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Art et designTranscription
00:00Passons donc au sous-sol et on va commencer par le premier livre qui est un livre,
00:04il y en a un en janvier, un en février.
00:07Il y a aussi une BD de Marianne Henriquez en janvier,
00:09mais on va parler d'abord du roman de Monica Acito qui est un premier livre dans la maison
00:15et c'est Julie l'éditrice qui vous en parle.
00:18Bonjour, oui, Monica Acito, c'est une jeune autrice, c'est son premier roman.
00:24Elle est professeure de littérature à Turin, elle a étudié la philosophie à Naples
00:31et en fait Où Vaspina est une chronique familiale qui se déroule à Naples.
00:36Cette histoire de famille qui est assez tragique mais en même temps plein de couleurs
00:43et à la fois plein de cruauté mais aussi de beauté, d'amour
00:47est emmenée par le personnage de la mère qui s'appelle Graciela,
00:51mais tout le monde l'appelle la dépareillée.
00:53Et cette mère, elle, elle a rencontré son mari Pasquale Riccio qui est un notaire
01:00dans un mariage parce qu'elle était pleureuse dans les mariages
01:04et elle a si bien pleuré au mariage du père de Pasquale
01:08qu'il a décidé de la prendre pour épouse.
01:11Et donc en fait elle vient d'un milieu social très pauvre,
01:16de ce qu'on appelle, ce que Mathilde Serrao appelle le ventre de Naples
01:21qui sont ces quartiers du centre-ville très pauvres.
01:25Il y a une phrase très belle que la traductrice a fait rentrer
01:29qui s'appelle « Le soleil se hantait d'entrer dans certaines maisons »
01:34et en fait elle va partir avec ce mari sur des bords de mer plus riches
01:40mais elle va garder en elle cette profonde tristesse
01:43et tous les mercredis soirs son mari va dîner avec ses amis du cercle nautique
01:48et elle pour essayer de le retenir dans l'appartement
01:51elle va faire semblant de mourir devant les yeux de ses enfants.
01:54Tous les mercredis soirs c'est la même scène.
01:57Et donc ses enfants il y a Uvaspina et Minucha.
02:01Uvaspina c'est le nom d'une baie que l'on presse
02:05et dont le jus sert à guérir les maux d'autrui
02:08et ça lui correspond très bien, c'est un surnom qu'on lui a donné
02:11puisque depuis tout petit il est habitué à tout supporter,
02:15à supporter la honte de son père parce qu'Uvaspina est homosexuelle,
02:20à supporter la lâcheté de sa mère qui ne le défend jamais
02:23et surtout à supporter sa petite soeur Minucha
02:26qui elle est prise de terribles crises de colère,
02:31elle se transforme en une folle toupie, c'est l'image qui est utilisée
02:36et elle décime tout sur son passage
02:39et comme c'est son frère elle sait très bien là où taper et c'est affreux.
02:44Et un jour Uvaspina il n'en peut plus de cette vie,
02:47il décide de partir, de fuguer de chez lui
02:50et il se demande si on va le retrouver.
02:52Donc il va sur les rives de Posillipo qui est un très bel endroit à Naples
02:56où il y a un grand palais qui s'appelle le palais de Nana
02:59et il y a une petite crique où il se décide de faire la planche dans la mer
03:03et essayer d'oublier un peu sa vie puisqu'il n'en peut plus
03:07et il se fait prendre par une vague, deux vagues jusqu'à couler
03:11et en fait il y a un pêcheur qui va le sauver,
03:14qui va le sortir de là, qui s'appelle Antonio
03:16et Antonio c'est un pêcheur dont Uvaspina va tomber amoureux
03:20et ils vont avoir une très belle histoire d'amour.
