Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00 En attendant, nous sommes en bonne compagnie toujours, Emmanuel Ducrot.
00:02 On va parler avec vous de ce petit ouvrage que vient de publier Olivier Faure, le premier secrétaire du parti socialiste.
00:08 Petit livre dans lequel il défend l'idée d'un "capital républicain",
00:13 c'est-à-dire en fait un sort de soutien monétaire pour corriger les inégalités de destin.
00:18 Olivier Faure entend ainsi lutter contre ce qu'il appelle l'éritocratie.
00:22 Alors "capital républicain", c'est le nom de l'ouvrage, le présupposé de ce livre est exact.
00:27 Les enfants des classes populaires font moins d'études que les enfants des cadres supérieurs.
00:30 Ceux-ci sont trois fois plus nombreux à l'université que les enfants d'ouvriers.
00:34 La collectivité dépense en moyenne 245 000 euros pour un étudiant à Bac +5,
00:39 seulement 135 000 euros pour un élève qui interrompt sa scolarité autour de 16 ans.
00:43 Il y a donc une distorsion de l'argent investi dans la formation des enfants favorisés et des autres.
00:48 Le constat d'injustice qui conduit Olivier Faure à cet ouvrage est totalement réel.
00:53 - Et donc son "capital républicain", c'est la proposition qui est défendant ce livre,
00:57 est-ce que ça viendrait compenser ces inégalités scolaires ?
01:00 - Alors c'est là que ça se gâte.
01:02 Olivier Faure estime qu'il faut donner à ceux qui quittent le système scolaire
01:05 le capital que les autres ont consommé sous forme d'heures d'enseignement.
01:09 Ceux qui arrêteraient leurs études à 16 ans recevraient ainsi 60 000 euros
01:12 pour financer une formation, un permis de conduire, une création d'entreprise.
01:15 Le montant serait dégressif, on toucherait 30 000 euros si on sort juste avant le Bac.
01:20 Et après le Bac, rien du tout.
01:22 Il ne s'agit pas de financer des vacances au soleil,
01:24 précise Olivier Faure qui veut éviter le procès en assistana.
01:28 Les versements seraient conditionnés à la validité d'un projet.
01:31 Montant estimé de l'affaire, 8 milliards d'euros financés
01:33 par les nouveaux prélèvements sur les droits de succession.
01:35 - Bon, qu'est-ce qui vous dérange dans cette idée de "capital républicain" ?
01:38 - D'abord, la rupture radicale avec une idée fondatrice de l'idéal républicain,
01:42 le mérite, la belle idée que l'étude doit permettre de s'élever,
01:46 de sortir d'une condition modeste.
01:47 Alors oui, elle est déjà bien malade cette idée,
01:49 mais c'est quand même là une façon de l'achever définitivement.
01:52 Financer les sorties du système qui touchent déjà les plus modestes,
01:56 c'est acter le renoncement à l'égard des classes populaires.
01:59 C'est une façon de leur dire qu'on ne croit pas en eux.
02:01 On leur donne un petit chèque.
02:03 Pire, c'est pénaliser leur réussite.
02:05 Fini l'idée des bourses pour les plus modestes qui encourageaient les réussites.
02:09 Bonjour, la prime au renoncement.
02:11 Un jeune qui hésiterait à poursuivre son diplôme
02:14 serait appâté avec un chèque pour y renoncer.
02:16 Et plus il le fait tôt dans sa scolarité, plus le chèque est gros.
02:19 Donner de l'argent à quelqu'un qui en manque s'il arrête ses études,
02:22 c'est pervers, c'est même antisocial.
02:24 - Oui, quand même, partir dans la vie,
02:26 même à 16 ans avec 30 ou 60 000 euros, c'est bien peut-être, non ?
02:31 - Peut-être pour quelques jeunes qui décideront de monter une entreprise
02:33 et ceux encore plus rares qui s'en sortiront.
02:36 Mais quand on a jeté l'éponge,
02:37 c'est infiniment plus difficile de reprendre une formation quand ça tourne mal.
02:41 Ce chèque reviendrait à donner un solde de tout compte social
02:44 à des jeunes à qui on promet un avenir de galère.
02:47 Le chèque, échec en quelque sorte.
02:49 Le chômage, vous le savez, est directement corrélé au fait de sortir de l'école sans formation.
02:54 Qu'un socialiste puisse suggérer l'idée de créer une trappe à pauvreté
02:58 dont il sera impossible de sortir est totalement navrant.
03:01 Et le pire, c'est qu'Olivier Faure se pense libéral en faisant cette proposition.
03:05 Alors moi, je voudrais conclure sur cette idée.
03:07 Est-ce que vous connaissez ce proverbe qui dit
03:09 "Si quelqu'un meurt de faim, plutôt que de lui donner du poisson, apprends-lui à pêcher."
03:12 Vous connaissez cet adage ?
03:14 Olivier Faure suggère de lui donner de l'argent
03:16 non seulement pour qu'il renonce à apprendre à pêcher,
03:19 mais pour qu'il sabote lui-même son bateau.
03:21 - Le voilà rhabillé pour l'hiver, Olivier Faure et son capital, la République.
03:25 Merci beaucoup Emmanuel Ducroix, signature Europe 1.