Les 4 vérités - Raphaël Glucksmann

  • l’année dernière
Thomas Sotto reçoit Raphaël Glucksmann, député européen (Place Publique) sur le plateau des 4 vérités. 

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Transcript
00:00 Bonjour et bienvenue dans les 4V, Raphaël Glucksmann.
00:04 Bonjour et merci.
00:05 Le parti d'extrême droite et ouvertement islamophobe néerlandais de Gerd Wilders
00:08 a donc remporté et est arrivé en tête en tout cas des législatives là-bas.
00:11 Le PVV qui a promis notamment un référendum sur l'adhésion des Pays-Bas à l'Union Européenne.
00:16 Qu'est-ce que vous avez raté, vous les modérez,
00:19 pour que de plus en plus de peuples se tournent vers des dirigeants comme ce monsieur ?
00:22 Tout.
00:24 On a tout raté.
00:25 Et j'aimerais qu'on prenne conscience de la gravité du moment qu'on est en train de traverser.
00:30 L'Union Européenne fait face à des crises immenses.
00:33 On a la guerre qui a fait son retour sur notre territoire.
00:35 On n'a jamais eu autant besoin de l'Union Européenne.
00:38 Et élection après élection, on voit l'extrême droite remporter des succès immenses.
00:44 On voit un personnage, monsieur Wilders,
00:48 qui a fait campagne non seulement contre les musulmans, contre l'immigration,
00:52 mais aussi contre le pacte vert européen, la transition écologique,
00:56 et pour un référendum de sortie des Pays-Bas de l'Union Européenne.
01:00 C'est-à-dire qu'en fait, si on ne reprend pas nous,
01:05 nos esprits, notre force,
01:07 si on ne retrouve pas en nous la puissance suffisante pour convaincre qu'en fait,
01:11 on a besoin de sauver l'Union Européenne,
01:13 qu'en fait, jamais on n'ait eu autant besoin d'elle,
01:16 elle est en danger externe et interne.
01:18 Il y a une conjugaison de menaces qu'on n'a sûrement jamais vue dans notre histoire européenne.
01:23 C'est pour ça que tous les mois qui vont venir, l'élection qui va venir,
01:26 elle est aussi essentielle, aussi fondamentale.
01:29 En fait, on n'a jamais eu un moment aussi décisif dans notre histoire.
01:32 Vous savez qu'aujourd'hui, Poutine est en train de gagner son pari.
01:36 Son pari, c'était que si on met sous pression l'Europe,
01:40 si on met l'Europe dans une situation où elle est obligée de se mobiliser,
01:44 elle n'y arrivera pas.
01:45 Parce que l'Europe est molle, parce que l'Europe est faible,
01:47 parce qu'on s'enfonce dans l'Europe comme dans du beurre.
01:49 Parce que l'Europe ne fait que se diviser, en fait.
01:51 Parce que l'Europe ne parle jamais.
01:52 Sur le conflit israélo-palestinien, vous l'entendez l'Europe ?
01:55 Elle joue un rôle, elle pèse l'Europe ?
01:56 L'Europe est un nain géopolitique.
01:57 Entre Israël et le Gaza et le Hamas.
02:00 On est le plus grand marché du monde.
02:02 Mais on est un nain géopolitique.
02:04 Et ce qui est face à nous, c'est un choix quasi existentiel.
02:08 C'est est-ce qu'on veut ou pas peser sur le destin du monde ?
02:12 Est-ce qu'on veut ou pas maîtriser notre propre destin ?
02:15 Et si on veut le faire, alors il va falloir devenir adulte.
02:16 Parce que vous savez, il n'y a pas que l'Europe.
02:20 L'année prochaine, il y aura aussi une élection américaine.
02:22 Vous avez cet arc de crise au Proche-Orient, en Ukraine,
02:26 dans le Caucase, avec les menaces qui pèsent sur l'Arménie.
02:29 Et vous pouvez avoir le 5 novembre 2024,
02:32 Donald Trump qui fait son retour à la Maison Blanche.
02:35 Et dans ce cas-là, on fait comment, nous, des ados éternels
02:37 qui comptons sur les États-Unis pour régler l'ensemble des crises
02:39 qui menacent notre propre sécurité ?
02:41 On fait comment si Donald Trump l'emporte ?
02:44 Et donc là, on est dans une situation vraiment de bascule,
02:46 où en interne, on remet en cause les principes constitutifs
02:48 de la construction européenne et de nos démocraties libérales,
02:51 avec cette vague de l'extrême droite qui parcourt l'ensemble du continent
02:55 et on n'est pas du tout immunisé à France.
