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Guy Savoy publie avec Anne Martinetti "Guy Savoy cuisine les écrivains du XVIIe siècle" chez Herscher.
Regardez Le débat du 06 décembre 2023 avec Yves Calvi.

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00:02 - Bonjour Guy Savoie. - Bonjour.
00:08 - Merci d'être avec nous ce matin. Rappelons que votre établissement à la Monnaie de Paris
00:11 vient une nouvelle fois d'être désigné meilleur restaurant du monde. C'est la septième fois consécutive.
00:15 Et vous venez nous voir aujourd'hui avec un merveilleux livre sous le bras, un très beau cadeau de Noël.
00:19 Guy Savoie cuisine les écrivains du 17e siècle. Vous êtes accompagné d'Anne Martinetti qui est une des co-auteurs,
00:24 avec Gilles Chesneau aux éditions Ercher, Molière, Racine, Corneille, La Bruyère ou encore La Marquise de Sévigné.
00:30 Ils sont tous là. Dites-moi, on mangeait bien à l'époque, Guy Savoie ?
00:33 - Oui, on a toujours bien mangé en France, mais je crois que le 17e marque une nouvelle époque.
00:40 Déjà, on prend conscience que la nourriture, enfin que les repas, la nourriture est importante, mais que les repas sont importants.
00:47 Le roi y accorde beaucoup d'importance. Il y a des nouveaux produits qui arrivent.
00:51 Les légumes et les fruits prennent de plus en plus d'importance également.
00:55 En particulier les petits pois. Le roi a une passion pour les petits pois, ce qui n'est pas fait pour me déplaire.
00:59 J'adore aussi les petits pois. On sépare vraiment le sucré du salé.
01:05 C'est l'arrivée aussi des fromages. Les fromages ont surtout de vaches, principalement.
01:14 Les chèvres et brebis arrivent ensuite. Mais oui, il y a un vrai bouleversement.
01:21 Les écrivains, les gens de théâtre comme Molière, n'hésitent pas à raconter.
01:26 Madame de Sévigné raconte aussi très précisément des menus très gargantuesques.
01:32 - Rentrons dans les menus. La solomorie, le filet de bœuf à la ficelle, le navarin d'agneau, le pâté en croûte, volaïvo,
01:38 et une très étonnante boîte rôtie au four sont notamment au menu.
01:42 - Ça c'est fait mon choix. Vous les avez toutes préparées ?
01:45 - Bien sûr, bien sûr, bien sûr. Mais ce ne sont pas des recettes du XVIIe.
01:49 Ce sont des recettes qui sont inspirées. Vous avez compris que la boîte, c'est une boîte de camembert
01:53 qu'on a mis au four. C'est pour Jean de La Fontaine.
01:57 Ce camembert, bien sûr, il est placé au four et après on lui pique, on lui plante des feuilles d'endive,
02:04 à la fois de l'endive carmine et de l'endive normale.
02:07 - Les photos sont sublimes.
02:08 - Un peu de jambon, du pain grillé pour que dans cet univers un peu mou, on ait du croustillant.
02:15 - Qui a votre préférence, à titre personnel, dans tout ce que vous avez évoqué ?
02:18 - Ecoutez, pas de très original, moi c'est La Fontaine.
02:21 Mais La Fontaine, il va de la nature à la table en permanence.
02:26 Et puis ses chroniques sont tellement proches de ce qui se passe à cette époque que oui, c'est mon préféré.
02:35 - Anne Martinetti, nos grands écrivains sont les complices de cette expression de la cuisine française ?
02:40 - Oui, toujours. Et puis surtout, ils se retrouvent à table.
02:44 C'est ça que l'on découvre aussi avec le livre, c'est leur vie quotidienne.
02:48 Et le fait que les grandes dramaturges comme Corneille et Racine déjeunaient, dînaient,
02:53 et pouvaient s'échanger un petit peu des trucs au niveau de l'écriture.
02:56 Les plaideurs de Racine, par exemple, a été inspiré par ce que lui racontait Nicolas Boileau.
03:02 Ça nous les fait paraître beaucoup plus vivants que simplement des écrits anciens.
03:06 - Donc vous nous dites que non seulement ils passent à table, non seulement ils s'y intéressent,
03:09 mais en plus ils échangent entre eux.
03:10 C'est-à-dire que nos grands intellectuels, et finalement nos grands artistes de l'époque,
03:13 ont le goût d'échanger ce genre de conversations et de curiosités, c'est ça ?
03:17 - Exactement. Et puis ils goûtent aussi des nouveaux plats,
03:20 donc dans les auberges qu'on appellera des restaurants au siècle suivant.
03:23 Mais en tout cas, ils se retrouvent autour de Ripaille.
03:28 Ils s'invitent aussi chez eux, dans leur maison,
03:30 puisque souvent ce sont des professionnels qui ont l'écriture comme passion,
03:35 mais qui travaillent quotidiennement.
03:37 - Alors c'est très intéressant ce que vous venez de nous dire,
03:39 parce que vous avez prononcé le mot "auberge".
03:40 Je me tourne à nouveau vers Guissavois.
03:42 Il y a la cuisine des rois, Guissavois, mais on mangeait aussi au bistrot,
03:45 en tout cas à ce que moi j'appellerais le bistrot aujourd'hui.
