• il y a 2 semaines
Transcription
00:00Bonjour à toutes et bonjour à tous.
00:02Merci beaucoup d'être venus jusqu'à nous ce matin.
00:05Bonjour aussi à celles et ceux qui sont connectés à distance.
00:09On vous imagine avec un café sous votre couette et on est un peu
00:12jaloux, mais on est très content que vous soyez avec nous aussi.
00:16Merci à Dominique Maison, Alice Cousin-Crespel et tout Interforum
00:21pour l'organisation de cette journée.
00:23Je suis accompagné ce matin par Baptiste Fillon, qui vous présentera
00:27tout à l'heure son deuxième roman.
00:30Avec Baptiste, on va vous parler de trois livres, un à paraître en
00:32janvier et deux en février.
00:35Un seul en janvier, on ne va pas vous refaire le couplet des
00:38libraires qui n'ont pas le temps de lire la rentrée de janvier,
00:40en décembre, etc.
00:41Vous connaissez ça par cœur.
00:42Mais on a décidé d'essayer de vous simplifier la vie en ne publiant
00:45qu'un seul livre en janvier.
00:46Et quel livre ?
00:48Il s'agit de La Colline qui travaille de Philippe Manévy, qui est ici.
00:53Philippe Manévy est né à Clermont-Ferrand en 1980.
00:57Il est professeur de français et professeur de théâtre.
01:00Et figurez-vous qu'il vit à Montréal depuis quelques années et
01:03qu'il viendra en France et en Europe pour la promotion de son livre.
01:07La Colline qui travaille, c'est en réalité la colline de la
01:10Croix-Rousse à Lyon, qui historiquement s'appelle comme ça parce
01:13que c'était la colline des canuts, les ouvriers de la soie.
01:16Et la grand-mère du narrateur, Alice, est tisseuse.
01:20Son mari est typographe.
01:22C'est donc un couple d'ouvriers que l'on suit comme ça et dont on voit
01:25la vie se déliter et se détériorer un peu au fil des années.
01:30J'écris, dit le narrateur, pour que les êtres et les liens qui
01:33les unissent cessent de se distendre et de disparaître pour recoudre
01:37des vies usées qui ne montrent plus que leur trame et menacent de se
01:40défaire, de s'effilocher au point que leurs motifs deviendront
01:44indéchiffrables.
01:45Ça, c'est un extrait du livre que je voulais vous lire pour que vous
01:47ayez une idée du style de l'auteur.
01:50Les grands-parents du narrateur, Alice et René, sont en quelque
01:53sorte le tronc d'un arbre généalogique à l'intérieur duquel
01:57Philippe Manévy va nous proposer une balade assez bouleversante.
02:02On a souvent le sentiment d'être assis sur les branches de cet arbre
02:05généalogique et de regarder le monde un peu comme l'ont regardé ses
02:08ancêtres.
02:09On traverse le 20e siècle, deux guerres mondiales, des crises
02:12économiques, les Trente Glorieuses, et on rencontre des gens tout à
02:15fait ordinaires qui renferment des histoires tout à fait extraordinaires,
02:19des gens pour qui vivre est déjà un grand destin, pour qui l'acquisition
02:23par le grand-père d'une Peugeot 305 est un événement aussi important
02:27que l'arrivée des congés payés en 1936 ou la grippe espagnole de 1919.
02:33Alice et René sont donc les personnages centraux de ce livre,
02:37surtout Alice, sa grand-mère, qui décrit avec beaucoup de tendresse.
02:40Mais le premier personnage qu'on rencontre, c'est celui de la mère,
02:43dans ce premier chapitre, où la mère essaie d'arrêter de fumer
02:46un peu laborieusement.
02:48Ce n'est pas la première fois qu'elle essaie et elle embarque un peu
02:50toute la famille dans cette galère.
02:51Et finalement, ce premier chapitre donne le ton du livre et le mot
02:56ordinaire devient le maître mot de ce roman qui, lui, n'est pas du tout
02:59ordinaire pour le coup, tant il raconte avec sensibilité,
03:03sincérité et pudeur des scènes de la vie familiale qu'on a absolument
03:07tous vécues.
