment vous dites oui à 93% sur Twitter.
01:12 Philippe Bilger, on a eu envie de faire ce sujet avec Philippe David parce qu'effectivement,
01:17 beaucoup d'informations, de désinformations entre certains journalistes, qu'ils soient
01:21 de la presse écrite ou de la télévision ou de la radio, tout le monde y donne de sa
01:26 petite information et finalement j'ai l'impression qu'on ne comprend plus rien et on ne sait
01:29 plus vraiment où on en est.
01:30 Vous avez raison Cécile et Philippe, ce que Pascal Praud appelle le système, je dirais
01:37 que c'est plutôt de la part de certains clans, une volonté de mutiler le réel parce
01:44 que le prendre dans sa plénitude serait insupportable par rapport à l'idéologie de chacun.
01:50 Mais en ce qui me concerne, et pardon, là je me jette des fleurs de manière un peu gratuite,
01:57 je n'ai jamais été gêné au fil des jours par la version initiale de Crépole qui s'enrichissait
02:04 d'éléments qui ne demandent pas la gravité de la mort de Thomas mais qui expliquent un
02:10 certain nombre de données qui permettent peut-être de mieux mesurer les responsabilités
02:18 et contrairement à ce que je reçois sur Twitter par exemple, je n'ai jamais contesté
02:23 que la mort de Thomas fût un drame, une tragédie, un crime, mais simplement parce que j'ai
02:30 dit, il ne venait pas, même armé de couteau, en ayant l'intention de tuer au moment exemple.
02:37 Le simple fait de dire ça me fait passer pour un laxisme qui est absurde.
02:43 Donc tout ce qui se passe maintenant, et notamment l'enquête du Parisien, même si elle est
02:49 peut-être fondée surtout sur l'opinion des mises en cause, elle est très intéressante
02:55 et elle ajoute à notre savoir.
02:57 - Sur de très nombreuses actualités, et notamment lorsque nous sommes confrontés
03:01 à un drame, beaucoup de personnes de différentes sensibilités ont tendance à aller chercher
03:10 des informations en les sélectionnant qui vont les conforter dans leur biais, ou idéologique,
03:18 ou politique, ou leur sensibilité.
03:20 C'est difficile de penser contre soi-même, c'est un exercice qui demande parfois du courage.
03:26 Ce qui est insupportable dans l'affaire de Crépeaule, et j'ai vécu ça dans d'autres
03:32 lieux médiatiques, c'est que quand on suit de près le travail extraordinaire de la
03:39 gendarmerie qui fait le récit de ce qui s'est passé avec un travail d'enquête, quand on
03:48 y rentre de la complexité, ou tout au moins des informations complémentaires, et qu'on
03:55 les énonce, ça n'est en rien pour nous le fait d'affaiblir le drame, l'absolu horreur
04:05 de la mort de cet adolescent.
04:06 Et au final, certains avaient des couteaux et d'autres n'en avaient pas.
04:10 Mais ça ne nous exonère pas d'essayer de comprendre ce qui s'est passé.
04:16 Mais on le fait parfois dans des climats qui ne facilitent pas toujours cet exercice.
04:23 - Jean Garrigue.
04:25 - Je me situerais à l'inverse de ce que nous dit Pascal Praud.
04:30 Je considère qu'au contraire, il est très salutaire que peu à peu, la complexité d'un
04:37 événement comme celui-là, avec tous les éléments de violence, de décivilité, y
04:45 compris de racisme qu'on peut y trouver, que tous ces éléments peu à peu s'agrègent
04:50 pour définir une vérité complexe.
04:52 Et se plaindre de cette complexité, c'est nier le réel.
04:59 Parce que la plupart des sujets, et notamment ceux-là, ceux qui font violence, c'est ça,
05:03 Philippe Bilger, dont ça a été le métier, le connaît bien mieux que moi.
05:07 Tous ces faits sont d'une très grande complexité dans leur motivation comme dans leur déroulement.
05:12 Donc moi, je me réjouis précisément que des informations nouvelles arrivent.
05:17 Il faut à chaque fois les prendre avec beaucoup de pincettes.
05:20 D'ailleurs, c'est le métier des historiens comme des journalistes, les prendre avec des
05:24 pincettes, les confronter, et de là peut-être surgira la vérité la plus proche de ce qui
05:30 s'est passé.
05:31 - Mais, si c'est vrai que nous n'avons pas de gens pour répondre, non pas à votre critique,
05:39 mais à votre remarque, il faut...
05:41 Ce que laissait entendre Pascal Praud sous le contrôle d'Olivier et tout de même,
05:46 c'est que certains, en lisant l'article du Parisien par exemple, ont éprouvé une sorte
05:51 de voluptué soulagement en disant "Ah, ça montre que ça n'est pas seulement les blancs,
06:00 les chalbiants qui ont été ciblés".
