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Aujourd'hui à 8h20, nous recevons Guy Savoy, cuisinier, dont le « Restaurant Guy Savoy », étoilé, a été nommé meilleur restaurant du monde par la Liste (7e année consécutive), et Anne Martinetti, écrivaine et éditrice Auteurs de "Guy Savoy cuisine les écrivains du XVIIe siècle" (Herscher). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-week-end-du-dimanche-10-decembre-2023-3204813

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00:00 Vous êtes invitée ce matin dans le Grand Entretien avec Marion Louvre, nous avons le bonheur d'accueillir Guy Savoie et Anne Martinetti.
00:06 Bonjour à tous les deux !
00:07 Bonjour !
00:08 Un chef et quel chef ! Guy Savoie, sacré meilleur chef au monde pour la 7ème année consécutive par le prestigieux classement The List.
00:16 C'était il y a quelques semaines avec votre restaurant à la Monnaie de Paris sur les quais.
00:22 Et Anne Martinetti, vous êtes autrice, éditrice, passionnée de gastronomie et de littérature car il y a des classiques de la gastronomie comme il y a des classiques en littérature.
00:33 Vous signez tous les deux avec Gilles Chansot un livre formidable "La cuisine et les écrivains au 17ème siècle", c'est le deuxième volume.
00:43 Il y avait déjà eu un volume consacré à la cuisine et aux écrivains du 16ème siècle.
00:48 Il y a un lien entre les deux, classique de la littérature, classique de la gastronomie, Guy Savoie ?
00:53 Oui, le lien s'appelle la culture tout simplement.
00:55 Je crois que la cuisine a toujours collé à son époque, a toujours collé au temps.
01:05 Et puis je crois que le 17ème marque vraiment un vrai redémarrage.
01:11 C'est-à-dire que la cuisine a toujours existé, surtout dans d'autres pays, mais le 17ème marque une importance.
01:17 C'est-à-dire que la cuisine est un acte culturel.
01:21 Les dîners existent, c'est-à-dire que la cuisine a toujours une importance.
01:26 Avec le 17ème, c'est toute la table qui a de l'importance.
01:32 On reçoit, on critique volontiers ceux qui reçoivent mal et ceux qui cuisinent mal.
01:39 Et puis c'est le siècle de Louis XIV.
01:40 Je crois qu'il a fait beaucoup de choses pour... Il a fait prendre conscience que les légumes étaient importants.
01:47 D'où le potager de Versailles avec des cerfs énormes, parce qu'il avait une passion pour certains légumes tels que le petit pois.
01:54 Et pour avoir des petits pois au mois de décembre, il faut bien évidemment des cerfs.
01:58 Donc voilà.
01:59 Non mais il se passe plein de choses.
02:01 Et les cuisiner, les grands cerfs, il se passe plein de choses.
02:03 Les fromages arrivent, le café, le chocolat.
02:04 Enfin bon, tout ça, c'est une...
02:07 D'ailleurs, on l'a appelé le grand siècle, je crois.
02:10 Le grand siècle.
02:11 Anne Martinetti, parce qu'il y a le chocolat, le fromage, des tas de choses qui arrivent.
02:15 Le repas qui devient une cérémonie et on va en parler.
02:18 Mais c'est aussi le siècle de Molière, de Racine de Corneille, de La Bruyère, la marquise de Sévigné.
02:23 Qu'est-ce qu'ils ont à nous dire, justement, ces grands auteurs de la nourriture et de la gastronomie ?
02:30 Alors, si nous les avons sélectionnés dans notre ouvrage, c'est déjà parce que ce sont des gourmands.
02:36 Et ils en parlent dans leurs œuvres.
02:37 Et ça, c'est vrai que c'était assez nouveau.
02:39 On l'avait déjà remarqué au XVIe siècle.
02:41 Au XVIe siècle, on en parlait surtout d'une manière pédagogique.
02:44 Au XVIIe siècle, on va en parler d'une manière gourmande.
02:47 Le XVIe siècle, c'est gargantuin, c'est pentagruel.
02:49 Enfin, on a ces noms qui viennent immédiatement à l'esprit avec Rabelais.
02:52 Tout à fait. Et puis, des descriptions de menus qui sont incroyables.
