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ÉducationTranscription
00:00 Bonsoir, donc en fait, je suis Gilles Crémert, le directeur de
00:05 la maison d'édition Riveneuve et celui que vous espériez voir,
00:08 c'est sans doute lui, Noam Morgenstern, ce remarquable
00:12 comédien de la comédie française, jeune comédien que l'on voit
00:15 actuellement dans le film Le consentement de Vanessa Philo,
00:19 selon l'adaptation de Vanessa du livre de Vanessa Springora.
00:24 Il a aussi été remarquable dans la série Laetitia où il joue
00:28 le assassin et il a également lu pour Bayard toute la Bible
00:34 des écrivains.
00:35 C'est sorti très récemment.
00:37 Prochainement, il joue à la Comédie française, pardon,
00:41 le rôle de Scapin.
00:42 Et en ce moment, j'espérais qu'il serait là.
00:45 Il s'agissait pour lui de venir et il s'est été engagé.
00:49 Mais voilà, il enregistre à Radio France Tintin et Milou,
00:53 les aventures de Tintin et Milou.
00:54 Et donc, ça ne se termine qu'à 19 heures.
00:57 Il ne pourra pas être là.
00:58 Il le remplace donc au débeauté.
01:00 Donc, c'est son tout premier roman.
01:02 Et je vais donc, avec effectivement le personnage.
01:09 Ça, c'est la photo de la Comédie française et le titre de
01:14 l'ouvrage a changé.
01:16 Ce sera désormais Après la peau, puisqu'il se sentait très mal à
01:20 l'aise avec alopécie, trouvant que ce titre manquait de
01:23 de caractère littéraire.
01:25 Mais voilà, après le moulte discussion, c'est donc Après la
01:28 peau, le roman sur lequel nous comptons beaucoup pour la rentrée
01:32 littéraire de janvier.
01:33 Je vais vous lire le texte qu'il avait préparé pour cette soirée.
01:38 Ce roman raconte mon expérience avec une maladie auto-immune,
01:42 c'est à dire une maladie qui n'existe pas, mais où le corps
01:47 croit fermement qu'elle existe.
01:49 Et pour la soigner, il va s'en rendre malade au point de
01:52 se détruire.
01:53 J'essaie une définition de la maladie auto-immune.
01:56 Il n'y avait rien.
01:58 Maintenant, il y a peut être quelque chose.
02:01 Ce n'est rien, mais il faut le prendre en charge.
02:04 Ce rien.
02:05 Alors soudain, il y a quelque chose.
02:07 La prise en charge de quoi?
02:08 De rien.
02:09 Mais alors, le résultat, le corps est fichu.
02:12 C'est une maladie qui leurre le corps humain, qui le dupe.
02:17 Une maladie auto-immune, c'est une fiction totale.
02:21 Je parle d'une alopécie, une pelade comme des millions de
02:24 gens.
02:25 Et ici, c'est une alopécie intégrale.
02:27 La perte des cheveux, des poils, de tout poil, comme le premier
02:33 ministre Édouard Philippe, comme Jada Smith, femme de Will Smith,
02:37 la mannequin Noami Campbell.
02:38 La perte de mon identité physique et pour moi, qui suis un acteur
02:44 de la comédie française, qui fait aussi des films,
02:47 de l'image, c'est une catastrophe.
02:49 Et c'est à n'y rien comprendre.
02:51 C'est comme si je me faisais avoir par un personnage que je ne
02:54 connaissais pas, glabre, et que j'incarnais malgré moi.
02:58 On aurait on aurait que les maladies qu'on mérite.
03:01 J'apprends par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik que pour inverser
03:06 cette maladie qui leurre mon corps, il faut que moi aussi,
03:09 j'invente une fiction soignante pour duper mon corps et lui faire
03:14 croire maintenant qu'il est guéri.
03:16 L'idée est géniale.
03:18 Il faut se raconter une histoire à soi-même et je pense,
03:21 pour un acteur, ça devrait le faire.
03:25 Mais malheureusement, ça ne marche pas parce que la maladie
03:29 est imprévisible et beaucoup plus créative que la fiction,
03:31 dans laquelle j'essaie de la faire rentrer.
03:33 Je me mets alors en quête de soins réels.
03:37 J'essaie énormément de soins, produits, piqûres, deux le matin,
03:40 trois le soir.
