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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 Emmanuel Ducroc, c'est à vous. Le jeu, il y a un peu de science là-dedans. Il se trouve qu'un scientifique vient de rendre aux autorités,
00:06 vous avez vu la transition, un scientifique vient de rendre aux autorités scientifiques justement la médaille du
00:11 CNRS qu'il avait reçu pour la qualité de ses travaux.
00:13 C'est le symbole d'un grand ras-le-bol cette histoire. Pourquoi rend-il sa médaille cet homme ?
00:18 - Ce chercheur s'appelle Pierre Rochette, il est géophysicien, professeur à Aix-Marseille.
00:21 - C'est une vedette dans sa discipline.
00:23 - C'est une star. Il a éseigné hier, avant-hier, dans Le Monde, une tribune au titre choc.
00:29 "Ma médaille d'argent du CNRS m'inspire aujourd'hui du dégoût". Ça c'est le titre de la tribune, c'est fort.
00:34 Cette médaille, il l'a reçue en 2006 pour ses travaux sur le magnétisme des roches. Il en a été très fier, mais désormais,
00:39 il le ramène, dit-il, à la maltraitance généralisée à laquelle le CNRS refuse de remédier.
00:45 Et il a donc décidé de la renvoyer par la poste à la direction du CNRS.
00:48 Il appelle les autres médaillés de l'institution, la crème de la crème de la recherche française, à faire de même et surtout à le faire savoir.
00:55 - Maltraitance généralisée au CNRS, c'est fort quand même comme accusation. De quoi parle-t-il ?
00:59 - Il parle de l'incroyable rouille bureaucratique qui a gagné tous les rouages du CNRS et qui a fini par gripper la recherche,
01:06 ce qui crée frustration, découragement, résignation.
01:10 - Est-ce qu'il donne des exemples ?
01:11 - Oui, plusieurs. Alors, il parle de ces nouveaux logiciels supposés aider à rassembler les pièces administratives
01:16 pour organiser les déplacements financés par le CNRS et qui se révèlent, dit-il, un calvaire indescriptible.
01:21 Il pousse, dit-il, les chercheurs à renoncer à leur mission. Deux de ces logiciels s'appellent Goelet et Nautilus.
01:27 Visiblement, ce sont des naufrages absolus.
01:29 Il parle aussi du juridisme pointilleux de l'inflation papraciaire qui ont transformé les techniciens et les chercheurs en remplisseurs de formulaires,
01:38 sans parler des contrats et projets qui achoppent car le fatras administratif les met hors délai.
01:44 Les chercheurs ne parviennent même plus à avoir accès aux crédits parce qu'ils ne sont pas dans les temps, des crédits qui pourtant sont là.
01:50 - Bon, il est tout seul à dire cela, Pierre Rochette ?
01:52 - Non, il n'est pas le seul. Des pétitions tournent, signées par plus de 3 700 chercheurs,
01:56 qui dénoncent la déconnexion entre l'administration et les pratiques de recherche.
01:59 Les syndicats hurlent. Il y a eu des articles dans la presse dès cet été.
02:02 Un rapport du Conseil scientifique du CNRS intitulé "Les entraves à la recherche" a aussi souligné le problème.
02:08 Et puis enfin, un rapport d'experts internationaux qui a été commandé par l'administration dès 2021
02:12 et qui appelait à une "action commando", ce sont ces mots, face au fardeau bureaucratique qui écrabouille le CNRS.
02:19 - Bon, c'est grave, docteur ?
02:21 - Et oui. Cette recherche entravée pousse les jeunes chercheurs français à aller chercher ailleurs,
02:25 justement, des conditions de travail normales.
02:27 Les autres, dit Pierre Rochette, se résignent et voient leur production scientifique ralentir.
02:32 Traduction concrète.
02:33 Une chute continue du nombre des travaux scientifiques publiés en France.
02:37 Notre pays subit une dégringolade inédite dans le classement des contributions à la recherche mondiale.
02:43 On est en queue de peloton de l'OCDE, sous la moyenne mondiale depuis 2019,
02:47 selon le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche lui-même.
02:50 C'est un gâchis, la France consacre 4 milliards d'euros à la recherche chaque année,
02:55 des moyens qui sont assez constants, mais qui se perdent dans la jungle d'une administration inextricable.
03:00 Simplifier, vous le voyez, ce n'est pas simplement un enjeu pour les entreprises,
03:03 c'est aussi une condition vitale pour ne pas finir de s'aborder nos domaines d'excellence.
03:07 Maintenant, je vous ai bien plombé le moral, bonne journée.
03:09 - Oui, parce que c'est encore pire que PISA, on se dit finalement, le bilan de la recherche.
03:13 Oui, c'est la suite, c'est l'étape suivante.
03:15 Merci beaucoup Emmanuel Ducrocy, Nature Europe 1.

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