« Plus on habite en altitude, plus on vote Jean Lassalle… »

  • l’année dernière
Géographie et climatologie des électorats, rapport entre le vote et le type de dosettes de café, effet "grands crus" sur le vote Macron dans les vignobles, etc. Louis Hausalter a lu "La France d'après" le dernier opus du sondeur Jérôme Fourquet.

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Transcript
00:00 [Générique]
00:04 Plus on habite en altitude, plus on vote Jean Lassalle.
00:07 C'est l'une des trouvailles de Jérôme Fourquet,
00:10 politologue, géographe, sondeur de l'IFOP, dans son nouveau livre
00:14 qui s'appelle "La France d'après".
00:15 Alors, Jérôme Fourquet a déjà publié deux précédents livres
00:20 sur les grandes mutations françaises de ces dernières décennies
00:25 et leur traduction en matière électorale.
00:27 Ce troisième livre, qui achève une trilogie,
00:30 s'appelle "La France d'après. Tableau politique".
00:33 En tenant compte notamment des résultats de l'élection présidentielle de 2022,
00:38 il analyse très finement, avec des études de cas très intéressantes,
00:44 les métamorphoses de la France, de sa population, de ses modes de vie
00:49 et ce qu'il en résulte en matière de bouleversement des clivages politiques,
00:54 puisque le bouleversement est aussi politique avec la fin des partis traditionnels droite-gauche
01:00 et l'émergence du clivage entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
01:04 Alors, Jérôme Fourquet, c'est un spécialiste pour trouver des explications,
01:09 des déterminants électoraux un peu dans tout, jusqu'à la vie quotidienne
01:13 et par exemple, la façon de consommer du café.
01:16 Oui, selon qu'on le consomme en capsule ou en dosette,
01:20 eh bien, ça dit quelque chose de votre vote.
01:23 Regardez comment il explique.
01:24 Dans les CSP+, les milieux les plus aisés, ils seront plus sur de la capsule,
01:28 alors que dans les catégories populaires, on sera plus sur la dosette.
01:31 Mais quelque part, c'est un effet de rattrapage,
01:33 c'est-à-dire qu'on veut essayer d'attraper ce nouveau standard de consommation
01:36 et ce qu'on montre, c'est qu'électoralement,
01:38 par exemple, dans l'électorat de Marine Le Pen, on est beaucoup plus dosette que capsule.
01:43 Et donc, là aussi, on voit le rôle de cette société de consommation
01:46 dans la définition des identités.
01:48 Alors, des trouvailles comme celle-là, il y en a plein dans le livre de Jérôme Fourquet.
01:52 J'en ai relevé quelques-unes pour vous.
01:53 Par exemple, le vote pour Jean Lassalle.
01:57 Vous savez, ce candidat berger qui nous venait des Pyrénées
02:01 et qui s'est présenté en 2017 et en 2022.
02:03 Eh bien, plus la commune est en altitude, plus ses habitants votent pour Jean Lassalle.
02:10 Plus on monte en montagne, plus on vote pour le candidat montagnard, en réalité,
02:13 puisque Jean Lassalle était maire d'une petite commune des Pyrénées.
02:19 Et bien sûr, on a plus voté pour Jean Lassalle dans le Sud-Ouest,
02:23 c'est-à-dire proche de son FIEF, qu'ailleurs en France.
02:26 Tout autre chose, maintenant, Jérôme Fourquet a examiné
02:29 le comportement électoral des gens en fonction de leur métier.
02:34 Plus précisément en fonction de s'ils exercent un métier pénible ou non.
02:38 Premier tour de l'élection présidentielle de 2022,
02:41 les personnes exerçant un métier très pénible ont voté à 37% pour Marine Le Pen.
02:46 À l'inverse, celles qui exercent un métier pas du tout pénible
02:49 ont voté à 32% pour Emmanuel Macron.
02:51 On trouve évidemment un écho à ces chiffres dans le débat de ces derniers mois
