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Dans « le grand témoin » Télématin reçoit Haïm Korsia, grand rabbin de France.

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Transcription
00:00sous les yeux de son fils de neuf ans, un nouveau cap qui a été franchi à ce moment-là dans l'antisémitisme,
00:04et notre grand témoin, votre grand témoin, Flavie, est venu le dénoncer ce matin.
00:07– Bonjour Raim Korsia, merci d'avoir accepté notre invitation,
00:11vous êtes le grand rabat de France, qu'est-ce qu'elle dit de notre société, cette agression,
00:16en quoi est-ce qu'elle marque un tournant ?
00:17– Elle dit beaucoup de choses, d'abord elle dit la violence permanente dans la société,
00:21envers tout le monde, on peut mourir pour une place de parking,
00:25on peut mourir pour un regard, on peut mourir parce qu'on a un chapeau, une barbe,
00:31on peut mourir parce qu'on est juif, parce qu'on porte quelque chose qui nous différencie,
00:35au fond ça dit qu'on est une société qui se massifie de plus en plus,
00:39et ça dit aussi qu'il y a des gens qui se sont interposés,
00:44qu'il y a eu des personnes qui sont venues défendre le rabbin,
00:47un commerçant, et des personnes qui se sont arrêtées en voiture,
00:51qui ont aidé le rabbin, qui ont appelé la police, qui l'ont entouré,
00:54au fond ça dit que c'est dur pour tout le monde,
00:59mais ça dit aussi qu'il y a de quoi espérer,
01:01et la marche de cet après-midi le démontre,
01:05parce que c'est une ville entière qui dit,
01:08et c'est pour ça que moi je me suis dit où j'aurais pu aller,
01:11je pense que c'est la ville qui a besoin de se dire, on n'accepte pas cela,
01:16et donc c'est nous qui disons non à cette violence, non à l'antisémitisme.
01:21– Quelque chose m'a choqué et vous l'avez justement souligné,
01:24c'est que Harry Engelberg, puisque c'est son nom ce rabbin d'Orléans,
01:28avait intériorisé l'idée que si c'était juste des insultes, c'était acceptable.
01:32Comment est-ce qu'on peut en arriver à penser ça aujourd'hui ?
01:37– Parce que pendant des années, on a dit écoutez l'antisémitisme,
01:41ok, on voit, on entend, enfin il n'y a pas mort d'homme,
01:45mais il y a eu mort d'homme, il y a eu l'analymie,
01:47il y a eu une terrible, une terrifiante litanie de non,
01:51je pense à Gabriel, à Arié Sandler, Jonathan Sandler,
01:55Mérè à Montsonnégou à Toulouse, je pense au client d'Hypercacher,
01:58je pense à Mireille Knoll, Sarah Allémy,
02:01toute cette longue litanie insupportable de non qui ont scandé cette sorte de haine
02:07qui s'est installée dans la société, avec cette fois-ci, mort de personne.
02:12Et donc en fait, on se rend compte que si on accepte quelque chose,
02:15il y a forcément un pas suivant.
02:17– C'est vrai que je vous soulignais à juste titre que moi ça m'a scotché
02:21quand je l'ai entendu me dire… – C'est terrible.
02:24– Bon, si c'était juste des insultes, je serais accepté.
02:26Mais vous remarquez qu'en fait, il n'accepte pas lui-même ce qu'il dit accepter
02:31puisque quand il se voit filmer, qu'on lui crache dessus, qu'on l'insulte,
02:34il refuse, il enlève le téléphone, donc en fait,
02:38on est vraiment dans quelque chose qui se joue maintenant,
02:41qu'est-ce qu'on doit accepter ? Rien.
02:43– On est d'accord, Arié justement, il a réagi et il dit,
02:47j'ai réagi comme ça devant la caméra parce que mon petit garçon était avec moi.
02:51Il a un fils de 9 ans, on imagine ce que pense ce petit garçon,
02:53qu'est-ce qu'il va penser, dans quelle France il va grandir
02:56et qu'est-ce qu'il va penser finalement de sa judéité après une histoire pareille ?
03:00– Non, je pense qu'il est dans un environnement où il sait clairement
03:04qu'il est ce qu'il est et donc voilà, il ne peut pas changer.
03:07– Mais est-ce qu'un enfant peut grandir dans la peur aujourd'hui quand il est juif ?