02:56 Et donc, Guy Savoie s'est inspiré avec son équipe pour créer des recettes qui sont formidables.
03:01 Et donc, au XVIIe siècle, on va avoir aussi une manière de, comme disait Guy Savoie, de critiquer
03:07 ceux qui reçoivent mal et puis une vraie recherche de bons produits.
03:12 Anne-Martin, est-ce que vous vous êtes documentée pour retrouver ces sources, ces archives
03:16 qui permettent de reconstituer ces plats avec Guy Savoie ?
03:20 C'est un travail que je mène depuis de très nombreuses années.
03:23 J'avais cuisiné les recettes d'Agatha Christie, de Sherlock Holmes et puis d'autres écrivains.
03:28 C'est pour ça que je faisais ce lapsus "films-livres".
03:31 Voilà, c'est vrai. J'ai aussi écrit deux livres sur la cuisine des séries il y a très longtemps maintenant.
03:35 Je pense que nous, Français, on aime bien parler et acter ce qu'on mange, y compris dans nos écrits,
03:39 dans nos livres, etc. Ça permet de retrouver les plats de l'époque.
03:43 C'est vrai et aussi de se réunir.
03:46 Je pense que c'est ça qui est tout autant aujourd'hui que jadis une manière, alors peut-être très française,
03:52 effectivement, de se réunir autour de la table et à la fois de parler de ce qu'on mange,
03:58 mais aussi tout simplement de se confier, d'échanger.
04:01 C'est ce qu'on appelle tout simplement l'art de vivre à la française, que la planète entière nous envie.
04:07 Vous dites que le XVIIe siècle, c'est l'époque des grandes fêtes et du développement des lieux de gastronomie.
04:10 La cuisine et la gastronomie, ce n'est pas la même chose, Guy Savoie ?
04:13 Je dirais la cuisine à la version simplifiée.
04:17 On peut trouver tous les pays du monde qui ont une cuisine.
04:21 Mais nous, on a la chance en France, grâce à la diversité des produits,
04:25 grâce à la diversité et l'excellence des savoir-faire, on a la gastronomie.
04:29 Pourquoi ? Parce qu'on excelle dans la boulangerie, dans la charcuterie, dans la pâtisserie, dans la chocolaterie.
04:34 Tout ce qui fait les fromages, les vins, toute cette complexité, cette diversité,
04:40 qui fait qu'on est un pays très singulier et que, encore une fois, la planète entière nous envie.
04:45 Alors, chacun de ces livres est construit à plusieurs mains.
04:49 Vous racontez, Anne Martinetti, la passion de Molière, de Pascal, de Madame de Sévigné pour l'assiette.
04:54 Et vous, Guy Savoie, vous imaginez des recettes qui font une sorte de portrait en creux de chacun de ces auteurs.
05:00 Oui, absolument. Parfois avec un trait d'humour pour Pascal, par exemple.
05:04 Oui, Pascal, on l'imagine pas gourmand.
05:07 J'ai pas pu m'empêcher de faire un agneau Pascal, bien sûr.
05:11 Mais bon, pour La Fontaine...
05:13 Oui, votre préféré, c'est La Fontaine.
05:15 Oui, parce qu'en fait, La Fontaine, il maîtrise tout, pour reprendre une expression très contemporaine,
05:22 de la fourche à la fourchette. Il s'intéresse à l'agriculture.
05:26 Tous ses voyages lui ont permis d'être un observateur très pointu.
05:33 Et oui, il suffit de lire ses fables pour se rendre compte qu'il se passe plein de choses.
05:40 Il se rend compte qu'il passe plein de choses dans son époque et il rend compte de toutes ces choses.
05:46 Et ça, c'est...
05:47 Bien sûr, pour La Fontaine, c'était évidemment un camembert, mais je l'ai préparé chaud, avec des endives et du jambon.
05:54 Et il a un nom d'ailleurs ?
05:56 La boîte chaude.
06:00 En fait, on se sert de la boîte du camembert, à part que le couvercle...
06:04 On double la boîte avec le couvercle pour qu'elle n'explose pas dans le four.
06:12 Et puis voilà, on le met au four à 180 degrés pendant 15 ou 20 minutes.
06:16 Après, on plante dedans deux types d'endives, la carmine qui est rouge, l'endive normale,
06:21 et puis quelques morceaux de tranches de jambon de pays.
