Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00 - Allez, Emmanuel Ducrox du journal L'Opinion, le salon de l'agriculture, vous en avez passé quelques heures ces derniers jours.
00:06 Le gouvernement a annoncé hier un plan de soutien de 10 millions d'euros pour les fermes bio françaises.
00:11 Bon, ça, pas fort pour le bio, les ventes ont chuté de 6,5% entre janvier et septembre l'année dernière.
00:17 - Et pour les agriculteurs bio, c'est une grosse déception. Il y a 65 millions de fermes bio en France,
00:22 10 millions d'euros de fonds publics en soutien, ça représente l'équivalent de 150 euros chacune.
00:26 On comprend qu'on s'agace chez les producteurs bio en difficulté.
00:30 Ce sont des professionnels de l'agriculture convaincus de l'intérêt de leur méthode de production,
00:33 investis économiquement dans leurs fermes. Ils ont pris des risques, ils assument des pratiques exigeantes
00:38 et ils sont en train de payer les pots cassés par ceux qui se sont servis d'eux.
00:42 Alors ces agriculteurs ont déployé hier une banderole au salon de l'agriculture dénonçant le mépris du gouvernement,
00:47 mais les responsables du fiasco et du mépris sont bien plus nombreux.
00:50 - Alors qui sont-ils ?
00:51 - Eh bien d'abord les politiques de tous bords confondus.
00:53 Depuis plus de 10 ans en France, l'agriculture biologique est présentée comme l'alpha et l'oméga de l'agriculture.
00:59 La solution à tous ces maux, pour les candidats aux élections, les élus locaux, elle a été considérée comme un graal.
01:04 Le reste de l'agriculture étant constamment dénigrée.
01:08 Forcément le bio c'est plus vendeur auprès des électeurs, c'est assez démago.
01:11 Pas besoin de réfléchir trop, le monde politique s'est verdi sur la bête en utilisant les agriculteurs bio comme des hommes sandwich.
01:18 Personne ne s'est soucié de l'équilibre économique des fermes et surtout de savoir si un marché existait sur le long terme pour des produits de 30 à 50% plus cher.
01:27 Il est assez évident que c'est un marché de niche, surtout à un moment où les consommateurs regardent le moindre euro.
01:32 En 2022, 20% des volumes de lait bio ont été déclassés car ils ne trouvaient pas preneur au prix bio.
01:38 C'est du mépris pour les agriculteurs bio et pour leur travail.
01:41 - Ça veut dire quoi déclassés ?
01:42 - Ça veut dire qu'ils sont vendus au prix du conventionnel.
01:44 - Bon, l'Europe n'a pas compris non plus.
01:46 - Eh bien non, elle veut toujours 25% de la production européenne agricole en bio.
01:50 Qui la jettera ? Mystère, mais c'est un totem.
01:53 Les producteurs bio ne sont pas considérés pour un projet économique viable qui devrait les faire vivre.
01:58 On ne se demande pas comment ils rempliront les assiettes, on se demande comment ils permettent de remplir des tableurs et des objectifs décidés sur un coin de table.
02:06 Aucun souci de la réalité de la demande, désillusion écrite à l'avance.
02:10 - Et la grande distribution, est-ce qu'elle a pas elle aussi sa part de responsabilité dans les difficultés du bio ?
02:15 - Depuis des années, la grande distribution a utilisé le bio pour se refaire une beauté écolo.
02:19 Les rayons bio ont fleuri, pléthorique et pour cause un, ils généraient de très fortes marges.
02:24 Maintenant que le marché se retourne, les grandes enseignes déférencent à tour de bras les produits bio.
02:28 Ils ont servi de tête d'affiche, ils prennent désormais trop d'espace pour ce qu'ils rapportent.
02:32 Les organisations bio affirment que l'offre a reculé de 7,3% dans les rayons depuis près d'un an.
02:38 Tant pis pour les producteurs bio, ces ex-héros de l'alimentation n'ont qu'à se débrouiller maintenant.
02:43 - La grande distribution spécialisée dans le bio ne fait pas beaucoup mieux.
02:46 Elle a multiplié depuis 10 ans les campagnes de dénigrement des autres productions.
02:50 Elle a bien surfé sur la peur alimentaire, elle s'est bien drapée de vertus.
02:54 La baisse de ses ventes atteint 12%, elle n'a pas un mot pour défendre ses producteurs.
02:58 Alors oui, 10 millions d'euros pour ce lâchage en rase campagne, après tant de bons sentiments, c'est pas cher payé.
03:04 - Eh ben voilà tout le monde. - Air connu, air connu.
03:06 On est en train de faire avec l'agriculture exactement ce qu'on a fait avec l'énergie.
03:10 On a sapé les bases par militantisme sans jamais se poser la question des conséquences.
03:14 - Eh ben joli parallèle et tout le monde en a pris pour son gratte ce matin.
03:17 Mais vous avez tellement raison, merci beaucoup.
03:19 Emmanuel Ducroix, à demain on retrouvera...
03:21 Ah ben non, à demain, non, vous, c'est lundi.