03:41 Je suis aussi à l'affût des réponses réelles, du concret.
03:44 Je cherche comment et pourquoi c'est arrivé.
03:46 Je fouille mon histoire dans notre société contemporaine,
03:49 nos acquis, nos gestes, nos attitudes.
03:51 J'ai besoin, comme tout le monde, de réponses.
03:54 Je ne trouve rien de tangible, ni médecin, ni spécialiste ne
03:58 savent vraiment ce qu'est une alopécie.
04:00 C'est tiède et mes propres souvenirs sont trop malléables.
04:04 On se raisonne, comme tout le monde, pour sauver sa face,
04:07 on dit que c'est dû à un choc, à du stress.
04:10 Mais voilà, c'est quoi un choc ?
04:12 C'est quoi du stress ?
04:14 C'est vraiment, pour ceux qui ont commencé à perdre leurs cheveux,
04:17 ce qui est mon cas, c'est remarquable parce que c'est à la fois
04:20 extrêmement drôle.
04:21 Il a un vrai talent.
04:23 C'est aussi très touchant.
04:24 On va très profondément.
04:25 J'ai eu un apprenti qui était chauve à 22 ans.
04:28 Je sais que les femmes perdent leurs cheveux également,
04:31 sans parler ceux qui suivent des traitements du fait du cancer
04:36 ou autre.
04:37 C'est là où on voit qu'on a un sujet qui touche énormément de gens
04:40 dans la société.
04:41 C'est pour ça que, retranscrit par la fiction et le roman,
04:44 on croit beaucoup à ce livre.
04:46 Deux années après la déclaration de cette maladie qui me déshabille,
04:50 coup de théâtre, si j'ose dire, ma fille naît aussi avec une
04:55 alopécie intégrale.
04:56 Une jolie petite fille, chauve.
04:59 Et là, il n'y a plus aucune logique.
05:02 On ne sait rien, ni sur elle, ni sur moi, ni en fait sur ces
05:06 millions de gens qui ont des pelades, et plus généralement sur
05:09 ces maladies auto-immunes qui les atteignent.
05:11 Les déforment, les défigurent, les fragilisent et où chacun se
05:14 sent démuni d'être à la merci de son propre corps sans réponse
05:17 satisfaisante.
05:18 C'est donc un roman.
05:20 C'est effectivement un roman parce que tout est fictionnel.
05:23 Aussi, il y a du réel, bien sûr, mais des retranscriptions
05:25 totalement fictionnelles sur la désillusion, l'adupri,
05:28 la fragilité des certitudes, une dualité entre la fiction
05:32 enseignée et la réalité d'un symptôme.
05:33 Une réflexion aussi sur nos gestes et nos attitudes qui
05:36 nous constituent et qui nous viennent de nos parents,
05:40 des livres anciens, de cette place aussi à prendre dans
05:44 notre société qu'on a, ce qu'il en reste, qu'on croit prendre,
05:47 qu'on aimerait avoir, vu que soudain, on n'est plus
05:50 celui qu'on est.
05:51 C'est un roman qui met un homme à nu avec ses doutes et qui trouve
05:55 une forme de salut dans le fait de ne plus être soumis à la force
05:58 de savoir, de comprendre et de vouloir tout saisir.
06:01 C'est une enquête, une quête.
06:04 C'est aussi une philosophie de vie.
06:05 C'est très drôle, comme je vous disais, par moments,
06:07 c'est très touchant, très poignant.
06:10 Et il y a notamment une scène absolument truculente,
06:12 là, on est en plein de fiction, où avec Cyrulnik, il y a un débat
06:17 qui part en vrille et à la fin, Cyrulnik, désespéré,
06:20 voyant que cet acteur n'arrive pas calmement à se raconter
06:24 une histoire, lui désigne une chaise contre laquelle le
06:30 personnage se déchaîne et déchiquette complètement la
06:33 chaise de Cyrulnik.
06:35 C'est vraiment un ouvrage que l'on défend très fortement avec
06:40 ce titre désormais, donc "Après la peau".
06:42 Et c'est un premier roman que l'auteur est prêt à défendre
06:46 bec et ongles à défaut de cheveux.
06:49 Je vous remercie.
06:51 Merci.
06:52 [Applaudissements]