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Art et designTranscription
00:00C'est une grande responsabilité que de vous parler de ce livre-là,
00:05de Francis Grimbert, qui s'appelle « Les deux tilleuls ».
00:09Vous vous souvenez peut-être, pour certains d'entre vous,
00:12du premier livre de Francis Grimbert, qu'on a publié il y a deux ans,
00:16je crois, qui s'appelait « L'alouette ».
00:18C'est un livre déchirant sur le fait qu'il n'y ait plus d'alouettes
00:23dans les paysages de France.
00:25Mais quand je dis déchirant, c'est réellement déchirant.
00:28C'est-à-dire qu'il y avait dans ce livre une douleur sourde,
00:30quelque chose de poignant, qui était peut-être légèrement disproportionnée
00:35avec cette absence de l'oiseau de nos campagnes.
00:39Et en fait, on a la réponse avec ce livre, « Les deux tilleuls »,
00:44puisque Francis raconte la mort de son petit frère quand lui-même a sept ans.
00:49Je me suis demandé comment venir vers vous avec un livre comme celui-là
00:53pour vous donner le contenu, la force, l'intensité de ce livre-là.
00:59Je crois qu'il faut qu'on revienne, nous tous, à quelque chose
01:02comme des souvenirs d'enfance.
01:04On s'imagine par une belle journée ensoleillée dans la campagne.
01:09On a sept ans.
01:11Et il y en a un d'entre nous qui arrive avec en main un animal blessé.
01:16Un petit animal blessé.
01:19Voilà. Et je crois que c'est ça qu'écrit Francis.
01:22C'est l'assidération où vous passez par cette émotion-là
01:26que vous avez devant vous, quelque chose qui est fragile.
01:30Vous ne voulez pas qu'il meure.
01:32Vous ne pouvez pas supporter qu'il meure.
01:35Et en même temps, vous vous voyez toute la vie qui passe dans ces moments-là.
01:39Eh bien, c'est avec ce secret-là que Francis a vécu toute sa vie,
01:43avec cette obstination à défendre la vie de ce qui lui était le plus cher,
01:49qui est son petit frère.
01:50Et c'est mêlé à une description splendide de la campagne,
01:57là où ils ont été heureux.
01:59Ils ont été heureux ensemble dans une ferme du Nord.
02:02Ils devaient être paysans ensemble.
02:04Ils devaient partager toute leur vie.
02:06Il s'appelle Francis et François et il écrit leur histoire.
02:11Alors, pour venir vous voir, je me suis dit bon,
02:14je ne veux pas que vous partiez avec l'idée que c'est un livre
02:17qui raconte la mort d'un enfant.
02:19Ça n'est pas ça.
02:20Mais c'est vraiment le secret qu'on porte toute une vie
02:23et que seule la littérature peut permettre de dire, de donner.
02:28Et comme tous les grands livres où on parle de quelqu'un qui a disparu,
02:33alors on peut penser à l'Enfant éternel de Forest,
02:36on peut penser à Garcin, on peut penser à la poésie de Victor Hugo.
02:39Peu importe, chacun d'entre nous y apportera ses goûts.
02:42Mais les gens qui écrivent ces histoires-là font exister
02:47leur mort, leur amitié, leur passion.
02:51J'ai repris le livre de Francis à plusieurs reprises
02:55pour trouver des passages.
03:00Parce que comme toujours, seul un auteur donne les vraies choses,
03:05les vrais mots au texte.
03:10Je ne sais pas ce que je peux vous dire.
03:11Peut-être celui-là pour vous donner une idée que tout est écrit
03:16à la fois à hauteur d'homme et à hauteur d'enfant.
03:19Quand je vous dis qu'il a porté son secret toute sa vie, c'est ça en fait.
03:22C'est encore un enfant qui écrit et c'est un homme qui rédige.
03:27Par exemple, un accident a eu lieu, un enfant crie au soleil,
03:31un autre est allongé sur la route, une femme court dans les éteules.
03:35Quand elle arrive sur la chaussée, elle agrippe le pare-choc
03:38et libère le pied coincé sous la rue, transporte ensuite le corps
03:41à la ferme située juste à côté.
03:44François est étendu sur le canapé, il ronronne.
03:47Je veux dire par là que les bruits qui sortent de sa gorge
03:50forment un râle rythmé que je dois comparer à quelque chose.
03:54Il faut que ce soit une chose qui me rassure.
03:56Un ronronnement, ça ne fait pas peur, ça ne donne pas à penser.
04:00Mon frère est dans le coma, je ne le sais pas.
04:04Il y a dans ce texte énormément de mots comme ça,
04:06qui sont des mots d'enfants ronronnés.