03:47 Alors je ne sais pas s'il faut l'appeler l'auberge à l'époque.
03:49 - Moi c'était plus des auberges, enfin je parle sous le contrôle de Noël,
03:53 qui est la spécialiste de la littérature.
03:56 Mais c'est vrai qu'à travers tous ces écrits,
03:59 on a une idée très précise de la vie à ce moment-là.
04:03 Donc c'est très important, et c'est surtout l'intérêt,
04:06 ça devient quelque chose de social et de précieux.
04:14 On sent à travers cette époque que passer à table n'est pas un acte anodin.
04:19 - Non, non.
04:20 - Et ce critique, Madame de Ville-Dieu d'ailleurs,
04:22 elle est assez incisive sur les repas des autres.
04:26 Elle n'hésite pas à critiquer volontiers ce que font ses amis.
04:31 - La boîte rôtie au four, j'y reviens parce que ça m'a intrigué, Anne-Marie Nettie,
04:36 on la dédie à Jean de La Fontaine, pourquoi ?
04:39 - Pour le corbeau et le renard, bien sûr,
04:41 et le fromage que Maître Corbeau lâche imprudemment
04:45 sous les compliments de Maître Renard,
04:47 qui a plus d'un tour dans son sac.
04:49 Et effectivement, Guy Savoie a raison de dire que La Fontaine,
04:52 c'est peut-être le plus inventif d'un point de vue gastronomique aussi,
04:56 parce qu'il y a aussi le renard et les raisins,
04:58 il y a aussi le rat des villes, le rat des champs,
05:01 qu'il invite d'une façon fort civile à des reliefs d'hortoland,
05:05 et autres fables qui à chaque fois nous ramènent vers le repas.
05:09 Et c'est vrai que Louis XIV a institué le petit couvert, le grand couvert,
05:13 et que c'est tellement une faveur incroyable d'être invité à sa table
05:17 qu'il existe des peintures de Molière assis à la table de Louis XIV,
05:21 alors que les courtisans sont un petit peu en retrait
05:23 et regardent ça d'un air un petit peu jaloux.
05:25 - Ça nous ramène aux illustrations qui sont absolument magnifiques dans ce livre.
05:28 Qui est le plus gros ?
05:29 Enfin, je sais qu'on aime bien faire des classements,
05:32 mais à vous je pose la question,
05:33 qui est le plus gourmand de nos grands écrivains présents dans ce livre ?
05:37 - Madame de Sévigné, je pense.
05:39 Elle a théorisé la consommation de chocolat
05:42 bien avant les diététiciens du XXe siècle,
05:44 et donc elle a listé dans ses lettres à sa fille
05:48 tous les bienfaits du chocolat, toutes les vertus,
05:51 tous les défauts du chocolat aussi,
05:53 parce qu'elle en faisait une consommation abusive.
05:55 Donc on a vraiment dans les lettres de Madame de Sévigné
05:58 une encyclopédie du chocolat.
06:00 - C'est charmant.
06:01 Bon, dites donc, on ne va pas finir cet entretien Guy Savoie
06:03 sans que vous nous disiez ce qu'on doit manger à Noël.
06:05 Alors allez, choisissez.
06:06 - Déjà, bon, il faut revenir vers les vrais volailles, quoi.
06:10 - Oui !
06:11 - La dinde, la poularde, le poulet roulé.
06:13 - On est à Rungis ce matin, nous, Herté,
06:15 on n'est pas absolument partout, on se balade.
06:17 - Oui, les canards, les oies, moi j'aime bien l'oie à Noël,
06:19 parce que c'est, esthétiquement, déjà, c'est une belle bête,
06:22 cette forme allongée, et une oie, ça sent bon,
06:25 et on se régale avec l'oie, quoi.
06:28 On met quelques pommes autour, pour neutraliser le côté gras.
06:33 - Oui, voilà.
06:34 - Et puis, avec un gratin de cardon,
06:36 ou avec, enfin, l'oie supporte tout.
06:39 Des châtaignes, des côtes de bête,
06:42 on peut y mettre plein de choses autour de l'oie.
06:44 - Ça me va très bien, tout ça.
06:45 - Et puis c'est très beau.
06:46 - Une dernière question, vous qui allez souvent à la montagne,
06:49 vous faites toujours la fondue au morceau ?
06:51 - Absolument !
06:52 Les nouvelles vont vite !
06:53 - Quoi, nouvelles ?
06:54 - Non, je...
06:55 - C'est une curiosité pour moi !
06:56 - Oui, parce que, en fait, pourquoi je mets du morceau à la fondue ?
06:58 Parce que j'aime boire du morceau avec la fondue.
07:00 - Voilà !
07:01 Voyez-vous, ça me fait extrêmement plaisir.
07:03 - Il faut que le poivre soit bon,
07:05 parce que souvent on pense au fromage,
07:06 mais il faut que le poivre...
07:08 - Tout est important, notamment le poivre.
07:10 - Vous avez bien raison.
07:11 - Et pour la raclette également.
07:12 - Merci beaucoup Guy Savoie, merci Anne Martinetti.
07:14 Le livre est paru aux éditions Herche.
07:15 aux éditions Herche.

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