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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 - Emmanuel Ducrot, on va voyager dans le bocage.
00:04 - Je suis sûre que je peux parler de ça avec ma famille autour de la table du réveillon.
00:08 - En plus c'est un sujet passionnant, vous allez nous parler de haies.
00:11 Replanter des haies, c'est une ambition politique et écologique en France et pourtant on n'y arrive pas.
00:16 Tout le monde est pourtant d'accord sur le bénéfice que procure la haie à la campagne.
00:20 - Les haies entre les champs c'est croussansuel, ce sont des réserves de biodiversité,
00:24 des remparts contre l'érosion des sols.
00:26 - Ce sont des frontières aussi d'une certaine manière.
00:28 - Oui, elles ont aussi des bénéfices agronomiques parce qu'elles coupent le vent et limitent les attaques des ravageurs.
00:32 On a vu ça quand il y a eu des attaques sur les betteraves.
00:35 Elles permettent aussi de garder l'eau dans les sols, elles offrent de l'ombre pour les bétailles.
00:38 C'est aussi une façon de stocker du carbone.
00:40 Bref, tout le monde aime les haies, y compris les agriculteurs quand on leur en parle sur le papier.
00:45 Il y en a 750 000 km en France.
00:48 - Et on en a beaucoup arraché par le passé, on s'est rendu compte que c'était une erreur.
00:52 - Depuis 1950, 70% des haies ont disparu des bocages français, 1,4 million de kilomètres en moins.
00:58 Ce sont les chiffres du ministère de l'Agriculture.
01:00 Je précise bien du bocage parce qu'il y a des régions de grandes cultures céréalières où il n'y en a jamais eu.
01:04 En France, dans le paysage, c'est une idée un peu reçue.
01:06 Cette disparition a d'abord été due au remembrement et à la mécanisation.
01:12 Mais on en perd toujours 23 500 km linéaires par an.
01:15 Et ça, ce n'est plus une question de remembrement agricole, c'est dû à l'artificialisation des sols, à la modification des paysages.
01:21 Donc on essaie d'inverser la tendance.
01:24 En octobre, le gouvernement a lancé une politique volontariste de plantation de 50 000 km de haies en France d'ici à 2030.
01:31 7 000 km linéaires par an, il faut s'y mettre tout de suite.
01:33 - Est-ce qu'on a les moyens ?
01:34 - Ben oui, il n'y a pas seulement une volonté éthérée, il y a une volonté, il y a aussi un plan.
01:39 Ça souligne, le gouvernement a mis 110 millions d'euros sur la table pour subventionner
01:43 et aussi pour développer des cultures de plantes adaptées parce qu'on ne peut pas planter n'importe quoi dans les haies.
01:47 Donc tout ça est bien pensé.
01:48 - Et pourtant le gouvernement est assez surpris parce que ce plan haie, bien qu'il soit financé, bien que ce soit intelligent, ça prend pas.
01:55 Il n'y a pas beaucoup de demandes de subvention.
01:56 - Ben oui, le diable est dans les détails, vous me connaissez, sinon je ne vous en parlerais même pas.
02:00 L'haie en France est régie par des dizaines de textes, de règles, de normes qui relèvent de la protection de la biodiversité,
02:06 de l'eau, des cadastres, des règlements sanitaires, des zones d'intérêt écologique, de la PAC.
02:12 Tout ça, c'est inextricable, c'est comme une haie d'aubépine, vous voyez, ça pique.
02:16 Un exemple, pour déplacer une haie, il faut être géomètre expert.
02:20 On ne la bouge pas de plus de 5 mètres et on ne bouge jamais plus de 2% du linéaire d'une exploitation agricole chaque année.
02:27 Il est interdit de tailler une haie le moindre rameau entre mars et août.
02:32 Un agriculteur qui s'y risque est passible en correctionnel d'une peine pouvant aller jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
02:40 Et oui, il y a des condamnations sévères et oui, ça peut aussi conduire à des retenues sur les aides de la PAC.
02:46 - Mais c'est complètement dissuasif, ça.
02:49 - Oui, c'est dissuasif si on veut que les agriculteurs replantent des haies.
02:53 Ils ont beau avoir la meilleure volonté du monde, ils ne vont pas se créer plus d'ennuis qu'ils en ont déjà.
02:57 Se retrouver au tribunal pour une manœuvre mal calibrée avec un tracteur, merci bien.
03:01 Se retrouver bloqué au moindre aménagement, merci encore.
03:04 Ils passent leur tour malgré les incitations financières.
03:07 Le poids de la contrainte tue la bonne volonté politique, la bonne volonté écologique, la bonne volonté du terrain.
03:13 C'est tout un paradoxe.
03:14 Les agriculteurs aiment les haies, mais ils les préfèrent loin de leur ferme.
03:17 On peut résumer ça d'une formule théâtrale tirée du Cid de Corneille.
03:21 Attention, c'est un peu acrobatique.
03:22 Chimène éloignant Rodrigue que pourtant elle aime.
03:25 Va, je ne te haie point.
03:26 - Oh, joli HIE, bien évidemment.
03:29 Merci beaucoup Emmanuel Ducroix, signature Europe 1, 8h54.