02:57 C'est la vague de l'extrême droite ou c'est la vague des extrêmes ?
02:59 Parce que quand on parle de Jean-Luc Mélenchon,
03:01 il est dans l'extrémisme lui aussi aujourd'hui ou pas ?
03:03 Il y a une dérive totale de Jean-Luc Mélenchon.
03:06 C'est pour ça que moi, j'ai toujours été extrêmement clair depuis le début.
03:10 Il était hors de question de partir aux élections européennes
03:13 avec Jean-Luc Mélenchon.
03:15 Vous mettez un signe égal entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon aujourd'hui ?
03:18 Non, je ne mets pas un signe égal.
03:19 Qu'est-ce qui les différencie ?
03:21 Ce qui les différencie, c'est qu'au sein du parti de Jean-Luc Mélenchon,
03:24 il y a d'autres forces.
03:26 Il y a des gens avec lesquels on peut travailler.
03:28 Vous savez, par exemple, quand vous prenez M. Ruffin,
03:31 M. Ruffin, il fait partie de la gauche.
03:33 Il fait partie de ces gens avec lesquels on va pouvoir reconstruire quelque chose.
03:37 Mais ça passera très clairement par une rupture avec Jean-Luc Mélenchon.
03:41 C'était vrai avant ses propos sur le Hamas.
03:45 C'était vrai déjà au moment de l'Ukraine.
03:47 Mais c'est encore plus vrai aujourd'hui.
03:49 Il est antisémite dans ses propos et dans ses comportements ?
03:51 Je ne vais pas sonder son cœur et son âme.
03:52 Finalement, vous savez quoi ?
03:53 Je vais vous dire, il ne m'intéresse même plus en fait.
03:55 Moi, ce qui m'intéresse, c'est nous, notre capacité à mobiliser.
03:58 Nous, notre capacité à créer une alternative.
04:00 Nous, notre capacité à montrer qu'en France,
04:03 il y a une gauche pro-européenne.
04:05 Une gauche pro-européenne qui est forte
04:07 et qui rassemble une majorité des électeurs de gauche.
04:09 Ça va être ça l'enjeu de ces élections, c'est de montrer qu'en fait…
04:12 Juste pour comprendre bien, vous serez tête de liste,
04:14 place publique et PS, ça sera la même liste ou pas ?
04:17 J'espère que ce sera la même liste.
04:19 Tout doit nous conduire.
04:20 Il va falloir 6 mois de cuisine interne et de petites popoles
04:21 pour savoir qui va être premier ou qui va être deuxième.
04:23 Nous, on s'est lancé avec place publique,
04:25 avec Orlan Luc, ma collègue députée.
04:26 On est déjà en campagne.
04:27 Il y a des milliers de jeunes qui viennent dans nos réunions publiques.
04:29 C'est pareil, il y a encore cette question avec le PS.
04:30 Et ça va l'être.
04:32 Tout nous porte à être candidats ensemble.
04:34 Ça fait 4 ans qu'on bosse ensemble au Parlement européen,
04:36 qu'on mène des combats, qu'on obtient des victoires,
04:38 qu'on a un bilan, qu'on a une vision du monde commune,
04:40 qu'on a une envie commune aussi de retourner la table à ses chances.
04:43 Vous êtes un passionné, Raphaël Glucksen,
04:44 mais vous parlez de victoire, de combat, etc.
04:46 Il y a eu un cas très précis hier au Parlement européen,
04:49 en emprunt journal de 7h30, sur les emballages.
04:51 Il y a eu un vote pour réduire notre utilisation d'emballages.
04:54 Sauf que tout le monde dit que ça a été complètement bouffé par les lobbies,
04:57 que finalement le texte est bien en dessous de ce que les uns et les autres espéraient.
05:01 Les ONG ne sont pas contentes.
05:02 Comment faire rêver avec cette Europe qui, au final,
05:04 termine toujours en petit kiki, moindisante, sans audace, sans rien ?
05:08 Comment vous donnez envie de faire ?
05:09 Je vais vous dire, c'est encore pire.
05:10 Il y a eu deux votes qui étaient extrêmement tendus,
05:12 sur les emballages et l'autre sur les pesticides.
