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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 - Et place à Emmanuel Ducrox, bonjour Emmanuel ! - Bonjour Dimitri, bonjour à tous les auditeurs d'Europe.
00:05 - On va parler de la Commission européenne ce matin, Emmanuel. Elle a recommandé hier d'ouvrir les négociations d'adhésion à l'Union européenne
00:11 pour la Moldavie et pour l'Ukraine. Alors ces deux pays, leur entrée au sein de l'UE
00:16 bouleverserait la donne agricole et alimentaire, ce sont vos spécialités Emmanuel, pour les membres historiques.
00:22 Ça suscite beaucoup de crainte à l'arrivée de ces, surtout de ce géant vert ukrainien.
00:27 - L'Union européenne c'est une grande puissance agricole qui s'est lentement construite depuis les années 60 avec la politique agricole commune
00:33 et l'Union est devenue le troisième acteur mondial pour la valeur de sa production.
00:37 L'Ukraine à elle seule, c'est déjà un géant vert.
00:40 Avant la guerre, elle était le premier acteur mondial de l'huile de tournesol,
00:44 le deuxième pour le colza, le quatrième pour le maïs et l'orge et le cinquième pour le blé. C'est tout simplement colossal, elle exporte
00:51 70% de sa production. Si on cumule la puissance ukrainienne à celle de l'Union européenne,
00:57 l'ensemble se classe au premier rang mondial agricole. C'est un élément de puissance géopolitique
01:02 cruciale pour le prochain siècle. - Mais ça ce serait plutôt une bonne nouvelle. Pourquoi l'arrivée de l'Ukraine, arrivée possible dans l'UE,
01:08 suscite-t-elle donc autant de crainte ?
01:10 - Parce que si le processus se poursuit, ce qui bien sûr va prendre beaucoup de temps, il faudra reconstruire et moderniser
01:15 l'agriculture ukrainienne qui a été bien ébranlée par la guerre. Il y a de très gros investissements à faire pour améliorer les rendements,
01:22 les équipements mécaniques, la sécurité sanitaire et la production agricole de l'Ukraine va
01:27 augmenter encore. Tout ça au moment où le reste de l'Europe va appliquer la stratégie verte agricole qu'on appelle
01:33 "Farm to Fork" et qui inclut de fortes contraintes
01:36 environnementales. Dans l'ancienne Europe, la production de nourriture va baisser peut-être de 20% et ce qui se profile donc, c'est une Europe agricole à deux vitesses
01:44 avec des acteurs historiques au ralenti pendant que l'Ukraine, elle,
01:48 exploserait les compteurs de production. Le centre de gravité agricole va se déplacer
01:54 radicalement vers l'Est. - Alors cette baisse de 20% je le précise, c'est le plan, c'est le plan de l'Union Européenne.
01:58 - C'est le plan de l'Union Européenne, oui. - Alors la crainte, c'est une arrivée massive de productions
02:03 ukrainiennes sur nos étals et ça c'est pas bon pour nos producteurs.
02:05 - Alors c'est déjà un peu le cas, il y a des accords commerciaux avec l'Ukraine et les droits de douane ont été en partie supprimés pour
02:11 soutenir l'économie en guerre. Les agriculteurs de la vieille Europe agricole redoutent de fortes
02:17 distorsions de concurrence intra-européenne.
02:19 D'une part parce que les règles en Ukraine seraient moins disantes dans un premier temps, puis d'autre part parce que les salaires sont beaucoup plus bas.
02:25 Des filières entières pourraient être menacées. Les céréales,
02:28 la volaille, les oeufs, puis aussi la filière bio parce qu'on le sait assez peu, mais l'Ukraine c'est le deuxième
02:33 fournisseur de l'Union Européenne en produits bio. - Et puis il y a toute la question de l'argent de la PAC, de la politique agricole commune.
02:39 - Et bien oui, la politique agricole commune c'est la seule politique intégrée de l'Union Européenne. Quand il y a une nouvelle entrante, et bien il faut
02:45 partager des fonds qui restent relativement constants.
02:47 L'Ukraine c'est 44 millions d'hectares de surface agricole,
02:51 une fois et demie de plus que la France qui est la plus grande surface agricole en Europe,
02:55 trois fois plus que la Pologne, son voisin. Et comme une grande partie des aides de la PAC dépendent des surfaces, et bien l'Ukraine
03:01 deviendrait d'entrée de jeu le premier bénéficiaire de la PAC en Europe. Si on raisonne avec un fonctionnement actuel de la PAC,
03:08 l'Ukraine pourrait toucher au cours de ses sept premières années d'adhésion
03:12 96 milliards d'euros. Et pour y arriver, il faudra baisser les subventions pour les autres agricultures en Europe de 20%.
03:18 Alors on comprend bien que doper la puissance ukrainienne en affaiblissant les agricultures nationales,
03:24 et bien ça n'est pas du goût de tout le monde. - Vous avez aimé le plombier polonais, vous adorerez l'agriculteur ukrainien.
03:29 Merci beaucoup Emmanuel Ducroix, bonne journée à vous. On vous retrouve
03:32 lundi sur Europe 1. Il est 9h moins 5, pour le "Pour le Pôle Nord".