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Alors que la COP28 se déroule à Dubaï, la question de l'avenir et du rôle de l'océan se pose.

L'océan retient le carbone, il régule la température atmosphérique et les émissions de CO2. Il est le protecteur de la planète. Grâce à des innovations telles que the Sea Cleaners, la pollution plastique est traitée mais elle reste le principal problème pour l'écosystème océanique.

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Transcription
00:00 Retrouvez le débat de Smart Impact avec Veolia.
00:04 Le débat de ce Smart Impact, j'accueille Sylvie Dufour, bonjour.
00:15 Bonjour.
00:16 Bienvenue, vous êtes chargée de mission maire au Muséum national d'histoire naturelle,
00:20 également directrice adjointe de l'Institut de l'Océan de l'Alliance Sorbonne Université.
00:23 Et Julie Lasserre, bonjour.
00:25 Bonjour.
00:26 Vous êtes aussi océanographe et chargée de sensibilisation et éducation chez The Sea Cleaners.
00:31 La COP 28 qui se déroule à Dubaï jusqu'au 12 décembre, c'est l'un des thèmes, peut-être pas le thème central.
00:38 On va voir ce que vous en pensez.
00:40 Qu'est-ce qu'on peut en attendre justement de cette COP 28 en matière de défense de l'océan ?
00:43 Sylvie Dufour.
00:44 Il faut qu'on en attende beaucoup.
00:46 Il faudrait.
00:47 Oui, parce que l'océan joue un rôle essentiel dans notre vie, dans notre avenir.
00:53 Il a joué un rôle jusqu'à présent de protection pour le climat.
00:57 C'est maintenant assez bien admis.
01:00 Il n'y a plus beaucoup de climatonegationnistes qui ne reconnaissent pas le changement climatique actuel.
01:06 Mais c'est quand même beaucoup plus récemment qu'on se rend compte du rôle que joue l'océan dans cette régulation.
01:12 C'est un puits de carbone, mais pas que, c'est ça ?
01:14 Oui.
01:15 En fait, l'océan, on s'aperçoit, a absorbé plus de 90 % de l'excès de chaleur dû au gaz à effet de serre.
01:22 C'est énorme.
01:23 Ça nous a protégé pendant des siècles et des siècles.
01:25 Enfin, on ne dit pas des siècles et des siècles, c'est depuis l'ère industrielle.
01:29 Donc, ça en fait au moins un et demi.
01:31 Voilà.
01:32 Et il nous a énormément protégé.
01:33 S'il n'y avait pas eu cette absorption de chaleur par l'océan, on serait déjà dans une situation catastrophique.
01:38 Mais il a aussi, comme vous dites, fait puits de carbone en absorbant aussi de l'excès de CO2.
01:43 On estime à peu près à 30 % de cet excès de CO2.
01:46 Une absorption à la fois qu'on peut qualifier de vertueuse, disons, via ce qu'on appelle la photosynthèse,
01:52 les algues qui captent carbone pour faire de la photosynthèse, et c'est le début des réseaux trophiques,
01:58 mais aussi l'absorption directe physique qui entraîne ce qu'on appelle l'acidification de l'océan.
02:03 Donc, une absorption aussi avec des effets très délétères.
02:06 Oui.
02:07 Cette COP28, elle est critiquée avant même son démarrage parce qu'elle se passe à Dubaï,
02:12 parce que, bon, voilà, on ne va pas revenir sur la personnalité du président de la COP.
02:15 Est-ce que vous pensez qu'il faut y aller ? Vous voyez ce que je veux dire ?
02:19 Parce que finalement, il faut bien être dans l'avion pour le détourner, quoi.
02:23 Pas être dans l'avion, du coup.
02:26 Ce n'est pas la meilleure... Ce n'est peut-être pas le meilleur exemple, mais bon.
02:30 Ce n'est peut-être pas la meilleure image.
02:32 Non, ben oui, je pense que c'est important d'être présent à ça.
02:36 Effectivement, il y a plein de choses à critiquer sur cette COP28 et sur les 27 d'avant, d'ailleurs.
02:42 Oui.
02:43 Mais c'est important d'être là.