03:23Uvaspina va découvrir pas son homosexualité
03:26parce que c'est quelque chose qu'il a en lui depuis l'enfance
03:29et il y a des très beaux passages où ses camarades se moquent de lui
03:33à cause de ça en le traitant de féminiello
03:36mais Uvaspina va découvrir que féminiello
03:39c'est des personnalités queers très importantes à Naples
03:43qui ont quelque chose de magique
03:45et donc il va être vraiment très fier qu'on le traite de féminiello
03:48mais il va découvrir la sensualité avec Antonio.
03:54Mais comme on est dans une ville qui est totalement cacophonique
03:59et très compliquée, cette histoire ne pourra pas durer
04:03et on va vraiment arriver à un point de tragédie
04:08et qui ne va pas se dénouer d'une très bonne façon.
04:11C'est un livre que j'ai trouvé magnifique.
04:14Il y a des très belles trouvailles.
04:16La traductrice est Laura Brignon.
04:18Elle a vraiment inventé tout un vocabulaire
04:20pour reprendre le napolitain, le dialecte
04:23dans lequel on rentre très facilement.
04:26C'est vraiment un très beau livre qui nous rappelle aussi
04:30on a parlé de Mathilde Serrao
04:32mais aussi Anna Maria Ortese
04:34ou Elsa Morante avec Lilda Arturo.
04:36J'espère que vous serez aussi conquis
04:38qu'on l'a été pour ce premier roman.
04:42Merci.
04:43Je vous parle de ces deux premiers romans
04:46« Sous sol au mois de janvier » ou « Vaspina ».
04:50Vous avez, comme je le disais, le roman graphique
04:52et l'adaptation de certaines nouvelles de Marianne Henriquez
04:56du recueil son premier « Ce que nous avons perdu dans le feu ».
04:59Ça s'apparaît au moment d'Angoulême.
05:01Et début février, parce qu'on a aussi une grande attention
05:05sur la littérature française au sous-sol.
05:07On fait peu de propositions, vous le savez,
05:09mais elles sont très décidées et très convaincues sur le texte.
05:14On voulait que ce soit au mois de février
05:16pour que vous ayez aussi le temps,
05:18que tout le monde puisse prendre bien.
05:20On sait que ce n'est pas la meilleure période de janvier
05:22pour découvrir des textes
05:23puisqu'ils arrivent tout de suite après Noël.
05:25Là, il y aura un peu plus de temps que février.
05:27C'est un texte qui nous a emballés au sous-sol,
05:29qui est arrivé au courrier.
05:31Ça fait plusieurs fois comme ça qu'on a des textes
05:34après Célestin Demeuse qui nous arrivent au courrier.
05:37C'est assez joyeux parce qu'on sent qu'on prend notre catalogue
05:40et que des écrivains ont envie de s'y inscrire.
05:43Celui-ci est totalement atypique
05:46et revendique une forme d'hybridation des formes littéraires
05:53qui nous a plu au-delà de l'histoire qu'il raconte.
05:56En quelques mots, le texte qu'on a reçu est un roman,
06:00mais qui a été pensé, écrit dans la perspective d'une thèse,
06:04la thèse que va soutenir en décembre Adèle Lyon,
06:08une thèse à l'EHUSS qui s'intéresse,
06:13s'interroge d'abord sur un secret familial intime
06:18qui est celui de la famille d'Adèle Lyon,
06:20d'une arrière-grand-mère qui s'appelait Élisabeth,
06:24qu'on appelait dans la famille Betsy,
06:26et dont on comprend et dont elle a compris
06:29que le drame avait été d'avoir été considéré comme folle,
06:34aliénée et à l'époque lobotomisée,
06:37comme ça pouvait se pratiquer, pratique barbare,
06:40et vous vous doutez à quel point cette pratique,
06:44et en regard de l'époque, était extrêmement genrée,
06:47avait un biais extrêmement genré,
06:48voire à 90 % appliqué sur les femmes,
06:52dans un but qui était celui, elle le dit dans le livre,
06:56d'immobiliser ces femmes qui ne savent pas tenir en place.
