Dans son édito du 02/11/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur le thème de l'antisémitisme qui prend de l'ampleur en France ces derniers temps.
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00:00 En fait, nous sommes devant, je reprends la formule de Laurent Bertone, c'est la France
00:03 orange mécanique qui se dévoile devant nous.
00:05 D'abord, retour sur la bande du métro qui dit « nique les Juifs, nique les Juifs »,
00:08 alors le slogan est de circonstance vu les événements, on l'aura compris, mais honnêtement,
00:14 une telle bande qui se promène comme ça dans le métro, qui décide d'occuper tout
00:17 l'espace, qui décide de se comporter comme une bande agressive, presque tribale, qui
00:21 cherche à dire « c'est à nous le territoire et soumettez-vous ».
00:25 Mais c'est tout à fait banal, un événement comme ceux-là.
00:28 Quiconque fréquente les transports en commun de temps en temps constate que de telles bandes,
00:33 de tels voyous, de tels individus violents qui ne sont pas fichés parmi les radicaux
00:38 politiques, c'est simplement qu'ils sont porteurs d'une vraie violence en eux et
00:42 surtout qu'ils veulent l'imposer en forme de souveraineté primitive.
00:45 Nous avons la force de frapper et vous, vous soumettez.
00:48 Je hurle dans le métro et vous ne me demandez pas de me taire.
00:51 Je me comporte comme une brute et vous détournez le regard plutôt que de me confronter.
00:55 De tels événements, c'est la norme au quotidien.
00:58 Donc, nos sociétés hyper-civilisées ne savent plus comment réagir devant ces petites
01:03 bandes qui se multiplient et ça, pas seulement en France, mais dans toutes les métropoles
01:07 occidentales qui deviennent de ce point de vue, mais en France en particulier quand même,
01:10 mais Bruxelles aussi, Londres, des sociétés où le petit barbare devient le cahit de la
01:16 rue qui impose sa règle aux uns aux autres.
01:18 On voyage à Marseille un instant, qu'est-ce qu'on voit?
01:21 On vient de voir les images.
01:22 Alors, il y a des quartiers tout simplement où si on brandit tel drapeau national ou
01:26 tel autre, eh bien, on devient la cible possible d'une rixe, d'une émeute, d'une volonté
01:31 de lynchage et ça, c'est quand même significatif.
01:34 Donc, il y a des territoires, on en parle souvent ici, là, on a les exemples, les images.
01:38 Il y a des territoires qui ne vivent plus en France.
01:40 Certes, ils sont juridiquement en France, mais ils sont culturellement autres.
01:43 Une autre souveraineté s'y impose, de nouveaux interdits moraux s'y imposent et qu'est-ce
01:47 qu'on voit à travers tout cela?
01:48 Je reprends la formule, la France orange mécanique, c'est une société où la violence, c'est
01:54 tout à fait banalisé.
01:55 La violence est banalisé, ces événements rajoutent au climat d'insécurité dont
01:59 nous parlons régulièrement ici.
02:01 Ils le radicalisent, sans le moindre doute.
02:02 On sent que quelque chose de terrible pourrait se passer.
02:05 Je pense que tout le monde le sent en ce moment au fond de lui-même.
02:07 Malgré les appels, si vous permettez, au gouvernement, on est ferme, on lutte contre l'antisémitisme,
02:15 425 interpellations, malgré tout ça.
02:17 Je comprends l'idée, il y a un désir de fermeté.
02:21 Mais quand une société se disloque, vous avez beau faire tous les communiqués de fermeté
02:25 que vous voulez, ça se décompose.
02:27 J'irai plus loin, en fait, ce qui me frappe, c'est la banalisation de la violence.
02:30 Quelque chose s'est passé ces dernières années, nous avons accepté que cette violence
02:34 serait permanente.
02:35 Nous avons accepté qu'on allait évoluer dans une société où désormais il fallait
02:40 se protéger, les femmes doivent se regarder, doivent changer de tenue dans le métro.
02:43 Nous avons accepté d'évoluer dans une société où il fallait le digicode partout.
02:48 Nous avons accepté d'évoluer dans une société où les femmes prennent des cours d'autodéfense
02:51 parce qu'elles ne comptent même plus sur les hommes pour les défendre.
02:54 Nous avons accepté l'idée que le métro est un endroit dangereux.
02:57 Nous avons accepté l'idée que certains quartiers se dérobent à la loi française
03:01 et aux mœurs françaises.
03:02 Nous l'avons accepté partout.
03:03 Et tout ça, ça se voit dans les détails du quotidien.
03:05 Quand on a des individus errants, rappelez-vous, on parlait de la colline du crac il y a un
03:09 temps, là on n'en parle plus.
03:10 Est-ce que c'est parce que tout s'est amélioré?
03:11 J'en serais surpris.
03:12 Donc on accepte que les individus errants, au regard, à gare, errent dans les villes
03:17 et avec un comportement très agressif et on se dit c'est normal, c'est ainsi, on
03:21 n'y peut rien, nous n'y pouvons rien.
03:23 Donc chacun prend la responsabilité de sa défense, soit son autodéfense, soit il décide
03:29 d'aller voir ailleurs s'y lier, il décide de déménager.
03:31 Et la réponse du politique, et j'en reviens à votre question parce qu'elle est essentielle,
03:34 mais est-ce qu'il n'y a pas de plus en plus de policiers dans les rues?
03:36 Est-ce qu'il n'y a pas de plus en plus de vidéosurveillance et tout ça?
03:39 Mais de mon point de vue, chère Christine, on n'évalue pas la sécurité dans une société
03:44 au nombre de policiers dans les rues.
03:45 Moi quand on dit il y aura 10 000 ou 10 000 ou 100 000, faites le chiffre que vous voulez,
03:50 policiers de plus dans les rues, moi je trouve ça terrifiant.
03:52 Une société civilisée est une société où on n'a pas besoin de policiers partout
03:55 dans les rues.
03:56 Une société civilisée est une société où le gendarme, on le sait, il est là, mais
04:00 on n'a pas besoin d'un appareillage quasi-militaire pour être capable d'évoluer au quotidien
04:05 et de vivre au quotidien.
04:07 Une société civilisée est une société où on n'a pas besoin de vidéosurveillance,
04:11 où on s'inquiète de l'idée que l'État peut voir tout en toutes circonstances, mais
04:15 puisque nous avons renoncé à la civilisation, ce que nous cherchons à faire dans les circonstances,
04:19 pour reprendre la formule, c'est de se protéger dans un environnement devenu toxique, devenu
04:23 hostile et autrefois c'était notre pays.
04:25 [Musique]
04:29 [SILENCE]