02:45 Je pense qu'il faut voir le côté positif, en fait, que ça se passe à Dubaï.
02:49 On ne peut pas éviter le sujet des énergies fossiles.
02:53 Là, ce n'est pas possible et on est en plein cœur de cette problématique.
02:57 Et aujourd'hui, c'est de ça qu'on doit atteindre de la COP28.
03:00 C'est quelque chose de fort sur les énergies fossiles,
03:03 parce qu'aujourd'hui, c'est là le premier impact sur le changement climatique.
03:08 Vous, qui êtes océanographe, vous vous êtes dit, en voyant les différentes COP,
03:12 que c'était un peu le parent pauvre des COP précédentes.
03:15 Le parent pauvre ? Est-ce que vous entendez parler de ça ?
03:18 Est-ce qu'on en parle suffisamment ? Est-ce qu'il y a des engagements ?
03:20 Ah, des océans ?
03:21 De l'océan, hein ?
03:22 Ah, de l'océan ? Ah non, ben non, complètement.
03:24 On ne parle pas assez de l'océan, alors qu'il faut rappeler quand même que la vie est apparue dans l'océan
03:29 et qu'aujourd'hui, c'est l'océan qui la maintient.
03:32 Si les océans meurent, nous mourons.
03:34 Et si, accessoirement, c'est 70 % de la surface du globe ?
03:37 C'est ça. C'est notre planète bleue.
03:39 Et sans les océans...
03:41 Aujourd'hui, il y a cinq menaces majeures qui pèsent sur les océans.
03:45 La surpêche, le changement climatique, la dégradation des habitats, les pollutions et les espèces invasives.
03:52 Moi, je travaille pour une ONG qui lutte contre la pollution en plastique.
03:56 Le plastique est lié à ces cinq menaces.
03:59 Il est dedans, dans les cinq.
04:01 Et il contribue à ces cinq menaces.
04:04 Le plastique, aujourd'hui, on parlait de la photosynthèse, par exemple.
04:07 La photosynthèse, elle est produite par des phytoplanktons,
04:10 donc c'est des micro-algues qui sont à la surface des océans.
04:13 Si ces océans sont recouverts de plastique, les rayons du soleil ne passent plus.
04:18 La photosynthèse ne marche plus.
04:20 Donc, on ne peut plus, l'océan ne peut plus absorber ce CO2.
04:23 Et pareil, le phytoplankton, comme les arbres, il se nourrit de nutriments.
04:27 Le problème, c'est que dans les océans, contrairement sur la planète,
04:31 les nutriments sont au fond des océans.
04:34 Donc, il va falloir des choses pour pouvoir les ramener à la surface,
04:37 ramener ces nutriments et nourrir le phytoplankton.
04:39 Le truc magique, c'est les mammifères marins.
04:41 Les mammifères marins, ils n'ont pas le choix à cause de la pression.
04:44 Déjà, parce que c'est des mammifères, ils doivent respirer à la surface,
04:47 mais à cause de la pression, ils doivent faire caca à la surface.
04:50 Et leurs excréments, c'est l'engrais des océans, c'est l'engrais du phytoplankton.
04:54 Seulement, aujourd'hui, quelle est la première cause de mortalité des mammifères marins ?
04:57 Le plastique.
04:58 Et le plastique, il est fait de quoi ?
05:00 Des énergies fossiles.
05:02 C'est pour ça qu'on revient là-dessus.
05:04 La machine est en train de se détraquer, elle s'est déjà détraquée,
05:07 parce que c'est des temps longs dont on parle.
05:09 Oui. Par rapport au réchauffement, justement, ce réchauffement qu'on constate,
05:13 au début, on pensait en surface, mais jusqu'en profondeur,
05:16 donc il perturbe tout ce qu'on appelle cette grande circulation océanique.
05:19 Mais ce que j'aimerais dire aussi, et en complément de ce que vous venez de dire,
05:23 c'est qu'il y a donc cet impact du réchauffement climatique sur l'océan,
05:26 mais il y a aussi beaucoup d'autres impacts de tout ce qu'on appelle les facteurs anthropiques.
05:30 Et donc, il y a cette surexploitation des ressources,
05:33 les ressources de pêche, du fait de la pêche industrielle.