05:15 Et dans les deux cas, et en particulier sur les pesticides,
05:18 puisque là le vote a carrément été une catastrophe
05:20 et on s'est fait enfoncer à chaque fois à dix voix
05:23 sur tous les amendements proposés par la droite et l'extrême droite
05:27 et soutenus par les lobbies de l'agrochimie,
05:30 eh bien ces deux votes furent une calamité
05:33 et un triomphe pour Bayer-Monsanto.
05:35 Et ce que ça montre, c'est très simple,
05:38 c'est que si vous doutez que votre vote a une importance,
05:42 si vous doutez que finalement quand vous vous déplacez aux Yondes,
05:44 ça a un impact, eh bien regardez les votes qui se sont passés hier.
05:47 À cinq, à six, à sept voix près,
05:50 on est en train de rater la transition écologique
05:52 qui est si fondamentale pour notre avenir à tous.
05:55 Elle n'est pas déjà ratée ?
05:56 Elle n'est pas déjà ratée.
05:57 La COP 28, elle sert à quelque chose ou pas ?
05:58 À Dubaï dans quelques jours ?
06:00 Laissez-moi finir d'abord.
06:01 Allez-y.
06:01 Elle n'est pas déjà ratée.
06:03 Ça dépend de vous.
06:04 En fait, l'Europe, c'est ce que vous en faites.
06:06 Si vous mettez une majorité sociale démocrate au pouvoir,
06:09 si vous avez un Jacques Delors et pas un Barozo
06:12 à la tête de la commission,
06:13 c'est vous qui le décidez, ça.
06:15 Mais l'enjeu, il est énorme.
06:18 Ça veut dire solidarité sociale ou orthodoxie budgétaire.
06:21 Ça veut dire est-ce qu'on coupe dans les services publics ou pas ?
06:24 Ça veut dire est-ce qu'on fait la transition écologique ?
06:25 Est-ce qu'on assume le Green Deal qu'on a commencé pendant ce mandat ?
06:28 Ou est-ce qu'on va le détricoter ?
06:30 Est-ce qu'on va le sacrifier au lobby ?
06:31 Et ça, ça dépend de votre vote,
06:33 de votre vote à chacun d'entre vous.
06:35 Et sur la COP ?
06:36 Sur la COP.
06:37 Sur la COP qui est présidée par le sultan Ahmed al-Jaber,
06:39 qui est aussi le patron de la compagnie pétrolière Emirati.
06:42 On est en plein syndrome de Stockholm
06:44 où il faut laisser sa chance aux produits.
06:46 Et qui est organisée en collaboration avec McKinsey,
06:48 qui par ailleurs conseille l'ensemble des majors pétrolières,
06:51 et avec des délégations qui intègrent au cœur même
06:55 des négociations des représentants des industries fossiles.
06:58 Donc oui, on sait que les COP,
07:00 elles sont infestées par le lobbyisme
07:02 et que celle-ci, symboliquement, va dépasser toutes les bornes.
07:05 Mais il faut quand même y aller à la COP.
07:07 Parce que c'est le seul forum international
07:08 où on peut coopérer.
07:10 Par contre, si on veut vraiment agir pour la transition,
07:14 pour lutter contre l'effondrement climatique,
07:15 c'est à l'échelle européenne qu'on peut le faire.
07:18 Et c'est...
07:18 Ça fait dix ans qu'on entend ça, Raphaël Gagnon.
07:20 Et on a commencé...
07:21 On a commencé...
07:22 Là, on nous explique qu'il faut rouler à 50 km/h sur le périph'
07:25 en attendant la prévision de hausse de trajectoire de température.
07:27 Elle est de 2,9°C d'ici 2100.
07:30 La COP21 en 2015, l'objectif,
07:32 c'est de tenir à 1,5°C.
07:33 Donc on culpabilise les citoyens, les euro-citoyens.
07:36 Et au bout du compte,
07:37 on a l'impression qu'il ne se passe rien,
07:39 que la situation s'aggrave et qu'on va dans le mur
07:40 et que c'est l'orchestre du Titanic, ce que vous nous racontez.
07:42 Eh bien, ce qu'on peut faire à l'échelle européenne,
07:45 c'est d'abord empêcher le détricotage de l'ensemble
07:49 des lois qu'on a passées pendant cette mandature
07:51 et qui sont des lois extrêmement ambitieuses.
07:54 Et ensuite, c'est donner un nouveau versant au Green Deal.
07:57 Pour l'instant, ce qu'on a fait, c'est qu'on a édicté des normes.
08:00 Et donc, il y a une révolte contre ces normes.
08:01 Le deuxième pan de la transition écologique,
08:03 ça doit être des investissements.