03:08Alors, Philippe Manévy nous fait remonter le temps, comme ça,
03:10à la recherche d'une famille sur quatre générations.
03:13On remonte jusqu'aux tranchées de la Première Guerre et à la recherche
03:16d'un monde, d'un monde un peu oublié sous trois républiques.
03:20C'est la grande histoire racontée à hauteur d'hommes et de femmes.
03:26C'est aussi l'histoire d'un pays, le nôtre, un pays assez ordinaire
03:32dont le destin est lié à des luttes un peu perdues d'avance,
03:35à des petites victoires, à des grands chaos.
03:37Et voilà, ce livre, quand on le lit, on pense forcément à Annie
03:41Arnault parce que l'auteur l'a cite plusieurs fois et lui rend hommage
03:44à plusieurs reprises.
03:45Et je crois que cette comparaison n'est vraiment pas galvaudée.
03:47Tant ce livre revigore le genre de la chronique familiale et tant il
03:53nous aimante dès les premières pages.
03:55C'est un texte très magnétique avec une langue, vous allez voir,
03:57vraiment particulière.
03:58Je pourrais vous en parler toute la journée, mais je crois que ce n'est
04:00pas ce qui est prévu, Dominique, donc je vais m'arrêter là.
04:03En tout cas, il paraîtra le 2 janvier.
04:07Il arrivera sur votre table le 2 janvier et ce serait vraiment dommage,
04:10à mon avis, de passer à côté.
04:12Sans transition aucune, février.
04:16Baptiste Fillon, qui est assis là, à côté de moi, est un formidable
04:20raconteur d'histoire.
04:22Baptiste, tu es donc né au Havre en 1983.
04:25Tu as étudié la littérature et la communication à Paris.
04:28Et puis, tu es eu vie de l'écriture depuis pas mal d'années.
04:31Après avoir travaillé un peu en open space, tu as publié un premier
04:35roman en 2014 aux éditions Gallimard et tu collabores aussi avec le monde
04:40de l'audiovisuel.
04:42Tu es notamment le créateur un peu de la série événements 2024 sur
04:47Arte, la série de grâce que vous avez peut-être vu avec Panaïotis
04:51Pascal, Olivier Gourmet, etc.
04:53Une série aux 7 millions de téléspectateurs, quand même.
04:56Mais ce n'est pas de ça dont on va parler ce matin.
04:58On va parler de ton deuxième roman, Un coup de pied dans la poussière.
05:02Oui, bonjour à tous.
05:04Bonjour à tous.
05:05J'ai 5 minutes.
05:05Je suis désolé, je n'ai pas l'habitude de faire concis, mais je vais
05:08m'y astreindre, en essayant de donner le maximum d'informations.
05:12Alors, un coup de pied dans la poussière, c'est un roman inspiré d'une
05:15histoire vraie.
05:16Au départ, je voulais écrire sur un peintre et la vie a fait que j'ai
05:19croisé le chemin d'une vieille dame qui était la veuve d'un peintre
05:23juif, un monsieur qui est né au début des années 1920, au moment où
05:27il y a eu les grands pogroms, quand est maillée la fin de l'Empire
05:31russe et le début du bolchevisme.
05:34Et je vais vous la faire très vite.
05:35Mais parce que du coup, en fait, ce qui m'a touché très rapidement,
05:39j'étais tellement attaché au vécu, un vécu qui est extrêmement intense
05:43autour d'une famille de pionniers sionistes, en fait, que je voulais
05:49traiter du rêve de ces gens-là, qui sont aussi, ce qu'on appelle
05:54en Israël, les pionniers, les créateurs de l'État d'Israël,
05:58avec tout ce qu'on peut connaître aujourd'hui d'extrêmement polémique.
06:01Ce propos-là, mon roman n'est pas vraiment un roman politique,
06:07même si la politique est omniprésente, comme vous pouvez l'imaginer
06:09au Proche-Orient.