05:37 Et c'est donc une des situations vraiment impactantes,
05:42 c'est des surexploitations d'espèces qui entraînent la disparition de certaines
05:47 et qui, en même temps, entraînent la disparition des emplois,
05:49 parce que ce n'est pas la pêche industrielle qui crée des emplois.
05:52 Et c'est vraiment la pêche artisanale, petit bateau, locale, qui est une source d'avenir.
05:59 Donc ça, c'est un grand impact, et c'est une question internationale,
06:04 parce qu'il y a des grandes pêches, par exemple au large de l'Afrique,
06:08 industrielles, pas par les Africains, et qui entraînent une injustice sociale énorme.
06:14 Donc il y a tous ces impacts-là.
06:16 Il y a, comme on a dit, les plastiques et toutes les autres pollutions,
06:19 parce qu'en fait, tout ce qu'on déverse, pesticides, herbicides, c'est aussi d'actualité,
06:25 les produits pharmaceutiques, nos produits industriels,
06:28 tout ça termine dans les rivières, dans les estuaires, dans les océans.
06:31 C'est vraiment le réceptacle final avec toutes les perturbations que ça entraîne.
06:37 – Donc quelles actions on peut mener ?
06:39 À la source, il faut réduire ces pollutions,
06:42 évidemment réduire notre utilisation de plastique, là aussi on est dans des temps longs.
06:47 Oui, il faut réduire la production des polluants, ça c'est sûr, depuis les plastiques,
06:52 parce que les plastiques c'est des polluants physiques,
06:54 mais c'est aussi des porteurs de beaucoup de molécules chimiques
06:57 qui sont ce qu'on appelle les perturbateurs endocriniens.
07:00 On connaît ça sur la santé humaine,
07:02 mais il se passe la même chose dans les organismes marins.
07:06 Donc il faut réduire la production de tous ces polluants,
07:09 et on revient aussi, herbicides, pesticides…
07:12 – Quand vous voyez l'Europe qui prolonge de 10 ans l'utilisation du glyphosate,
07:15 vous dites… – Il va terminer en mer, comme tous les autres polluants.
07:18 Donc ça c'est vraiment un enjeu très important.
07:20 Et aussi, l'océan, on peut considérer ça vraiment comme un bien commun de l'humanité,
07:25 on le partage tous, et les pollueurs ne sont pas les meilleurs.
07:30 Parce qu'actuellement, on a les pays du sud
07:34 qui sont déjà avec beaucoup de problèmes de développement,
07:39 mais qui subissent tous les impacts qui sont quand même du Haut pays industrialisé,
07:44 que ce soit climatique ou pollution.
07:47 – J'aimerais compléter qu'effectivement, il y a à la fois l'action préventive,
07:53 donc de travailler vraiment sur la partie production et consommation,
07:57 parce que c'est aussi parce qu'on consomme produit,
08:00 mais il y a aussi toute la partie curative.
08:03 Le problème, par exemple, je reviens sur mon sujet, qui est le plastique,
08:06 c'est que le plastique se dégrade extrêmement lentement,
08:10 mais il se dégrade, et on ne voit pas cette dégradation,
08:14 il se dégrade en micro et en nanoplastique.
08:16 Et ces micro et nanoplastiques, on va avoir du mal, eux, à les collecter.
08:21 – Donc il faut collecter le plastique le plus tôt possible, c'est ça ?
08:24 – C'est ça, parce que de toute façon, on est une énorme quantité,
08:28 on estime à peut-être 22% de fuite sur les plus de 460 millions de tonnes de plastique
08:33 qu'on produit chaque année, donc c'est énorme,
08:36 c'est une tonne de plastique qui rentre dans les océans toutes les 3 secondes, c'est énorme.
08:42 On a identifié, les scientifiques ont identifié 1000 estuaires,
08:47 principalement émetteurs de ce plastique.
08:50 Donc effectivement, il faut récupérer ce plastique avant qu'il rentre dans l'océan,
08:55 donc dans le cycle de l'eau en amont, et s'il est déjà dans l'océan,
08:58 au plus près des côtes, pour qu'il soit le moins dégradé possible,
09:01 puisque sinon ce microplastique, il va aller absolument partout,
09:05 on le trouve dans l'atmosphère, on le trouve au fin fond des abysses,
09:07 on le trouve dans les nappes phréatiques, les microplastiques sont partout.