06:24 Le jambon de Savoie marche, le jambon basque marche, enfin tout.
06:28 La tartine grillée aussi.
06:29 Et ça sent bon, oui, la petite tartine grillée qui est avec.
06:32 Pour le croustillant, c'est une tartine de pain aux noix et raisins.
06:36 On en a l'eau à la bouche.
06:38 Et aucun rat n'habite dedans, comme dans La Fontaine, ça c'est garanti.
06:42 Ou comme dans Ratatouille, un accord.
06:43 Ou comme dans Ratatouille aussi, c'est vrai.
06:45 Le premier café à ouvrir en France au XVIIe siècle, c'est le Procope à Paris, 1686.
06:50 Ça c'est une révolution ou pas ?
06:51 Oui, c'est une révolution parce que je crois que les aristocrates recevaient,
06:58 mais il n'y avait encore pas la possibilité d'avoir des...
07:00 Chez eux ?
07:01 Oui, ils recevaient chez eux, oui.
07:03 D'avoir des lieux.
07:04 Donc oui, ça coûte...
07:06 Et puis après, c'est après la révolution que se développent vraiment les restaurants.
07:10 Parce que tous ces cuisiniers de grandes familles se retrouvent donc au chômage
07:16 et ils ouvrent leur propre...
07:17 D'abord les bouillons, ce qu'on appelait les bouillons.
07:19 Et ensuite, bistrots et restaurants gastronomiques.
07:22 Alors à tous les gourmands du matin, chers auditeurs, je vous rappelle que vous pouvez
07:25 dialoguer avec nos invités au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
07:31 Et c'est une manière, Anne Martinetti, peut-être, de raconter la littérature autrement.
07:35 Quand on apprend La Fontaine à l'école, quand on en apprend les fables par cœur,
07:39 bon, on lit, on essaye de comprendre ce qui se passe entre le corbeau et le renard.
07:44 En général, on retient la morale de l'histoire.
07:47 Mais surtout, ça raconte la littérature.
07:50 Et les écrivains qui se rencontrent, ça nous familiarise cette histoire-là avec eux.
07:56 Un exemple, par exemple, Corneille et Racine, qui sont les deux héros de la tragédie du 17ème.
08:02 Ils se connaissent et ils se rencontrent à table.
08:04 Tout à fait.
08:05 C'est vrai que c'est un peu mon cheval de bataille de rendre la littérature qui,
08:09 parfois, paraît, comme vous le disiez, un peu théorique, écrite par des êtres humains
08:15 qui ne sont pas seulement des noms du passé ou des noms de rue.
08:17 Et lorsqu'on les voit à table, il est évident que tout de suite, ou lorsqu'on mange des
08:21 plats qu'ils ont eux-mêmes mangés, on va évidemment tout de suite devenir leur ami.
08:27 Donc, ça sera beaucoup plus simple, beaucoup plus facile, beaucoup plus évident de retenir
08:31 leurs œuvres et la morale de leurs œuvres.
08:33 C'est une bonne manière de donner le goût de la cuisine à ceux qui ont le goût de
08:37 la littérature et le goût de la littérature à ceux qui ont le goût de la cuisine.
08:40 Ce qui est mon cas, moi, la littérature, si on m'avait enseigné sous cet angle-là,
08:45 peut-être que je serais un peu moins un culte aujourd'hui.
08:49 Vous êtes malgré tout le meilleur chef au monde.
08:52 Il y a ceux qui font des études de lettres, qui apprennent la querelle des anciens et
08:56 des modernes.
08:57 Et ça se joue d'ailleurs au 17ème siècle.
08:58 Et ça se joue même dans l'assiette.
09:00 Et dans l'assiette Guy Savoie, il y a les fidèles de la tradition qui mélangeaient
09:06 sucré-salé.
09:07 Et là, il y a une révolution.
09:08 Qu'est-ce qui se passe ?
09:09 Là, il y a une vraie révolution.
09:11 C'est-à-dire qu'on scinde vraiment les deux.
09:12 Il y a les plats salés et les plats sucrés, d'ailleurs, qu'on appelle les friponneries.
09:16 Les friponneries !