06:10C'est le personnage d'un artiste, en fait, qui traverse tout le
06:14XXe siècle et qui est déchiré, en fait, entre une vocation
06:21extrêmement forte qui nécessite qu'il fasse rupture avec la famille
06:24et le projet qui est porté par sa famille et qui en vient,
06:27en fait, à s'ostraciser lui-même et à vivre de grandes aventures.
06:30Donc, ça va de la campagne du désert en 39-45 jusqu'à la guerre
06:36d'indépendance d'Israël, on peut se poser entre 47 et 48.
06:40Et c'est surtout, avant tout, une grande saga familiale avec
06:43un personnage qui est déchiré entre son amour et une forme de
06:47colère pour le projet qui a embrassé sa famille.
06:50Alors, attention, il n'y a pas de bon et de méchant.
06:52Je ne donne pas de clé de lecture claire et nette sur le conflit
06:56israélo-palestinien.
06:57Ce n'est pas du tout l'idée.
06:58Je veux vraiment être centré vraiment sur mon personnage et je
07:01suis à ras de personnages.
07:02Si les gens arrivent à lire ça dans le livre, c'est vraiment
07:06une grande réussite.
07:07Et c'est surtout aussi la vocation d'un personnage d'artiste dans
07:11une région et à un moment de l'histoire qui est extrêmement
07:14compliqué.
07:15On pouvait l'imaginer parce qu'on couvre le début des années
07:1820 jusqu'à la première intifada en 1989.
07:22Donc, loin de moi, l'idée aussi de vouloir, comment je peux vous
07:25dire, m'esquiver, en vous parlant d'Israël-Palestine, c'est quelque
07:30chose aussi qui a un rapport profond avec le destin, une terre aussi
07:33qui est extrêmement particulière.
07:34Et sachant que je ne suis pas juif aussi, il y a une espèce de vouloir
07:38traiter une certaine vision du destin que je trouve extrêmement
07:40intéressante.
07:42Et voilà, je veux faire un beau roman, à la fois épique et extrêmement
07:46en phase avec ces personnages.
07:48Donc, j'espère qu'on y sera parvenus.
07:52En tout cas, ce sera un plaisir d'échanger avec vous à ce sujet-là.
07:55Tu y es parvenu.
07:56Super.
07:58Merci beaucoup.
08:01Deuxième livre à paraître en février, celui-ci, Perle de Sean Hughes.
08:06C'est un livre qui a eu un destin assez singulier au Royaume-Uni.
08:11Sean Hughes est libraire dans le Cheshire.
08:15C'est une région au nord-ouest de l'Angleterre, à côté de la frontière
08:20avec le Pays de Galles.
08:22Alors, elle était connue pour ses poèmes.
08:23Elle avait publié un ou deux recueils de poèmes.
08:25Et là, elle est arrivée l'année dernière en Angleterre avec ce
08:28premier roman, un premier roman qui, quand il est sorti, a bénéficié
08:31d'un soutien incroyable de ses confrères et consoeurs libraires.
08:35Et puis, la presse s'en est emparée et l'a recensée pendant des
08:38semaines et des mois.
08:40Et puis, les jurés du Booker Prize, qui est le plus grand prix anglo-saxon,
08:45s'en sont emparés aussi et l'ont mis dans la sélection de leurs prix
08:482024.
08:49Tant ainsi bien qu'au bout de quelques semaines et quelques mois,
08:51tout le Royaume-Uni parlait de ce livre-là, un peu à la surprise
08:55générale.
08:56Et quand on ouvre ce livre, on est donc dans le Cheshire rural.
09:01On se retrouve transportés dans une fête traditionnelle,
09:03l'éveiller, où les hommes sont déguisés en bébés.
09:07Ils sont un peu choux et ils font des courses de landau.
09:09C'est une atmosphère assez étrange.
09:12Et très vite, on bascule dans la plus pure tradition de la littérature
09:17anglaise.
09:17C'est Marianne qui nous raconte cette histoire.