06:01 - Un peu les mêmes qui disaient "le terroriste de samedi s'appelle Armand", c'était limite
06:04 un soulagement en lisant certains commentaires.
06:06 - Absolument, et qu'au contraire, le fait de dire que peut-être certains avaient voulu
06:12 plus payer des bougnoules, comme on dit, ça leur faisait presque plaisir parce que ça
06:17 répartissait un peu les responsabilités.
06:20 C'était ce dont il avait l'impression.
06:22 - Oui, je comprends ça tout à fait, mais ça nous renvoie à la nécessité à chaque
06:27 fois d'avoir cette distance, une distance que d'ailleurs nos responsables politiques
06:32 ne prennent pas suffisamment, et là on peut parler de manipulation d'un côté comme de
06:36 l'autre, mais ça nous renvoie à la précaution qu'il faut avoir toujours par rapport à
06:42 ces informations, à ce que nous livrent les journalistes ou autres.
06:45 Il y a toujours une vérité qui est complexe.
06:49 Alors soyons toujours prudents, et franchement, on a vu dans cette crise-là, sur cet événement-là,
06:57 comment certains journalistes, certains politiques se sont précipités, et je pense qu'on n'en
07:02 tire jamais grande.
07:03 - Ce qu'on dit dès le début, c'est la France des cités contre la France des clichés,
07:10 et c'est une expédition punitive, et voilà ce qui s'est passé, on tirait d'un côté,
07:17 comme d'autres ont tiré de l'autre côté en disant "c'est une rixe, c'est une bagarre
07:22 comme il y en a tellement", et ça s'est mal terminé, comme s'il y avait deux clans
07:27 constitués.
07:28 Donc les deux ont essayé de tirer, et là-dessus, nous, il faut, et tous les citoyens doivent
07:33 faire ce travail-là, aller à l'information, construire son propre discernement, mais définitivement
07:40 le temps judiciaire n'est pas le temps médiatique.
07:42 - Mais est-ce que vous pouvez comprendre, outre les origines, les noms, tout ça, parce
07:50 qu'il y a plein de choses qui ont participé aussi à ce fantasme d'un peu tout le monde,
07:54 est-ce que vous pouvez comprendre que certains ne comprennent pas qu'on aille à des soirées
07:58 avec des couteaux de 25 centimètres ? Et c'est dans cela où certains se disent "bah tiens,
08:02 c'est une opération punitive", c'est-à-dire qu'ils sortent avec des couteaux et ils veulent
08:05 en découdre, ça n'a rien à voir avec l'origine.
08:08 - Non, mais malheureusement, Cécile, d'abord, le scandale, c'est de porter des couteaux,
08:17 mais je ne crois même pas qu'on puisse dire qu'ils veulent en découdre.
08:21 - Excusez-moi, quand on se balade avec un couteau, ce n'est pas pour le bien des gens.
08:24 - Mais si, mais ça devient presque, malheureusement, chez certains jeunes, une habitude, j'allais
08:31 dire, culturelle.
08:33 Ils ne veulent pas forcément, c'est très tout à fait nul de faire ça.
08:38 Et deuxième élément, il y a autre chose qui rejoint le débat intellectuel d'aujourd'hui,
08:45 quand moi je croyais que c'était une expédition punitive, je n'ai eu aucun mal, trois jours
08:50 plus tard, à dire "je me suis trompé apparemment".
08:54 J'ajouterais quand même, c'est l'historien qui reprend la parole, c'est que ce type de
09:02 rixes de bagarres, y compris à l'arme blanche, c'est des choses qu'on a dans l'histoire
09:09 de la jeunesse française ou internationale, qui ont très souvent existé.
09:14 Et je me souviens qu'étant un jeune garçon dans le sud-ouest, dans la région de Toulouse,
09:21 où avaient lieu des balles du samedi soir, on me parlait presque chaque semaine d'attaques
09:27 à coups de couteau, de cette manière.
09:29 Alors, qu'est une spécificité de ce qui s'est passé ?
09:33 Évidemment, et c'est ça qui est intéressant, de creuser les choses, mais là aussi, relativisons
09:39 un tout petit peu ce qui s'est passé, parce que je le répète, il y a une histoire de
09:44 ce type d'incident.
09:45 Allez, 0826 300 300, direction Castel-Sarrazin avec Sandrine, bonsoir Sandrine.
09:52 Oui, bonsoir à tout le monde.
09:54 Oui, justement, je voulais revenir, je suis tout à fait d'accord avec ça, avec ce qui
10:00 s'est passé, c'est très grave, mais je trouve qu'à un moment donné, ça a pris
10:03 une ampleur politique, sans avoir, enfin je ne sais pas, déjà l'enquête, et que le
10:08 procureur parle, enfin qu'il y ait une enquête.