09:17 Avant de s'appeler dessert ou pâtisserie, friponnerie, je trouve que c'est plutôt
09:22 joli.
09:23 C'est joli, oui.
09:24 Oui, c'est très joli.
09:25 Non, mais il y a des codes qui s'installent.
09:28 On sent que tout est en train de s'organiser.
09:31 Il y a des épices qui arrivent.
09:33 Il y a des épices qui arrivent.
09:34 Et je vous dis, le café, le chocolat, et puis les fromages.
09:39 Et même dans la manière de cuisiner, Guy Savoie, avant d'entrer dans les produits,
09:42 il y a par exemple les sauces courtes.
09:44 Oui, il y a des choses.
09:45 Qui s'inventent.
09:46 Est-ce que c'est un répertoire pour vous, par exemple ?
09:49 La béchamel est inventée.
09:50 En tout cas, c'est le socle.
09:51 C'est le socle qui a permis d'avoir ensuite les répertoires.
09:56 On s'aperçoit que la chantilly a été inventée à cette époque.
10:01 La pâte feuilletée a été inventée à cette époque.
10:03 La chantilly, un jour, ils n'avaient pas assez de crème.
10:08 Donc, ils ont décidé de la fouetter.
10:09 Alors, ça devait forcément être en hiver.
10:11 Parce que si ça avait été en été, ils auraient fait du beurre.
10:13 Pour faire de la chantilly, il faut que la crème, au départ, soit glacée.
10:17 Autrement, on fait du beurre.
10:19 Donc, voilà.
10:20 On a quelques indications sur ces nouveautés.
10:24 La pâte feuilletée, c'est un pâtissier qui a oublié de mettre le beurre au départ.
10:30 Il s'en est aperçu.
10:31 Il n'a pas voulu jeter ce qu'on appelle le pâton.
10:33 Donc, il a enfermé le beurre.
10:36 Au fil du temps, des essais, c'est devenu la pâte feuilletée.
10:40 Et au XVIIe siècle, il y a quelque chose d'assez génial qui se produit.
10:45 On ne sait pas si la gastronomie, c'est le glouton ou si c'est le fin gastronome.
10:52 Anne Martinetti, puis Guy Savoie.
10:54 Parce que chez vous, Guy Savoie, il faut être fin gastronome pour apprécier votre cuisine.
10:58 C'est de l'art et c'est quelque chose d'extrêmement élaboré.
11:01 Et puis, il y a les gloutons, malgré tout.
11:03 C'est vrai que Louis XIV, on ne sait pas s'il est glouton ou gastronome.
11:07 Le roi soleil avait un côté glouton.
11:10 Oui, sans aucun doute.
11:11 Il a eu même plein de problèmes de santé à ce sujet-là, d'ailleurs, sur son grand
11:15 âge.
11:16 Mais en tout cas, c'est lui qui a institué le grand couvert et le petit couvert.
11:19 C'est-à-dire que lorsqu'il voulait recevoir un grand nombre de courtisans ou la cour,
11:25 il y avait un repas officiel et lui se régalait en privé, en petit comité.
11:31 Et il invitait notamment Molière à sa table.
11:33 Ce qui est aussi une grande nouveauté, puisque un artiste, un baladin, quelqu'un qui n'est
11:37 pas très considéré, est soudain invité à la table du roi.
11:41 Exemple de menu, qu'est-ce qu'on mange à la table du roi soleil ?
11:44 On mange beaucoup de fruits et légumes.
11:46 Comme disait Guy Savoie, notamment des petits pois qui est une mode incroyable au XVIIe
11:52 siècle sous son règne.
11:53 Et puis, on mange encore beaucoup de viande de rôti.
11:56 Et comme vous le disiez, des sauces qui ne sont plus des ragoûts préparés très à
12:00 l'avance, mais des plats qu'on pourrait aujourd'hui dire des plats minutes.
12:04 Des plats minutes ?
12:05 Absolument.
12:06 Comme ce que vous faites, Guy Savoie ?
12:07 Non, c'est vrai, mais c'est même des plats secondes.
12:09 Vous, vous êtes glouton ou gastronome ?
12:11 Je peux être les deux.
12:12 Vous pouvez être les deux ?
12:13 Oui, je peux être les deux, ça dépend.