09:19Marianne est venue participer à cette fête avec sa fille.
09:23Et on comprend assez vite qu'elle vient là tous les ans,
09:25depuis de nombreuses années, et qu'elle venait là quand elle
09:28était petite, quand elle était enfant, avec son père et sa mère.
09:32La journée se passe très festive.
09:33Comme ça, on est dans une ambiance campagnarde, champêtre.
09:36Tout ça est très joyeux.
09:37Puis, en fin de journée, il y a un temps calme au cours duquel
09:40Marianne et sa fille vont se recueillir sur la tombe de la mère de Marianne.
09:44Le deuxième chapitre s'ouvre.
09:46On a remonté le temps et Marianne a huit ans.
09:48Elle est entourée par un petit frère, un père et une mère.
09:51Une mère assez excentrique, un personnage très haut en couleurs,
09:54qui sait discuter avec les anges, qui lui fait la classe à la maison.
09:58Et huit ans, c'est l'âge auquel Marianne va perdre sa mère.
10:02Elle va la perdre comme un enfant de huit ans perdrait un objet.
10:05C'est-à-dire qu'elle va essayer de se rappeler très fort l'endroit
10:08où elle l'a vu pour la dernière fois, pour essayer d'aller à cet endroit
10:11et voir si elle n'y est pas, l'endroit où elle l'a laissé,
10:13où elle aurait pu la laisser et elle n'y est pas.
10:15Il lui faudra quelques temps pour comprendre que sa mère ne réapparaîtra
10:18jamais.
10:19En fait, elle le comprend au travers de coups de téléphone que la police
10:21passe à son père, parce que les policiers, au début,
10:24disent qu'on a peut-être trouvé quelqu'un.
10:26Puis, au bout de quelques semaines, ils disent qu'on a peut-être trouvé
10:29quelque chose.
10:30C'est à ce moment-là qu'elle comprend que sa mère ne reviendra pas.
10:32Le roman se joue entre le jour où Marianne perd sa mère et le jour
10:37où elle va se recueillir sur sa tombe.
10:40Il y a la détresse du père de Marianne, qui est complètement désemparé
10:42face à cette situation.
10:44Il y a la honte pour elle de n'avoir pas suffi à garder sa mère.
10:48Et puis, il y a la découverte d'un poème, d'un poème du 14e siècle
10:52qui s'appelle Perle et qui raconte l'histoire d'un père qui a perdu
10:55sa fille.
10:56Et très vite, il y a la conviction pour Marianne que si elle arrive
10:59au bout de la lecture de ce poème et que si elle arrive à illustrer
11:02ce poème jusqu'au bout, alors peut-être son chagrin disparaîtra.
11:06Et ce livre, c'est un peu comme si des instantanées de vie étaient
11:11disposées comme ça, comme des pièces d'un puzzle sur une grande table
11:13et que l'autrice remettait les pièces une à une à leur bon endroit
11:16et nous permettait à nous de découvrir l'histoire dans son ancienneté.
11:22D'abord, on est donc dans les souvenirs d'enfance.
11:24Et puis, tout ça se transforme.
11:25Marianne grandit.
11:26On est vraiment dans un roman sur le deuil, évidemment, mais un roman
11:30qui va de l'ombre à la lumière.
11:32Et là encore, je voulais juste vous lire une petite phrase pour vous
11:37donner une idée du style.
11:39L'oubli n'est pas la pire des choses, écrit Sean Hughes.
11:43Se souvenir n'est pas la pire des choses non plus.
11:45Le pire, c'est quand on se souvient et qu'on a oublié.
11:49Ces 250 pages dans cet esprit-là, c'est absolument magnifique.
11:52Ça a été, comme je vous le disais, en ouverture, un vrai événement
11:56au Royaume-Uni.
11:57Le livre va être traduit dans plein de pays et il sortira chez nous.
11:59Donc, en même temps que celui de Baptiste, début février.
12:04Voilà pour notre rentrée d'hiver.
12:06Merci à toutes et tous et à tout à l'heure pour le déjeuner.

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