10:11 Alors, de suite, chacun s'en est préoccupé en disant, bon, il a dit "sales blancs",
10:15 là, presque, effectivement, on a senti une jouissance en disant, oui, mais ils ont dit
10:19 "sales bougnoules", voilà, ça ne finit pas.
10:22 Et moi, ce qui m'a le plus marquée dans cette histoire, et qui m'a fait un peu mal,
10:26 c'est parce que moi je suis née à Montpellier-la-Payade, donc je suis née en cité, mais j'ai choisi
10:30 des études agricoles, et je suis agricultrice, et j'habite donc, je suis paysanne, on va
10:34 dire, j'ai des vaches.
10:35 Et quand j'ai entendu le ministre de la Justice, quand il a parlé, enfin voilà, qu'il voulait,
10:44 et à la fin quand même, il disait "écho", effectivement, j'ai compris à la fin quand
10:47 il voulait expliquer l'écho entre les dires de Marine Le Pen, enfin, voilà, le RN, qui
10:54 faisait "écho" en fait avec le LSI, moi j'ai eu mal parce que je me suis dit "mais
11:02 non, moi j'ai jamais connu ça", enfin, on s'est discuté, mais on ne parlait pas
11:07 de tout ça, de blanc, de noir, de tout ça, et j'ai 50 ans, voilà.
11:12 - C'est vrai, donc pour les gens de plus de 50 ans, ce que vous dites c'est tout à fait vrai.
11:15 - Oui, et puis après, effectivement, les villages dans les bagarres, parce que moi j'habitais
11:18 à Long Carabaïa, des petits villages, comme Pignon, tout ça, il y avait toujours, effectivement,
11:22 ça partait toujours mal, il y a eu effectivement, des assassinats, voilà, malheureusement,
11:28 un coup mal placé, et puis ils sortaient leur roupinet, leur couteau, et puis ça partait
11:33 très vite.
11:34 Et c'est triste, c'est triste, alors, là, je dirais qu'il y a quelque chose de très
11:38 malsain, je dirais, très manipulatif, c'est très malsain ce qui se passe, parce qu'on
11:45 met, en fait, ils s'en sont rendu compte, ils vont mettre les uns contre les autres,
11:49 mais bon, on est assez intelligent, et j'espère que s'il y a d'autres personnes qui m'écoutent,
11:53 on est assez intelligent, nous, on se dit, mais bon, voilà, on ne va pas jouer à ça,
11:59 on respecte beaucoup cette famille qui, malheureusement, est dans le deuil, et qui, même, quelque
12:04 part, les politiques, ils ne respectent pas le deuil de cette famille.
12:08 - Restez avec nous, Sandrine, parce qu'on n'en a pas fini avec vous.
12:12 Est-ce que, finalement, le fait de vouloir taire ces prénoms, ça n'a pas participé,
12:17 justement, au fantasme absolu de tout ça ?
12:19 - C'est une faute initiale incroyable, que de taire les prénoms.
12:25 - On peut dire qu'on savait qui étaient les suspects, puisqu'on allait les chercher
12:28 à Toulouse.
12:29 - Je veux dire, pas un désaccord, mais par rapport à la réflexion de Philippe Bilger
12:34 sur les couteaux, beaucoup de maires de villes populaires nous disent aujourd'hui que les
12:41 politiques publiques mises en place sont inefficaces concernant une partie de la jeunesse de ces
12:49 quartiers populaires qui sont tombés dans l'hyper-violence, qui sont armés, qui font
12:57 régner la terreur à l'échelle d'un quartier, d'un bas d'immeuble, et que c'est d'ailleurs
13:03 le témoignage de la maire, de Romain Surizer, qu'il faut écouter très attentivement.
13:08 Nougaro parlait de la castagne, il y a eu de la castagne sur les générations, mais
13:18 ce phénomène d'hyper-violence, arrimé au commerce de la drogue et à celui des armes,
13:25 comme quand on peut aller rafaler un point de deal aujourd'hui...
13:29 - Le pauvre homme qui est mort dans son lit par une balle de calache à Dijon.
13:32 - Ce qui s'est passé à Pau aussi, dernièrement, il y a là un phénomène dans cette génération
13:39 qui moi, là, me semble quelque chose auquel on n'a pas été confronté à ce niveau-là
13:44 par le passé.
13:45 - Ce que je déniais simplement, c'est la volonté de ces jeunes munis de couteaux d'avoir
13:50 l'intention de tuer, deuxième élément, là où Pascal Praud a raison, c'est qu'on
13:55 n'est pas cette ponctualité tragique, un vrai système aujourd'hui.
13:59 - Merci beaucoup messieurs, et on va reprendre...