12:14 Un de vos confrères avait écrit de moi un jour que j'avais la fourchette impatiente.
12:18 Je trouve que la table me va bien parce que c'est vrai que passer à table, c'est quelque
12:23 chose, c'est forcément la fête.
12:24 Alors justement, il y a plusieurs questions d'auditeurs.
12:29 On arrive dans la période qui est la période par excellence de la gastronomie Guy Savoie.
12:35 Les classiques, est-ce qu'on les revisite quand on est un grand chef comme vous ?
12:40 Est-ce qu'on s'empare de la dinde, de la bûche pour essayer de réinventer ce dont
12:46 on a hérité du passé ou est-ce qu'on peut s'en passer justement ?
12:49 Non, non, non.
12:50 Le mot invention est trop fort.
12:53 On transforme, on est là.
12:56 On évolue.
12:57 Il y a une évolution, évidemment.
12:59 Vous avez cité la dinde qui reste le plat emblématique de Noël.
13:05 Mais bon, moi, plutôt que de la retirer, j'aime la faire pocher.
13:09 A la manière d'un poteau-feu.
13:12 Et là, on n'est pas forcément original, mais en tout cas, on est originel.
13:19 Et en tout cas, on est nombreux, nombreux auditeurs qui sont au Stade Art d'Inter.
13:24 Bonjour Marie-Hélène.
13:25 Bonjour Ali.
13:26 Vous avez tout écouté de la matinale du 6/9 aujourd'hui, Marie-Hélène.
13:31 Je vous en remercie.
13:32 Vous aviez une question pour nos invités ?
13:34 Eh bien oui.
13:35 Au début du 6/9, il y avait un reportage sur les femmes et la résistance et leur reconnaissance.
13:39 Et je me posais la question concernant la cuisine, la place des femmes dans la cuisine.
13:44 On connaît Anne Soschipik, mais qu'en est-il ?
13:47 Hélène Darroze et d'autres.
13:48 Mais qui s'avoie ?
13:49 C'est vrai que « chef », ça s'écrit rarement avec deux F E.
13:53 Oui, mais bon, il faut dire que les femmes, en tout cas à travers les mères et les mères
13:58 lyonnaises, et moi en tout cas à travers ma mère.
14:00 Moi, c'est ma mère qui cuisinait tellement bien, qui m'a donné l'idée et l'envie
14:05 de faire la cuisine.
14:06 Donc les femmes, bien sûr, ont un rôle primordial.
14:10 Et on en voit d'ailleurs de plus en plus.
14:12 Moi dans ma cuisine, on est 35 entre la cuisine et la pâtisserie.
14:15 Mais on a 12 femmes.
14:17 35 ?
14:18 Oui, on est 35.
14:19 À la monnaie ?
14:20 Oui, à la monnaie, oui.
14:21 Et il y a 12 femmes.
14:22 Et au XVIIe siècle, je tiens à souligner que…
14:23 Madame de Sévigné ! Incontournable dans la littérature du XVIIe !
14:28 Exactement.
14:29 Madame de Sévigné était une influenceuse reconnue.
14:33 Et Madame de Lafayette également.
14:34 Une influenceuse !
14:35 Elle, dans son conseil sur la consommation de chocolat, elle donnait des recettes dans
14:40 ses lettres.
14:41 Et les grandes salonières aussi, comme Madame de Sablé, ont tout de même inventé des
14:47 recettes.
14:48 Et notamment la recette des Sablés.
14:50 Les salonières, donc celle qui avait un salon.
14:52 Molière est aussi dans votre livre.
14:55 Et Molière a fait sienne la phrase de Socrate dans la Vare.
14:57 Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger.
15:00 Mais bon, il faut bien manger quand même !
15:01 Oui, mais là, c'est ironique.
15:04 Oui, bien sûr.
15:05 Non, mais je me raccroche à ça pour vous parler du prix de l'alimentaire qui a flambé
15:09 8% sur un an.
15:10 Est-ce qu'aujourd'hui, finalement, quel conseil on peut donner à nos auditeurs qui
15:14 ont des fins de mois possiblement difficiles, s'ils veulent quand même avoir leur part
15:18 de ce patrimoine français qu'est la gastronomie ?
15:21 Alors, je dirais le socle du patrimoine, ce sont les marchés.