06:59C'est vraiment cette idée de la société
07:02qui a trouvé le moyen, d'une certaine manière,
07:04on a presque une perspective à la Foucault,
07:07d'histoire de l'enfermement que va raconter Adèle Lyon.
07:10Mais ce qui est assez génial dans ce livre-là,
07:12c'est qu'elle hybride toutes les formes,
07:13à la fois la recherche personnelle,
07:16elle s'inquiète pour son propre cas,
07:19puisque dans la famille a été intégrée cette idée
07:22que les femmes, autour de 20 ans,
07:24ont commencé à les prévenir de cette histoire,
07:26d'une certaine manière, pour leur dire
07:28qu'il ne fallait pas aller dans l'excès,
07:30il ne fallait pas boire,
07:32comme si on leur mettait d'emblée un carcan pour leur dire
07:36attention, il y a cette arrière-grand-mère,
07:38il y a un terreau.
07:39Un peu comme ça, comme une histoire d'enfermement
07:42dans sa propre famille.
07:44Et ce que va faire Adèle Lyon,
07:45c'est d'enquêter sur cette histoire,
07:48à travers des récits, des interviews
07:52qu'elle fait de chacun des membres de la famille,
07:54mais aussi d'une histoire, de la pratique.
07:57Vous verrez, c'est un livre totalement atypique,
07:59puisque vous avez presque un road trip,
08:02elle se trimballe dans sa voiture
08:04les archives autour de l'histoire,
08:06elle passe d'un aïeul à un autre,
08:09elle retranscrit les passages,
08:11et puis au milieu du livre,
08:12vous avez 50 pages qui sont un pur essai,
08:14avec des notes, qui est un essai
08:17sur l'histoire de la lobotomie,
08:19de cette pratique, et vous verrez,
08:21à la limite, quand il le raconte,
08:23on voit presque une histoire
08:24qui ressemble à ces charlatans
08:26qui se baladent aux États-Unis,
08:27dans les westerns,
08:29avec leurs carrioles et leurs élixirs.
08:31C'est presque ça, le début de la pratique.
08:33Et puis, peu à peu,
08:35ce que va faire Adèle,
08:37c'est de montrer, à travers des archives,
08:39y compris les lettres entre l'arrière-grand-père
08:41et l'arrière-grand-mère,
08:43la personnalité éminemment toxique
08:44de l'arrière-grand-père,
08:45qui peu à peu, amène sa femme,
08:50peu à peu, à sombrer,
08:51et lui-même va prendre ses décisions,
08:53en dépit de la volonté de sa femme,
08:58de cette lobotomie,
09:00qui est évidemment définitive,
09:01et va l'empêcher,
09:02et créer l'être qu'elle est devenue.
09:05Ensuite, être qui est,
09:07comme le dit le père d'Adèle,
09:09d'une manière un peu terrifiante et étonnante,
09:13il dit, Betsy, donc Elisabeth,
09:16c'était un non-sujet.
09:19Mais il le répète, c'était un non-sujet.
09:21Non-sujet dans la famille,
09:22mais bon, ça dit ce que ça dit.
09:24Et le livre est très fort,
09:25puisqu'il se termine sur une tentative de roman,
09:28quelques dizaines de pages.
09:30Maintenant qu'elle a tout collecté,
09:32on lui redonne sa mémoire,
09:33on lui redonne son roman,
09:34et c'est pour ça aussi le titre,
09:36qui revient dans une des lettres,
09:37« Mon vrai nom est Elisabeth,
09:38c'est plus Betsy, ce non-sujet. »
09:40C'est ce sujet qui apparaît à la fin.
09:42C'est un très, très beau livre,
09:43et on voulait, en février,
09:44pour que vous ayez tous le temps de vous en parler,
09:46parce qu'on sait que c'est typiquement
09:48ce genre de livre qui passe par vous.
09:50Merci.