09:10 – Alors, avec quel moyen ? Il y a le Manta qui est un peu votre navire,
09:13 je ne sais pas quel terme on peut utiliser, Amiral ?
09:16 – Oui, c'est un peu notre navire ambassadeur.
09:18 – Ambassadeur, ça marche comment ? C'est un système de collecte du plastique ça ?
09:22 – Oui, c'est notre projet phare, ce sera un très grand catamaran,
09:28 qui a plusieurs systèmes de collecte,
09:30 notamment entre les deux coques, des tapis collecteurs,
09:34 pour faire remonter les déchets qu'ils croisent,
09:37 et en fait la particularité c'est qu'on aura une usine de tri sur le bateau,
09:43 pour pouvoir à la fois trier les déchets et séparer le plastique,
09:47 et le plastique lui sera transformé en énergie pour alimenter le Manta,
09:51 et continuer les collectes.
09:52 – Mais il en faudrait combien des bateaux ?
09:54 – Il en faudrait énormément, énormément, c'est pour ça,
09:57 le Manta c'est un ambassadeur du problème,
10:00 il va aussi servir de plateforme scientifique,
10:02 il y aura un laboratoire de recherche dessus,
10:05 ce sera aussi une plateforme de sensibilisation,
10:07 les gens pourront monter dessus, de conférences également,
10:10 et puis on a d'autres bateaux qui eux existent déjà,
10:14 qu'on appelle les Mobulas, qui sont des plus petits bateaux de collecte,
10:18 qui eux servent sur des eaux calmes, par exemple dans les mangroves,
10:21 dans les lagons, sur les estuaires, sur les rivières,
10:23 et on en a déjà un en activité à Bali, à Dempasar,
10:27 depuis le mois de mars, et on en a trois en construction actuellement à Paimpol.
10:31 – L'essentiel de cette pollution plastique, elle vient d'où ?
10:34 Au bout de quels fleuves il faut s'installer pour être le plus efficace ?
10:38 – De beaucoup, puisqu'il y en a déjà 1000 qui sont principaux émetteurs,
10:42 la majorité de ces fleuves sont en Asie du Sud-Est,
10:46 c'est pour ça qu'on est d'abord parti sur l'Indonésie,
10:50 mais aujourd'hui, parmi les pays les plus émetteurs de plastique,
10:54 ils ne sont pas forcément les plus producteurs, mais les plus émetteurs,
10:57 vous avez la Malaisie, les Philippines, l'Indonésie, la Chine et le Vietnam.
11:03 – Sylvie Duchour, le cyclone Irmers, il y a aussi un enjeu scientifique,
11:09 il y a une méconnaissance encore de l'océan, paradoxalement ?
11:13 – Oui, on fait toujours, on entend toujours cette image
11:15 qu'on connaît moins bien le fond des océans que la surface de la Lune,
11:18 mais l'océan c'est une source de découvertes, d'innovations,
11:22 comme vous avez dit, la vie est apparue dans l'océan et elle s'est diversifiée,
11:26 il y a un grand nombre d'organismes qui n'existent que dans l'océan,
11:29 qu'on ne connaît même pas encore, surtout dans les fonds,
11:31 et il y a une source de connaissances, un bon nombre de prix Nobel
11:35 de connaissances fondamentales depuis la division cellulaire
11:38 qui aboutit à des améliorations médicales pour le cancer,
11:42 qui ont été découvertes grâce à des organismes marins,
11:44 et il y a encore beaucoup à découvrir, et là, à nouveau, j'insisterai,
11:47 il y a une question de justice, parce qu'il faut que ces découvertes
11:51 soient partagées par tous, et pas simplement obtenues
11:55 par ceux qui ont les moyens d'aller explorer les grands fonds.
11:58 Merci beaucoup, merci à toutes les deux d'être venues nous parler
12:02 de ces enjeux océaniques à l'occasion de la COP 28 de Dubaï.
12:07 On passe à notre rubrique Start-up tout de suite.

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