15:24 J'encourage vivement tous les auditeurs à aller au marché.
15:28 On a les plus beaux marchés du monde.
15:30 On a une diversité, encore une fois, de produits et de budgets.
15:34 Je sais toujours qu'il y a plus de noblesse dans un chou fraîchement cueilli que dans
15:38 un homard surgelé.
15:39 Donc, n'hésitez pas à prendre votre panier.
15:44 Je vais même plus loin.
15:45 Je ne sais pas si on peut le dire le matin.
15:47 Je dis que le marché est à la cuisine, ce que les préliminaires sont à l'amour.
15:53 C'était une très bonne comparaison.
15:55 Anne-Martin, est-il que les recettes du livre sont à portée de budget, y compris de budget
16:00 contraint éventuellement, parce que c'est beaucoup le cas en ce moment ?
16:02 Je pense que oui.
16:03 Le camembert dont on a parlé, quelques feuilles d'endive et un peu de jambon de pays, c'est
16:09 dans un budget tout à fait gérable.
16:15 Et en dessert, les visites en dine, c'est une recette qui ne coûte pas cher du tout
16:19 avec des produits.
16:20 C'est du blanc d'oeuf, un peu de farine, de beurre.
16:26 C'est tout simple.
16:27 C'est ça d'ailleurs la magie de la cuisine.
16:31 J'ai commencé à faire la cuisine, je cite souvent l'exemple des langues de chat de
16:36 ma maman.
16:37 Je l'ai vu mélanger des produits tels que du sel, du sucre, un peu de farine, du beurre.
16:42 Et puis en quelques minutes, ça devient quelque chose qui sent bon, qui croustille.
16:46 Un sablé ?
16:47 Oui, la langue de chat par exemple.
16:49 Ou un sablé.
16:50 Avec des produits très simples, cette transformation magique vous procure du plaisir.
16:57 Vous savez que c'est assez extraordinaire parce qu'il y a plusieurs Guy, Guy Savoie,
17:02 qui sont au standard et qui ont des questions à vous poser et qui veulent intervenir.
17:07 Bonjour Guy !
17:08 Oui bonjour !
17:09 Vous avez une question pour nos invités.
17:12 Nous avons parlé du grand siècle et notamment des tragédiens avec Racine et Corneille.
17:19 Et vous venez d'évoquer Alistair Molière.
17:21 Il a séjourné longtemps à Pézennas d'Almiraud, d'où je suis, d'où je vous appelle.
17:26 Et il y avait un sucré-salé qui est toujours resté.
17:30 Ce sucré-salé qui se retrouve à travers ce qu'on appelle le petit pâté.
17:35 Un mets que l'on peut prendre aussi bien à l'entrée qu'en dessert puisque c'est
17:40 un mélange de sucré-salé.
17:42 Et Molière à cette époque-là a bien dû l'apprécier également puisque ça date
17:47 de ce moment-là où l'ordre anglais, puisqu'il y a quand même une origine, mais une transmission
17:54 entre différentes cultures, l'ordre anglais avait laissé son cuisinier qui était hindou
18:03 et qui a porté et a laissé cette recette du petit pâté à Pézennas.
18:08 Merci Guy ! En tout cas c'est génial d'apprendre autant de choses, d'apprendre l'histoire
18:12 et la culture à travers la gastronomie.
18:14 Vous parlez de la gastronomie, pourquoi le mot gastronomie ? Mais en France, si on a
18:18 encore l'exemple avec Pézennas, il n'y a pas un village, une ville, une capitale qui
18:22 n'a pas ces spécialités.
18:24 Pas très loin de Pézennas, il y a la ville de Sète où il doit y avoir 10 spécialités
18:32 qui sont vraiment spécifiques à la ville de Sète.
18:34 La tielle, la macaronade…
18:36 Justement pour rester Molière, Molière-Anne-Martinetti, ce qui est génial c'est que dans le Bourgeois
18:41 Gentilhomme, il raconte ce qu'est un repas réussi.
18:45 Alors à quoi ça ressemble ? Il faut du pain doré avec de la croûte partout !