04:10Oui, parce qu'on va vers le chat
04:12et qu'on ne sait pas dire les autres choses
04:14qui sont trop grandes pour un enfant de 7 ans.
04:17C'est vraiment les deux tilleuls,
04:19c'est l'ombre douce des grands arbres
04:21et c'est la façon de le faire vivre à jamais.
04:24Vraiment, je compte sur vous
04:25pour défendre la naissance de Francis et François.
04:30Merci beaucoup.
04:34Le deuxième texte que je vais vous présenter,
04:36c'est Dans le jardin de l'hôtel d'Inns de Céline Debaël.
04:39Elle a déjà publié trois livres chez nous,
04:42c'est son quatrième.
04:43Elle raconte sa rencontre avec le tueur en série Le Serpent,
04:46qui a déjà eu une série Netflix il y a quelques années à ce sujet.
04:50Il a publié un livre qui parle de son parcours.
04:53Il y a eu d'autres livres dessus.
04:54Elle raconte sa rencontre d'elle et de son petit ami de l'époque
04:58avec ce tueur.
05:00Tous les deux sont partis dans les années 70
05:03pour se marier au Bhoutan,
05:04qui était à l'époque un royaume interdit.
05:06Ils étaient jeunes, ils étaient naïfs.
05:09Ils pensaient pouvoir y arriver parce qu'à cet âge-là,
05:11on est capable de tout.
05:12Ils s'arrêtent dans un hôtel perdu au fin fond du Pakistan
05:16et tombent par hasard sur un homme qui est français,
05:19qui se présente comme étant Joël.
05:21Ils se sont dit, voici un Français,
05:25on va pouvoir devenir amis, on va pouvoir parler.
05:27Ça fait du bien de retrouver une personne qui parle notre langue
05:29dans un pays qui nous a inconnus.
05:32Ils se rapprochent avec leur chien.
05:34Céline et son compagnon ont un chien.
05:37Joël va leur donner des adresses
05:42pour aller voir des marchands, des vendeurs de nourriture.
05:46Il va leur faire découvrir cette ville, cet endroit.
05:49Ils parlent de littérature, ils se lient d'amitié.
05:52La veille de leur départ, Joël les invite dans leur chambre.
05:55Céline va raconter des pages absolument poignantes
05:59de elle et de son compagnon
06:01qui se retrouvent drogués à leur insu.
06:03Ils n'ont pas su qu'ils buvaient des bières
06:06et elle décrit cet état totalement second.
06:10Elle se réveille, elle ne sait pas si elle est réveillée.
06:12Elle voit son compagnon, elle ne sait pas
06:14s'il est vivant, s'il est mort.
06:16Elle ne sait pas ce qui lui arrive,
06:18ce qu'elle ressent.
06:20Elle se sent totalement hors de son corps.
06:22Son compagnon et elle se réveillent
06:24à des kilomètres de là où ils se sont endormis.
06:27Ils n'ont plus rien.
06:29Joël leur a volé leurs papiers,
06:31leur passeport, leur argent,
06:33leur caméra, tout ce qui avait de la valeur
06:36et la question se pose
06:38pourquoi il ne les a pas tués ?
06:40Il n'était pas à son coup d'essai.
06:42Il a déjà tué d'autres couples,
06:44d'autres personnes, d'autres nationalités
06:46alors pourquoi pas eux ?
06:48Je pense que ce livre
06:50est la réponse à cette question-là
06:52que se pose Céline depuis toutes ces années,
06:54depuis les années 70.
06:56Pourquoi elle est encore en vie
06:58alors qu'elle a rencontré un tueur en série ?
07:00La réponse c'est...
07:02Je peux la donner ?
07:04Elle se dit que s'il les avait tués
07:06ça aurait condamné le chien à être à la rue,
07:08à être abandonné,
07:10à être potentiellement maltraité,
07:12battu, à mourir.
07:14Et même pour un tueur en série,
07:16tuer un chien c'est quelque chose qui ne se fait pas
07:18par contre droguer des humains,
07:20les dévaliser de tout, les conduire à l'autre bout du pays
07:22et les abandonner là, c'est faisable
07:24mais pas les chiens.
07:26Il y a des pages
07:28vraiment très belles dans ce livre
07:30et même si on connaît la fin,
07:32même si on se dit
07:34si elle écrit son livre, elle est vivante,
07:36on se prend quand même un jeu et on se dit
07:38et si jamais il se passait quelque chose
07:40pendant qu'ils étaient drogués,
07:42pendant ceci, pendant cela ?
07:44C'est un roman qui tient quand même en haleine
07:46malgré le dénouement qu'on connaît
07:48puisque Céline est là pour l'écrire.