08:04 Ce qu'on doit montrer, c'est que l'écologie,
08:06 la transition écologique, c'est plus d'usines et pas moins d'usines.
08:09 C'est un retour des politiques industrielles.
08:11 C'est plus de contrats à durée indéterminée dans l'industrie
08:14 et pas des bullshit jobs, des plateformes,
08:16 que la transition écologique.
08:18 Finalement, ça va être un accroissement de puissance
08:19 pour les Européens et pas une limitation de leur existence.
08:23 Et donc, ça, c'est l'enjeu de ces élections.
08:25 Mais vraiment, parce que la droite, à l'échelle européenne,
08:28 vous savez, en France, on a un point de vue
08:30 qui est toujours franco-français.
08:31 Et donc, on considère qu'une élection européenne,
08:32 c'est en gros un sondage intermédiaire
08:34 entre deux présidentielles.
08:35 C'est bien plus que cela.
08:36 Et à l'échelle européenne, l'enjeu, ce n'est pas Macron-Le Pen.
08:38 C'est plus important que la présidentielle, l'élection européenne ?
08:40 C'est une élection fondamentale, c'est existentiel.
08:43 Et à l'échelle européenne, l'enjeu principal, c'est qui,
08:47 du PPE qui veut détricoter cette transition écologique
08:50 ou des sociodémocrates, arrive en tête.
08:51 Et nous, il faut qu'on apporte des voix aux sociodémocrates
08:54 pour qu'on puisse avoir un leadership
08:56 qui porte la transition écologique au cœur des institutions européennes.
09:00 Je voudrais qu'on se reparle un tout petit peu de la situation en Israël.
09:02 Faut-il négocier avec les terroristes ?
09:04 Le Hamas est une organisation terroriste
09:09 et le Hamas ne peut pas être, dans l'avenir, la solution politique.
09:14 Et donc, qu'il y ait des médiations pour libérer les otages
09:18 et obtenir des poses humanitaires, c'est une évidence.
09:21 Cette possibilité de libérer des gens qui sont captifs
09:25 depuis si longtemps, il faut la saisir.
09:27 De la même manière, ce sera aussi une manière
09:30 d'apporter un tout petit peu de soulagement à travers l'aide humanitaire
09:33 à cette population de Gaza qui est en train de souffrir le martyr.
09:36 Et donc, c'est une lumière vacillante dans les ténèbres.
09:39 Mais la solution politique, ce ne sera pas celle-là.
09:41 Mais vous êtes à l'aise avec le rôle du Qatar,
09:43 qui semble jouer sur tous les tableaux, à la fois financer le Hamas
09:46 et se targuer de négocier les libérations.
09:47 Il faut les remercier, les Qataris ?
09:50 Il faut saluer tout effort de médiation.
09:52 Parce que la priorité, c'est la vie des otages
09:54 et la priorité, c'est l'arrivée de l'aide humanitaire
09:55 à la population civile palestinienne.
09:57 Par contre, il va falloir demander des explications très claires
10:00 à ces pays qui jouent aussi sur l'alliance avec nous
10:03 et qui, par ailleurs, financent le terrorisme,
10:06 le Qatar, mais aussi d'autres.
10:08 Et lesquels ?
10:09 On sait très bien que le Hamas bénéficie des aides militaires
10:14 et financières de l'Iran, par exemple,
10:16 ou de la Syrie de Bachar el-Assad.
10:18 C'est pas juste un phénomène qui émerge tout seul.
10:22 Mais fondamentalement, si vous voulez vous débarrasser du terrorisme,
10:26 si vous voulez vous débarrasser du Hamas,
10:28 ce que tout le monde veut, en tout cas parmi les démocrates,
10:31 eh bien ce que vous devez faire, c'est offrir une perspective politique.
10:35 Et ce que vous devez faire, c'est travailler à l'émergence d'un État palestinien.
10:38 Vous pouvez pas maintenir les Palestiniens pour l'éternité
10:41 dans une zone de non-droit et dans une absence d'avenir.
10:44 C'est fondamental de comprendre cela,
10:46 et c'est ce que le gouvernement Netanyahou a sciemment,
10:48 méthodiquement sapé pendant toutes ces années.
10:51 Pour vaincre le terrorisme, il faut une perspective politique.
10:55 Et c'est ça que l'Europe et les États-Unis doivent imposer aujourd'hui.
10:59 Merci Raphaël Gullsman d'être venu dans les 4V ce matin.

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