18:49 Exactement, et puis c'est là où on s'aperçoit que les manières de table deviennent aussi
18:55 importantes que le fait de savoir chanter, de savoir danser, de savoir écrire, puisque
19:00 le Bourgeois Gentilhomme évoque toutes les capacités qu'un gentilhomme doit avoir
19:06 et parmi lesquelles le fait de manger bien, de ne pas faire de bruit avec sa cuillère,
19:11 enfin toutes sortes de manières de table qui sont tout à fait les mêmes aujourd'hui.
19:14 Et ça, Guy Savoie, c'est en général… les gens se tiennent bien chez vous à la
19:18 monnaie et quand on va chez le meilleur chef au monde en général on fait attention, mais
19:23 est-ce qu'il y a quelque chose où on tombe la chemise de plus en plus, même dans les
19:29 meilleurs restaurants du monde ? Non, je crois que la bonhomie s'installe
19:33 bien sûr, la bonhomie est indissociable de la gourmandise, donc non.
19:37 Nous aussi on exige la veste, mais… Toujours !
19:41 Voilà, toujours ! C'est un bâtiment du 18ème siècle et puis je crois que j'ai
19:46 envie qu'il y ait une atmosphère à la fois détendue mais élégante.
19:50 Et alors ce qui est assez extraordinaire, c'est qu'il y a trois jours pourtant,
19:53 le meilleur chef au monde, Guy Savoie, il présidait le jury de la Somme.
19:56 Alors pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, la S.O.M.
20:00 c'est l'association… De sauvegarde de l'œuf mayonnaise.
20:04 On élit le meilleur œuf mayo… Avec slogan quand même, le temps passe,
20:09 mais les œufs durent.
20:10 C'est pas mal ! Alors, monsieur le président Guy Savoie, vous avez même votre carte de
20:14 membre de l'élu de la part de l'Ontario 2024 !
20:16 J'étais convaincu de l'avoir dans ma poche !
20:18 Où est-elle ? Je suis très fier de la montrer, c'est
20:20 une vraie carte, bien rigide.
20:22 Mais donc même l'œuf mayonnaise peut être sublimé ?
20:26 Mais je vous ai parlé de diversité, il n'y a pas que… Tiens, regardez, je vous la
20:29 montre quand même ! Ah mais oui, elle est là !
20:32 C'est une carte très sérieuse, plastifiée.
20:34 Et c'est un patrimoine aussi ! Et c'est un patrimoine, et ça fait partie,
20:38 c'est-à-dire que ce paysage culinaire français, qui est la gastronomie, il est tellement divers
20:45 et variés que c'est inépuisable !
20:48 Ce qui est inépuisable, c'est le nombre de questions que nous avions à vous poser.
20:53 À tous les deux, il y a évidemment les conditions matérielles dans lesquelles se pratique la
20:57 cuisine.
20:58 Et Marion…
20:59 J'ai une dernière question pour vous, parce que demain la loi immigration va arriver à
21:02 l'Assemblée nationale.
21:03 C'est vrai que votre secteur manque de bras, la restauration.
21:06 Beaucoup de chefs sont en recherche de personnel.
21:10 Est-ce que vous soutenez ce titre de séjour spécial pour les métiers en tension dont
21:15 la restauration fait partie ?
21:16 Oui, mais je crois qu'on a un focus sur la restauration.
21:19 Mais moi, tous mes amis qui sont dans diverses activités, mon expert comptable a également
21:23 du mal à recruter.
21:24 Alors est-ce que c'est un signe d'économie très active et qu'on manque de collaborateurs,
21:32 je ne sais pas.
21:33 Mais bon, s'il y a des gens qui ont envie de travailler, oui, pourquoi les empêcher
21:36 de travailler ?
21:37 Merci infiniment à tous les deux d'avoir été les invités du Grand Entretien ce matin.
21:42 Avec Gilles Chansot, vous publiez « La cuisine et les écrivains au XVIIe siècle, après
21:48 la gloutonnerie du XVIe », c'était dans le tome précédent.
21:51 Vous allez raconter le XVIIIe ?
21:52 On travaille dessus, ça y est.
21:55 On a hâte de le lire, parce que le XVIIIe, c'est donc l'invention du restaurant.
21:59 Là aussi, une révolution, une autre que celle de 1789, qui s'est jouée pour partie
22:05 à table.
22:06 Merci Guy Savoie, merci Anne Martinetti.

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