03:10– Pas qu'un enfant, des gens qui enlèvent la mézouza,
03:13ce petit parchemin sur leur porte, des gens qui enlèvent leur kippa,
03:16qui enlèvent leur clavier… – Pour faire des commandes aussi sur…
03:18– Oui mais ça c'est une réalité, j'ai vécu avec mes enfants qui me disent,
03:22le livreur est venu la jeter la nourriture par terre, il est parti,
03:24c'est un truc qui est d'une violence extraordinaire.
03:27Et alors qu'est-ce qu'on fait, vous appelez, j'ai dit ma fille, elle appelle
03:31et bon ils disent on va vous rembourser mais enfin la question n'est pas là.
03:34– Bien sûr.
03:34– La question c'est ce qui s'est passé à Strasbourg où un livreur a dit,
03:37moi je livre pas des juifs, il a été renvoyé.
03:41Mais n'empêche qu'il y a cette façon de dénier à quelqu'un,
03:46parce qu'il a telle ou telle religion, en l'occurrence le judaïsme,
03:49cette façon d'être pleinement citoyen et c'est quelque chose
03:52que nous devons construire tous, on ne peut pas se dire,
03:54je ne suis pas concerné, moi je ne suis pas raciste.
03:56Non, on doit tous se sentir concernés comme ce commerçant qui intervient
04:01et qui au fond en étant là, il est au nom de tous, de nous tous,
04:04façon de dire nous n'acceptons pas l'antisémitisme, le racisme quel qu'il soit.
04:08– Et est-ce que vous dites à ce titre-là aux juifs,
04:11oui il faut continuer à voir la Mézousa,
04:12oui il faut porter l'équipement dans la rue, même s'il y a des menaces,
04:14même s'il y a des regards, ou bien vous leur dites,
04:16ce qui compte c'est d'abord la sécurité et si vous sentez que vous êtes en danger…
04:20– D'abord, je ne peux pas dire ça parce qu'il y a des choses qu'on ressent
04:23et ce n'est pas moi qui prends sérieusement,
04:25mais je dis simplement, si vous enlevez la Mézousa,
04:28donc ce petit parchemin sur la porte, quand vous le remettez ?
04:31Quand est-ce que vous allez vous dire, ça va bien, on peut le remettre ?
04:34Au fond, chaque fois qu'on cède à quelque chose, et je le comprends,
04:38mais je dis…
04:39– C'est du terrain qui ne sera pas regagné.
04:41– C'est finalement le nouveau limestre de nos acceptations, ce situ-là.
04:45Moi je pense qu'on doit être dans une sorte de grande collectivité.
04:49J'ai des amis, il se trouve qu'il est musulman,
04:51j'ai des amis qui m'ont dit, envoie-moi une Mézousa,
04:54j'étais pas juif, qu'est-ce que tu veux faire avec ?
04:56Je veux mettre la Mézousa, parce que si on met tous la Mézousa,
04:59vous ne serez pas discriminés, j'ai trouvé que c'était bouleversant.
05:02– Vous attendez aujourd'hui du gouvernement que la lutte contre l'antisémitisme
05:06soit déclarée grande cause nationale,
05:08c'est-à-dire que c'est devenu même un fait politique maintenant, l'antisémitisme.
05:13Quel message vous voulez faire passer à travers cette marche,
05:16évidemment à 18h, et à travers cet appel à la cohésion aussi de la société ?
05:20– Ce n'est pas un gadget, la grande cause nationale,
05:23c'est une façon de mobiliser tous les services de l'État,
05:26toutes les volontés, tout le monde.
05:28Quand Jacques Chirac décide un jour qu'il est inadmissible
05:31que nous ayons 12 000 morts par an sur les routes,
05:34il fait de la lutte contre, on a appelé ça la violence routière,
05:38une grande cause nationale, on a divisé par 4, c'est encore trop,
05:42on a 3 000 morts par an sur les routes, mais on est passé de 12 000 à 3 000.
05:46On a tous perdu des points, on a même parfois perdu le permis de conduire,
05:51on a été obligés de faire 600 km dans les tunnels,
05:53et de marcher sans voiture, sans permis,
05:56mais ça n'empêche qu'on est passé de 12 000 à 3 000.
06:00Moi je pense que si on fait vraiment de la lutte contre le antisémitisme,
06:03une grande cause nationale, tous les moyens de l'État,
06:06qui vraiment fait des choses extraordinaires,
06:08la sécurisation des lieux, des offices, des écoles,
06:11il y a des choses extraordinaires qui sont faites,
06:13mais la coordination globale amènerait forcément
06:16une prise de conscience de la réalité des faits.
06:19– Ça te marche donc, c'est ce soir, 18h à Orléans.
06:21Merci infiniment Raël Corsier d'avoir été avec nous ce matin.