02:55 sur la réforme des retraites et la virulente opposition de toute une partie de la population.
03:01 Le vote Macron, il s'ancre aussi dans des territoires qui sont très favorisés.
03:06 En fait, il y a un vote de classe que décrit Fourquet dans le clivage Macron-Le Pen.
03:11 Et il prend l'exemple des vignobles, plus particulièrement du vignoble bourguignon.
03:15 Il a regardé la carte du vote en Côte d'Or
03:18 et on s'aperçoit très nettement en regardant cette carte
03:21 que plus on est au cœur des vignobles prestigieux du Bourgogne,
03:25 et bien plus le vote Macron est répandu,
03:29 car ce sont des territoires favorisés.
03:30 Il bénéficie en quelque sorte de ce que Fourquet appelle un effet grand cru,
03:35 une sorte de ruissellement économique
03:37 qui vient de la prospérité de ces territoires liés au prestige de ces vins.
03:41 Et plus on s'éloigne de ces côtes de Bourgogne qui produisent de très bons vins,
03:46 plus le vote Macron s'estompe et plus on vote Rassemblement national.
03:51 Interromps-nous aussi à la gauche, ce qui se passe à gauche.
03:53 Alors, Jérôme Fourquet s'est penché sur le cas de la Seine-Saint-Denis.
03:56 Il décrit en fait une dislocation de la banlieue rouge.
03:59 La banlieue rouge, c'était ces municipalités
04:01 qui étaient tenues d'une main de fer par le Parti communiste.
04:04 Et bien, cette époque est bel et bien finie.
04:07 Jérôme Fourquet décrit surtout une concurrence des imaginaires
04:10 entre le communisme finissant et le dynamisme de l'islam en Seine-Saint-Denis.
04:16 Il a pour cela comparé le nombre de permanences locales du Parti communiste
04:21 et le nombre de mosquées en Seine-Saint-Denis.
04:23 Et il constate qu'avec 27 permanences communistes contre 82 mosquées,
04:28 le Parti communiste est désormais nettement surclassé par l'islam
04:31 du point de vue de la capacité à imposer l'hégémonie culturelle
04:35 dans le cœur de l'ancienne banlieue rouge.
04:38 Enfin, Jérôme Fourquet, pour prendre un dernier exemple,
04:41 a étudié le vote Zemmour, la géographie très particulière du vote Zemmour,
04:46 qui ne regroupe pas du tout la carte des votes de droite traditionnelle
04:49 ni la carte du Rassemblement national.
04:51 Non, le vote Zemmour s'est ancré dans des îlots qui sont habités
04:55 en grande partie par ce que Zemmour a appelé la bourgeoisie patriote,
04:59 c'est cette droite conservatrice.
05:01 Alors, il y a eu de Zemmour, ce sont des scores élevés
05:03 dans le 16e arrondissement de Paris,
05:05 dans le 7e arrondissement également, des beaux quartiers de Paris,
05:08 mais également à Versailles, à Neuilly.
05:11 Plus amusant, Jérôme Fourquet s'est amusé à comparer
05:14 le score d'Éric Zemmour et le nombre d'abonnés à Valeurs Actuelles,
05:18 magazine qu'il a beaucoup soutenu,
05:21 dans les Yvelines, ce département contrasté de l'ouest francilien
05:26 où il y a des communes qui sont très habitées par cette bourgeoisie patriote
05:31 très sensible aux thématiques identitaires développées par Éric Zemmour.
05:34 Et donc, on s'aperçoit que, assez logiquement,
05:37 plus on compte d'abonnés à Valeurs Actuelles dans une commune des Yvelines,
05:41 plus le vote Zemmour a été élevé.
05:44 Voilà, ces trouvailles et bien d'autres,
05:47 elles sont dans ce nouveau livre de Jérôme Fourquet,
05:49 « La France d'après », aux éditions du Seuil,
05:52 dont je vous recommande la lecture
05:53 pour un éclairage socio-électoral des comportements de ces dernières années.
05:58 [SILENCE]

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